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Image de la semaine | 23/06/2014

La « pierre bleue belge » et ses fossiles du Tournaisien (Carbonifère inférieur)

16/06/2014

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Un calcaire micritique à bioclastes utilisé en ornementation, le « petit granit » ou « pierre bleue belge » du Carbonifère inférieur de Wallonie, riche en fossiles de coraux et articles (entroques) de crinoïdes.


Coraux de type tabulés dans un pavage de pierre bleue belge, pavé de la rue de Saint Cloud (Lyon)

Figure 1. Coraux de type tabulés dans un pavage de pierre bleue belge, pavé de la rue de Saint Cloud (Lyon)

Coraux tabulés du genre Michelinia. On trouve dans la pierre de nombreux débris dont des articles de crinoïdes et un autre type de coraux en bas à droite (voir ci-dessous).


Après avoir vu, la semaine dernière, des fossiles d'origine inconnue dans divers lieux publics, nous présentons cette semaine une formation fossilifère caractéristiques et bien connue que l'on peut retrouver un peu partout aussi bien en pavage de rues piétonnes qu'en pierre ornementale dans des lieux publics.

La « pierre bleue belge » aussi appelée « petit granit de ... » (Soignes, Tournais... selon le lieu d'extraction) est un calcaire micritique riche en bioclastes du Carbonifère inférieur de Belgique exploitée dans le Hainaut (Tournais, Soignes...) ou dans la vallée de l'Ourthe. Cette pierre connaît de multiples applications en intérieur comme en extérieur (cf., par exemple, fédération "pierre bleue", carrières du Hainaut), nous ne vous en montrons ici que des applications extérieures (pavage de rue et bancs publics) dans deux sites, la rue de Saint Cloud à Lyon (7ème) et les jardins du quai Branly à Paris (7ème).

De nombreux fossiles sont trouvés dans ces formations du Tournaisien (Carbonifère inférieur) de Belgique (cf. fossilraptor). Ici, pas de jolis fossiles entiers pour collectionneurs, mais des coupes, sur des surfaces planes ou polies, de coraux, de brachiopodes, de crinoïdes, de mollusques et de bioclastes divers..

Pavage de pierre bleue dans la rue de Saint Cloud, Lyon (7ème)

Figure 2. Pavage de pierre bleue dans la rue de Saint Cloud, Lyon (7ème)

La rue de Saint Cloud longe des bâtiments de l'ENS de Lyon (ici, le site Monod, délocalisation lyonnaise, en 1987, de la partie "sciences" de l'École normale supérieure de Fontenay-Saint Cloud, la délocalisation de la partie "lettres et sciences humaines" se fera 10 ans plus tard avant "réunification" en 2010 sous le vocable commun d'École normale supérieure de Lyon). Le pavage "piétonnier" de la rue de Saint Cloud, du pourtour de la place de l'école (au bout de cette rue) et de l'allée d'Italie (perpendiculaire à cette rue) est réalisé en « pierre bleue » du Tournaisien (= Dinantien inférieur) de Belgique.


Bancs de pierre bleue dans les jardins attenant au Musée du quai Branly, Paris (7ème)

Figure 3. Bancs de pierre bleue dans les jardins attenant au Musée du quai Branly, Paris (7ème)

Une tonnelle de roses blanches avec des bancs taillés dans du « petit granit » de Belgique ("granit" sans "e" = terme de carrier). Cadre agréable pour se reposer, pique-niquer... et observer de jolis fossiles du Carbonifère inférieur de Belgique.


Deux types de coraux sont visibles. Les formations massives, en grandes cellules sont des coraux tabulés du genre Michelinia, le cœur montre parfois une recristallisation du remplissage (remplissage précoce ?). D'autres coraux "solitaires" sont des tétracoralliaires du genre Sychnoelasma, en coupe perpendiculaire on a alors des formes arrondies avec des stries radiales internes, stries qui dominent les coupes obliques et longitudinales.

Coraux tabulés (Michelinia sp.) avec recristallisation des cellules (sauf quelques cellules périphériques), jardin du quai Branly (Paris)

Débris de coraux tabulés (Michelinia sp.),jardin du quai Branly (Paris)

Figure 5. Débris de coraux tabulés (Michelinia sp.),jardin du quai Branly (Paris)

Les cellules sont ici remplies de la même matière que la matrice.


Polypier solitaire de tétracoralliaire (Sychnoelasma sp.) en coupe perpendiculaire, banc taillé dans de la « pierre bleue », jardin du quai Branly (Paris)

Polypier solitaire de tétracoralliaire (Sychnoelasma sp.) en coupe oblique, rue de Saint Cloud (Lyon)

Polypier solitaire de tétracoralliaire (Sychnoelasma sp.) en coupe quasi-longitudinale, jardin du quai Branly (Paris)

On trouve aussi des fragments de coquilles de brachiopodes dans ce calcaire micritique du Carbonifère inférieur, selon des plans de coupe variés.

Fragment de brachiopode et de coraux tabulés dans un banc de « petit granit », jardin du quai Branly (Paris)

Figure 9. Fragment de brachiopode et de coraux tabulés dans un banc de « petit granit », jardin du quai Branly (Paris)

Un fragment de coraux tabulé mais aussi de nombreux autres bioclastes sont visibles..


Fragments de brachiopode dans un banc en « pierre bleue belge » du Carbonifère inférieur, jardin du quai Branly (Paris)

Figure 10. Fragments de brachiopode dans un banc en « pierre bleue belge » du Carbonifère inférieur, jardin du quai Branly (Paris)

De nombreux bioclastes sont visibles, beaucoup semblent être des articles de crinoïdes.



