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Article | 26/06/2020

Principes de base de l'effet de serre

26/06/2020

Jean-Louis Dufresne

Laboratoire de Métrologie Dynamique, Institut Pierre Simon Laplace

Delphine Chareyron

ENS de Lyon / DGESCO

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Principes physiques de l'effet de serre : rayonnement visible, rayonnement infra-rouge, absorption-émission, et présentation d'un modèle simple d’effet de serre avec une plaque recouverte par une vitre.


L’analogie avec l’atmosphère de la Terre n’est que rapidement mentionnée, l’effet de serre sur Terre sera l’objet d’un autre article.

Y a-t-il un effet de serre dans une serre ?

C'est Joseph Fourier qui a supposé le premier (en 1824) que l’absorption du rayonnement infrarouge par l'atmosphère faisait augmenter la température de surface de la Terre : « C’est ainsi que la température est augmentée par l’interposition de l’atmosphère, parce que la chaleur trouve moins d’obstacle pour pénétrer l’air, étant à l’état de lumière, qu’elle n’en trouve pour repasser dans l’air lorsqu’elle est convertie en chaleur obscure. »

Pour énoncer cette hypothèse il se basait sur les expériences du naturaliste genevois Horace Benedict de Saussure qui employait un montage ressemblant à une serre horticole, d'où le nom d'« effet de serre ».

Dans une serre horticole, le réchauffement provient essentiellement de la diminution de la convection. Les parois de la serre, qu’elles soient en verre ou en plastique, limitent les déplacements d’air et donc les échanges par convection et évaporation. Le refroidissement du sol s’en trouve diminué, le sol et l’air dans la serre se réchauffent donc. Lorsque les parois sont en verre, matériau qui absorbe le rayonnement infrarouge, cette absorption augmente un peu ce réchauffement. Par contre lorsque les parois sont en polyéthylène, matériau transparent au rayonnement infrarouge, il n’y a pas de réchauffement dû à l’absorption du rayonnement infrarouge.

La plupart des serres horticoles actuelles ayant des parois en polyéthylène, le réchauffement à l’intérieur n’est pas dû à l’absorption du rayonnement infrarouge mais à la diminution de la convection.

Sur la Terre et les autres planètes, on parle d’effet de serre quand on fait référence à l’absorption du rayonnement infrarouge par l’atmosphère. En général cette absorption conduit à un accroissement de la température de surface, comme dans la serre horticole, mais pour des raisons physiques différentes : la diminution des pertes par rayonnement domine dans un cas, alors que la diminution des pertes par convection domine dans l’autre.

Si on examine la plupart des expériences proposées pour illustrer « l’effet de serre dû au CO2 », le dispositif expérimental est constitué ainsi : un fond noir (le “sol”) recouvert d’une cloche transparente contenant de l’air (ensemble représentant l’atmosphère) est éclairé par une lampe (représentant le Soleil) (figure 1).


Si on remplace l’air initialement contenu dans la cloche par du CO2, on peut constater une augmentation de la température, mais pour des raisons qui ne sont pas forcément bien identifiées, et qui sont difficilement attribuables aux effets radiatifs. En effet, une couche d’air humide à 20°C de 20 cm d’épaisseur absorbe environ 5 % du rayonnement infrarouge et en absorbe environ 15 % quand cet air est remplacé par du CO2 pur. Dans les deux cas l’absorption du rayonnement infrarouge est faible. Par contre les propriétés thermophysiques de l’air et du CO2 pur étant différentes, les échanges par convection et conduction sont différents et cette différence est la principale cause de l’augmentation de température observée.

L’approche qu’on utilisera ici est de présenter quatre “briques” qui seront ensuite utilisées pour expliquer les principes physiques de l’effet de serre :

  1. le rayonnement thermique ;
  2. la dépendance spectrale du rayonnement ;
  3. l'absorption et l'émission du rayonnement ;
  4. la conservation de l’énergie.

