Article | 13/04/2005
Sur Mars, Spirit voit des tornades, Opportunity fonce vers le Sud et de nouveaux cratères
13/04/2005
Résumé
Les robots martiens continuent. Spirit s'achemine vers le sommet de l'une des collines des Columbia Hills et photographie des mini-tornades. Opportunity continue sa progression vers le Sud vers de nouveaux cratères. Les missions des robots martiens sont prolongées de 18 mois.
Table des matières
Qu'ont fait nos deux robots depuis mi février, date de notre dernier dossier les concernant ?
Spirit
Spirit continue de monter lentement vers le sommet de sa colline, Husband Hill, l'une des collines des Columbia Hills. Pour cela, il suit plus ou moins la Cummberland Ridge. La NASA n'a publié la carte de son trajet que jusqu'au 20 février 2005, et on ne connaît pas son trajet exact depuis. Il monte doucement, car la pente est raide et monter consomme beaucoup d'énergie, il doit passer la majorité de son temps à recharger ses batteries grâce à ces panneaux solaires. De plus, la progression n'est pas facile, à cause des nombreux cailloux qui parsèment le trajet.
Source - © 2005 NASA/JPL/Cornell | Source - © 2005 NASA/JPL/MSSS/OSU |
Le 1er mars, la NASA a publié un panorama complet sur 360°, qui montre le paysage martien le plus étendu jamais obtenu à ce jour. Voici ce panorama, coupé en trois images pour faciliter sa visibilité.
Le 7 mars 2005, la NASA indique qu'elle a analysé la roche la plus riche en soufre jamais trouvée par Spirit, le rcoher Peace.
Source - © 2005 NASA/JPL/Cornell
On peut noter que la structure de cette roche n'est pas sans rappeler les roches "inhabituelles" déjà rencontrées par Spirit (fig. 8 à 10 de l'artcile de février 2005).
Début avril, Spirit est passé à côté de deux affleurements montrant des strates inclinées, faisant "saillie" car dégagées par l'érosion. Le pendage de ces strates semble constant sur des distances d'au moins une dizaine de mètres. Comme depuis les quelques mois que Spirit grimpe sur les Columbia Hills, la nature de ces strates est énigmatique : dépots pyroclastiques comme le suggèrent les cristaux automorphes du rocher Wishstone (fig. 31 et suivantes de l'article de janvier 2005), sédiments volcanogènes déposés en states inclinées (paléo-delta) comme le suggèrent les éléments arrondis du rocher Lutefisk (fig. 26 de l'article de janvier 2005, voire strates initialement horizontales basculées...
Source - © 2005 NASA/JPL, modifié - NASA/JPL
Le 10 mars 2005, Spirit a capté un phénomène météorologique intéressant : deux mini-tornades (appelées dust devil en anglais), photographiées par hasard pendant que la navigation camera de Spirit faisait un panorama global (figure 9). Les mini tornades sont fréquentes sur Terre, comme celle de la figure suivante photographiée dans l'Arizona par une équipe de la NASA qui étudiait ce phénomène.
Source - © 2005 LIDAR/JPL
Source - © 2005 NASA/JPL
La figure ci-dessous montre deux images de la tornade de gauche de la figure précédente, prises à 155 secondes d'intervalle par deux caméras différentes. L'image de gauche a été prise par la navigation camera, et celle de droite par la rear hazcam camera. Ces deux vues prises par deux caméras séparées de plusieurs décimètres ont permis de faire de la stéréoscopie, et d'évaluer la distance et la vitesse de cette tornade : cette tornade était située à 1.110 m de Spirit, et se déplaçait à 11 km/h.
Source - © 2005 NASA/JPL
Pendant cette période, il ne semble pas que le robot ait été pris dans une de ces mini-tornades. Mais le temps était "venteux", ce qui est une bonne chose puisque ce vent a dépoussiéré le robot, en particulier ses panneaux solaires qui avaient bien besoin d'être nettoyés pour fournir de la puissance électrique. La figure 11 montre deux vues de la mire colorée (8 cm de diamètre) qui sert au calibrage des caméras, avant et après cet épisode venteux.
Source - © 2005 NASA/JPL/Cornell
On savait qu'il y avait des tornades sur Mars, car leur effets sont visibles depuis les sondes en orbites pour les plus grandes d'entre elles ; mais c'est la première fois qu'on en voit depuis le sol.
En effet, des "traces étranges", ressemblant à des rubans flexueux sombres, ont été repérées depuis des années par la sonde Mars Global Surveyor. De telles traces se retrouvent au niveau du site d'atterrissage et d'exploration de Spirit.
Source - © 2000 - 1999 NASA/JPL/Malin Space Science Systems
Source - © 2004 NASA/JPL/Malin Space Science Systems
Une image prise par Mars Global Surveyor le 11 décembre 1999 dans Promethei Terra (ci-dessous) a permis de comprendre l'origine de ces traces sombres : des couloirs de passage de tornades. Le vent a enlevé une fine couche de poussières claires, ce qui laisse apparaître un substratum plus sombre. Ces traces peuvent mesurer jusqu'à 150 m de large, ce qui montre qu'il existe des tornades beaucoup plus importantes que celles vues du sol par Spirit ce 10 mars 2005. Espérons qu'aucun de nos deux robots ne sera pris un jour dans une telle tornade !
