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Titan, un satellite avec saisons, lacs et rivières variables, circulation équatoriale des vents…

Pierre Thomas

Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Variations saisonnières observées à la surface de Titan, satellite de Saturne, et figures de dynamique externe (dunes) et interne (cryo-volcan).


L'hémisphère Nord de Titan, satellite de Saturne, vu aux infrarouges à la fin de l'hiver (à gauche) et en été (à droite)

Figure 1. L'hémisphère Nord de Titan, satellite de Saturne, vu aux infrarouges à la fin de l'hiver (à gauche) et en été (à droite)

Avec les infrarouges, atmosphère et nuages sont partiellement transparents ce qui permet de “voir” le sol.

Le pôle Nord est localisé par la croix blanche. En hiver, le pôle Nord est plongé dans la nuit polaire, mais les lacs situés près du “cercle polaire” commencent à être éclairés par le Soleil et sont visibles (quand Cassini est arrivé, tous ces lacs étaient plongés dans la nuit polaire et n'ont été découverts que grâce au radar). En été, le pôle Nord est éclairé en permanence par le « Soleil de minuit ». La flèche noire localise l’un de ces lacs visible dès 2007 et en 2017, lac qui sert de repère entre ces deux clichés.


Titan est le plus gros satellite de Saturne. Il “accompagne” Saturne en orbitant autour de sa planète, et fait donc un tour autour du Soleil en 29,5 années terrestres. Les saisons y durent donc environ 29,5/4 soit 7,4 ans. Lors de l'arrivée de la mission Cassini-Huygens (en 2004), on était en plein hiver dans l'hémisphère Nord (solstice en 2002) et donc en plein été dans l'hémisphère Sud. Les équinoxes (de printemps au Nord, d'automne au Sud) ont eu lieu en 2009, et les solstices (d'été au Nord, d'hiver au Sud) ont eu lieu en 2017, l'année de la fin de la fin de la mission Cassini-Huygens qui a donc observé Titan quasiment pendant une demie année “saturno-titanienne”. Cela a permis d'étudier les variations saisonnières de l'atmosphère, des lacs, des rivières…

La semaine dernière, ont été rappelées des généralités sur les méthodes d'observation de Titan, sur son atmosphère, ses lacs d'hydrocarbures liquides (méthane majoritaire, éthane…). Nous vous avons montré en particulier les extraordinaires photographies du reflet des infrarouges solaires sur la surface des lacs du pôle Nord (fig. 4 et 5 de Titan, un satellite saturnien à hydrocarbures avec lacs et continents), photographies qui n'existaient pas quand nous avons rédigé en mai 2006 une synthèse sur Titan (cf. Mai 2005 – mai 2006, une année d'exploration de Titan et une première synthèse sur l'histoire de ce satellite de Saturne), la région polaire étant encore plongée dans la nuit. Nous vous montrons aujourd'hui des images publiées par la NASA postérieurement à cet article de synthèse.

Le radar a formellement confirmé l'existence de lacs d'hydrocarbures en zone polaire Nord en juillet 2006. D'autres lacs, beaucoup plus petits ont aussi été identifiés en zone polaire Sud. Des études ont permis d'estimer localement la profondeur de certains de ces lacs, de voir leur variations saisonnières…

Mesure par radar de la profondeur des lacs sur Titan, satellite de Saturne

Figure 2. Mesure par radar de la profondeur des lacs sur Titan, satellite de Saturne

À gauche, vue radar (colorisée) du plus grand lac de Titan, Kraken Mare près du pôle Nord. Au centre, image radar détaillée correspondant au rectangle blanc de l'image de gauche. À droite, signaux du radar fonctionnant non pas en radar imageur comme dans les images de gauche et du centre, mais en radar altimètre.

La trajectoire de Cassini fonctionnant en mode altimètre est figurée en rouge sur l'image de gauche, les 3 zones correspondant aux 3 signaux de droite correspondent aux cercles colorés de l'image centrale. L'intensité de l'écho est d'environ 30 dB (au bruit de fond près). Deux échos dépassent nettement le bruit de fond : un premier écho d'environ 85 dB, suivi environ 0,4 milliseconde plus tard d'un deuxième écho d'environ 55 dB. Le premier écho est interprété comme la réflexion du faisceau radar sur la surface du lac, le deuxième écho est interprété comme la réflexion du faisceau radar sur le fond du lac. Cela permet, par différence, d'estimer la profondeur du lac à environ 30 m à la verticale du passage de Cassini. Ces lacs de la région boréale ne sont pas de simples marécages, mais bien de vrais lacs.


Évaporation et disparition de lacs dans l'hémisphère Sud de Titan pendant l'été

Figure 3. Évaporation et disparition de lacs dans l'hémisphère Sud de Titan pendant l'été

À gauche, des lacs pleins de liquide ont leur limite entourée en bleu. Ils sont au centre de zones (entourées en rouge) que les géologues de la NASA ont interprété comme d'anciens rivages de lacs en cours de retrait. On est en décembre 2007, l'équivalent (pour l'hémisphère Sud de Titan) de juillet pour l'hémisphère Nord de la Terre. À droite, en mai 2009 (l'équivalent d'août chez nous) les lacs présents en 2007 se sont évaporés et ont disparu.


Figure 4. Des lacs transitoires près du pôle Sud de Titan, satellite de Saturne

En haut, images brutes ; en bas, images annotées par la NASA.

Ces images sont des images infrarouges prises près du pôle Sud (situé sous les nuages). On est en plein été dans l'hémisphère Sud (équivalent de juillet pour l'hémisphère Nord de la Terre). Des petits lacs, absents en 2004 (la zone cerclée de blanc est vide) sont apparus dans cette zone. Les nuages ne sont évidemment pas exactement au même endroit. La NASA propose que ces lacs transitoires soient dus à des pluies saisonnières d'hydrocarbures.


