Image de la semaine | 07/02/2011
Plis et décrochements dans une zone de convergence (chaîne de subduction) : exemple de la chaîne du Makran, Iran du Sud-Est / Pakistan du Sud-Ouest
07/02/2011
Résumé
Convergence : plis et décrochements dans le Makran.
Ces photos ont été prises en direction du Nord, avec un téléobjectif de 200 mm.
La photo du haut montre des décrochements conjugués dextres et sénestres affectant une série sédimentaire faite de couches quasi verticales. Coordonnées du centre de la photo : 27°06'31,2''N, 63° 23' 49''E (coordonnées retrouvées avec Google Earth). Cette photo fait partie de la série des figures 7 à 12 ; elle a été prise (chronologiquement) entre les photos 8 et 9.
La photo du bas montre un pli, quelque part à l'Ouest de la frontière irano-pakistanaise, chaîne du Makran, Iran du Sud-Est. Cette photo correspond à un détail de la photo 6. Coordonnées du centre de la photo : 27° 06' 29,3''N, 62° 31' 45,6''E.
Les déformations dans les chaînes de subduction (comme la Cordillère des Andes) sont polyphasées et très complexes. En effet, bien que ces chaînes de subduction soient dues à une convergence lithosphérique, l'angle de plongement de la subduction, la direction et la vitesse de la convergence… peuvent varier au cours des millions d'années. Cela peut entraîner des variations du régime de contraintes, avec création de très nombreux types de structures tectoniques allant des plis et failles inverses aux failles normales et aux décrochements. De plus, les structures tectoniques les plus faciles à visualiser (car affectant des séries sédimentaires stratifiées) sont souvent masquées par des séries volcaniques ou intrudées par des plutons granodioritiques. Enfin, à l'exception notable des déserts côtiers du Pérou et du Nord-Chili, la végétation est souvent abondante sur ces chaînes de subduction (péri-Pacifique). Que ce soit avec de la géologie de terrain, ou grâce à des images aériennes ou satellitales, la tectonique des chaînes de subduction est souvent difficile à appréhender, et a fortiori à faire découvrir à des élèves.
La chaîne du Makran est une chaîne de subduction fort méconnue, peut-être car elle est située dans des régions politiquement peu accessibles, les zones frontières entre l'Iran du Sud-Est et le Pakistan du Sud-Ouest. Elle est associée à la subduction de l'océan Indien sous les plateaux irano-pakistanais, qui font partie de la plaque eurasiatique. Il s'agit d'une subduction qui plonge avec un angle faible ; les séismes sont localisés sur un plan (faiblement) incliné jusque vers 150-200 km de profondeur. Un volcanisme actif (mais modéré) se trouve dans cette chaîne de montagne. La fosse bordant cette subduction est très peu marquée, car elle est comblée par les apports sédimentaires venant de l'Indus.
Cette chaîne de montagnes comporte pourtant plusieurs énormes avantages « pédagogiques » : les séries sédimentaires sont bien stratifiées et peu recouvertes de formations volcaniques, les structures tectoniques y sont (relativement) simples, le climat désertique rend les structures tectoniques bien visibles, et la couverture d'images de haute résolution de Google Earth est remarquable. Il suffit, grâce à Google Earth, de se « promener » dans cette chaîne du Makran pour parcourir un véritable musée des plis et des failles décrochantes. Nous allons faire une telle visite, non pas en utilisant Google Earth, mais en prenant un vol régulier de Barheïn (émirat du Golfe Persique) à Delhi (capitale de l'Inde). Les figures 4 à 15 sont des photos prises à travers un hublot situé sur le côté Nord de l'avion. L'Ouest sera à gauche, l'Est à droite. L'échelle et les coordonnées ont été déterminées ultérieurement grâce à Google Earth et devraient vous permettre de retrouver tous les sites. À défaut de prendre l'avion pour l'Inde, nous vous invitons à vous « promener » au-dessus du Makran et à chercher des structures en dehors du trajet indiqué. La « bonne altitude Google Earth » pour avoir des vues ressemblant aux photos aériennes ci-après est d'une dizaine de kilomètres.
