Image de la semaine | 22/09/2025
Le Teide, ses coulées et ses cônes remplissant la caldeira de Las Canadas, ile de Tenerife, archipel des Canaries (Espagne)
22/09/2025
Auteur(s) / Autrice(s) :
Publié par :
- Olivier DequinceyENS de Lyon / DGESCO
Résumé
Cônes basaltiques, coulées de lave, série alcaline. Des roches claires, sombres, rouges ou noires, microlitiques ou vitreuses.

Source - © 2025 — Google Earth Street View
Il s'agit d'un des plus grands complexes astronomiques internationaux regroupant une vingtaine d'instruments, spécialisés entre autres, dans l'étude du Soleil. Situé entre 2350 et 2400 m d'altitude (donc ici au-dessus des nuages), il bénéficie d'excellentes conditions météorologiques propices aux observations astronomiques. Au fond, le volcan du Teide (3718 m), le sujet de l'article de cette semaine.
Localisation de tous les sites photographiés pour illustrer le Teide et la caldeira de Las Canadas (Tenerife, Canaries).
La géologie de l'ile de Tenerife est complexe (voir carte géologique globale figure 4). Il s'agit d'un volcanisme de point chaud intra-océanique montrant une série alcaline classique. Sur d'anciens stratovolcans (âges compris entre environ −12 à −4 Ma) dont les restes affleurent au Nord-Est et au Nord-Ouest s'installe (entre environ −4 et −0,2 Ma) un vaste complexe volcanique lui aussi sous forme d'un stratovolcan avec des laves allant des basaltes aux phonolites, le volcan de Las Canadas. L'activité volcanique centrale de ce stratovolcan s'est accompagnée, depuis 3 Ma et jusqu'à nos jours, par des éruptions périphériques essentiellement basaltiques ayant lieu sur un système de fissures radiales (système souvent appelé “rift”, rift signifiant “crevasse” ou “fissure” en anglais et ne correspondant en rien à un “rift médio-océanique”), fissures radiales dessinant un Y dont les trois bras vont en direction du Nord-Est, du Sud et du Nord-Ouest. Il y a 170 000 à 200 000 ans, le volcan de Las Canadas s'effondre avec formation de la caldeira éponyme. Les causes de cet effondrement (vidange d'un réservoir et/ou effondrement du flanc Nord du volcan vers la mer) sont discutées. Depuis 170 000 ans, deux nouveaux stratovolcans (encore actifs) se sont installés dans la caldeira (et en recouvrent le bord Nord), le Teide à l'Est et le Pico Viejo à l'Ouest-Sud-Ouest, ainsi que des petits cônes éruptifs basiques. Le Pico Viejo, le Teide et ses annexes, sont constitués d'une série alcaline allant des basaltes aux phonolites, ces dernières formant le “gros” de la masse du Teide et de ses annexes situées à l'Est (la Montana Blanca…). Les photographies 5 à 19 ont toutes été prises dans la caldeira, et plus précisément dans ses parties Sud et Est.

Source - © 2004 — Pierre Thomas
Sur la photo inférieure, les traits rouges visualisent les flancs du volcan de Las Canadas et les remparts de la caldeira. La ligne pointillée rouge localise le fond actuel de la caldeira, caché par les premiers plans. On voit très bien le Teide qui a crû en remplissant la caldeira de Las Canadas. Le Pico Viejo, situé à l'Ouest, est caché par la masse du Teide.

Source - © 2025 — D’après Google Earth, modifié
Les trois cinquièmes du tracé de la caldeira encore visible sont figurés en rouge (les 2 autres cinquièmes sont recouverts par les formations du Teide - Pico Viejo). Les chiffres associés aux punaises renvoient aux numéros des figures.

