Article | 27/11/2024
Les yardangs, sur Terre et sur d'autres corps du système solaire : des structures géomorphologiques modelées par l'érosion éolienne
27/11/2024
Résumé
Des structures géomorphologiques modelées par l'érosion éolienne.
Table des matières
Introduction
Le désert de Lout (Dasht-e Lut en perse, qui se traduit par « plaine du vide ») se situe au Sud-Est de l'Iran, et s'étend sur environ 50 000 km2 – soit à peu près autant que la région Bourgogne-Franche-Comté. Deux parties de ce désert sont particulièrement remarquables d'un point de vue géomorphologique : la première, d'environ 7000 km², la plus occidentale, est principalement formée de yardangs plurikilométriques, crêtes allongées objets de cet article ; l'autre, plus orientale, est composée de dunes de sable (rig-e Yalan en perse, ce qui signifie « le grand erg »). Cet article présente les yardangs du désert de Lout (Iran), pour ensuite évoquer d'autres yardangs dans le monde et examiner les conditions de formation de ces structures. Enfin, les yardangs sur d'autres corps du système solaire (planètes, satellites) est abordée.
Les yardangs du désert de Lout (Iran)
Description géomorphologique des yardangs du désert de Lout
Voici tout d'abord quelques clichés qui permettent de présenter des yardangs avant de s’intéresser à leur origine.
| |
|
|
|
|
|
|
Les yardangs sont des crêtes allongées, constituées des roches du substratum (et non de sable), disposées de manière parallèle entre elles, séparées par de longs sillons (ou couloirs). Le mot est emprunté au turkmène yar qui signifie “flanc abrupt” ; en perse, le terme pour désigner les yardangs est kalut.
Les yardangs se distinguent par leur longueur : les microyardangs sont des crêtes centimétriques, les mésoyardangs sont de l'ordre du mètre (longueur et hauteur), et les mégayardangs sont des crêtes de plusieurs dizaines de mètres de haut et peuvent s'allonger sur plusieurs kilomètres de long. Les photographies présentées ici montrent principalement des mégayardangs et quelques mésoyardangs. Le désert de Lout est inscrit à la Liste du patrimoine mondial de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) [w2], car « le site présente certains des exemples les plus spectaculaires de [...] yardangs (crêtes ondulées massives) ». En effet, c'est dans ce désert que se rencontrent les plus hauts yardangs au monde, avec un maximum de 240 mètres de haut à l'Ouest du désert de Lout.
Examinons à présent les conditions de formation de ces structures géomorphologiques si particulières.
Les processus à l'origine de la formation des mégayardangs du désert de Lout
Les roches à l'affleurement dans le désert de Lout sont majoritairement des dépôts lacustres plio-pléistocènes tabulaires, amalgamés dans la Lut Formation : argilites, siltstones, sables et évaporites. Cette formation a une puissance de plusieurs centaines de mètres. Dans le cas du désert de Lout, l'érosion des sédiments lacustres a été initiée par des processus hydrauliques, à la faveur d'intenses précipitations qui ont creusé des rigoles d'écoulement. En effet, le désert de Lout se situe dans une dépression topographique (voir figure 11), bordée à l'Ouest par les monts de Kerman et à l'Est par la chaine Est-iranienne (orogène baloutche). Les eaux météoriques se sont déversées lors d'épisodes pluvieux extrêmes dans ce bassin endoréique (qui l'est depuis le Miocène), et le réseau de ruisseaux temporaires a pu amorcer l'érosion dans la zone.
La dynamique atmosphérique a accru cette érosion, pour former les structures que l'on peut aujourd'hui constater dans le désert de Lout. La région est une zone très aride : elle reçoit actuellement moins de 50 millimètres de précipitations par an. Les maximas de précipitations surviennent en hiver, entre décembre et février, et peuvent amplifier seulement localement l'érosion dans le secteur. L'autre processus qui est susceptible d'avoir une action significative sur les roches à l'affleurement est le vent. Les roses des vents (représentation graphique de la fréquence des directions du vent et de son intensité pour chaque direction – figure 13) dans la zone des kaluts montrent que les vents soufflent statistiquement du Nord-Nord-Ouest vers le Sud-Sud-Est.
