Image de la semaine | 19/11/2012
Les nodules péridotitiques "extraordinaires" de la coulée basaltique du Ray Pic, Burzet (Ardèche)
19/11/2012
Résumé
Les enclaves (xénolithes) de péridotites atypiques et de pyroxénites du Ray Pic : des fenêtres ouvertes sur la complexité minéralogique du manteau, sur sa déformation et sur la non généralité des chambres (réservoir) magmatiques.
Il est maintenant bien démontré que le manteau supérieur est composé principalement de péridotite, surtout de lherzolite. Mais dans la phrase qui précède, beaucoup de gens oublient le mot « principalement ». Quand on peut observer le manteau in situ, que ce soit dans les ophiolites, dans les massifs de type Lers ou Balmuccia…, on note que jusqu'à 10% du manteau ne sont pas constitués de péridotites, mais d'autres roches ultra-basiques, les pyroxénites. L'observation d'un grand nombre de nodules mantelliques arrachés au manteau par les basaltes montre que c'est aussi le cas dans des contextes sous-continentaux intraplaques comme le Massif Central.
Toutes les enclaves que nous avons vues précédemment cette semaine ou la semaine dernière ont une structure isotrope, et des grains ont un diamètre statistiquement supérieure à 1 mm. De telles enclaves isotropes et à "gros grains" sont ultra-majoritaires, mais non exclusives. On peut trouver des enclaves à grain très fins (≤ 0,5 mm), et présentant très souvent une très belle schistosité/foliation accompagnée d'une ségrégation minérale. Toutes ces caractéristiques signent une intense déformation ductile de la péridotite. Sur une même verticale sous le volcan du Ray Pic, entre la zone de fusion partielle (vers -70 km) et le Moho (-30 km), un faible pourcentage de manteau présente des signes d'intense déformation. Ce n'est pas pour nous étonner, puisque le volcanisme auvergnat et ardéchois atteste d'une remontée verticale du manteau de plusieurs dizaines de kilomètres sous le Massif Central, remontée qui a entrainé une baisse de pression et une fusion partielle.
Dans l'esprit de beaucoup, sous les volcans, il y a un réservoir (également appelé chambre) magmatique. Beaucoup confondent d'ailleurs ce réservoir, zone locale d'accumulation de magma, et la zone de fusion partielle où est généré ce magma. Si une zone de fusion partielle est évidemment nécessaire à l'existence d'un volcan, il n'en est pas de même des réservoirs magmatiques. Certains volcans n'en ont pas. C'est le cas des volcans de la province volcanique quaternaire dite du Bas Vivarais dont fait partie le volcan du Ray Pic.
Le magma basaltique chaud et liquide a une masse volumique de 2800-2900 kg.m-3, celle d'une péridotite est d'environ 3300 kg.m-3. Un nodule de péridotite, dense, devrait "couler" dans un magma basaltique, moins dense. S'il ne le fait pas, c'est qu'il est entrainé vers le haut par la vitesse ascensionnelle du basalte dont la viscosité n'est pas nulle. En cas de forte diminution de cette vitesse et de stagnation dans un réservoir, les nodules retomberaient et sédimenteraient au fond dudit réservoir. S'il y a des nodules de péridotite qui atteignent la surface, c'est que le magma n'a jamais ralenti entre la zone d'arrachage des nodules (quelque part entre -70 km et le Moho ) et la surface. Il n'y a pas de réservoir magmatique sous le Bas Vivarais au Quaternaire, du moins pas dans la croûte.
La loi de Stockes indique la vitesse à l'équilibre V entre un corps dense qui chute dans un liquide moins dense au repos. Cette vitesse est d'autant plus grande (entre autres choses) que le corps qui chute est gros.
On a :
- V = 2 r2 g Δ(ρ) / 9 η,
avec, dans le cas du basalte et du gros nodule de péridotite :
- r [rayon du nodule] ≈ 0,2 m
- g [accélération de la pesanteur] ≈ 10 m.s-2
- Δ(ρ) [différence de masse volumique entre la péridotite et le magma basaltique ≈ 500 kg.m-3
- η [viscosité du magma basaltique] ≈ 102 Pa.s
Une rapide application numérique permet de calculer l'ordre de grandeur de V pour le plus gros nodule de la coulée du Ray Pic, V = (2 x 4.10-2 x 10 x 5.102) / (9. 102) ≈ 0,45 m.s-1, soit un ordre de grandeur de V ≈ 2 km/h.
Pour qu'un nodule remonte, il faut que la vitesse du remontée du basalte liquide soit supérieure à cette vitesse V, c‘est-à-dire, dans notre cas, supérieure à 2km/h. Cela prouve que, nulle part sur le trajet compris entre la zone d'arrachage des nodules mantellique et la surface, la vitesse d'ascension du magma n'a été inférieure à 2 km/h, ce qui aurait été le cas dans une chambre magmatique. Il n'y a donc pas de chambre magmatique (intracrustale) sous les volcans du bas Vivarais, ni sous aucun volcan remontant des nodules de péridotite.