Article | 15/05/2007
Une nouvelle sonde est arrivée en orbite, les rovers fonctionnent encore, et Mars Express fournit toujours des résultats en haute résolution
15/05/2007
Résumé
Images radar (SHARAD) et images à haute résolution (HiRISE) des sondes en orbite autour de Mars : "minéralogie", chimie, étude de la calotte polaire Sud... Spirit à Home Plate, sédimentation de type volcanisme explosif et cendres volcaniques. Opportunity dans les etched terrains autour de Victoria.
Table des matières
Nous n'avons écrit qu'un seul article depuis un an, celui sur les écoulements « actuels » à la surface de Mars. La quantité d'informations martiennes significatives baissant avec le temps, le dernier bilan des observations de Mars Express, Spirit et Opportunity date de février 2006.
Il est temps de faire le point, sur 5 thèmes différents.
- Les premiers résultats de la nouvelle mission Mars Reconnaissance Orbiter.
- Les résultats de Spirit.
- Les résultats d'Opportunity.
- Le volume de la calotte polaire Sud d'après Mars Express.
- Une synthèse globale de l'histoire de l'eau sur Mars d'après les résultats de Mars Express et Mars Observer.
Les premiers résultats de la nouvelle mission Mars Reconnaissance Orbiter (MRO)
La NASA a lancé un nouvel orbiteur autour de Mars en août 2005. Il s'est satellisé autour en mars 2006. Puis la NASA a progressivement modifié son orbite pour atteindre sa trMars Expressajectoire de travail autour de Mars à la fin de 2006.
Cette sonde est équipée de divers instruments scientifiques pour la "reconnaissance" de Mars, dont trois sont particulièrement intéressants en ce qui nous concerne.
HIRISE, une caméra très haute résolution (HIgh Resolution Imaging Science Experiment camera)
Cette caméra permet d'avoir des vues extrêmement détaillées. Voici deux exemples d'images de cette caméra : une image montrant les terrains stratifiés du Nord, et une image au maximum de la résolution montrant le rover Opportunity au bord du cratère Victoria.
Source - © 2007 NASA/JPL-Caltech/Univ. of Arizona
Source - © 2007 NASA/JPL/University of Arizona
CRISM, un spectromètre imageur (Compact Reconnaissance Imaging Spectrometer for Mars)
Mars Reconnaissance Orbiter est équipé d'un spectromètre imageur, frère de celui de Mars Express, mais avec une résolution spatiale 5 fois meilleure, qui pourra faire de la minéralogie de surface, ou encore l'étude des glaces. Nous donnons ici 2 exemples d'images du CRISM.
Source - © 2007 NASA/JPL/JHUAPL
Source - © 2007 NASA/JPL-Caltech/JHUAPL/Brown University
SHARAD, un radar du sub-surface (SHAllow subsurface RADar)
Comme son cousin et prédécesseur de Mars Express, SHARAD sondera le sous-sol profond de la planète.
Un résultat scientifique a déjà été publié : la présence de fractures minéralisées mises en saillie par l'érosion. MRO a en effet découvert des réseaux de crêtes en saillie, qui ne sont pas sans rappeler des dykes.
Source - © 2007 NASA/JPL/Univ. of Arizona |
Spirit
Cheminement et repos forçé
Nous avons laissé Spirit en train d'arriver vers Home Plate au sol (un jour martien) 850 après son atterrissage.
Source - © 2007 NASA/JPL/Cornell/MSSS/USGS/NM NMHS | Source - © 2007 NASA/JPL/Cornell/USGS/New Mexico NMHS |
Spirit a étudié Home Plate quelques jours. Puis le long hiver martien arrivant (Soleil trop bas sur l'horizon pour charger efficacement les panneaux solaires), Spirit est allé hiverner de l'autre côté, sur un versant exposé au soleil. Il est resté en sommeil 200 sols, puis a recommencé à étudier Home Plate et ses environs.
Source - © 2007 NASA/JPL/Cornell/MRO-HIRISE/NM Museum of Nat Hist & Sci
Qu'a découvert Spirit avant et après son hivernage ?
Home Plate
Home Plate est constitué d'une série très bien stratifiée. Les strates supérieures sont fines ; les strates inférieures sont constituées d'un matériel plus grossier.
