Image de la semaine | 27/05/2013
Érosion différentielle atypique des dykes basaltiques sur l'île de Skye (Écosse)
27/05/2013
Résumé
Dykes basaltiques écossais localement plus érodés que les pélites encaissantes.
Le filon photographié sur les photographies 1 à 4 est quasi-vertical, c'est donc un dyke. Comme on le voit sur les clichés, ce dyke a été évidé par l'érosion, formant une tranchée au sein des pélites noires encaissantes, alors que le basalte encore préservé apparaît au bas de la première photographie. Une vue rapprochée de la partie creusée (figures 2 et 3) permet de voir, sur les bords du dyke, une région plus sombre, d'apparence plus compacte, et non altérée : ce pourrait être la bordure figée du filon, mais plus probablement, cela correspondrait aux pélites "cuites" par la lave et transformées en cornéennes (métamorphisme de contact, haute température-basse pression).
Classiquement, le basalte, roche assez résistante forme des dykes en relief (cf. dykes de Patagonie). On voit ainsi que l'intensité de l'érosion ne dépend pas seulement de la composition et de la dureté intrinsèque des roches (le basalte étant a priori plus résistant que les pélites), mais aussi de leur orientation et de leur fracturation préalable (ici la prismation due à la rétraction thermique du basalte déjà solide en cours de refroidissement). Il suffit en effet de faire quelques pas vers l'Est pour trouver un autre filon, sub-horizontal cette fois (un sill), qui, lui, est en saillie par rapport aux sédiments encaissants (figure 5). De même, un peu plus loin, à mi-hauteur de la pente qui descend vers le rivage, un autre dyke est cette fois mis en relief (figure 6), une configuration plus classique que celle des figures 1 à 4.
L'île de Skye, au Nord-Ouest de l'Écosse, la plus grande île des Hébrides intérieures avec ses 1656 km2, est recouverte sur plus des deux tiers de sa surface d'une épaisse succession de coulées basaltiques datées du Paléocène. Au Sud-Est de l'île, un complexe magmatique, lui aussi daté du Paléocène, juxtapose des formations gabbroïques, qui forment les pics des Black Cuillins, et des plutons granitiques roses, qui constituent les Red Cuillins. Les différences de couleur et de modelé (accentué par les glaciations quaternaires) de ces deux formations apparaissent nettement dans le paysage (figure ci-dessous). Comme les coulées émergées de la côte Est du Groenland ou de l'Islande et celles, immergées, de la ride de Rockall, ces formations volcaniques écossaises, ainsi que leurs homologues irlandaises appartiennent à la grande province ignée Nord-Atlantique, interprétée comme marqueur de l'arrivée de la tête d'un panache mantellique, l'actuel point chaud islandais, au début du Tertiaire.
Sur le reste de l'île affleurent des formations sédimentaires (grès, pélites) et métamorphiques (micaschistes, gneiss), certaines très anciennes (jusqu'à 3 milliards d'années), traversées par des champs de filons basaltiques (cf. carte géologique ci-dessous). Près du village de Suisnich, sur la rive Nord du loch Eishort[1], affleurent ainsi sur le rivage des pélites noires post-calédoniennes (jurassiques).
Source - © 2013 OneGeology.org | |
Si l'immense majorité des dykes forme des structures en relief, il n'y a pas que ceux de l’île de Skye qui forment des structures « en creux ». On peut trouver en Bretagne, sur le terrain ou avec Google earth, des dykes légèrement ou très en creux, par exemple des dykes de basaltes intrusifs dans des granites comme à la Pointe du Château à Plougrescant (Côtes d'Armor), ou les dykes doléritiques de la Pointe du Brenterc'h à Ploumoguer (Finistère) intrusifs dans des gneiss. Ces dykes en creux sont bien moins spectaculaires que celui de l'île de Skye. Si des Bretons pouvaient nous signaler ou nous envoyer des photographies de dykes en creux aussi spectaculaires que ceux d'Écosse…
[1] Le terme de loch désigne à la fois l'équivalent écossais du fjord scandinave (ici le loch Eishort), et un lac d'eau douce (le fameux Loch Ness).