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Article | 05/09/2013

Les travaux et résultats de Curiosity, de mi-février à début-septembre 2013

05/09/2013

Pierre Thomas

ENS de Lyon - Laboratoire de Géologie de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Des smectites, un paléo-environnement habitable, un mois et demi de black-out, des concrétions insolites, la sortie de Yellowknife Bay, une occultation, une éclipse annulaire et le début du trajet vers le Mont Sharp.


Cela fait plus de 6 mois que nous n'avons pas relaté les aventures et découvertes de Curiosity. Nous le faisons en cette rentrée 2013 en respectant approximativement l'ordre chronologique de ce qu'a communiqué la NASA. Mi-février 2013, nous avons laissé Curiosity venant d'identifier des filons de gypse et d'achever ses deux premiers forages sur le site de John Klein, après avoir étudié divers affleurements du secteur de Glenelg / Yellowknife Bay (cf. Les résultats de l'exploration de Mars par Curiosity entre novembre 2012 et février 2013 : sable volcanique, grès à stratifications entrecroisées, filons de gypse…). La NASA n'avait pas encore publié de résultats (même préliminaires) des analyses effectuées au niveau des forages. Ce qu'on savait, c'est que les roches de Yellowknife Bay étaient principalement des grès plus ou moins consolidés, grès déposés par un courant d'eau. Ces grès étaient principalement composés de minéraux issus de l'érosion de basaltes (olivines, pyroxènes, feldspaths…) d'après les analyses "rapides" effectuées par le spectromètre α-X (Alpha Particle X-ray Spectrometer = APXS) et par ChemCam. Mais fin février 2013, un bug informatique a mis Curiosity en mode « sécurité ». La NASA a mis 3 semaines pour « rebooter » les ordinateurs de Curiosity. Après ces 3 semaines de silence forcé et imprévu, Mars et la Terre, dans leur rotation autour du Soleil, se sont trouvés en conjonction, c'est-à-dire avec le Soleil juste sur la ligne Terre-Mars, ce qui a empêché toutes communications Terre-Curiosity jusqu'à début mai 2013. Un mois de blackout (parfaitement prévu, lui) s'est rajouté aux trois semaines de panne. Curiosity n'a pu reprendre son chemin et ses travaux que début mai 2013. Mais pendant ces presque deux mois de repos forcé, la NASA a pu travailler sur les résultats des données analytiques transmis juste avant la panne, et publier quelques résultats préliminaires.

Le site de John Klein et ses forages

Vue globale du fond de la dépression nommée Yellowknife Bay et de son sol craquelé d'origine bien énigmatique

Figure 1. Vue globale du fond de la dépression nommée Yellowknife Bay et de son sol craquelé d'origine bien énigmatique

Le site de John Klein où ont été effectués les deux premiers forages est à quelques mètres à droite du bas porte outil.


Yellowknife Bay vue depuis l'orbite par MRO

Figure 2. Yellowknife Bay vue depuis l'orbite par MRO

Les traits rouges indiquent le point de prise de vue et le champ de la photo de la figure 1.


Curiosity sur le site de John Klein

Figure 3. Curiosity sur le site de John Klein

Les deux premiers forages sont indiqués par la flèche bleue. Cet autoportrait a été réalisé (par la NASA) en combinant (et redressant) des dizaines d'images prises depuis le mât et le bras mobile porte outils.


Figure 4. Gros plan sur le forage n°2 du site de John Klein entouré de la poudre verdâtre issue du forage

La couleur verdâtre des roches à quelques centimètres de profondeur suggère que le sous-sol martien est beaucoup moins oxydé que ses premiers millimètres superficiels. C'est une partie de cette poudre verdâtre qui a été prélevée par la mini-pelle et été amenée aux analyseurs situés sur le corps du robot. En parallèle avec ces analyses minéralogiques et chimiques, ChemCam a effectué des tirs laser (série de petits trous alignés) sur ces débris du forage pour en déterminer in situ la composition élémentaire. En regardant en détail la paroi interne du forage, on voit que celle-ci est constituée d'au moins deux composants : un composant dominant relativement sombre parcouru de mini-fractures remplies d'un dépôt clair (du gypse, cf. Les résultats de l'exploration de Mars par Curiosity entre novembre 2012 et février 2013 : sable volcanique, grès à stratifications entrecroisées, filons de gypse…). On devine un de ces filonnets clairs en bas à droite de la photo.


