Article | 25/02/2009
Quasi-tectonique des plaques sur Encelade, volcans actifs et pluies de méthane sur Titan...
25/02/2009
Résumé
Les résultats de la mission Cassini-Huygens entre avril 2008 et février 2009 : Encelade, Titan, Téthys, Saturne et ses anneaux.
Table des matières
Nous n'avons pas fait le point sur ce qu'a trouvé Cassini autour de Saturne depuis avril 2008.
Il est temps de résumer les nouvelles données obtenues, les nouveaux résultats tirés de données anciennes et les nouvelles questions posées par ces données. Cassini continue d'orbiter autour de Saturne et fonctionne encore très bien. Tout en continuant à étudier Saturne et ses anneaux, Cassini a étudié « de près » Titan et Encelade, ainsi que Téthys mais à moyenne distance. Les résultats publiés depuis avril 2008 sont « époustouflants ».
Encelade
Encelade est le plus étonnant des satellites de Saturne. Il est « tout petit » avec un rayon de 252 km. Malgré cela, Encelade a une activité « délirante ». Un faible pourcentage de sa surface (principalement situé dans l'hémisphère Nord) est constitué de terrains cratérisés, donc « anciens ». La majorité des terrains, appelés « terrains fracturés », ne contient que de rares cratères d'impact ; ce sont donc des terrains « jeunes ». Près du pôle Sud, une zone circulaire centrée sur le pôle et s'étendant approximativement à l'intérieur du parallèle –60° lat. Sud est occupée par des terrains sans aucun cratère d'impact (donc extrêmement jeunes) : c'est la zone des « rayures de tigre ». Ces rayures de tigres correspondent à des fractures (nommées sulcus) par où s'échappent des jets de vapeurs d'eau riche en matière organique. Cette zone des rayures de tigre est ceinturée d'une chaîne de montagnes dites « circumpolaires ».
Source - © 2008 NASA/JPL/Space Science Institute
Source - © 2008 NASA/JPL/Space Science Institute
Cette région du pôle Sud, ses rayures de tigre et les montagnes circumpolaires ont été le but principal des trois survols rapprochés des 11 août, 9 et 31 octobre 2008. Une mosaïque de toutes les images couvrant la région du pôle Sud a été publiée par la NASA. De plus, des images à très haute résolution des rayures de tigre et des terrains s'étendant entre elles ont été obtenues.
Source - © 2008 NASA/JPL/Space Science Institute | Source - © 2008 NASA/JPL/Space Science Institute |
Source - © 2008 NASA/JPL/Space Science Institute | Source - © 2008 NASA/JPL/Space Science Institute |
En étudiant en détail les 4 principales rayures de tigre (ainsi que d'autres moins importantes), les géologues de la NASA se sont permis des comparaisons entre ces rayures de tigre et des dorsales océaniques avec rift.
Il ont ainsi interprété certaines structures comme des failles transformantes, d'autres comme des OSC (Overlapping –ou Offset- Spreading Center), deux structures classiques segmentant les dorsales (bien que les OSC ne soient pas au programme des lycées).
Source - © 2008 NASA/JPL/Space Science Institute | Source - © 2008 NASA/JPL/Space Science Institute |
Interprétant donc les rayures de tigre comme des zones d'accrétion de lithosphère (de glace), les géologues de la NASA ont même « osé » faire des reconstitutions. Ils ont « enlevé » 73 km accrétés de part et d'autre de rayures, et ont reconstitué la région avant l'accrétion de ces 73 km.
Source - © 2008 NASA/JPL/Space Science Institute
La chaîne de montagnes circumpolaires correspondrait, elle, à une zone plissée. Le raccourcissement s'y étant produit correspondant à l'accrétion au niveau des rayures de tigre (ou vice-versa). La NASA n'a pas pensé (ou pas osé) faire une comparaison « morphologique » entre cette chaîne circumpolaire d'Encelade et des chaînes de convergence terrestres. Voici un telle comparaison, à qui il ne faut pas faire dire plus qu'une ressemblance morphologique.
Source - © 2008 NASA/JPL/Space Science Institute | Source - © 2008 ESA |
Il ne « reste plus qu'à » comprendre les modalités de cette activité tectono-magmatique, les causes de cette activité géologique extraordinaire, la source d'énergie la permettant... Une synthèse/discussion des différentes hypothèses est proposée dans le n° 316 (février 2009) de la revue « Pour La Science ».