Une expression-piège

L’“effet de serre” est une expression-piège. Dans le langage courant, elle fait référence au réchauffement à l’intérieur des serres horticoles et ce réchauffement est essentiellement dû à l’effet de confinement (convection limitée). En science du climat, elle fait référence au réchauffement de la surface des planètes dû à l’absorption du rayonnement infrarouge par l’atmosphère.

Il n’existe pas à notre connaissance d’expérience simple montrant qu’une augmentation de la concentration en CO2 entraîne une augmentation de l’effet de serre (au sens des climatologues).

Les phénomènes physiques de base régissant l’effet de serre

Expérience pour montrer l’existence du rayonnement infrarouge

On cherche à montrer que :

  1. il existe un rayonnement, appelé rayonnement infrarouge, émis par tout corps à température ambiante ;
  2. plus la température d’un corps est élevée, plus la puissance du rayonnement émis par ce corps est élevée.
Tout corps (ici une plaque posée sur un isolant thermique) émet un rayonnement et perd ainsi de l’énergie

Figure 2. Tout corps (ici une plaque posée sur un isolant thermique) émet un rayonnement et perd ainsi de l’énergie

Plus la température du corps est élevée, plus l’énergie perdue est élevée.


La vie quotidienne nous rend familière l'idée qu'un corps “très chaud” (braise d’un feu, porte d’un four...) émet un rayonnement, mais qu'il en soit de même pour un corps à température ambiante n'a rien d'évident.

À la découverte du rayonnement infrarouge. Il faut se procurer un détecteur de présence basé sur la mesure du rayonnement infrarouge, comme celui de certains carillons à l’entrée d’un commerce, que l'on trouve couramment dans les magasins de bricolage (le fabricant Extel produit par exemple de telles sonneries à détecteur de passage). Ces appareils se déclenchent lorsqu'ils mesurent une variation de l'intensité du rayonnement infrarouge reçu : c’est ce qui arrive lorsqu'une personne passe devant ce détecteur, car la température de la peau est plus élevée que celle des murs ou du plancher en arrière plan.

L'expérience proposée doit être réalisée dans une pièce peu éclairée pour éviter toute source de chaleur ou de lumière parasite. On limite le champ de détection de l’appareil en plaçant un tube en carton (celui d’un rouleau de papier toilette par exemple) devant son ouverture, et à peu près à 50 cm de celle-ci, on installe un “écran de fond” de taille A4 environ (un carton rigide par exemple). Ce dernier est “vu” par le détecteur et sert de référence de température (figure 3).


On prend deux bocaux (ou autres contenants : mugs, verres…) identiques, l'un rempli d’eau à température ambiante (pas d’eau froide, il faut l’avoir rempli suffisamment à l’avance), l'autre rempli d'eau chaude (l’eau chaude du robinet suffit). Dans la vidéo de la figure 4, ci-dessous, on a pris une tasse vide (à température ambiante) et une tasse remplie d'eau chaude.

Figure 4. Mise en évidence expérimentale du rayonnement infrarouge

Dans la vidéo le carton “écran de fond” n'apparait pas mais le mur, tout proche, est à température ambiante et joue le rôle d'“écran de fond».


Si l'on fait passer le premier bocal devant le détecteur, ce dernier reste muet. Si l'on fait de même avec le bocal d’eau chaude, le détecteur se déclenche. La seule différence étant la température des bocaux, c’est cette différence qui est à l’origine du déclenchement du carillon. Celui-ci réagira également si l'on fait passer la main, ou tout objet plus chaud que le “fond”.

Le rayonnement reçu par le détecteur ne change pas lorsqu’on fait passer le premier bocal devant le fond car la température du bocal est la même que celle du fond. Le flux radiatif émis par ces deux corps de même température est identique, le rayonnement reçu par le détecteur ne change pas lorsque le bocal passe car le rayonnement émis par le fond qui est masqué par le bocal est exactement compensé par le rayonnement émis par le bocal.