Source - © 2007 JPL / NASA
Source - © 2007 NASA/JPL/Cornell, modifié | Source - © 2007 NASA/JPL-Caltech/Cornell |
Source - © 2007 NASA/JPL-Caltech/USGS/Cornell, détail | Source - © 2007 NASA/JPL, modifié |
Tout ceci suggère fortement qu'Home Plate corresponde à des couches volcaniques, avec un dynamisme explosif assez violent pour les couches inférieurs et un dynamisme plus calme et/ou une origine plus lointaine pour les couches supérieures. Un tel volcanisme explosif suggère des interactions entre volcanisme et H2O.
Depuis, Spirit tourne autour, s'approche et s'éloigne, et monte sur Home Plate. Pour l'instant, il n'y a pas de découvertes nouvelles apparentes ou publiées. Voici deux mosaïques nouvelles permettant d'avoir une vue d'ensemble de ces couches formant une espèce de cuvette complexe déprimée en son centre, de 80 m de diamètre.
Source - © 2007 JPL / NASA | Source - © 2007 NASA/JPL/Cornell, modifié |
La NASA a également publié une synthèse de toutes les analyses des différentes roches volcaniques trouvées par Spirit depuis 3 ans dans ce site de Gusev, et les compare à d'autres analyses martiennes et aux roches volcaniques terrestres. Les roches de Gusev ressemblent à des basaltes alcalins, pas ou peu différenciés.
Source - © 2007 NASA/JPL-Caltech/Univ. of Tennessee
Attendons la suite des nouvelles explorations de Spirit.
Opportunity
Les etched terrains autour du cratère Victoria
En février 2006, Opportunity venait d'atteindre les"etched terrains, qui constituent le substratum régional de ce secteur de Meridiani Planum quand il n'y a pas de dunes éoliennes. Ces terrains avaient été étudiés "en coupe" au niveau des cratères Eagle et Endurance. Ils ont pu alors être étudiés "à plat" sur une grande surface.
Source - © 2007 NASA/JPL/Cornell/MSSS/OSU/GISL
Source - © 2007 NASA/JPL-Caltech/Cornell/UNM, modifié | Source - © 2007 NASA/JPL-Caltech/Cornell/UNM, modifié |
Source - © 2007 NASA/JPL-Caltech/USGS/Cornell, modifié | Source - © 2007 NASA/JPL/Cornell |
L'étude de ce substratum dans les cratères Eagle et Endurance, complétée par les observations sur les etched terrains, a permis de construire un log stratigraphique synthétique de ce secteur de Meridiani Planum.
Source - © 2005 Grotzinger et al, EPSL, modifié
Ces études ne couvrent qu'une épaisseur légèrement inférieure à 10 m, d'où l'intérêt de se diriger vers le cratère Victoria,de 800 m de diamètre, et qui, théoriquement, pourrait permettre des observations sur une épaisseur 10 fois plus grande.
Le cratère Victoria
Opportunity a atteint le cratère Victoria à la fin du mois de septembre 2006.
Source - © 2007 NASA/JPL-Caltech | |
Source - © 2007 NASA/JPL/UA, modifié | Source - © 2007 USGS/UA/NASA/JPL |
Source - © 2007 NASA/JPL-Caltech, modifié | Source - © 2007 NASA/JPL-Caltech |
Source - © 2007 NASA/JPL/Cornell, modifié | Source - © 2007 NASA/JPL/Cornell, modifié |
Les images prises du bord du cratère révèlent une stratigraphie assez semblable à ce qu'on connaissait déjà, avec en particulier des niveau à strates horizontales surmontant (par une "discordance" sédimentaire) des niveaux inclinés (limite entre les formations 2 et 3 du log stratigraphique ci-dessus). Les 4 images suivantes montrent des détails de cette stratification.
Source - © 2007 NASA/JPL/Cornell | Source - © 2007 NASA/JPL/Cornell |
Source - © 2007 NASA/JPL/Cornell | Source - © 2007 NASA/JPL/Cornell |
Vers où va se diriger Opportunity ? Il est très probable que la NASA va chercher une pente relativement douce pour essayer de le faire descendre dans le cratère pour observer de près et analyser le bas de la série stratigraphique. Avant, il est très possible que la NASA aille explorer le bord Est de Victoria, où les images haute résolution de Mars Reconnaissance Observer ont révélé deux pseudo-dykes qu'il serait intéressant d'étudier et d'analyser.