La distribution annuelle et journalière des vents dans le désert de Lout (figure 13) révèle que les vents venant du Nord-Nord-Ouest et qui balayent les kaluts sont plus fréquents en journée entre juillet et septembre. En effet, il se met en place une zone de haute pression au Nord de l'Iran, tandis qu'une zone de basse pression occupe l'Ouest du Pakistan et de l'Afghanistan (figure 14). Ce gradient de pression voit les vents de surface se déplacer du Nord-Nord-Ouest (zone de relative haute pression) vers le Sud-Sud-Est (zone de relative basse pression) dans le secteur du désert de Lout. De manière générale, plus le gradient de pression est élevé, plus les vents de surface sont intenses. Entre mai et septembre, la vitesse des vents les plus fréquents est en moyenne de 8 à 11 m.s-1 (approximativement de 30 à 45 km.h-1), avec des pics qui dépassent occasionnellement les 20 m.s-1 (> 70 km.h-1).
Le flux sédimentaire est orienté dans la même direction et le même sens que les vents dominants. Les particules sédimentaires sont alors entrainées statistiquement vers le Sud-Sud-Est au sein des kaluts. L'analyse granulométrique d'une fraction de sédiment ramassé à la surface d'un sillon au sein des kaluts montre que le tri granulométrique n'est pas très bon (présence d'argiles, de limons et sables – figure 15). Les grains grossiers sont vraisemblablement d'origine magmatique (quelques quartz, feldspaths et grains de minéraux ferro-magnésiens – figure 16), la région entourant le désert de Lout présentant de nombreuses roches magmatiques (figure 16). Les surfaces blanches visibles sur les premières photographies des yardangs sont des évaporites : un exemple est montré en figure 18 (il s'agit de halite).
La déflation, processus de prise en charge des particules sédimentaires par le vent, s'exprime de manière différentielle selon la taille des particules et la vitesse du vent. Les particules les plus fines (argiles et limons de taille inférieure à 60 µm) sont susceptibles d'être transportées en suspension car elles présentent une vitesse de chute peu élevée (figure 19). Les sables fins et moyens (0,05 à 0,5 mm) se déplacent essentiellement par saltation, c'est-à-dire par sauts successifs de quelques dizaines de centimètres de haut maximum ; les sables plus grossiers et les graviers (dont la taille dépasse 1 mm) se déplacent au sol sur de courtes distances en glissant ou en roulant (reptation – peut-être comme les sliding stones ou gliding stones [22], bien que dans cet exemple le processus majeur ne soit pas clairement identifié – vent ou glace). Les blocs et galets sont peu voire pas déplacés par le vent, mais subissent la corrasion, qui correspond à l'abrasion mécanique liée aux chocs des particules sédimentaires sur les éléments grossiers.
|
Source - © 2017 Radebaugh et al. [18] |
Source - © 2022 D’après le contenu additionnel de Chanteloube et al. [6] |
Source - © 2024 D’après Alizadeh et al. [1] |
Source - © 2014 Arjmandzadeh et Santos [2]
Source - © 2024 Nelson Pain d’après Campy et Macaire, 2003 (p.317) [o2] |
Source - © 2024 Traduit et simplifié d’après Chanteloube et al., 2022 [6] |
Source - © 2024 Traduit et simplifié d’après Chanteloube et al., 2022 [6] |
Source - © 2016 NASA, LANCE/EOSDIS Rapid Response |
Si la zone des kaluts apparait comme une zone d'érosion, on peut se demander où se déposent les particules mobilisées par le vent, et à quelle vitesse cette érosion et ce dépôt se réalisent. Chanteloube et al. (2022) [6] fixent la zone du grand erg, qui occupe l'Est du désert de Lout, comme zone d'accumulation des sédiments érodés dans les yardangs (figure 20). Ces auteurs proposent également une quantification pour ces deux phénomènes : durant les 2,35 derniers millions d'années, 0,6.106 m³.an−1 de sédiments a été érodé dans les kaluts et 0,38.106 m³.an−1 a été accumulé dans le grand erg. La différence entre les deux chiffres (0,22.106 m³.an−1) est imputable aux poussières transportées en suspension qui quittent la région grâce aux circulations atmosphériques (figure 22).