Lorsque le bocal a une température plus élevée, il émet plus de rayonnement que le fond, et ce rayonnement supplémentaire est détecté par l’appareil, alors qu’il n’est pas détecté par notre œil. C’est un rayonnement du domaine infrarouge (ses longueurs d’onde sont plus grandes que celles du rayonnement visible par l’œil).

On peut refaire cette expérience en remplaçant le détecteur de présence par un thermomètre infrarouge ou une caméra infrarouge[1] (figure 5).


On montre l’écran d’une caméra infrarouge dont l’échelle des températures va de 10°C (violet) à 50°C (rouge). Seules les tasses remplies d'eau froide (à gauche) et d'eau chaude (à droite) sont observées sur l'écran de la caméra. Si on les passe devant le détecteur, seules ces deux tasses le déclenchent.

En résumé

Tout corps émet un rayonnement infrarouge et plus sa température est élevée, plus la puissance du rayonnement émis est élevée.

Un corps noir est un corps qui absorbe tout le rayonnement qu’il reçoit, quelle que soit la longueur d’onde. D’après la loi de Kirchoff (émissivité = absorptivité), c’est un émetteur « parfait » de rayonnement thermique. L’émission des corps réels est le produit de l’émissivité (comprise entre 0 et 1) et de la fonction de Planck. Un corps noir a une émissivité et une absorptivité Ɛ = 1. C’est une grandeur sans dimension.

La puissance par unité de surface Pe du rayonnement émis par un corps noir de température T est donnée par la loi de Stefan-Boltzman. On a Pe = σ T4 avec σ = 5,67.10-8 W.m-2K-4, la constante de Stefan-Boltzmann, Pe en W.m-2 et T en K.

Rayonnement visible et rayonnement infrarouge

Voyons maintenant qu’en plus d’avoir de l’effet sur la puissance du rayonnement émis (comme nous venons de le voir), la température a de l’effet sur son profil spectral. Le profil spectral du rayonnement émis par un corps noir est donné par la loi de Planck et dépend de la température (figure 6).

Rayonnement visible et rayonnement infrarouge

Figure 6. Rayonnement visible et rayonnement infrarouge

Si la température de l’objet est inférieure à 700°C (≈ 1000 K), notre œil ne voit pas le rayonnement émis par l’objet, il est émis dans le domaine infrarouge.


Définitions

Profil spectral : variation de l’intensité du rayonnement (ou luminance), dans une direction donnée, en fonction de sa longueur d’onde. C’est une puissance par unité de surface, par unité d’angle solide et par unité de longueur d’onde (W.m-2.str-1.m-1) ou de fréquence ( W.m-2.str-1.Hz-1).

Loi de Planck : loi donnant l’expression du profil spectral du rayonnement émis par un corps noir en fonction de la température de ce corps. Cette loi vient de la mécanique quantique, Planck a montré que les échanges d'énergie par rayonnement s'effectuent nécessairement par quantité finies qu'il appela « quanta ».

Flux radiatif par unité de surface : puissance transportée par le rayonnement traversant une unité de surface dans un sens donné. On parlera par exemple de flux montant (dirigé vers le haut) ou descendant (dirigé vers le bas). Dans tout le texte présenté ici, les flux seront toujours exprimés par unité de surface, et on ne parlera simplement que de flux. Ils s’expriment en W.m-2.

Lorsque la température du corps est très élevée, supérieure à environ 700°C (≈ 1000 K), notre œil voit une partie du rayonnement qu’il émet. Par exemple, le rayonnement qui nous parvient du Soleil est émis par sa surface extérieure dont la température est d'environ 6 000 K. À cette température, 40 % de l’énergie est émise dans le domaine visible, c'est-à-dire pour des longueurs d’onde allant de 0,4 µm (violet - bleu) à 0,8 µm (rouge), 10 % est émise dans le domaine ultraviolet (λ < 0,4 µm) et 50 % dans le domaine de l’infrarouge proche (0,8 à 4 µm).