Les résultats préliminaires des analyses des roches de John Klein

Les résultats préliminaires communiqués par la NASA sont à la fois passionnants et un peu frustrants.

Une partie de la poudre verdâtre sortie des 2 forages a été prélevée par la mini-pelle et été amenée au diffractomètre à rayon X CheMin (Chemistry and Mineralogy instrument) et à l'analyseur de volatils SAM (Curiosity's Sample Analysis at Mars) constitué d'un chromatographe en phase gazeuse couplé à un spectromètre de masse. En parallèle avec ces analyses minéralogiques et chimiques, ChemCam a effectué des tirs sur ces débris du forage pour en déterminer in situ la composition élémentaire. On pourra ainsi comparer les analyses "faciles et rapides à faire" de ChemCam avec celles beaucoup plus longues (et de facto beaucoup moins nombreuses) effectuées par CheMin et SAM. Les analyses effectuées par CheMin et SAM (et ChemCam) vont donner une composition "moyenne" de la poudre, débris "mélangés" issus des 13 cm3 du forage.

Les analyses de diffractions X

Les analyses de diffraction X indiquent la composition minéralogique de la poudre issue des deux forages rapprochés, forages effectués dans un niveau de grès relativement "tendre". On y trouve les minéraux "usuels" déjà identifiés dans le sable éolien de Rocknest (olivine, pyroxène, feldspath, verre). Mais ce grès à éléments basaltiques contient aussi des sulfates de calcium (gypse, anhydrite et bassanite), et environ 20% d'argiles de type smectite (vraisemblablement de la montmorillonite). On ne sait pas si ces smecites (1) ont été générées in situ par une altération météoritique des silicates du grès ou par la circulation des eaux ayant donné les filonnets, ou (2) si ce sont des argiles détritiques amenées là par les eaux ayant déposé ce grès. Dans ce dernier cas, ces argiles viendraient de l'érosion/altération des flancs du cratère Gale, creusé dans la vieille croûte noachienne où se seraient formées ces argiles.

Rappelons que les sulfates de calcium indiquent une eau peu acide, contrairement aux sulfates de fer (jarosite…) mis en évidence sur les terrains sédimentaires parcouru entre 2004 et 2011 par Opportunity qui indiquent, eux, un pH très bas.

Rappelons que les smectites sont une famille d'argile à 3 couches. Les argiles en général indiquent la présence prolongée d'eau liquide au contact de silicates. La présence de smectites indique que cette eau avait un pH non acide.

Rappelons, auusi, que le but principal des missions Spirit (mort de sa belle mort), Opportunity (qui continue depuis 9 ans) et Curiosity, est de déterminer les conditions d'habitabilité ancienne de Mars. De l'eau liquide non acide pendant longtemps est a priori une condition très favorable à l'existence d'une chimie pré-biotique (voire biotique), beaucoup plus que les eaux liquides mais acides qu'Opportunity a mises en évidence dans les sept premières années de sa mission. En effet, si on sait que la vie « à la mode terrestre » peut fort bien s'accommoder de pH bas, les réactions pré-biotiques comme la synthèse et surtout la polymérisation d'acides aminés sont fortement inhibées par un pH acide. Le site du cratère Gale avait été choisi comme objectif de Curiosity parce que des études spectrales menées depuis l'orbite par MRO (Mars Reconnaissance Orbiter) montraient la présence de smectites à la base de sa montagne centrale (le Mont Sharp).