Le contexte géologique du Makran (en jaune) est assez voisin de celui de l'Himalaya (en rouge) ou du Zagros (en vert). Ces trois chaînes résultent de la convergence entre la plaque eurasiatique au Nord et les plaques australienne ou arabique au Sud. Les lignes en pointillés rouges indiquent l'Himalaya ; la punaise rouge indique la localisation de la vallée de Sarchu, "visitée" la semaine dernière. Les lignes en pointillés jaunes indiquent la chaîne du Makran ; la punaise jaune localise les décrochements des figures 1 et 7 à 12. Les lignes en pointillés verts indiquent la chaîne du Zagros, chaîne résultant de la collision Iran / Arabie (et très belle à survoler avec Google Earth). Les triangles violets indiquent les deux volcans actifs du Makran. Les flèches indiquent la direction de la convergence par rapport à l'Eurasie supposée fixe : les flèches rouges et vertes représentent la convergence entre 2 lithosphères continentales (indienne et arabique). La flèche jaune représente la convergence entre la lithosphère océanique de l'océan Indien et la lithosphère continentale de l'Eurasie. Le trait noir pointillé indique le trajet (approximatif) du vol Bahreïn / Delhi à l'aplomb duquel toutes les photos ont été prises.
Source - © 2010 NSF - USGS, modifié
Figure 3. Carte de la sismicité du Sud-Est de la plaque eurasiatique entre 1999 et 2008
La profondeur des foyers des séismes est indiquée par la règle colorée en bas à gauche. La chaîne du Makran correspond à une subduction très plate (subduction de l'océan Indien sous les chaînes irano-pakistanaise), avec des séismes jusqu'à 150 km de profondeur.
Ce synclinal mesure environ 4 km de large. Coordonnées du centre de la photo : 27° 05' 05'' N, 61° 41' 53'' E. | Le cadre mesure environ 10 km d'Ouest en Est. Coordonnées du centre de la photo : 27° 11' 05''N, 62° 01' 49''E. |
La vue mesure environ 20 km d'Ouest en Est. Coordonnées du centre de la photo : 27° 06' 29''N, 62° 31' 45''E. |
Pour localiser les décrochements, suivre vers la gauche la couche sombre indiquée par une petite flèche noire à droite de l'image. Cette couche, quasi verticale, mesure environ 400 m d'épaisseur. Même de loin, plusieurs décrochements sont visibles. Les photos 8 à 12, ci-après, correspondent à des images de ces décrochements prises dans les minutes (et les kilomètres) qui suivent celle-ci. La photo couvre une distance de 22 km de gauche à droite, quelque part dans le Makran central, près de la frontière irano-pakistanaise. La flèche noire a pour coordonnées 27° 07' 22''N, 63° 26' 34''E. | Figure 8. Plis et décrochements, quelque part à l'Ouest de la frontière irano-pakistanaise, chaîne du Makran Même secteur que la figure précédente, vue au grand angle d'un peu plus à l'Est, quelque part dans le Makran central, près de la frontière irano-pakistanaise. |
Figure 9. Plis et décrochements, quelque dans le Makran central, près de la frontière irano-pakistanaise Même secteur que les figures 7 et 8, vu au 100 mm d'un peu plus à l'Est. Les décrochements conjugués (affectant des couches quasi-verticales) commencent à être particulièrement visibles. La couche sombre particulièrement affectée par les décrochements mesure environ 400 m d'épaisseur (estimation grâce à Google Earth). | D'Ouest en Est (gauche à droite), au moins 7 décrochements majeurs sont identifiables. La couche sombre particulièrement affectée par les décrochements mesure environ 400 m d'épaisseur (estimation grâce à Google Earth). L'ampleur des décrochements est de plusieurs centaines de mètres. |
Zoom sur la partie centrale de la figure précédente. La couche sombre particulièrement affectée par les décrochements mesure environ 400 m d'épaisseur (estimation grâce à Google Earth). L'ampleur des décrochement est de plusieurs centaines de mètres. | Photo prise quelques secondes après la figure 11. D'Ouest en Est (de gauche à droite), au moins 7 décrochements majeurs sont identifiables. La couche sombre particulièrement affectée par les décrochements mesure environ 400 m d'épaisseur (estimation grâce à Google Earth). L'ampleur des décrochement est de plusieurs centaines de mètres. |
Ce synclinal mesure environ 2 km de large. Coordonnées du centre du synclinal : 27° 07' 47''N, 63° 38' 57''E. | |
Ce synclinal mesure environ 5 km de large. Coordonnées du centre du synclinal : 27° 13' 12''N, 63° 53' 41,5''E. | Ce synclinal mesure environ 5 km de large. Coordonnées du centre du synclinal : 27° 13' 12''N, 63° 53' 41,5''E. |
Avec Google Earth, on peut retrouver ces plis ou décrochements, les voir « de plus près » ou sous d'autres angles.
