Image de la semaine | 11/11/2024
Le cratère Chloe, un cratère d’impact à fond lisse sur Vénus
11/11/2024
Résumé
Les cratères d’impact, l’imagerie radar et le refroidissement de Vénus.
Source - © 2024 D'après Le Contellec et al. [1]
Source - © 2024 D'après Le Contellec et al. [1]
Après avoir rapidement indiqué comment interpréter les images radar de la sonde Magellan (NASA), nous verrons quels renseignements géologiques nous donne ce cratère Chloe.
La luminosité d'une l'image radar est principalement fonction de la rugosité de la surface à la longueur d'onde du radar, qui est de l'ordre de 12 cm pour le radar Magellan. Ainsi, les parties claires d'une image indiquent une rugosité importante de la surface, provoquant la dispersion de l'onde radar et lui permettant de se réfléchir dans la direction de la sonde spatiale. Au contraire, une surface sombre est lisse à l'échelle de 12 cm en raison de la réflexion de l'onde radar à l'opposé de l'orbiteur. Les cratères à fond sombre sur image radar sont ainsi des cratères à fond lisse (à l'échelle de 12 cm), alors que les cratères à fond clairs sont rugueux. L'autre facteur qui fait varier la luminosité d'une image radar est son orientation par rapport à la direction du faisceau radar, donc à la direction de la sonde en orbite autour de Vénus. Une pente dirigée vers la sonde paraitra claire ; une pente dirigée à l'opposée de la sonde paraitra sombre. Sur les images Magellan présentées ici, le faisceau radar vient de la gauche. On a ainsi une idée qualitative de la topographie. Si le radar est utilisé en mode altimétrie, on peut quantifier beaucoup plus précisément la topographie (cf. figure 6).
Contrairement à la Lune et à Mars, on n'a que très peu d'images de la surface de Vénus vue du sol. Malgré la très haute température, quatre sondes soviétiques se sont posées à la surface de Vénus, ont survécu quelques dizaines de minutes et ont pris des photographies. Nous vous montrons ici une image d'une surface “rugueuse” et une image d'une surface “lisse”.
Source - © 1975 Venera 9 / planetary.org |
Source - © 1982 Venera 14 / APOD (NASA) |
La densité et la distribution de taille des cratères d'impact sont utilisées pour dater les surfaces planétaires, les surfaces les plus anciennes montrant des cratères plus larges et une densité de cratères plus importante. La surface de Vénus montre seulement un millier de cratères d'impact avec une distribution aléatoire. Cela suggère un resurfaçage relativement récent de l'ensemble de la planète, que l'on peut estimer à quelques centaines de millions d'années. Une question que l'on peut se poser est de savoir si ce resurfaçage a été catastrophique et s'est déroulé sur un temps très court, ou bien si celui-ci est plutôt progressif.
Sur Vénus, les observations radar de la surface par les missions soviétiques Venera 15/16 et surtout par la mission Magellan ont révélé deux grandes catégories de cratères d'impact : les cratères à fond clair (= rugueux), comme le cratère Quimby (figure 6a), et les cratères à fond sombre (= lisse), comme le cratère Chloe (figures 1 et 2), et le cratère Kaufman (figure 6b). Près d'un tiers des cratères présente un fond sombre et de nombreux cratères sont de classe “indéterminée” (ni classé comme sombre, ni comme clair).
Une autre caractéristique des cratères à fond sombre est qu'ils sont, de manière générale, moins profonds que les cratères à fond clair, pour un même diamètre, ce qui suggère un remplissage de leur intérieur. Les profils topographiques (obtenus grâce au mode altimétrique du radar de Magellan) de la figure 6 montrent par exemple que la profondeur du cratère Kauffman est plus petite d'environ 200 m que celle du cratère Quimby, deux cratères de même taille.
Les cratères à fond sombre sont interprétés comme des cratères ayant été remplis par de la lave qui s'est ensuite solidifiée, alors que les cratères à fond clair seraient des cratères frais et non modifiés par du volcanisme. De nombreux cratères à fond sombre, comme Chloe, montrent une bordure complète, ce qui suggère que leur remplissage s'est fait par l'intérieur, et non par une coulée de lave venue de l'extérieur. On trouve ce type de cratère dans les basses plaines comme dans les hauts plateaux crustaux, comme c'est le cas pour Chloe.
Le remplissage des cratères d'impact par volcanisme suggère que cette activité volcanique s'est produite tout au long de la mise en place de la population de cratères, et que le resurfaçage de la planète est donc plutôt progressif.
La question de l'importance du volcanisme sur Vénus est cruciale pour comprendre comment et à quelle vitesse Vénus se refroidit. Vénus ne présente en effet pas de tectonique des plaques comme sur la Terre. Or la tectonique des plaques permet un refroidissement efficace de l'intérieur de la Terre car elle amène du matériel chaud en surface (le plancher océanique), où il se refroidit, et elle enfouit en profondeur, grâce à la subduction, du matériel froid. Vénus, la sœur jumelle de la Terre, est à peu de choses près de la même taille que la Terre et contient probablement une quantité similaire d'éléments producteurs de chaleur (U, Th, K). Sa production de chaleur radioactive est donc à priori similaire.
Les missions d'observation et d'étude de Vénus prévues pour Vénus par la NASA – VERITAS et DA VINCI – et l'ESA – EnVision – aux alentours de 2030, ou encore par l'ISRO (Indian Space Research Organisation) – Shukrayaan – devraient nous éclairer sur la structure et l'évolution de cette planète qui reste pour l'instant très mystérieuse.
Source - © 2024 D'après Le Contellec et al. [1]
Source - © 2024 D'après Le Contellec et al. [1]
Pour en savoir plus.
A. Le Contellec, C. Michaut, F. Maccaferri, V. Pinel, F. Chambat, S. Smrekar, 2024. Insights into Venus' crustal plateaus from dyke trajectories below craters, Journal of Geophysical Research: Planets, 129, e2023JE008189 (Open Access)
R.R. Herrick, R.J. Phillips, 1994. Implications of a global survey of Venusian impact craters, Icarus, 111, 2, 387-416
R.R. Herrick, M.E. Rumpf, 2011. Postimpact modification by volcanic or tectonic processes as the rule, not the exception, for Venusian craters, Journal of Geophysical Research: Planets, 116, E02004 (Free Access)