D'autres exemples de mégayardangs dans le monde
Première description historique des yardangs
Les structures géomorphologiques visibles dans le désert de Lout sont de remarquables exemples de mégayardangs. Il en existe également sur d'autres continents. D'ailleurs, la première mention bibliographique du terme yardang se trouve dans la publication du journal de l'explorateur suédois Sven Hedin, lors de son expédition en Asie centrale. Il couche par écrit la première description des yardangs lors de son périple dans le bassin du Tarim (Ouest de la Chine, dans la région actuelle du Xinjiang). Cette description fait référence à la fois à la forme des structures qu'il rencontre (et traverse difficilement) et aux processus qui les modèlent.
Après cela, nous arrivâmes dans une région extrêmement ardue, à savoir un véritable labyrinthe de terrasses argileuses, avec des arêtes pointues, que les locaux appellent yardang […]. Elles ont été initialement formées par l'action de l'écoulement de l'eau, mais ont été par la suite sculptées par les vents avec les contours les plus fantastiques et irréguliers imaginables. | ||
--Traduit de Sven Hedin, Central Asia and Tibet – Towards the holy city of Lassa, 1903 |
Ainsi, outre les mégayardangs présents à l'Ouest de la Chine décrits originellement par Hedin, et ceux du désert de Lout (Est de l'Iran), on en retrouve dans le centre du Sahara (par exemple à la frontière entre le Tchad et le Niger), sur la côte namibienne (à la fois au Nord et au Sud du pays), et en Amérique du Sud (Argentine, Pérou) (figure 23).
Les facteurs de contrôle du développement des mégayardangs et les différents stades d'évolution
Quels sont les facteurs qui contrôlent le développement de mégayardangs à travers le monde ? Ils sont vraisemblablement au nombre de 3.
- Les mégayardangs se trouvent dans des régions balayées par des vents généralement unidirectionnels. Ils se développent parallèlement à la direction principale des vents, car ces derniers sont à l'origine de l'arrachement des particules sédimentaires de leur surface et de leur déplacement (déflation), ce qui entraine la corrasion des roches exposées. De plus, l'effet Venturi produit par la réduction de la largeur d'écoulement du vent lors de son arrivée dans un couloir induit une augmentation de sa vitesse, et donc une augmentation locale de la déflation.
- Les mégayardangs se situent dans des secteurs du monde où le climat est très aride (figure 24), c'est-à-dire où les précipitations annuelles ne dépassent pas 50 mm (par comparaison, les précipitations annuelles à Paris sont de l'ordre de 700 mm). Ce type de climat est peu propice au développement d'une couverture végétale qui diminuerait l'impact de l'abrasion des roches par les particules sédimentaires (cf., par exemple, Langlois et Thomas, 2016 [15]). Par ailleurs, un sédiment sec présente une vitesse d'arrachement des grains inférieure à un sédiment humidifié (au sein duquel les forces de cohésion – notamment la tension superficielle – sont plus grandes que pour un sédiment sec).
- Les mégayardangs se rencontrent dans des zones où la lithologie est relativement homogène. En effet, une seule et même lithologie empêche une érosion différentielle des roches (pour constater l'effet de l'érosion sur deux lithologies différentes, se référer par exemple à l’article d’A. Aubray, 2021 [3]).