En zoomant sur les couches, en particulier quand elles sont recoupées par des vallées, on peut déterminer leur pendage (voir figure 4, 5 et 6 dans "Google Earth, un outil formidable pour les SVT") | |
Les décrochements sont rectilignes (donc non plissés), mais, par contre, ils recoupent les couches redressées à la verticale par le plissement. Les décrochements sont donc postérieurs aux plis. | Les relations géométriques entre les directions de l'axe du pli, des failles dextres et sénestres, et du raccourcissement deviennent alors particulièrement visibles. Dans ce cas simple, les axes de plis sont perpendiculaires à la direction de raccourcissement ; les décrochements font un angle de 30 à 45° de part et d'autre de la direction de raccourcissement. Les décrochements sont rectilignes (donc non plissés), mais, par contre, ils recoupent les couches redressées à la verticale par le plissement. Les décrochements sont donc postérieurs aux plis. |
Pourquoi dans une même chaîne de montagnes due à une convergence a-t-on parfois des plis, parfois des décrochements conjugués, avec, dans ce cas précis, des décrochements postérieurs aux plis ? Des décrochements conjugués de direction NO-SE et NE-SO sont dus à un raccourcissement N-S, comme pout les plis d'axe E-O.
Dans le cas de plis d'axe E-O, une élongation verticale (la montée du sommet des plis) accompagne le raccourcissement N-S, sans qu'il y ait mouvement dans la direction E-O. Dans le cas de décrochements conjugués NO-SE et NE-SO, une élongation E-O accompagne le raccourcissement N-S, sans qu'il y ait de mouvement vertical.
Dans le cas de plis et failles inverses, le champ de contraintes régional possède une contrainte maximale σ1 horizontale (N-S dans ce cas), une contrainte intermédiaire σ2 elle aussi horizontale (E-O dans ce cas) et une contrainte minimale σ3 verticale. Dans le cas de décrochements, il « suffit », sans changer σ1 (horizontal et N-S dans ce cas), d'intervertir σ2 et σ3 ; σ3 devenant horizontale (et E-O dans ce cas) et σ2 devenant verticale. Dans ces deux cas, on a σN-S > σE-O, ce qui est logique dans un régime de convergence N-S.
Le champ de contraintes régional ayant engendré ces structures est schématisé en haut.
Ce champ de contraintes est dû à la convergence N-S entre la plaque eurasiatique et les plaques situées plus au Sud (partie océanique de la plaque arabique dans le cas du Makran).
Dans les deux cas, la contrainte N-S (σ1) est supérieure à la contrainte E-O (σ2 ou σ3). Dans le cas du Makran, les décrochements semblant postérieurs aux plis, le champs de contraintes « de droite » aurait suivit celui « de gauche », par interversion des contraintes σ2 et σ3. On peut proposer plusieurs hypothèses pour expliquer cette interversion. On peut supposer par exemple que la contrainte E-O ne change pas, mais que la contrainte verticale augmente à cause de l'acquisition d'une topographie et d'une racine crustale et parvient à dépasser σE-O.
Cette association entre, d'une part, des plis - failles inverses et, d'autre part, décrochements, avec des décrochements plutôt tardifs par rapport aux plis et failles inverses, n'existe pas que dans le Makran, mais est assez fréquente dans de nombreuses chaînes de montagnes, en particulier dans les zones externes des Alpes et dans le Jura (cf. figures 10 à 15 dans "faille du Vuache, Sillingy").