Source - © 2022 — D’après Marrero-Rodriguez et Dóniz-Páez , modifié
Les quatre périodes/édifices volcaniques sont représentées par quatre couleurs : (1) le bleu figure les volcans boucliers / stratovolcans anciens qui représentent le substratum de l'ile ; (2) le jaune représente les formations associées au volcan Las Canadas ; (3) le vert représente le volcanisme basaltique fissural dit « de rift » avec ces trois branches Sud, Nord-Ouest et Nord-Est ; (4) l'orangé représente le complexe Teide - Pico Viejo.
Les coulée historique (post-XVe siècle) sont figurées en rouge. On les trouve dans les branches NO et NE du système de fissures basaltiques et sur les flancs du Pico Viejo.
Source N. Marrero-Rodríguez, J. Dóniz-Páez, 2022. Coastal Dunes Geomorphosites to Develop the Geotourism in a Volcanic Subtropical Oceanic Island, Tenerife, Spain, Land, 11, 3, 426 [Open Access]
![]() Source - © 2004 — Pierre Thomas On distingue très bien le rempart Sud de la caldeira (à gauche), et des coulées récentes assez sombres venant de droite et recouvrant des pyroclastites assez claires. |
![]() Source - © 2004 — Pierre Thomas On distingue très bien des coulées sombres, d'autres rougeâtres, recouvrant des terrains plus clairs. Ces couleurs, une fois n'est pas coutume, ne reflètent pas que la chimie de la lave (sombre = lave basique, clair = lave acide) mais surtout sa structure. La majorité de ces roches sont des phonolites mais deviennent très sombres quand leur structure est vitreuse (cf. figures 13 à 16). On devine trois petites coulées rougeâtres sur la droite de l'image. Les deux figures suivantes correspondent à des zooms sur ces coulées, coulant au flanc de ce qu'on appelle la Montana Blanca. |
![]() Source - © 2004 — Pierre Thomas Ces coulées de phonolites noires du Teide sont à l'origine des « œuf du Teide » (cf. Les « œufs du Teide », des boules d'accrétion de lave (ile de Tenerife, Canaries, Espagne)). Les trois coulées rougeâtres sont détaillées à la figure suivante. |
![]() Source - © 2004 — Pierre Thomas Si des photos de coulées de lave fluide type basalte abondent, des vues globales de coulées de laves visqueuses, courtes et épaisses, sont rares dans la “littérature”, et ce pour deux raisons : (1) ces coulées sont intrinsèquement assez rares, et (2) comme les laves visqueuses font dans la majorité des cas des dômes ou des aiguilles, par soucis de simplification, beaucoup négligent les coulées de lave très visqueuses ou même ignorent qu'il en existe. La coulée centrale a une longueur de 320 m pour une largeur maximale de 110 m. |
![]() Source - © 2025 — Google Earth Street View On exploitait des carrières de ponce en ces lieux dans la première moitié du XXe siècle). La figure suivante ( figure 10) correspond à un zoom sur la coulée située au centre de cette figure. |
![]() Source - © 2004 — Pierre Thomas Cette coulée a une longueur de 200 m pour une largeur maximale de 70 m. |
Les six photographies suivantes viennent des alentours immédiats du parking de Las Minas de San Jose, photographies prises le long d'un sentier aménagé ou au bord même de la route.
![]() Source - © 2004 — Pierre Thomas Il s'agit en fait de laves approximativement de même chimie, des trachy-phonolites. Les roches sont claires quand leur structure est “normale” (microlitique). Elles deviennent sombres quand leur structure est entièrement vitreuse (obsidienne). Pour la genèse de la structure des obsidiennes qui n'est pas due à un refroidissement particulièrement rapide contrairement à une fausse croyance tenace, (re)voir Obsidienne / bordure figée : une obsidienne n'est pas une lave refroidie rapidement. |
![]() Source - © 2004 — Pierre Thomas Il s'agit en fait de laves approximativement de même chimie, des trachy-phonolites. Les roches sont claires quand leur structure est “normale” (microlitique). Elles deviennent sombres quand leur structure est entièrement vitreuse (obsidienne). Pour la genèse de la structure des obsidiennes qui n'est pas due à un refroidissement particulièrement rapide contrairement à une fausse croyance tenace, (re)voir Obsidienne / bordure figée : une obsidienne n'est pas une lave refroidie rapidement. |
![]() Source - © 2004 — Pierre Thomas |
![]() Source - © 2004 — Pierre Thomas La structure vitreuse se voit particulièrement bien sur cette figure. Dans le coin supérieur gauche, on reconnait la petite coulée de la figure 10. |
![]() Source - © 2025 — D’après Google Earth Street View |
![]() Source - © 2025 — D’après Google Earth Street View |
À l'intérieur de la caldeira de Las Canadas, près de son bord oriental, on trouve de petits cônes de scories basaltiques. Ces cônes sont sans doute plus à rattacher à la branche Nord-Est du volcanisme dit ”de rift” qu'au volcanisme du Teide sensu stricto. Les trois photographies suivantes montrent deux de ces petits cônes.
![]() Source - © 2025 — Google Earth Street View Les deux photos suivantes zooment chacun de ces cônes. À l'arrière-plan, le rempart de la caldeira de Las Canadas. | |
![]() Source - © 2004 — Pierre Thomas |
![]() Source - © 2004 — Pierre Thomas |
Les deux photographies suivantes correspondent à deux images satellites de la caldeira. La première, non annotée, est une vue dirigée vers le Sud-Est. La deuxième, annotée, est une vue vers le Nord.
![]() Source - © 2006 — Earth Science and Remote Sensing Unit, NASA Johnson Space Center Sans regarder la figure suivante, essayez de localiser toutes les photos de cet article. |
![]() Source - © 2025 — D’après Google Earth, modifié |