Rayonnement visible

Figure 7. Rayonnement visible

Si la température de l’objet est très élevée (supérieure à environ 1000 K), notre œil voit une partie du rayonnement émis par cet objet : c'est le rayonnement visible.


On peut également citer les anciennes lampes (lampes à incandescence) dont le filament a une température proche de 2 700 K : on voit clairement sur la figure 6 que seule une très faible partie du rayonnement émis est visible. Ces lampes avaient une très faible efficacité énergétique, chauffaient beaucoup plus qu’elles n’éclairaient, et ont été progressivement abandonnées au profit d’autres technologies plus efficaces (lampe à LED, fluorescente, ou aux halogénures métalliques).

La lave des volcans, dont la température est d'environ 700°C (≈ 1000 K) et plus, émet très peu de rayonnement visible, et le peu qu'elle émet se trouve proche de la couleur rouge. Il en est de même pour la braise d’un feu. De façon très simplifiée, si la température de l'objet est inférieure à 700°C, notre œil ne voit pas le rayonnement émis par l'objet, celui-ci n'émet que du rayonnement infrarouge. Les appareils qui mesurent le rayonnement infrarouge sont assez coûteux, mais des détecteurs de présence peuvent être utilisés pour en montrer l'existence.

Dans la suite de cet exposé, on considérera seulement deux domaines pour plus de simplicité : le “domaine solaire” (λ < 4 µm) et le domaine “infrarouge thermique” (4 à 100 µm) que l’on appellera simplement “infrarouge”.

Expérience pour illustrer l’absorption du rayonnement

Nous voulons montrer que :

  • le rayonnement infrarouge émis par un objet à température ambiante est plus ou moins absorbé selon les matériaux ;
  • l’absorption peut être différente dans le domaine infrarouge et dans le domaine visible.

On refait l’expérience précédente de mise en évidence de rayonnement infrarouge en intercalant différents écrans entre le détecteur et la tasse remplie d’eau chaude (figures 8 et 9). Si le détecteur ne réagit pas au passage de la tasse, c'est que l'écran ne laisse pas passer le rayonnement infrarouge émis par la tasse, il lui est opaque, il l’absorbe. Au contraire, si le détecteur réagit c'est que l'écran est transparent au rayonnement infrarouge émis par la tasse. On utilisera comme écran une planchette de bois, une vitre, un sac de congélation transparent et un sac poubelle noir. Il faudra veiller à ce que les films plastiques soient assez fins pour qu’ils soient bien transparents au rayonnement infrarouge.

Figure 8. Mise en évidence expérimentale de la notion de transparence ou d'opacité du rayonnement infrarouge avec un détecteur de passage (sensible à l'infrarouge)


Les différents cas de figures sont rassemblés dans la figure 9, ci-dessous.


On constate que certains matériaux sont transparents au rayonnement infrarouge, d'autres opaques, que certains matériaux sont transparents au rayonnement visible, d'autres opaques (cf. tableau 1). Les propriétés de transparence ou d'absorption peuvent être différentes pour le rayonnement visible et pour l’infrarouge. Toutes les combinaisons sont possibles.

Tableau 1. Récapitulatif de la notion de transparence ou d'opacité du rayonnement étudié

Matériau

Rayonnement visible

Rayonnement infrarouge

Bois

Opaque

Opaque

Verre

Transparent

Opaque

Polyéthylène transparent (sac de congélation)

Transparent

Transparent

Polyéthylène noir (sac poubelle)

Opaque

Transparent


L’utilisation d’une caméra (figures 10 et 11), ou d’un thermomètre infrarouge permet de voir que les feuilles de plastique utilisées ici ne sont pas parfaitement transparentes au rayonnement infrarouge, elles sont légèrement absorbantes. Pour simplifier, on supposera cependant que les matériaux sont soit parfaitement transparents soit parfaitement opaques. Avec la caméra, on constate également que certains matériaux comme le verre réfléchissent légèrement le rayonnement infrarouge. Mais la réflectivité est en général faible (quelques pourcents), sauf pour les métaux, et on la négligera.