Il y a une relative unanimité pour rechercher la source d'énergie dans les déformations dues aux marées. De nombreux modèles font intervenir la résonance 2/1 avec Dione et des variations périodiques de l'ellipticité de l'orbite d'Encelade. Par contre, de très nombreuses variantes proposent diverses modalités dans les frictions internes provoquées par ces marées d'amplitude variable. La majorité de ces variantes localise les déformations dans des niveaux particuliers très déformables (fractures, ou niveau(x) de glace ductile), et implique la présence locale d'une couche d'eau liquide. Cette couche d'eau liquide serait localisée sous le pôle Sud, là où l'épaisseur de la glace ductile serait la plus forte. Dans cette épaisse zone de glace ductile, une convection engendrerait l'extension (au centre) et la compression (en périphérie). De l'eau liquide profiterait de fractures pour atteindre la surface.
Encelade serait donc le seul corps du système solaire à avoir une tectonique qui n'est pas sans rappeler par certains côtés la tectonique des plaques terrestre.
Titan
Trois principaux résultats concernant Titan ont été publiés depuis avril 2008.
Dans le dernier article que nous avons écrit, nous proposions une synthèse des différents modèles de structure interne et d'activité de Titan. Cette synthèse proposait une tectonique, un volcanisme actuel, et de la pluie au niveau des pôles. Il s'agissait de prédictions, car aucune manifestation de tectonique, de volcanisme actif ou de pluies actuelles n'avait été formellement trouvées. C'est désormais choses faites !
Le premier résultat concerne la tectonique. Si on connaissait des montagnes et autres reliefs sur Titan, on n'avait pas de manifestation évidente de déformations, du genre plis ou failles. C'est désormais chose faite grâce au survol du 12 mai 2008 qui a découvert ce qui ressemble beaucoup à des failles, à des blocs basculés pour être plus précis.
Source - © 2008 NASA/JPL
On avait toutes les raisons de penser que le volcanisme était actif sur Titan, mais pas la moindre manifestation d'activité actuelle n'avaient été mise en évidence. Les interprétations d'anciennes données infra-rouge obtenues en 2005 et 2006 montrent que deux vastes régions ont « changé » d'aspect pendant ces deux années. Ces deux régions sont toutes deux situées sur des « continents ». Par contre, aucun « point de sortie » ne peut être identifié, ni avec les images infra-rouge (mauvaise résolution IR), ni avec les images radar (haute résolution).
Source - © 2008 NASA/JPL/University of Arizona | |
Source - © 2008 NASA/JPL/University of Arizona | Source - © 2008 NASA/JPL |
L'abondance des lits de rivières asséchés laissait supposer que parfois, il pleuvait (du méthane). Mais étaient-ce des pluies anciennes ou récentes ? On connaissait de nombreux lacs (de méthane) dans la région du pôle Nord (plongée dans la nuit polaire en cette fin d'hiver boréal), et quelques rares lacs près du pôle Sud où c'est actuellement la fin de l'été. En comparant des images infra-rouge 2004 et 2005, Cassini a découvert de nouveaux petits lacs près du pole Sud, lacs absents en 2004 et présent en 2005. Si des lacs sont apparus dans cette région souvent recouverte de nuages entre juillet 2004 et juin 2005, c'est très vraisemblablement parce qu'il a plu (encore qu'il ne faille pas exclure une remontée de la nappe phréatique).
Source - © 2008 NASA/JPL/Space Science Institute
Téthys
Nous avions laissé Téthys avec le « mystère » de ses canyons. Ces canyons ont à nouveau été photographiés à « moyenne résolution » en mai et juillet 2008. Nous vous montrons deux nouvelles images, mais cela n'éclaircit pas le mystère de leur origine.
Source - © 2008 NASA/JPL/Space Science Institute | Source - © 2008 NASA/JPL/Space Science Institute |
Saturne et ses anneaux
À chaque révolution, de près ou de loin, Cassini photographie la haute atmosphère de Saturne, ses anneaux, et ce sous tous les angles et avec toutes les longueurs d'onde possibles. Pour ne pas oublier ces aspects non directement géologiques, voici une sélection de 5 images parmi les milliers prises par Cassini depuis avril 2008.
Source - © 2008 NASA/JPL/Space Science Institute | Source - © 2008 NASA/JPL/Space Science Institute |
Source - © 2008 NASA/JPL/Space Science Institute | Source - © 2008 NASA/JPL/Space Science Institute |
Source - © 2008 NASA/JPL/Space Science Institute |