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Article | 10/10/2001

École de Terrain - Un récif corallien dans la vallée de l'Yonne

10/10/2001

Daniel Raymond

UPMC, Laboratoire de tectonique

Philippe Hubert

Association Timarche

Benoît Urgelli

ENS-Lyon / DGESCO

Benoît Urgelli

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Excursion montrant la sédimentation en milieu lagunaire dans la vallée de l'Yonne à l'Oxfordien.


D'après le compte-rendu de Philippe Hubert (Association Timarcha). Encadrement scientifique Daniel Raymond, Laboratoire de Tectonique, Université Pierre et Marie Curie.

Introduction

Cinq étapes du Nord au Sud permettent de comparer les roches sédimentaires observées aux dépôt actuels des lagons, sous des latitudes plus tropicales. On reconstitue ainsi l'environnement de la vallée de l'Yonne au moment de la formation de ces roches, il y a 150 millions d'années (Oxfordien, Jurassique supérieur).


Arrêt 1 : Vermenton

On observe ici une alternance de bancs massifs, plutôt calcareux, et de bancs plus feuilletés, plutôt marneux (avec ~50 % de CaCO3, ~50 % d'argiles).

On ne trouve pas de fossiles de faciès visibles, mais les caractéristiques de l'ensemble sont celles d'une sédimentation terrigène de plate-forme continentale (sous une épaisseur d'eau d'une centaine de mètres).

Arrêt 2 : Mailly-le-Château

À l'entrée de la ville, une ancienne carrière montre à l'affleurement des roches calcaires.

Un examen plus attentif de ces roches indique qu'elles sont formées de petits éléments sphériques, les oolites, ainsi que de débris de toutes tailles de coraux et de coquilles de mollusques... Le ciment est constitué de calcite en grands cristaux limpides, sans composante argileuse. Il s'agit d'un calcaire oolitique ou bioclastique.

Le sédiment d'origine de cette roche a été déposé dans un milieu marin bien moins profond qu'à l'arrêt précédent (moins de 20 mètres, faciès de formation des oolites), à proximité d'un récif (débris de coraux). Par ailleurs, ce faciès témoigne d'un milieu de formation agité par les courants. Par comparaison avec les milieux de sédimentation actuels, on pense qu'il s'agit d'une accumulation de débris au pied d'un récif.

Au château de Mailly-le-Chateau, notre hypothèse se confirme : en observant le panorama, on remarque que les calcaires ont un pendage de 15° vers le NNW.

Ce pendage n'est pas d'origine tectonique, mais correspond à la pente naturelle d'un talus d'éboulis accumulé à la base d'un récif. Ces éboulis proviennent du démantèlement continuel du récif soumis au choc des vagues. Le pendage étant vers le NNW, il nous faut chercher le récif lui-même plus au Sud.

Idée de travail sur le terrain : mesurer un pendage à l'aide d'une boussole (vidéo ci-dessous).

Mesurer un pendage à l'aide d'une boussole.

Arrêt 3 : Carrière des Rochers du Parc


L'ancienne carrière, faisant actuellement partie d'une réserve naturelle, présente à l'affleurement une grande masse calcaire sans stratification visible et très pure : pas d'éléments sableux, pas d'argile... On n'a pratiquement que du carbonate de calcium (CaCO3). Il suffit de s'approcher des parois pour observer de très nombreux coraux, entiers, et dans leur position de vie.


Ce calcaire représente donc la barrière du récif lui même, constitué par tous ces coraux qui ont véritablement construit la roche, que l'on peut appeler un calcaire construit. Ces coraux peuvent avoir une forme rameuse, bien adaptée aux échanges d'éléments nutritifs avec l'eau de mer, ou bien en boule, plus résistante à l'agitation de l'eau. Outre ces organismes, on peut trouver des bivalves également récifaux, les rudistes (du genre Diceras). Si l'on se réfère aux conditions actuelles de vie des coraux et que l'on considère qu'elles étaient également valables à l'Oxfordien (principe de l'actualisme), on peut donc dire que le milieu était marin, très peu profond, avec une eau dont la température était supérieure à 20°C. Le talus d'éboulis, vu à l'arrêt précédent, est situé du côté de la mer ouverte. Nous sommes ici au niveau de la barrière récifale. Plus au Sud, il faut s'attendre à trouver des dépôts de lagon.

Arrêt 4 : Aux rochers du Saussois, puis à la roche aux Poulets

Aux rochers du Saussois

Ces reliefs propices à l'escalade sont encore formés de calcaires, ressemblant à ceux de l'arrêt 2. Certaines zones sont plus dures, et apparaissent ainsi en relief sur les parois : elles sont formées de coraux fragmentés, accumulés.

L'affleurement

Figure 10. L'affleurement


Détail d'un rocher

Figure 11. Détail d'un rocher


À la Roche aux Poulets

On observe, de bas en haut :

  • des calcaires bioclastiques bien stratifiés, contenant dans leur partie supérieure des gerbes de polypiers en position de vie ;
  • des constructions récifales de forme lenticulaire (appelées biohermes) intercalées dans des calcaires construits bien stratifiés.
L'affleurement

Figure 12. L'affleurement


Interprétation

Figure 13. Interprétation


L'ensemble est interprété comme des dépôts de lagon, où se mélangent les sédiments issus du démantèlement du récif, amenés dans le lagon par les passes, petites constructions coralliennes isolées.

Arrêt 5 : Chatel-Censoir

Les formations calcaires, plongeant légèrement vers le Nord (pendage tectonique), montrent deux ensembles. Le complexe supérieur est constitué des calcaires bioclastiques désormais familiers : ils se sont déposés dans le fond du lagon.

L'affleurement

Figure 14. L'affleurement


Interprétation

Figure 15. Interprétation


Le complexe inférieur est différent : en s'approchant, on peut remarquer des coraux en position de vie. Ces coraux ont une forme différente de ceux que nous avons vus jusqu'ici : ils sont lamellaires, très minces. Ces formes sont adaptées à une vie sur un fond meuble, en milieu très calme et peu profond.


Le milieu de vie de ces coraux était donc le fond du lagon, protégé des vagues par la barrière récifale.

Conclusion

La succession des différents arrêts, du Nord vers le Sud, a permis de reconstituer un récif corallien oxfordien de type barrière.


Cette région se trouvait donc immergée, et en climat tropical à cette époque, entre 20 et 30° de latitude Nord. Ce récif et ce lagon bordaient une terre émergée située plus au Sud, dans le secteur du Massif Central. La mer ouverte bordait un grand océan appelé Téthys, ouvert d'Est en Ouest jusqu'aux Caraïbes. Sa fermeture et l'ouverture simultanée de l'Océan Atlantique entraîneront plus tard l'affrontement des blocs africo-indien avec l'Eurasie, ce qui provoquera la formation d'une longue chaîne de montagnes, depuis l'Himalaya jusqu'aux Alpes.

Mais ceci est une autre histoire...