Figure 10. Mise en évidence d'écrans transparents ou opaques au rayonnement infrarouge au passage d'une tasse remplie d'eau chaude avec une caméra thermique


Écrans transparents ou opaques au rayonnement infrarouge

Figure 11. Écrans transparents ou opaques au rayonnement infrarouge

Un matériau peut être transparent ou opaque, et ces propriétés peuvent être différentes pour le rayonnement visible et pour l’infrarouge. La tasse est remplie d'eau chaude.


Un matériau qui absorbe le rayonnement infrarouge en émet aussi (propriété connue sous le nom de loi de Kirchoff, émissivité = absorptivité).

Par exemple, la planche en bois absorbe le rayonnement infrarouge quelle que soit sa température. Elle en émet donc aussi et la puissance du rayonnement émis dépend de sa température. Si la température de la planche est la même que celle du fond, la puissance par unité de surface du rayonnement qu’elle émet est la même que celle du fond et donc la puissance du rayonnement mesurée par le détecteur ne change pas quand on passe la planche devant son ouverture. Par contre, si on chauffe la planche et que sa température est plus élevée que celle du fond, alors le détecteur réagit au passage de la planche. On obtient le même résultat avec la vitre.

Pour compléter l’expérience, il faudrait montrer que les deux écrans de plastique n’émettent pas plus de rayonnement quand on les chauffe, ce qui est difficile à faire à cause des cadres en bois qui, eux, émettent plus de rayonnement et sont donc détectés.

Sur la figure 12, on montre une expérience dans laquelle les quatre écrans sont chauffés par un sèche-cheveux. La planche et la vitre émettent beaucoup plus de rayonnement quand ils sont chauffés. Par contre les deux plastiques émettent seulement un peu plus de rayonnement, ils ne sont pas parfaitement transparents au rayonnement infrarouge, mais ils émettent beaucoup moins que le bois ou le verre.

Effet du chauffage de l'écran

Figure 12. Effet du chauffage de l'écran

Si on chauffe les écrans, la planche et la vitre émettent alors plus de rayonnement, les plastiques peu. Un matériau qui est un bon absorbant pour le rayonnement infrarouge est aussi un bon émetteur.


Dans les situations courantes, les phénomènes physiques dominants associés aux rayonnements visible et infrarouge sont très différents. Dans le visible, un matériau opaque joue un rôle d’écran. Il absorbe le rayonnement mais n’en émet pas (tant que sa température reste inférieure à 1 000 K environ).

Dans le domaine infrarouge, ce n’est pas le cas. Un matériau qui absorbe le rayonnement en émet aussi, et la différence entre les deux dépend de la différence de température entre ce matériau et celui qui a émis le rayonnement incident. La notion d’écran, qui nous est très familière pour le rayonnement visible, ne s’applique donc pas pour le rayonnement infrarouge.

Si on utilise la caméra infrarouge, on peut vérifier que la réflexion du rayonnement infrarouge est très faible pour les matériaux utilisés et on la négligera ici. Seuls les métaux peuvent être très réfléchissants. Dans la représentation graphique du rayonnement infrarouge, on veillera à ne pas représenter de phénomène de réflexion, et à représenter séparément les phénomènes d’absorption et d’émission.

En résumé

Les matériaux peuvent être transparents ou absorbants au rayonnement, et cette propriété dépend de la longueur d’onde (ici on a simplement différencié domaines visible et infrarouge).

L’équilibre énergétique

Le but est de montrer comment un système en déséquilibre énergétique évolue jusqu’à atteindre un équilibre.

