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Image de la semaine | 09/01/2006

L'altération des roches silicatées

09/01/2006

Pierre Thomas

ENS de Lyon - Laboratoire des Sciences de la Terre

Florence Kalfoun

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Altération en boule, en pelures d'oignon et arénisation de granites, granitoïdes, diorites quartziques.



Après plusieurs semaines consacrées à l'altération dissolution des roches "solubles", en particulier des calcaires, nous allons consacrer trois semaines à l'altération des roches silicatées.

Les roches silicatées ne sont pas totalement solubles sans l'eau. Elles sont altérées de façon différentielle..

L'eau, acide car chargée de CO2 dissous, d'acides humiques … attaque les silicates situés dans et sous le sol. Il y a substitution partielle de certains cations des minéraux par des ions H+ (hydrolyse), et mise en solution de ces cations dans l'eau. Cela se traduit par deux phénomènes :

  1. Un départ des ions mis en solution, parce que solubles dans les eaux aux conditions de la surface. Parmi les éléments majeurs, ce sont principalement les ions calcium, magnésium, sodium, potassium et fer 2+ qui sont mis en solution, ainsi qu'une partie de la silice.
  2. Ce qui n'est pas exporté, principalement l'aluminium, le fer3+ et une partie de la silice se réorganise pour former un nouveau réseau cristallin stable aux conditions de la surface, le plus souvent pour former des phyllosilicates hydratés, dont les plus connus sont les argiles

Cette altération ne se fait que peu à la surface des roches nues, car l'eau y ruisselle mais ne stagne pas. Elle se fait principalement en profondeur, dans le sol. Elle se fait préférentiellement juste sous la litière, ainsi que le long des zones où l'eau peut circuler, les fissures et diaclases par exemple. Ces parties de la roches altérées sont composées d'un mélange de minéraux résiduels non encore altérés et transformés, et des argiles en formation. Ce mélange de minéraux résiduels et néoformés est friable, meuble, et est connu sous le nom d'arène (d'arena, le sable en latin).

L'altération, progressant le long des fissures épargne (temporairement) les zones situées entre les fissures. Il y a donc, en profondeur, des espèces de parallélépipèdes aux angles plus ou moins arrondis de roche saine, séparés par des bandes de roches altérées et arénisées. L'altération gagnant vers l'intérieur de ces zones saines, les parallélépipèdes vont progressivement se transformer en "boules" plus ou moins ovoïdes ou sphériques. Cette transformation, souterraine, n'est pas visible dans le cas général. Elle ne se voit que si des travaux, ou une reprise d'érosion, dégagent et mettent à nu ces zones normalement enfouies.

Les photographies 1 (granite du Quérigut, 66) et 2 (diorite quartzique d'Aydat, 63) montrent de telles zones d'altération dégagées par des travaux routiers (figure 1) ou par une carrière (figure 2). Les photographies 3 et 4 montrent deux vues plus rapprochées de ces granitoïdes en voie d'altération.


Granitoïde en voie d'arénisation

Granitoïde en voie d'arénisation

Figure 4. Granitoïde en voie d'arénisation

Vue rapprochée de la figure 3.


Il y a un gradient d'altération entre les fissures et le centre des "boules" épargnées, avec des zones de plus en plus altérées du centre de la boule vers la fissures. Ce gradient d'altération peut se traduire par un gradient de variation de volume : la transformation de feldspath en argile, le plus ou moins grand dessèchement de ces argiles en fonction de la saison, le gel-dégel de l'eau dans ces auréoles à porosité variable, tout cela conduit à faire varier le volume de façon différentielle entre le cœur des zones saines et leur périphérie de plus en plus altérée.

Les boules des roches silicatées ont donc souvent, une fois mises à nu et observables, une structure dite en "pelure d'oignon", ce que montrent les photos 5, 6 et 7, toutes 3 prises dans le granite de Quérigut (66).


Structure en pelure d'oignon dans le granite du Quérigut (Pyrénées orientales)

Structure en pelure d'oignon dans le granite du Quérigut (66)

Quel est l'effet de cette altération des silicates sur le CO2 atmosphérique ? Si l'on prend le plus fréquent des silicates de la croûte, le plagioclase, on peut résumer le bilan de son altération de la façon suivante :

2 Al2Si2O8Ca + 4 CO2 + 6 H2O → 2 Ca2+ + 4 HCO3- + Si4O10Al4(OH)8

Al2Si2O8Ca étant le pôle calcique des plagioclases calciques (anorthite) et Si4O10Al4(OH)8 la plus simple des argiles, la kaolinite .

On voit donc qu'il faut donc "consommer " 2 CO2 atmosphériques pour mettre en solution 1 Ca2+, alors que la simple dissolution des calcaires (CaCO3 + CO2 + H2O → Ca2+ + 2HCO3-) ne consomme qu'un seul CO2 atmosphérique. Comme nous le verrons, cette différence a un rôle majeur dans les variations du taux de CO2 atmosphérique.