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Article | 08/12/2006

De l'eau liquide très près de la surface de Mars, rajeunissement des âges martiens du fait d'un bombardement météoritique beaucoup plus important qu'on ne le pensait

08/12/2006

Thomas Pierre

Laboratoire des Sciences de la Terre, ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

NASA décembre 2006 : de l'eau liquide et des cratères récents sur Mars


Le 6 décembre 2006, la NASA publie 2 nouvelles concernant Mars : eau liquide en surface et bombardement de météorites plus intense que prévu. Le journal de France Inter du 7 décembre à 8h annonçait la nouvelle. Cet article n'est qu'un commentaire à chaud pour se remettre dans le contexte.

L'existence d'eau liquide près de la surface, mais aussi l'intensité plus importante que prévu du bombardement météoritique sur Mars, sont discutés dans l'annonce NASA Images Suggest Water Still Flows in Brief Spurts on Mars du 6 décémbre 2006.

De l'eau liquide aurait coulé à la surface de Mars entre août 1999 et septembre 2006

La sonde Mars Global Surveyor tourne autour de Mars depuis 1997 (et arrive d'ailleurs en fin de vie). Elle a découvert desgullies, micro-rigoles très jeunes creusées par des micro-écoulements, sur les flancs de cratères situés au hautes latitudes (cf. fig. 25 à propos des rigoles et avalanches humides de l'article de 2004 consacré à l'eau sur Mars)

Comment de l'eau liquide pourrait-elle avoir coulé récemment sur Mars, avec sa température moyenne de –50°C et sa pression atmosphérique égale à seulement 0,6% de la pression atmosphérique terrestre ? Sous de telles conditions, H2O ne peut exister que sous les états solide ou gaz (vapeur).

Trois conditions peuvent aider à la présence d'H2O liquide.

  • La pression lithostatique. Sur Terre, la pression lithostatique (due au poids des roches sus-jacente) est d'1 atmosphère (105 hPa) dès 3 m de profondeur. Sur Mars, à cause de la gravité plus faible, cette pression lithostatique d'1 atmosphère est atteinte vers 10 m de profondeur. Si la roche n'est pas poreuse (pas de communication avec l'extérieur), de la glace à 10 m de profondeur serait donc à une pression d'1 atmosphère, permettant sans problème l'état liquide.
  • La température. Les flancs des cratères des hautes latitudes sont tournés vers le Soleil pendant de longues heures pendant les journées martiennes. La température au sol peut très largement dépasser la température moyenne de – 50°C.
  • Les sels. Les 2 robots Spirit et Opportunity ont trouvé que le sol martien était riche en sels (sulfates, chlorures), substances bien connues pour abaisser la température de fusion de l'eau.

Si on associe ces trois considérations, on s'aperçoit qu'il n'est peut-être pas très difficile d'élever la température de glace salée relativement superficielle, qui donc pourrait fondre. Si cela crée une poche d'eau, celle-ci peut crever, et de l'eau liquide va pouvoir atteindre la surface au niveau d'une dépression (un cratère) et couler vers le bas. Là, immédiatement soumise à une très faible pression, elle entrera en ébullition (à basse température) et n'aura que le temps de parcourir quelques mètres ou centaines de mètres avant d'être complètement vaporisée.

Ces structures de micro-ruissellement sont connues depuis quelques années, ainsi que cette interprétation. Ce qui est nouveau dans l'annonce de la NASA, c'est que Mars Global Surveyor a observé un de ces gullies sur une image de 2006, gullie qui n'existait pas à cet endroit en 1999 !

Figure 1. Nouveau gullie dans un cratère de la région des Centauri Montes

Deux images du même endroit à 6 ans d'écart : une coulée nouvelle est visible sur la photographie de 2006.


De l'eau liquide existerait donc encore temporairement de nos jours à la surface de Mars, et sans doute pas mal de nappes phréatiques encore liquides (mais ne crevant pas et ne donnant pas de gullies).

Dans le Planetary Photojournal de la NASA, les images n° PIA09020 à PIA09031 mises le 6 décembre 2006 (cliquer sur Mars ou aller directement sur la page Mars) ) donnent images, arguments, discussions et commentaires sur ces découvertes récentes.

Environ 60 nouveaux cratères d'impact se sont formés sur Mars entre 1999 et 2006

En 1999, la quasi totalité de Mars avait été photographiée à haute résolution par Mars Global Surveyor. En 2006, 30% ont été re-photographiés. Sur ce tiers de Mars photographié à 6 années d'intervalle, la NASA a découvert 20 nouveaux cratères avec des diamètres allant de 2 à 148 m.

Figure 2. Nouveau cratère d'impact sur le flanc Nord du volcan Ulysses Patera

Images datant du 24/02/2002 en haut, et du 13/03/2006 en bas. Le cratère a un diamètre d'environ 19,8 m.


Cela correspondrait donc à une soixantaine de cratères nouveaux en extrapolant à l'ensemble de la surface de Mars.

La grande fréquence des chutes de météorites, plus grande qu'on ne le pensait avant les années 1995, avait d'ailleurs été suggérée par la découverte de micro-impacts de météorites plus récents que la dernière tempête sur le trajet d'Opportunity (fig. 33 des nouvelles de septembre 2005).

Ce résultat, quand il sera correctement quantifié, risque de considérablement rajeunir l'âge de la surface de Mars, et d'en faire une planète de moins en moins "morte", pour ne pas dire encore active.