Source - © 1998 — D’après Ablay et al. , modifié
Le Teide (T) est figuré par l'étoile jaune, le rempart de la caldeira par le trait rouge (LCC = Las Canadas Caldera). PV = Pico Viejo et MB = Montana Blanca. L'ovale bleu localise le champ de la figure 5, l'ovale violet localise les courtes coulées de laves visqueuses et les obsidiennes des figures 7 à 16, et l'ovale vert localise les petits cônes de scories basaltiques (figures 17 à 20).
Source : G.J. Ablay, M.R. Carrol, M.R. Palmer, J. Marti, R.S.J. Sparks, 1998. Basanite–Phonolite Lineages of the Teide–Pico Viejo Volcanic Complex, Tenerife, Canary Islands, Journal of Petrology, 39, 5, 905-936 [PDF – Texte intégral(lien externe - nouvelle fenêtre)].

Source - © 1998 — D’après Ablay et al.
On a là une évolution typique de la série alcaline entre un magma primaire non différencié (basalte et basanite, figures 17 à 19) et des roches très différenciées (trachytes et phonolites, figures 7 à 16). Rappelons que la série alcaline n'est pas, contrairement à ce qui est souvent cru, caractéristique des points chauds. Il existe des séries alcalines en contexte de rift (rift africain) voire de subduction (cf. La province volcanique du Payun Matru (Argentine) : des volcans de subduction hors normes) et de nombreux points chauds émettent des séries tholéitiques (Hawaii, grands trapps…).

Source - © 2025 — D’après Google Earth, modifié
En octobre 2004, j'ai participé à un “voyage astronomique” (avion + bus) organisé par l'Association Française d'Astronomie (AFA) aux iles Canaries, voyage dont le but principal était la visite des nombreux observatoires installés sur ces iles, principalement sur les iles de Tenerife et de La Palma. Ces observatoires y ont été installés du fait des excellentes conditions atmosphériques qui y règnent (faible nébulosité au-dessus de 2000 m, faible turbulence de l'atmosphère…), conditions qui rappellent les conditions régnant à Hawaii où sont d'ailleurs installés d'autres grands observatoires astronomiques. Mais le tourisme non astronomique n'était pas absent de ce voyage. On a traversé et on s'est arrêté assez souvent (bien que pas assez à mon goût) admirer de somptueux paysages volcaniques, même s'il n'y a quasiment pas eu d'arrêts strictement “géologiques” permettant soit des échantillonnages soit d'étudier / photographier des structures particulières. L'article de cette semaine, comme cinq autres à venir, correspond à un aspect de cette visite “touristico-géologique” des iles de Tenerife et de la Palma, avec des images provenant du scan de vieilles diapositives argentiques, moins nombreuses que ce que j'aurais fait quelques années plus tard quand j'ai acquis mon premier appareil numérique. J'ai complété ces scans de diapos personnelles prises sur le terrain ou par la fenêtre du bus avec ce qu'on trouve en 2025 sur Google Earth Street View, où le véhicule scannant les bords de routes ainsi que le public y déposant ses photographies ont fait de la géologie, souvent sans le savoir. Après ce premier article consacré à la caldeira Las Canadas, deux autres articles décriront d'autres aspects de Tenerife, et trois autres seront consacrés à l'ile de la Palma.

