On utilise une plaque (métal, bois, plastique…) noire posée sur un isolant thermique (liège, polystyrène…). Cette isolation nous permet de négliger les échanges de chaleur sur la face arrière de la plaque et de ne considérer que les échanges sur la face avant. On considère uniquement les échanges de chaleur par rayonnement (on néglige les échanges par conduction et convection) et on utilise les deux principes physiques suivants :

  1. tout corps émet du rayonnement et ainsi perd de l'énergie, et plus la température du corps est élevée, plus l'énergie perdue est élevée.
  2. si un objet gagne plus d'énergie qu'il n'en perd, sa température augmente, s’il perd plus d'énergie qu'il n'en gagne, sa température diminue.

La plaque, d'abord à l'ombre, est ensuite placée au Soleil. Exposée au Soleil, elle reçoit plus d'énergie que lorsqu'elle était à l'ombre. Comme elle reçoit plus d'énergie, sa température augmente, elle émet donc plus de rayonnement infrarouge et perd plus d'énergie. Une nouvelle température d'équilibre est atteinte lorsque l'énergie perdue par émission du rayonnement infrarouge est égale à l'énergie gagnée par absorption du rayonnement solaire (figure 13). De même, une fois la plaque à l’équilibre au Soleil, si la quantité de rayonnement solaire reçu diminue, la température de la plaque diminue également jusqu’à ce qu’un nouvel équilibre soit atteint (figure 14).

Hausse de température jusqu'à équilibre énergétique

Figure 13. Hausse de température jusqu'à équilibre énergétique

Si un objet reçoit plus d’énergie qu’il n’en perd, sa température augmente. Comme sa température augmente, l'énergie perdue par l’émission de rayonnement augmente. L’équilibre est atteint lorsque l’énergie que perd l'objet est exactement compensée par celle qu’il reçoit.


Baisse de température jusqu'à équilibre énergétique

Figure 14. Baisse de température jusqu'à équilibre énergétique

Si un objet reçoit moins d’énergie qu’il n’en perd, sa température diminue. Comme sa température diminue, l'énergie perdue par émission de rayonnement diminue. L’équilibre est atteint lorsque l’énergie que perd l'objet est exactement compensée par l’énergie qu’il reçoit.


Le modèle d’effet de serre à 1 couche

Nous pouvons désormais présenter un modèle très simple d’effet de serre sur la base des principes physiques exposés précédemment. Ce modèle comporte des limitations importantes, il n’est jamais utilisé pour faire des calculs mais est encore largement employé pour expliquer ce qu’est l’effet de serre. L'une de ses vertus pédagogiques est de montrer que l’effet de serre est dû aux propriétés radiatives du milieu au-dessus de la surface, ainsi qu’à la conservation de l’énergie.

Dans ce modèle d’effet de serre à 1 couche :

  1. on néglige les phénomènes de conduction et de convection et on ne considère que les échanges radiatifs ;
  2. on suppose que l’atmosphère est isotherme et qu’elle peut être représentée par une vitre isotherme.

Dans l’exemple présenté, on supposera en plus que la vitre est parfaitement transparente au rayonnement solaire et parfaitement opaque au rayonnement infrarouge.

On reprend la plaque noire placée au Soleil. On suppose que sa température initiale est nulle (0 K) et qu’elle n’émet donc aucun rayonnement (figure 15). Comme la plaque absorbe le rayonnement solaire incident, sa température s’élève jusqu’à atteindre l’équilibre thermique (figure 16).

État initial, plaque noire placée au Soleil

Figure 15. État initial, plaque noire placée au Soleil

On place cette plaque au Soleil : parce qu’elle est noire, elle absorbe le rayonnement solaire. Elle va gagner de l’énergie.


La plaque absorbe, et émet, de l'énergie, sa température augmente jusqu'à atteindre une température d'équilibre

Figure 16. La plaque absorbe, et émet, de l'énergie, sa température augmente jusqu'à atteindre une température d'équilibre

La plaque gagne de l’énergie donc sa température augmente. Comme sa température augmente, l'énergie perdue par émission de rayonnement augmente. Finalement elle atteint sa température d’équilibre lorsqu’elle perd autant d’énergie par émission de rayonnement infrarouge qu’elle n’en gagne par absorption de rayonnement solaire.