Un modèle de formation des mégayardangs a été proposé par Dong et al. en 2012 [10], et affiné par Ding et al. en 2020 [9] (figure 25). Le stade embryonnaire correspond aux premières incisions réalisées par un ou plusieurs agents parmi les vents, l'eau, des fissures et/ou des failles. Le stade juvénile voit l'apparition d'un motif récurent de couloirs et de crêtes (le relief s'accentue), parallèlement à la direction des vents dominants. Les structures sont majoritairement continues. Au cours du stade mature, le relief diminue progressivement, et les yardangs (dont la hauteur et la largeur diminuent) prennent grossièrement la forme d'une goutte eau (whaleback ou “dos de baleine” dans la littérature anglophone), et deviennent longitudinalement discontinus. Enfin, au stade de disparition, une surface aplatie et lissée se développe, présentant éventuellement quelques dunes et des restes de yardangs.
Les mégayardangs du Nord-Ouest désert de Lout, visibles sur les figures 4 à 10, correspondent vraisemblablement au stade juvénile, puisqu'on y observe de hautes crêtes décamétriques en alternance avec des couloirs.
Source - © 2024 Montage d’après NASA / wikimedia (vue satellitaire du monde) – Google Earth (clichés des mégayardangs) | |
Source - © 2006 Traduit d’après Goudie [12] |
Source - © 2020 Traduit d’après Ding et al. [9] |
Des yardangs à la surface d'autres corps du système solaire
Grâce aux missions d'exploration spatiale lancées à partir des années 1970, des yardangs ont été observés sur d'autres corps du système solaire. Ils ont été repérés d'abord sur Mars, puis sur Vénus et plus récemment sur Titan.
Les yardangs à la surface de Mars
Un des objectifs des missions spatiales Mariner 9 (1971) et Viking (1976) était d'obtenir des clichés de haute résolution de la surface de Mars. Les premières publications témoignant de structures géomorphologiques façonnées par les vents de surface de la planète rouge datent de 1973 (Cutts et Smith [7] [8]). En 1979, Ward [27] observe, à partir de photographies prises par la mission Viking, des alternances de crêtes qu'il assimile aux yardangs terrestres (figure 24). Depuis, les yardangs ont été repérés majoritairement au sein des plaines équatoriales de Mars (voir figures 27 à 34). La Medusae Fossae Formation, qui fait partir de la région d'Amazonis, regroupe le plus grand nombre de yardangs (voir figure 34).
Par analogie avec les yardangs étudiés sur Terre, ceux observés à la surface de Mars sont très probablement le résultat géomorphologique d'une conjonction de facteurs, dont l’un des principaux est l'abrasion par le vent.
Source - © 1979 Ward [27]D’après Google Earth
Source - © 2014 NASA/JPL-Caltech/UArizona |
Source - © 2014 NASA/JPL-Caltech/UArizona |
Source - © 2019 NASA/JPL-Caltech/UArizona |
Source - © 2019 NASA/JPL-Caltech/UArizona |
Source - © 2019 NASA/JPL-Caltech/UArizona |
Source - © 2013 NASA/JPL-Caltech/UArizona |
Source - © 2018 Urso et al. [25] |
Source - © 2020 Modifié d’après Liu et al. [16]
Les yardangs à la surface de Vénus
Une première communication au tout début des années 1990 (Trego, 1990 [23]) fait état d'une apparente absence de yardangs à la surface de Vénus, constatée grâce aux images radar prises par les sondes du programme soviétique Venera des années 1970-1980. Lancé en 1989 par la National Aeronautics and Space Administration (NASA), le satellite radar Magellan avait pour mission de cartographier plus précisément la surface de Vénus grâce à des outils de télédétection. Un résolution plus fine permit de révéler les premiers yardangs en 1992 (Trego, 1992 [24], figure 35) et de confirmer leur existence la même année (Greeley et al., 1992 [14]).
