Image de la semaine | 10/03/2025
Titan, un satellite saturnien à hydrocarbures avec lacs et continents
10/03/2025
Résumé
Atmosphère, surface et présence d’hydrocarbures sur Titan, révélées par imageries complémentaires dans le visible, l’infrarouge et l’ultraviolet.
Source - © 2004 NASA/JPL/Space Science Institute
Figure 1. Surface et atmosphère de Titan, satellite de Saturne, image en fausses couleurs
Cette image est construite à partir d'images correspondant à des longueurs d'ondes différentes dans l'ultraviolet et l'infrarouge. L'atmosphère de Titan arrête ou réfléchit les longueurs d'onde du visible (figure 2), par contre certains infrarouges (IR) solaires traversent l'atmosphère, atteignent le sol, y sont plus ou moins réfléchis et retraversent l'atmosphère, donnant alors une image du sol. Les zones sombres sont celles qui absorbent ces IR et les zones claires celles qui les réfléchissent. Pour simplifier, les zones absorbantes sont riches en hydrocarbures (lourds et solides ou légers et liquides) alors que les zones réfléchissantes, quasi-dépourvues d'hydrocarbures, sont riches en glace d'eau.
Les infrarouges sont rendus par le rouge et le vert qui, en plus de mettre en évidence la surface du satellite, interagissent plus ou moins avec l'atmosphère et montrent, en rouge, les régions avec présence de méthane atmosphérique, ou sont fortement réfléchis par certains types de nuages d'altitude très brillants.
Les ultraviolets sont rendus par le bleu qui montre la haute atmosphère et ses brumes “détachées”.
Quelques explications sur l'imagerie infrarouge de Cassini dans Seeing Titan with infrared eyes.
Source - © 2005 NASA/JPL/Space Science Institute
Figure 2. Jours brumeux sur Titan, satellite de Saturne, image en lumière “naturelle” reconstituée
L'image d'origine a été tournée de façon à positionner le Nord en haut. Elle a été prise depuis une distance de 229 000 km et la couleur naturelle est issue de la recombinaison d'images à filtres rouge, vert et bleu afin de reconstituer ce que verrait l'œil d'un astronaute s'approchant de Titan.
On voit la surface de l'atmosphère dense et brumeuse de Titan. Les imageries infrarouge (figure 1) et radar (figure 3) permettent de s'affranchir de la dense atmosphère de Titan et de révéler sa surface.
Dans notre système solaire, la Terre n'est pas la seule planète à avoir un compagnon qui lui tourne autour. Si la Lune a le monopole sur Terre, étant le seul corps en orbite autour de cette dernière, ce n'est pas le cas partout dans le système solaire. En effet, Mars en a deux lunes – Déimos et Phobos, Jupiter en a 64 dont 4 majeures – Io (cf., par exemple, Io, satellite de Jupiter : quarante-cinq ans d'observation d'éruptions volcaniques), Ganymède, Europe et Callisto – et Saturne au moins 146, dont celle qui nous intéresse aujourd'hui : Titan.
Titan est la plus grosse lune en orbite autour de Saturne et la deuxième plus grosse du système solaire. Seul Ganymède, satellite de Jupiter, la dépasse en rayon et en masse. Avec un rayon de 2 500 km et une masse 1,345.1023 kg, Titan est à la fois plus volumineuse que la planète Mercure mais moins lourde que cette dernière. Cette particularité s'explique par la composition de Titan. Alors que Mercure, comme la Terre et les autres planètes telluriques (ou rocheuses), est composé d'éléments lourds comme des silicates et des métaux, Titan est composé en grande partie d'eau et de composés organiques. Les composés organiques qui forment Titan, comme l'eau, le méthane, le dioxyde de carbone, ou bien le soufre, présentent une densité plus faible que les métaux et “allègent” donc ce satellite.
La présence de ces composés organiques sur Titan joue également un rôle très important sur sa structure. Comme sur Terre, après la formation de Titan il y a environ 4,5 milliards d'années, les différents composants de cette lune vont se déplacer sous l'effet de leur propre poids afin de former les différentes couches structurelles de l'objet. Sur Terre, le fer, lourd et dense, se retrouve au centre de la planète, tandis que l'eau et les composés les plus léger sont transférés à la surface, où ils forment la croute terrestre, l'atmosphère et les océans. Sur Titan, les composés légers sont tellement importants que la quantité d'eau suffit à recouvrir la totalité de la planète sur plusieurs centaines de kilomètres. On appelle cette couche, l'hydrosphère. Comme énoncé précédemment, Titan orbite autour de Saturne situé à environ 10 unités astronomiques du Soleil. Pour rappel, 1 unité astronomique correspond à 1 fois la distance entre la Terre et le Soleil (environ 150 millions de km). À une telle distance du Soleil, la température de l'espace est bien plus faible que celle autour de la Terre (−190°C à la surface des nuages de Saturne). Ainsi, l'eau située à la surface de Titan a gelé et constitue une épaisse couche de glace.
Le passage des sondes Voyager 1 et 2 en 1980 et 1981 avait permis de mettre en évidence la présence d'une atmosphère importante, qui plus est, “riche” en méthane. Dans les années 2010, la sonde spatiale Cassini-Huygens a survolé Titan révélant une caractéristique surprenante. Si la surface de Titan est bien recouverte de glace, les données physiques révèlent qu'un océan liquide serait toujours présent sous sa surface. Emprisonné entre deux couches de glace, l'océan serait maintenu liquide grâce à la chaleur qui se dégage du noyau rocheux de Titan soumis à la déformation de marée et à la décomposition d'éléments radioactifs contenus dans les roches du noyau. Cette découverte d'un océan sur Titan sera accompagnée de découvertes similaires sur, ou plutôt à l'intérieur, d'autres lunes de Jupiter, Saturne et Neptune, ainsi que de Pluton. La présence d'eau étant une composante essentielle au développement de la vie telle que nous la connaissons sur Terre, Titan et ses camarades n'ont cessé d'être étudiés depuis pour essayer de percer à jour le secret de l'apparition de la vie.
