Image de la semaine | 12/03/2012

La structure interne d'un glacier : exemple du glacier Edith Cavell, Parc National de Jasper, Canada

12/03/2012

Auteur(s) / Autrice(s) :

  • Pierre Thomas
    ENS de Lyon - Laboratoire de Géologie de Lyon
  • Alain Mottet
    Professeur BCPST
    Lycée Corneille, Rouen

Publié par :

  • Olivier Dequincey
    ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

La structure interne d'un glacier : enregistreur des mouvements internes et/ou des variations climatiques.


Détail de la partie Est du front du glacier de la face Nord du Mont Edith Cavell, Parc National de Jasper, Canada
Figure 1. Détail de la partie Est du front du glacier de la face Nord du Mont Edith Cavell, Parc National de Jasper, Canada — ouvrir l’image en grand

Le front du glacier Edith Cavell, qui se jette dans le lac du même nom, mesure entre 10 et 20 m de hauteur. Ce front est parcouru de lignes sombres, globalement inclinées vers la droite, sauf à l'extrême droite de la photo où elles dessinent une espèce de synclinal. Ces lignes se continuent à la surface du glacier. Ces lignes sombres représentent, sur le front comme sur le dessus de glacier, l'intersection entre une surface sombre et gauche plus ou moins en forme de synclinal et la limite glace/extérieur. Les couches de glace bleutée séparées par ces surfaces sombres mesurent de 1 à 6 m d'épaisseur. Les couches de glace bleue représentent vraisemblablement une année d'accumulation de neige hivernale transformée en glace ; les surfaces noires correspondent sans doute aux niveaux estivaux, accumulation des impuretés laissée en surface par la fonte des neiges de chaque été. L'étude de la déformation de ces surfaces permet de donner une idée des dynamiques d'accumulation et d'écoulement dans le glacier. Si cet écoulement et les variations d'épaisseur associées sont bien compris, l'étude des variations d'épaisseur de chaque couche de glace permet de remonter au climat annuel correspondant à chaque couche, ou plus exactement à la différence "accumulation de neige hivernale – fonte estivale".

Nous avons vu la semaine dernière un glacier disparu (le Glacier des Prés les Fonts, dans les Hautes Alpes), glacier disparu à cause des variations climatiques actuelles. Pour extraire le signal "variation climatique" d'un glacier en réduction, mais non encore disparu, il faut, entre autres, bien comprendre la dynamique de son écoulement, la géométrie de ses zones d'alimentation… L'exemple du glacier de la face Nord du Mont Edith Cavell au Canada montre que ce n'est pas toujours chose facile. Dans un glacier, on voit assez souvent des couches de glace bleutée (propre) séparées par des niveaux sombres. Les couches de glace bleue représentent vraisemblablement une année d'accumulation de neige hivernale transformée en glace ; les surfaces noires correspondent sans doute aux niveaux estivaux, accumulation des impuretés laissées en surface par la fonte des neiges de chaque été. L'épaisseur de ces couches dépend de 2 facteurs : de la quantité annuelle de neige accumulée, ou plus exactement la différence "accumulation de neige hivernale – fonte estivale", et du fluage interne du glacier qui peut facilement faire varier l'épaisseur des couches de glace. Pour remonter aux variations climatiques, il faut (1) être sûr que les différentes strates correspondent bien à des couches annuelles, et (2) bien connaitre la dynamique d'écoulement du glacier. Sans vouloir reconstituer l'histoire climatique des Rocheuses canadiennes, l'exemple de ce glacier va nous montrer le principe et les limites de cette méthode.

Comme notre but n'est pas de reconstituer le climat canadien, mais de montrer que les glaciers contiennent un message (en plus du message isotopique, bien sûr) bien délicat à interpréter, nous arrêterons là les considérations rhéologico-climatiques pour simplement admirer ces paysages glaciaires.

Il n'est pas nécessaire d'aller au Canada pour voir des strates annuelles au sein d'un glacier. Quand on emprunte le télécabine de la Vallée Blanche (Chamonix, Haute Savoie), on survole le glacier du Géant, dont les crevasses révèlent la structure interne. L'absence d'échelle quand on fait ce survol ne permet que très mal d'apprécier la largeur et la profondeur des crevasses. On ne se rend pas compte que chaque strate de glace annuelle, comme dans le glacier Edith Cavell, mesure plusieurs mètres d'épaisseur. Si on est skieur hors-piste et qu'on pénètre dans ces crevasses, l'épaisseur des strates annuelles prend alors toute sa mesure.