Source - © 1992 Trego [24] |
Source - © 2023 Ganey et al. [11] |
Source - © 1980 D’après NASA/USGS/MIT / wikimedia |
Les yardangs à la surface de Titan
Lancée en 1997, la sonde spatiale Cassini-Huygens avait pour objet principal d'étude les satellites de Saturne, dont le plus grand : Titan. Cassini-Huygens était en orbite autour de Saturne entre 2004 (voir à ce sujet l'article de P. Thomas, 2004 [20]) jusque 2017, date à laquelle la sonde a plongé dans l'atmosphère saturnienne pour une mort programmée. Dès 2006, ce site évoquait les potentiels yardangs de Titan (se référer à l'article de P. Thomas, 2006 [21]). L'atmosphère de Titan est entièrement opaque aux longueurs d'ondes visibles à cause de son atmosphère très dense. Grâce à un radar de la bande Ku (longueur d'onde de 2,2 cm – micro-ondes) embarqué, la sonde Cassini-Huygens a pu donner des images de la surface du satellite de Saturne (voir figure 38).
Source - © 2016 P. Paillou et al. [17]
La mise en mouvement des sédiments par le vent à la surface des corps du système solaire
Pour mettre en mouvement une particule à la surface d'un corps du système solaire, il faut que la vitesse du fluide de l'atmosphère de ce corps dépasse un certain seuil. C'est une observation empirique qu'a fait Bagnold en 1941 [o1], qui a déterminé l'équation suivante : , avec
- la vitesse minimale de déplacement d'une particule par un fluide (m.s−1),
- une fonction dépendant des forces interparticulaires, de la portance et du nombre de Reynolds,
- la masse volumique de la particule (kg.m−3),
- la masse volumique du fluide[1] (kg.m−3),
- l'accélération de pesanteur du corps céleste considéré (m.s−2),
- le diamètre de la particule considérée (m).
Ainsi, les caractéristiques de la particule considérée (masse volumique – donc nature chimique – et diamètre), du fluide de l'atmosphère (masse volumique mais aussi viscosité η à cause du nombre de Reynolds “caché” ici dans le terme ) et du corps céleste lui-même (accélération de la pesanteur) déterminent la vitesse minimale de déplacement d'un grain. Cette vitesse seuil de déplacement d'une particule est d'autant plus élevée que la particule est grosse et de grande masse volumique, que la masse volumique du fluide atmosphérique est petite, et que la pesanteur du corps est élevée.
Les caractéristiques physiques des corps du système solaire étudiés ici sont bien contraintes (figure 39). Ces caractéristiques permettent de comparer les vitesses minimales de mise en mouvement des particules à la surface des corps du système solaire, en fonction du diamètre des grains. L'observatoire de Paris a créé une “apliquette” [w4] qui permet cette comparaison, en changeant les différents paramètres physiques intrinsèques aux objets étudiés (masse volumique des particules, masse volumique de l'atmosphère, accélération de la pesanteur). Un exemple d'utilisation de cette appliquette est présenté en figure 40.
On y constate premièrement que peu importent les caractéristiques physiques du corps considéré, on observe une courbe “en V”, qui traduit simplement le fait que les petites particules et les grandes sont plus difficilement mises en mouvement que des grains de taille “moyenne” (et cette moyenne change en fonction des caractéristiques physiques des corps et des sédiments à leur surface). Pour les grandes particules, il est aisé de comprendre pourquoi le fluide doit avoir une vitesse élevée pour les arracher du substrat (l'équation citée ci-dessus montre qu'il existe une proportionnalité entre la vitesse seuil de déplacement et le diamètre particulaire) : la force du vent s'oppose simplement au poids de la particule. Pour les plus petites particules, ce sont les forces interparticulaires (terme de l'équation) qui expliquent pourquoi il leur est plus difficile d'être mis en mouvement que des particules de taille “moyenne”. Finalement, le raisonnement est le même que le fluide soit de l'air ou de l'eau (pour en être convaincu, (re)voir l'article d’A. Aubray (2023 [4]) qui fait notamment un point sur le diagramme de Hjülstrom).