Les bioclastes les plus nombreux sont des articles isolés ou empilés de crinoïdes (échinodermes). Les articles isolés sont aussi appelés entroques et sont le composant principal des calcaires dits calcaires à entroques ou calcaires à encrines. Pour voir des crinoïdes "entiers" et d'autres calcaires à entroques reportez-vous, par exemple, à Scyphocrinites, crinoïdes d'Erfoud (Maroc) ou à Comatules (Crinoïdes nageurs) fossiles du Kimméridgien, carrière de Cerin (Ain).

Pavé de « pierre bleue belge » riche en articles de crinoïdes isolés ou empilés, rue de Saint cloud (Lyon)

Figure 12. Pavé de « pierre bleue belge » riche en articles de crinoïdes isolés ou empilés, rue de Saint cloud (Lyon)

Pavé de « pierre bleue belge », calcaire micritique à bioclastes du Carbonifère inférieur de Belgique.


Articles de crinoïdes et tétracoralliaire dans un pavé de « petit granit », rue de Saint Cloud (Lyon)

Figure 13. Articles de crinoïdes et tétracoralliaire dans un pavé de « petit granit », rue de Saint Cloud (Lyon)

Pavé de « petit granit », calcaire micritique à bioclastes du Carbonifère inférieur de Belgique.



Un passage rapide dans la rue de Saint Cloud (Lyon) a permis aussi d'y trouver un bel exemplaire de mollusque enroulé à spires non jointives.

Mollusque du Carbonifère inférieur de Belgique dans un pavé de la rue de Saint Cloud (Lyon)

Figure 15. Mollusque du Carbonifère inférieur de Belgique dans un pavé de la rue de Saint Cloud (Lyon)

On note la nette différence entre le remplissage interne (peu de bioclastes) et la matrice riche en fragments variés.


Pavé de « pierre bleue belge » à bioclastes, rue de Saint Cloud (Lyon)

Figure 16. Pavé de « pierre bleue belge » à bioclastes, rue de Saint Cloud (Lyon)

On retrouve articles de crinoïdes et fragments de brachiopodes.


Pavé de « petit granit » à bioclastes, rue de Saint Cloud (Lyon)

Figure 17. Pavé de « petit granit » à bioclastes, rue de Saint Cloud (Lyon)

On retrouve articles de crinoïdes et bioclastes indéterminés.


Pavé de calcaire micritique à bioclastes du Crabonifère inférieur de Belgique, rue de Saint Cloud (Lyon)

Cette « pierre bleue belge » du Carbonifère inférieur marin vient de la province du Hainaut. Il s’agit de la prolongation occidentale du Massif des Ardennes. Dans la région, ce calcaire carbonifère est en général recouvert par de minces couches de Crétacé supérieur et/ou de Cénozoïque, et n’affleure que dans le fond des vallées, ou quand les travaux de carrières ont enlevé cette "pellicule" post-paléozoïque.

Les carrières de Tournai sont en Belgique, mais à seulement 6 km de la frontière française et 30 km de Lille ou de Valenciennes, les deux grandes agglomérations françaises locales, et pourraient très bien faire l’objet d’excursions géologiques de la part des collègues des lycées du Nord.

Vue aérienne de la région de Tournai (Belgique)

Figure 19. Vue aérienne de la région de Tournai (Belgique)

La ville de Tournai correspond à la grande ville au NO de l’image. Les carrières, immenses, sont visibles au centre Est.


Vue aérienne de la région de Tournai (Belgique) avec géologie partielle

Figure 20. Vue aérienne de la région de Tournai (Belgique) avec géologie partielle

La ville de Tournai correspond à la grande ville au NO de l’image. Les carrières, immenses, sont visibles au centre Est.

Située tout près de la frontière française, le Sud de la région est couverte par la carte géologique BRGM 1/50 000 de Saint Amand Crespin-Mons. Le Nord de cette carte permet de reconnaître la "couverture" récente : e3 (jaune) = Yprésien inférieur, e2 (orange) = Thanétien et c2-3 (vert) = Turonien à Cénomanien. Ces 3 formations recouvrent le h1 (marron) = Tournaisien, ancien nom du premier étage du Carbonifère.


Localisation de Tournai (Belgique) sur la carte géologique de France au millionième

Figure 21. Localisation de Tournai (Belgique) sur la carte géologique de France au millionième

Les carrières de Tournai sont indiquées par la croix rouge.

On voit que le Carbonifère inférieur de Tournai représente la prolongation des Ardennes, presque entièrement masquées sous le Crétacé, le Paléocène et l’Éocène. On voit également que ces carrières sont situées à proximité immédiate de la frontière françaises, et qu'elles pourraient donc faire l’objet d’excursions géologiques pour les lycées du Nord.


Vue aérienne de la région de Tournai (Belgique)

Figure 22. Vue aérienne de la région de Tournai (Belgique)

Les carrières de Tournai sont indiquées par la croix rouge. Elles sont situées à proximité immédiate de la frontière françaises et pourraient donc faire l’objet d’excursions géologiques pour les lycées du Nord.


Nous verrons, la semaine prochaine, que le rayonnement géologique belge date de bien avant l'exploitation de son calcaire micritique du Carbonifère inférieur ("seulement" 125 ans pour les carrières du Hainaut) puisque la Belgique exportait des roches dès le 4ème millénaire avant notre ère.

Cette petite image de la semaine a bénéficié des conseils avisés de Pierre Thomas (ENS de Lyon), Bertrand Lefebvre (Univ. Lyon 1) et Markus Aretz (Univ. Toulouse 3).