On part maintenant de la plaque à l’équilibre (figure 17). On place au-dessus de cette plaque une vitre qui est transparente au rayonnement solaire et opaque au rayonnement infrarouge. On suppose que la température initiale de la vitre est zéro kelvin (0 K), qu’elle n’émet donc aucun rayonnement, et comme elle est parfaitement transparente au rayonnement solaire, son introduction ne modifie pas les échanges radiatifs (figure 18).

Plaque noire exposée au Soleil, à l'équilibre thermique

Figure 17. Plaque noire exposée au Soleil, à l'équilibre thermique

La plaque noire placée au Soleil a atteint son équilibre thermique.


Mise en place d'une vitre transparente au rayonnement solaire

Figure 18. Mise en place d'une vitre transparente au rayonnement solaire

On ajoute une vitre au-dessus de la plaque.


Mais la vitre absorbe le rayonnement infrarouge émis par la plaque, et se réchauffe donc. Comme elle se réchauffe, elle émet maintenant du rayonnement infrarouge, et sa température augmente jusqu'à ce qu'elle perde autant d'énergie qu'elle n’en reçoit (figure 19).

Le rayonnement émis par la vitre est émis pour moitié vers le haut, pour moitié vers le bas. Le rayonnement émis vers le haut est “perdu” et celui émis vers le bas est absorbé par la plaque noire. La plaque reçoit maintenant plus d'énergie qu'elle n'en perd, donc sa température va augmenter jusqu'à ce qu'elle perde autant d'énergie qu'elle n’en reçoit (figure 20). Ce supplément de rayonnement infrarouge émis par la plaque est absorbé par la vitre, dont la température va augmenter à nouveau jusqu'à ce qu’elle perde autant d'énergie qu'elle n’en reçoit, le rayonnement étant émis pour moitié vers le haut, pour moitié vers le bas, etc. (figure 21).

Absorption / émission d'énergie par la vitre

Figure 19. Absorption / émission d'énergie par la vitre

L’absorption par la vitre du rayonnement infrarouge émis par la plaque lui fait gagner de l’énergie donc sa température s’élève. Comme la température de la vitre augmente, elle émet plus de rayonnement infrarouge. Elle émet autant de rayonnement vers le haut que vers le bas. Elle atteint sa température d’équilibre lorsqu’elle perd autant d’énergie qu’elle n’en reçoit.


La plaque noire absorbe l'énergie réémise par la vitre, se réchauffe…

Figure 20. La plaque noire absorbe l'énergie réémise par la vitre, se réchauffe…

Le rayonnement infrarouge émis vers le bas par la vitre est absorbé par la plaque. Comme la plaque reçoit plus d’énergie, sa température augmente et elle émet davantage de rayonnement infrarouge, jusqu’à ce qu’elle atteigne une nouvelle température d’équilibre.


… la vitre se réchauffe, réémet… la plaque se réchauffe encore…

Figure 21. … la vitre se réchauffe, réémet… la plaque se réchauffe encore…

Ce rayonnement supplémentaire émis par la plaque est de nouveau absorbé par la vitre dont la température augmente encore.

Comme la température de la vitre augmente, elle émet plus de rayonnement infrarouge, moitié vers le haut, moitié vers le bas. Elle atteint sa température d’équilibre lorsqu’elle perd autant d’énergie qu’elle n’en reçoit.

Comme la plaque reçoit plus d’énergie, sa température augmente et elle émet davantage de rayonnement infrarouge. Elle atteint sa température d’équilibre lorsque elle perd autant d’énergie qu’elle n’en reçoit.


Et ceci jusqu’à ce que l’équilibre soit atteint. La suite des termes 1/2 + 1/4 + 1/8 +… est un suite géométrique de raison 1/2, dont la somme des termes a pour valeur 1 (figure 22).


En faisant un bilan d’énergie pour la vitre et pour la surface, on vérifie que chacune d’elle est à l’équilibre, que chacune reçoit autant d’énergie qu’elle n’en perd.