Source - © 2004 NASA/JPL/Malin Space Science Systems
Opportunity
Si Spirit progresse très lentement à cause de la pente et de la difficulté du terrain, Opportunity, lui, fonce vers le Sud. Nous l'avons laissé mi-février un peu au Sud du bouclier thermique (Heat Shield). La figure suivante montre son trajet effectué le sol 413 (23 mars 2005).
Source - © 2005 NASA/JPL/OSU/MSSS
Il "fonce" vers le Sud à grande vitesse : le 20 mars 2005, il a parcouru 220 m d'une seule traite, ce qui est un nouveau record. Pourquoi se dirige-t-il vers le Sud ?
Opportunity se trouve depuis 15 mois dans une plaine sombre, qui couvre toute la partie supérieure droite de la figure ci-dessus. Cette plaine est constituée de sable et de myrtilles remaniés par le vent. En général, le substratum de ce sable myrtilleux ne se voit pas, sauf dans et au voisinage des cratères, comme Eagle où Opportunity s'est posé, ou Endurance dans lequel Opportunity a passé 6 mois, ou en quelques endroits particuliers où le vent a bien soufflé et enlevé le sable. Les figures suivantes montrent cette plaine "sans affleurement", un gros plan sur l'accumulation de myrtilles, et une zone où le substratum rocheux affleure au creux des mini-dunes.
Source - © 2005 NASA/JPL/Cornell/USGS
A priori, ce substratum affleure largement au Sud de la région, dans des terrains appelés etched terrains (littéralement, to etch signifie graver à l'eau forte). Opportunity pourra étudier ces terrains sur une vaste surface, et même sur une grande épaisseur s'il atteint le cratère Victoria, 4 fois plus grand qu'Endurance (voir le trajet ci-avant), qui donc devrait livrer des "coupes" sur 4 fois plus d'épaisseur.
Cette formation des etched terrains, dont on ne connaît que le haut grâce aux cratères Eagle et Endurance, couvre des milliers de kilomètres carrés. On sait qu'elle est principalement constituée d'argiles riches en sulfates là où elle a été analysée, et Mars Express a montré que la présence des sulfates était générale dans toute la plaine. Les photographies des sondes en orbite montrent que cette formation est stratifiée sur au moins 100 m d'épaisseur (cf figures 18 et 19). Et il en a fallu de l'eau pour déposer plus de 100 m d'épaisseur d'argiles évaporitiques sur plusieurs milliers de kilomètres carrés !
Source - © 2005 NASA/JPL/Malin Space Science Systems, détail | Source - © 2005 NASA/JPL/Malin Space Science Systems, détail |
Aller étudier ces terrains sur de vastes surfaces (et non ponctuellement à l'occasion de cratères) et sur une grande épaisseur est donc capital dans la problématique de nos robots, dont le but principal est, ne l'oublions pas, d'étudier et de reconstituer les milieux et les périodes où l'eau liquide existait sur Mars.
Qu'a vu Opportunity dans sa course vers ces etched terrains" ? À part des dunes, et encore des dunes, il a vu des cratères qui permettent au substratum d'affleurer, cratère d'origine météoritique, ou effondrement d'origine énigmatique ?
Source - © 2005 NASA/JPL, modifié
Source - © 2005 NASA/JPL, modifié
Le 8 mars 2005, Opportunity atteint Vostok, vieux cratère (météoritique ?) complètement rempli de dépôts éoliens, et dont seule dépasse la crête périphérique surélevée.
Source - © 2005 NASA/JPL, modifié
Le substratum rocheux bien visible sur ce bord de cratère remblayé montre comme dans Eagle et Endurance des fentes (de dessiccation ?) et des myrtilles.
Source - © 2005 NASA/JPL, modifié - NASA/JPL/Cornell
Le 31 mars 2005, Opportunity atteint le cratère Viking qui, lui, ressemble beaucoup à un cratère d'impact.
Source - © 2005 NASA/JPL, sol 421, modifié
À ce jour (12 avril 2005), Opportunity n'a pas encore atteint ces etched terrains, comme en témoignent les images de la caméra de navigation d'Opportunity prises la veille, sol 431 (11 avril 2005).
Prolongation de la mission des robots
La durée de vie et de fonctionnement nominale des deux robots était de 100 jours et/ou 600 m. Ils devaient donc fonctionner jusqu'en avril 2004, puis devaient "logiquement" tomber en panne. Comme en avril 2004 ils fonctionnaient encore, la NASA a prolongé de 6 mois le travail (et le financement) des équipes de scientifiques, ingénieurs et techniciens chargées de piloter les robots, d'en choisir les destinations, les cibles d'analyses… , puis encore de 6 mois, jusqu'en avril 2005 donc. Et comme les robots sont toujours en pleine forme, la NASA vient encore de prolonger la mission, et cette fois de 18 mois d'un coup, jusqu'en septembre 2006. Une belle promesse de nouveaux résultats...