Enfin, on observe sur la figure 40 que la vitesse minimale nécessaire pour déplacer une particule sédimentaire dépend du corps céleste, et notamment au premier ordre de la masse volumique du fluide composant l'atmosphère (essentiellement du N2 pour la Terre et Titan, et du CO2 pour Mars et Vénus). Ainsi, les vitesses seuil de mise en mouvement d'un grain de 0,1 mm sont, dans l'ordre croissant : 3.10−2 m.s−1 pour Vénus (ρatm = 65 kg.m−3), 6.10−2 m.s−1 pour Titan (ρatm = 5 kg.m−3), 6 m.s−1 pour la Terre (ρatm = 1,2 kg.m−3), et 15 m.s−1 pour Mars (ρatm = 0,02 kg.m−3). Il est donc plus aisé de déplacer une particule sédimentaire sur Vénus que sur Mars, parce que Vénus possède une atmosphère extrêmement dense comparé à Mars, ce qui lui permet de mettre en mouvement des particules bien que les vents en surface soient très faibles.
Source - © 2024 Nelson Pain d’après Appliquette Érosion (Obs. de Paris) [w4]
Références et orientations bibliographiques
Ouvrages (o)
R. Bagnold, 1941. The Physics Of Blown Sand And Desert Dunes, Methuen [p86-94]
M. Campy, J.-J. Macaire, 2003. Géologie de la surface, Dunod [p315-34]
M. Maghsoudi, 2021. Desert Landscapes and Landforms of Iran, Springer Nature Switzerland [p87-97]
Articles scientifiques
O. Alizadeh, M. Abniki, M. Babaei, P. Irannejad, 2022. Climatology and the dynamic mechanism of the Levar wind and dust events in eastern Iran, International Journal of Climatology, 42, 16, 9288-9303
R. Arjmandzadeh, J.F. Santos, 2014. Sr–Nd isotope geochemistry and tectonomagmatic setting of the Dehsalm Cu–Mo porphyry mineralizing intrusives from Lut Block, eastern Iran, International Journal of Earth Sciences, 103, 123-140 [Open access]
A. Aubray, 2021. Les Dentelles de Montmirail (Vaucluse), des couches de calcaires jurassiques verticalisées par un diapir de Trias, Planet Terre - ISSN 2552-9250
A. Aubray, 2023. Les processus d'altération-érosion des granites en climat tempéré vus par l’exemple de chaos granitiques sardes, Planet Terre - ISSN 2552-9250
T.E. Chamberlain, H.L. Cole, R.G. Dutton, G.C. Greene, J.E. Tillman, 1976. Atmospheric measurements on Mars: the Viking Meteorology Experiment, Bulletin of the American Meteorological Society, 57, 9, 1094-1104
C. Chanteloube, L. Barrier, R. Derakhshani, C. Gadal, R. Braucher, V. Payet, L. Léanni, C. Narteau, 2022. Source-To-Sink Aeolian Fluxes From Arid Landscape Dynamics in the Lut Desert, Geophysical Research Letter, 49, e2021GL097342 [Free Access]
J.A. Cutts, R.S.U. Smith, 1973(a). Eolian deposits and dunes on Mars, Journal of Geophysical Research, 78, 20, 4139-4154
J.A. Cutts, R.S.U. Smith, 1973(b). Eolian deposits and dunes on Mars, Mariner Mars 1971 Project - Science Results, JPL Technical Report 32-1550, 151-169 [pdf]
Z. Ding, J. Zhao, J. Wang, Z. Lai, 2020. Yardangs on Earth and implications to Mars: A review, Geomorphology, 364, 107230
Z. Dong, P. Lv, J. Lu, G. Qian, Z. Zhang, W. Luo, 2012. Geomorphology and origin of Yardangs in the Kumtagh Desert, Northwest China, Geomorphology, 139-140, 145-154
T.M. Ganey, M.S. Gilmore. J. Brossier, 2023. Reassessment of the Volumes of Sediment Sources and Sinks on Venus, The Planetary Science Journal, 4, 9, 20p [Open Access]
A.S. Goudie, 2006. Mega-Yardangs: A Global Analysis, Geography Compass, 1, 65-81
A.S. Goudie, 2008. The History and Nature of Wind Erosion in Deserts, Annual Review of Earth and Planeteray Sciences, 3636:, 97-119 [pdf]