Donc, à l’équilibre la température de la plaque est plus élevée avec la vitre que sans (figure 23). Cet accroissement de température est le résultat de ce qu'on appelle l'« effet de serre ».

Comparaison des bilans énergétiques avec / sans “effet de serre”

Figure 23. Comparaison des bilans énergétiques avec / sans “effet de serre”

On retient que placer une vitre au dessus d’une plaque au Soleil a pour effet de créer une “résistance au refroidissement” de la plaque par émission de rayonnement infrarouge, et ainsi d’augmenter sa température.


L’explication pas à pas que nous venons de présenter peut être remplacée ou complétée par une explication plus abstraite mais plus directe.

  • L’ensemble (vitre + plaque) absorbe une quantité d’énergie donnée, choisie ici arbitrairement comme valant 1. Donc, à l’équilibre elle doit perdre 1 (cette même quantité d’énergie).
  • Comme la vitre est parfaitement opaque au rayonnement infrarouge, ce n’est pas le rayonnement émis par la surface qui peut s’échapper vers l’espace, seul le rayonnement émis par la vitre peut s’échapper.
  • Pour que l’ensemble (vitre + plaque) soit à l’équilibre il faut donc que la vitre émette 1 vers l’espace. Si elle émet 1 vers l’espace, elle émet aussi 1 vers la surface.
  • La surface reçoit donc une quantité d’énergie valant 2 (1 provenant du Soleil, 1 de la vitre), et pour perdre 2 par émission de rayonnement il faut que sa température soit plus élevée que pour émettre 1 (comme c’était le cas lorsqu’il n’y avait pas de vitre).

Cette explication a comme avantage de bien montrer que le point fondamental est le rayonnement émis par la vitre vers l’espace. Tout le reste, et notamment la température de la plaque s’ajuste en fonction de cette exigence. C’est pour cette raison que sur la Terre (et sur les autres planètes) on considère avant tout les flux radiatifs au sommet de l’atmosphère.

Le “modèle à 1 couche” peut être transposé à la Terre et aux autres planètes en supposant que leur surface est noire, que l’atmosphère est isotherme, totalement transparente au rayonnement solaire et totalement opaque au rayonnement infrarouge.

En résumé

Le modèle d’effet de serre à une couche est très simplifié mais permet de comprendre deux points essentiels.

  1. Le milieu (l’atmosphère ou ici la vitre) qui recouvre la plaque doit être transparent au rayonnement solaire et opaque au rayonnement infrarouge.
  2. C’est l’équilibre énergétique de l’ensemble du système (vitre + plaque) qui conduit à un réchauffement de la surface. C’est parce que la vitre se réchauffe (par rapport à sa température initiale nulle) que la plaque se réchauffe.

L’effet de serre ne dépend pas uniquement du fait que la vitre absorbe le rayonnement infrarouge, il dépend aussi de la température de cette vitre. Par rapport à des représentations graphiques qui peuvent induire en erreur, on insiste sur le fait que l'effet de serre ne correspond pas à la réflexion vers le bas du rayonnement infrarouge émis par la plaque, c’est le processus d’émission du rayonnement par la vitre qui est essentiel.

Article tiré d'un atelier réalisé dans le cadre du cycle Le Rendez-vous des sciences - Comprendre et enseigner le changement climatique, organisé les 21-22 mai 2019 à Paris par le Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Autres ressources et références

L'effet de serre, 27 novembre 2015, émission On n'est pas que des cobayes !, France 5 (sur Dailymotion)

J.-L. Dufresne, 2009. Effet de serre et climat, inGraines de Sciences 8, Le Pommier

J.-L. Dufresne, 2009. Effet de serre et climat, in29 notions clés pour savourer et faire savourer la science, P. Léna, Y. Quéré, B. Salviat, éd., Le Pommier



[1] Il est possible d'ajouter une petite caméra thermique couplée à une application sur un smartphone IOS ou Android à partir d'environ 250€.