Image de la semaine | 27/04/2009
Cinq oursins fossiles racontent leur histoire
27/04/2009
Résumé
Reconstitution paléo-environnementale à partir d'une plaque d'oursins fossiles.
Parfois, dans une collection géologique (celle de l'ENS de Lyon en l'occurrence), on trouve un échantillon paléontologique sans numéro ni étiquette ; on n'en connaît ni le nom ni la provenance. On est donc obligé de « le faire parler » pour qu'il nous raconte son histoire. Comme cela fait deux semaines que Planet-Terre parle d'oursins fossiles, nous allons essayer d'extraire le maximum d'informations d'un échantillon comprenant cinq fossiles d'oursins. On pourrait essayer de reconnaître les oursins, pour en trouver nom d'espèce et époque de vie. Il « suffirait » peut-être dans ce cas d'être un bon paléontologue spécialiste des échinodermes, encore qu'avec ces échantillons incomplets, la reconnaissance ne soit peut-être pas facile. Ce n'est pas ce que nous allons faire. Ce que nous allons faire, c'est essayer de retrouver l'histoire de l'échantillon proprement dit, sans s'occuper de son âge (vraisemblablement Crétacé supérieur).
Il faut tout d'abord examiner de près ces oursins fossiles (ou ce qu'il en reste) pour essayer de trouver quelles sont les parties du test qui restent dans l'échantillon.
Plusieurs éléments sont frappants quand on observe ces oursins fossiles. Ce que l'on voit dans les cinq cas, ce sont des cupules concaves. On voit donc la paroi interne du test, et non pas l'extérieur comme c'est classique. On note aussi que dans les cinq cas, il s'agit d'oursins irréguliers, la symétrie d'ordre 5 étant légèrement « dégradée » : les cinq zones ambulacraires ne se croisent pas exactement au centre de la structure, et les angles séparant ces cinq zones ambulacraires ne sont pas parfaitement égaux. Un des échantillons semble montrer un orifice (bouche possible) latéral et non sommital ou basal. Dans le cas d'oursins irréguliers, les « plaques ambulacraires » perforées sont souvent situées sur la face supérieure (« dorsale ») de l'animal. Dans les cinq cas, on voit donc la face interne de la partie supérieure de l'animal.
Comparons ce qu'il reste de ces oursins fossiles avec des tests d'oursins actuels.
L'examen des cinq oursins fossiles suggère donc qu'on voit la face interne de la partie « supérieure » de l'animal. Sur la dalle telle qu'elle est positionnée sur la figure 1, cette face interne « supérieure » se trouve « en bas », le reste de l'animal ayant disparu. La dalle aurait donc été retournée.
Si l'on s'occupe des figures de courant, on s'aperçoit que ces dernières sont des bosses en relief, allongées. Or les figures de courants sont en général des sillons, des creux allongés, et non des bosses. Il semble donc que l'on ne voit pas la surface supérieure d'un banc (qui présenterait des sillons), mais une contre-empreinte (un moulage naturel) de la face supérieure d'un banc présentant des figures de courant.
Que ce soit en examinant les fossiles ou les figures sédimentaires, on peut déduire que notre dalle est « à l'envers », et qu'elle contient le « haut » de cinq oursins.
Maintenant que l'on a examiné les fossiles et la strate les contenant, on peut étudier le mode de vie des oursins irréguliers actuels.
Il y a deux grands modes de vie des oursins.
(1) Des oursins qui se « promènent » sur le fond de la mer, avec de grands piquants et qui sont très souvent des oursins réguliers.
(2) Des oursins qui vivent enfouis (de quelques centimètres) dans les sables sous-marins ; ces oursins n'ont que de petits piquants et sont en général irréguliers. Selon les espèces, l'anus qui se situe au croisements des zones ambulacraires peut avoir plus ou moins migré vers l'arrière. Un (des) pied ambulacraire spécialisé dans la respiration se trouve alors au « sommet » de l'animal.
On peut maintenant juxtaposer toutes ces déductions et informations, appliquer le principe de l'actualisme, et proposer l'histoire de notre échantillon, histoire résumée à la figure suivante.