En en apprenant plus sur Titan, les scientifiques se sont aperçus de nombreuses particularités que cette lune était la seule à posséder. Par exemple, Titan est la seule lune du système solaire à posséder une atmosphère dense et épaisse de plus de 800 km. Cette atmosphère avait même fait croire aux scientifiques que Titan était plus grosse que Ganymède avant de se rendre compte de la présence de cette atmosphère épaisse. L'atmosphère de Titan est très majoritairement composée d'azote (~ 95 %) et de méthane (~ 5 %). Comme sur Terre, il est possible d'observer des variations au sein de l'atmosphère : du vent, des nuages/brouillards, mais également des précipitations. L'atmosphère de Titan ne contenant pas d'eau, ces précipitations sont essentiellement composées de méthane et d'autres hydrocarbures liquides aux températures rencontrées en surface. En s'accumulant à la surface glacée de Titan, le méthane peut alors former des lacs, des rivières et façonner une partie du relief de Titan comme le fait l'eau sur Terre.
Source - © 2013 D’après NASA/JPL-Caltech/ASI/USGS
Extrait d'une mosaïque constituée à partir de “bandes” radar prises par Cassini, en orbite autour de Saturne, lors de ses passages répétés à proximité de Titan entre 2004 et 2013. Jusqu'à 2009 le pôle Nord était plongé dans la nuit polaire (hiver) et ne recevait donc pas la lumière solaire. Seul le radar permettait alors d'étudier la surface de cette région.
En bleu et noir, les surfaces “planes” (réfléchissantes donc pas de “retour” des ondes radar) supposées être liquides (éthane, méthane et azote dissout) forment mers, lacs et rivières. En brun, les surfaces rugueuses (plus ou moins réfléchissantes) indiquant une surface solide forment les continents et les iles.
Plus d'information sur l'interprétation des images radar de Titan sur la page Cassini – Radar et, par exemple, dans l'article de Lopes et al. (2019) Titan as revealed by the Cassini radar [pdf].
Source - © 2009 NASA/JPL/University of Arizona/DLR Figure 4. Réflexion de la lumière solaire infrarouge à la surface d'un lac de Titan, satellite de Saturne Ce reflet sur une surface “miroir” a été détectée en infrarouge (5 μm, longueur d'onde pour laquelle l'atmosphère est transparente) et correspond à la réflexion des infrarouges de la lumière du Soleil sur la surface d'un lac d'hydrocarbures proche du pôle Nord qui sort alors tout juste de sa longue nuit d'hiver (15 années). Ce reflet est une confirmation de la présence de liquide à la surface de Titan. |
Source - © 2012 NASA/JPL-Caltech/University of Arizona/University of Idaho Image dans le proche infrarouge (3 bandes rendues par le rouge – 5,0 μm, le vert – 2,8 μm, et le bleu – 2,0 μm). La zone blanche et brillante est le reflet du Soleil (de ses infrarouges) sur un lac d'hydrocarbures très proche du pôle Nord. Le halo lumineux rose est dû à l'éclairage par dessous de la brume de l'atmosphère de Titan. Le bleu correspond à de la dispersion de la lumière, plus intense dans les plus courtes longueurs d'onde, par la brume atmosphérique. |
Source - © 2004 D'après NASA/JPL/Space Science Institute Figure 6. L'atmosphère stratifiée de Titan, satellite de Saturne, révélée par les ultraviolets solaires Image dans les ultraviolets colorisée pour un aspect “vraies couleurs” (gamme des UV redistribuée dans la gamme de longueurs d'onde du visible). Cette image révèle au moins 12 couches distinctes dans l'atmosphère de Titan, épaisse d'environ 800 km. |
La compréhension d'objets célestes comme Titan nous permet d'en savoir plus sur la formation et le développement des corps qui composent le système solaire, la galaxie et même l'Univers. Et si, un jour, on venait à découvrir des formes de vie à la surface ou à l'intérieur de l'océan de Titan, cette découverte ouvrirait le champ des possibilités quant à la présence d'une vie extraterrestre dans l'Univers.
Et même à la surface de Titan, on peut fantasmer. En effet, il n'y a que de faibles traces d'acétylène (C2H2) dans l'atmosphère de Titan, alors que des modèles chimiques “classiques” en prévoient plus. Si ces modèles sont corrects, c'est que “quelque chose” consomme cet acétylène et n'a pas été pris en compte ici. Une hypothèse “exotique” mais pas totalement impossible serait l'existence d'une forme de vie utilisant non pas l'eau mais le méthane comme solvant. La source d'énergie permettant à cette “vie” de fonctionner ne serait alors pas la lumière solaire, trop faible à cette distance de l’étoile, mais la rupture de la triple liaison de l'acétylène, très riche en énergie (cf. What is Consuming Hydrogen and Acetylene on Titan?).
Pour retrouver une synthèse sur les connaissances concernant Titan proposée en 2006, voir Mai 2005 – mai 2006, une année d'exploration de Titan et une première synthèse sur l'histoire de ce satellite de Saturne.
On retrouve sur le site Photojournal (NASA/JPL) toutes les images de la collection “Titan” (satellite de Saturne) (classement antichronologique, l'image 1 de la page 1 est la dernière mise en ligne).