R. Greeley, R.E. Arvidson, C. Elachi, M.A. Geringer, J.J. Plaut, R.S. Saunders, G. Schubert, E.R. Stofan, E.J.P. Thouvenot, S.D. Wall, C.M. Weitz, 1992. Aeolian features on Venus: Preliminary Magellan results, Journal of Geophysical Research: Planets, 97, E8, 13319–13345
C. Langlois, P. Thomas, 2016. Les forêts et leurs arbres, des limiteurs d'érosion, Planet Terre - ISSN 2552-9250
J. Liu, K. Di, S. Gou, Z. Yue, B. Liu, J. Xiao, Z. Liu, 2020. Mapping and spatial statistical analysis of Mars Yardangs, Planetary and Space Science, 192, 105035
P. Paillou, B. Seignovert, J. Radebaugh, S. Wall, 2016. Radar scattering of linear dunes and mega-yardangs: Application to Titan, Icarus, 270, 211-221 [pdf]
J. Radebaugh, L. Kerber, C. Narteau, S. Rodriguez, Xin Gao, 2017. Yardangs and dunes of Iran's Lut desert reveal winds on planetary surfaces, Lunar and Planetary Science, XLVIII
A. Sánchez-Lavega, S. Lebonnois, T. Imamura, P. Read, D. Luz, 2017. The Atmospheric Dynamics of Venus, Space Science Reviews, 212, 1541-1616
P. Thomas, 2004. Titan, les nouvelles du premier passage rapproché de la sonde Cassini, Planet Terre - ISSN 2552-9250
P. Thomas, 2006. Mai 2005 – mai 2006, une année d'exploration de Titan et une première synthèse sur l'histoire de ce satellite de Saturne, Planet Terre - ISSN 2552-9250
P. Thomas, 2010. Les sliding stones ou gliding stones (pierres qui glissent) de Racetrack Playa, Californie, Planet Terre - ISSN 2552-9250
K.D. Trego, 1990. The absence of yardangs on Venus, Earth Moon Planet, 49, 283–284 [accès libre]
K.D. Trego, 1992. Yardang identification in Magellan imagery of Venus, Earth Moon Planet, 58, 3, 289-290 [accès libre]
A. Urso, M. Chojnacki, D. Vaz, 2018. Dune-yardang interactions in Becquerel crater, Mars, Journal of Geophysical Research: Planets, 123, 353–368 [Free Access]
D. Viúdez-Moreiras, J. Gómez-Elvira, C.E. Newman, S. Navarro, M. Marin, J. Torres, M. de la Torre-Juárez, the MSL team, 2019. Gale surface wind characterization based on the Mars Science Laboratory REMS dataset. Part II: Wind probability distributions, Icarus, 319, 645-656
A.W. Ward, 1979. Yardangs on Mars: Evidence of recent wind erosion, Journal of Geophysical Research: Solid Earth, 84, B14, 8147-8166
Sites et documents web (w)
Yardang (Kalut) in the Lut Desert – Iran La page des kaluts sur le site de l'International Commission on Geoheritage de l'International Union of Geological Sciences (IUGS)
Désert de Lout (Iran) Le désert de Lout (Iran) dans la liste du patrimoine mondial sur le site de l'UNESCO
High Resolution Imaging Science Experiment (HiRISE) – University of Arizona, caméra embarquée dans la mission Mars Reconnaissance Orbiter. La fonction search permet de consulter les clichés de plus de 190 photographies de yardangs sur Mars
L’Appliquette Érosion de l'Observatoire de Paris, qui permet de comparer l'initiation du déplacement d'une particule en fonction de la nature des sédiments et des caractéristiques physiques du corps du Système solaire considéré
[1] La masse volumique de l’atmosphère dépend aussi de la pression. Pour une même composition, la quantité d’atmosphère et la gravité font la différence. Les atmosphères de Vénus et de Mars sont essentiellement composées de CO2, mais la quantité de gaz est environ 20 000 fois plus grande sur Vénus pour une gravité 2,4 fois plus forte… la pression au sol est d’environ 9,5 MPa (95 bar) sur Vénus et 600 Pa (6 mbar) sur Mars.