Il n'y a pas que les lacs comme manifestations de la présence de liquide à la surface de Titan. Il y a aussi des rivières. Souvent, les lits des rivières sont très clairs sur les images radar. Leur surface est “rugueuse” et réfléchit bien les ondes radar dans la direction de la sonde Cassini. Leur lit doit être parsemé de galets (galets de glace d'H2O sans doute). Parfois, le fond des lits des rivières est noir sur les images radar ; leur fond est lisse et ne réfléchit pas les ondes dans la direction de Cassini. Du liquide (des hydrocarbures) coulent dans ces lits et recouvre les galets. Et le méthane liquide n'est pas le seul fluide en mouvement sur Titan ; il y a des vents, vents qui génèrent des dunes.


Champ de dunes (dunes de sable, sable sans doute majoritairement composé de glace d'H2O) à la surface de Titan, satellite de Saturne

Figure 6. Champ de dunes (dunes de sable, sable sans doute majoritairement composé de glace d'H2O) à la surface de Titan, satellite de Saturne

Il s'agit de dunes longitudinales (parallèles à la direction des vents dominants). Les dunes contournent les reliefs, qui défléchissent la direction des vents qui, sur cette image, vont d'en bas à gauche vers le haut à droite (d'Ouest en Est). Ce champ de dunes mesure environ 200 km de large.


Comparaison entre une image obtenue par le radar imageur et une carte altimétrique (obtenue par stéréoscopie d'images radar) de la même région de Titan

Figure 7. Comparaison entre une image obtenue par le radar imageur et une carte altimétrique (obtenue par stéréoscopie d'images radar) de la même région de Titan

On voit que les champs de dunes, comme sur Terre, sont statistiquement cantonnés dans les zones basses.


Figure 8. Carte des vents dominants sur Titan, satellite de Saturne, carte établie grâce à la direction des dunes

Globalement, là où la cartographie a été possible, de part et d'autre de l'équateur, les vents dominants vont d'Ouest en Est.


Il n'y a pas que de la géodynamique externe sur Titan, mais aussi de la géodynamique interne (tectonique, volcanisme actif…, cf Quasi-tectonique des plaques sur Encelade, volcans actifs et pluies de méthane sur Titan…). Depuis les derniers articles de Planet-Terre, d'autres données ont été acquises ; nous vous en montrons deux.

Comparaison de figures tectoniques observées, sur Titan et Vénus, grâce à un radar imageur

Figure 9. Comparaison de figures tectoniques observées, sur Titan et Vénus, grâce à un radar imageur

Ces figures sont des champs de grabens radiaux sans doute dus à un bombement. À droite, un champ de graben radiaux sur Vénus, à gauche sur Titan. Deux planètes bien différentes (planète tellurique / satellite de glace) mais il y a au moins convergence morphologique.


Image radar (en haut) et modèle 3D (en bas, relief exagéré 10 fois) de Sotra Facula, un cryo-volcan de Titan, satellite de Saturne

Décidément, la géologie de Titan est pleine de surprises, et aussi intéressante que celle d’Io vue au début de janvier 2025 (cf. Io, satellite de Jupiter : quarante-cinq ans d'observation d'éruptions volcaniques).

Si Saturne est connu depuis toujours car bien visible à l'œil nu, Titan n'est découvert qu'en 1655 par Huygens. Mais le nom définitif de Titan ne date que du milieu du XIXe siècle. Ce nom est une exception. En effet, la grande majorité des satellites dans le système solaire ont comme dénomination les noms de “personnages”, le plus souvent de personnages de la mythologie gréco-latine (Io, Ganymède, Phobos…). Titan n'est pas le nom d'un personnage, mais d'une catégorie de personnages : les titans. D'après la mythologie classique la plus “connue” (il y a des variantes), les titans (6 “mâles” et 6 “femelles”) sont 12 des très nombreux enfants de Gaia et Ouranos. Le plus célèbre des Titans est Saturne, nom latin de Cronos (sans “h”). Cinq des satellites de Saturne ont d'ailleurs des noms de titans. Les dieux majeurs (Zeus, Héra, Poséidon, Hades…) sont les enfants incestueux de Cronos et Rhéa. Les dieux se sont révoltés contre les titans dans un affrontement terrible, connu sous le nom de titanomachie. Après leur défaite, les titans furent enchainés dans le Tartare. Cette titanomachie donna lieu à de nombreuses sculptures antiques et à de nombreux tableaux aux XVIe et XVIIe siècles, époque où la mythologie était “à la mode”. Pour associer géologie, histoire et art, nous vous montrons trois représentations de cet affrontement “titanesque”.

Arbre généalogique des personnages principaux de la mythologie gréco-romaine

Figure 11. Arbre généalogique des personnages principaux de la mythologie gréco-romaine

On voit que les 6 titans (masculins) et les 6 titanides (féminins) (tous en bleu) sont des enfants de Gaia et Ouranos, et les parents de la majorité des dieux majeurs.



Scène de titanomachie et de gigantomachie

Figure 13. Scène de titanomachie et de gigantomachie

Grand Autel de Pergame (IIe siècle avant J.C.), musée archéologique de Berlin.


La Chute des Titans peinte par Cornelis van Haarlem en 1588, Musée national d'art, Copenhague

Figure 14. La Chute des Titans peinte par Cornelis van Haarlem en 1588, Musée national d'art, Copenhague

On représentait souvent des personnages nus aux XVIe et XVIIe siècles, mais les artistes mettaient la plupart du temps des cache-sexes, surtout pour les hommes. Ici, les cache-sexes sont originaux : papillons, libellules…


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