Source - © 2007 NASA/JPL/UA - NASA/JPL/Univ. of Arizona
Le volume des terrains polaires Sud d'après Mars Express
L'ESA et la NASA (partie prenante dans le radar de Mars Express), ) ont publié conjointement le 15 mars 2007 les résultats du radar de Mars Express concernant l'épaisseur (et le volume) des terrains polaires Sud (publications Mars Express, ESA et Mars Express, NASA). Des résultats concernant les terrains polaires Nord ont été publiés le 30 novembre 2005 et présentés sur Planet-Terre.
Les terrains polaires Sud sont constitués de terrains lités qui couvrent une très grande surface. Seul le centre de ces terrains polaires est constitué de glace "vive" (la calotte polaire sensu stricto) visible comme une tache claire, le reste étant constitué d'un mélange de glace et de poussières dans des proportions variables. Mars Observer avait donné une carte topographique précise de ces niveaux. Le radar de Mars Express permet de carter le substratum situé sous ces niveaux riches en glace. La différence indique l'épaisseur de ces terrains polaires.
Source - © 2007 GSFC / NASA | |
Source - © 2007 JPL / NASA | Source - © 2007 JPL / NASA |
Source - © 2007 NASA/JPL/ASI/ESA/Univ. of Rome/MOLA Science Team/USGS | Source - © 2007 NASA/JPL/ASI/ESA/Univ. of Rome/MOLA Science Team/USGS |
Source - © 2007 NASA/JPL/ASI/ESA/Univ. of Rome/MOLA Science Team/USGS |
Si toute la glace contenue dans les terrains polaires Sud fondait, cela recouvrirait Mars d'une couche d'H2O liquide de 11 m d'épaisseur.
L'histoire de l'eau sur Mars d'après les résultats disponibles de Mars Express (spectro-imageur et caméra HR) et Mars Observer (caméra HR)
Si on synthétise les résultats des caméras HR (Mars Express et Mars Observer) et du specto-imageur OMEGA (Mars Express), on peut retracer l'histoire de l'eau liquide sur Mars, l'histoire minéralogique de Mars, et la comparer au découpage chronologique classique établi d'après les courbes de cratérisation obtenues il y a 30 ans par les missions Viking.
La figure suivante résume ces histoires.
D'après cette histoire d'eau (et de minéraux hydratés), les membres de l'équipe d'OMEGA proposent donc une nouvelle coupure chronologique de Mars en trois ères.
- Le Phyllosien (du grec phyllos signifiant feuille, les argiles étant des phyllosilicates ou silicates en feuillets) ou l'ère des argiles, de –4,5 à –3,8 Ga. Une eau abondante coulait et altérait les vieux terrains de Mars, avec abondante synthèse d'argile. Pression et température permettaient l'existence d'eau liquide stable.
- Le Theiikien (du grec theiik signifiant soufre) ou l'ère des sulfates, de –3,8 à –3,5 Ga. La pression, l'effet de serre et la température ont diminué. L'eau liquide est devenue rare, sauf pendant les paroxysmes volcaniques où les forts dégagement de CO2 et de vapeur d'eau remontaient temporairement pression et température et permettaient l'existence de lacs temporaires, très acides (à cause du soufre volcanique). Les épisodes d'eau liquide mis en évidence par Opportunity dateraient de cette époque.
- le Sidérikien (du grec sideros signifiant fer) est l'ère des oxydes de fer anhydres, qui donnent la couleur rouge générale de la planète. Sauf en cas de débâcles catastrophiques dues à des éruptions volcaniques sur un sol gelé, ou sauf d'épisodiques micro-ruissellements sur les versants pentus très ensoleillés, il n'y a plus d'eau liquide en surface de Mars. Et quand il y en a, lors de ces épisodes temporaires, elle n'est pas en équilibre avec l'atmosphère, et elle bout-gèle et se sublime très rapidement.
La nouvelle sonde de la mission Mars Reconnaissance Orbiter va-t-elle confirmer, préciser, compléter, modifier … cette histoire ?