Curiosity en a trouvé avant même d'atteindre la base du Mont Sharp, avec toutes les "promesses" que cela comporte.

Diagrammes de diffraction X comparée entre le sable de Rocknest et la poudre de forage de John Klein

Figure 5. Diagrammes de diffraction X comparée entre le sable de Rocknest et la poudre de forage de John Klein

L'analyse des diffractogrammes indique dans les deux cas la présence de silicates magmatiques (olivine, pyroxènes, feldspath, verre). L'analyse de la poudre de John Klein montre en plus la présence de phyllosilicates argileux de type smectite.


SAM (Sample Analysis at Mars)

L'instrument SAM (Sample Analysis at Mars) analyse les gaz qui s'échappent de la poudre de forage pendant un chauffage progressif jusqu'à 800°C. Ces gaz sont identifiés par un spectromètre de masse. Avant leur identification, ils peuvent passer par un chromatographe en phase gazeuse qui sépare les différents composés s'étant dégagés à une température donnée.

Les principaux gaz dégagés sont, dans l'ordre de température croissante : vapeur d'eau, CO2, O2, SO2, H2S et H2. Ces volatils et la température à laquelle ils ont été émis suggèrent la présence dans la roche de minéraux hydratés dont des argiles, de carbonates, de perchlorates, de sulfates et de sulfures. Deux composés chloro-carbonés ont été identifiés, CH3Cl et CH2Cl2. L'origine de ces composés organiques chlorés pose problème : produits de la réaction de perchlorates sur des molécules organiques, sur du CO2 ou des carbonates, restes mal nettoyés de produits organiques terrestres… ? La très faible quantité de chlorométhane dégagé ne permet pas à la NASA de trancher formellement pour l'instant, du moins officiellement.


Analyse au chromatographe en phase gazeuse de composés mineurs dégagés par chauffage d'un échantillon de John Klein

Figure 7. Analyse au chromatographe en phase gazeuse de composés mineurs dégagés par chauffage d'un échantillon de John Klein

Il s'agit ici de dégagement de mono- et de di-chlorométhane. La différence notable entre le chauffage des capsules vides (Blanck Run) ou remplies d'échantillons suggère fortement que ces composés carbonés ne correspondent pas à un artefact analytique. Mais quelle est leur origine ? La NASA, pour l'instant, n'en dit mot.


Résumons les résultats préliminaires (actuellement communiqués) correspondant à cette première série d'analyses minéralogiques, chimiques et aux observations géologiques qui ont précédé. Les roches de Yellowknife Bay ont été déposées par de l'eau courante qui a coulé (stratifications obliques), “longtemps” (argile), par de l'eau peu salée, avec un pH neutre (smectite), avec coexistence de micro-environnements oxydés (sulfates) et réduits (sulfures). Ces roches contiennent C, H, O, N, S, P…, tous les éléments chimiques nécessaires à la vie. Cet ancien environnement aurait été tout à fait habitable par la majorité des bactéries terrestres actuelles, alors que l'ancien environnement d'Opportunity ne l'aurait été que pour des bactéries bien particulières (acidophiles et halophiles). La coexistence de composés oxydés et réduits aurait même pu fournir l'énergie nécessaire à cette éventuelle vie (chimiolithotrophie) si ce milieu était souterrain (absence de lumière). En outre, cet ancien environnement aurait été propice à la synthèse et à la polymérisation d'acides aminés. Ces roches libèrent du carbone réduit, mais en quantité si faible qu'on ne peut pas encore être formel sur son origine.

La NASA a également indiqué que SAM avait analysé les isotopes de gaz de l'atmosphère : hydrogène, oxygène, carbone et argon. Ces analyses confirment que l'atmosphère martienne est appauvrie en isotopes légers (par rapport à la moyenne du système solaire) et affine la précision des mesures faites par des sondes antérieures. Cet appauvrissement en isotopes légers confirme que Mars a perdu (par échappement dans l'espace) une proportion notable de son atmosphère.

Analyse par SAM de la masse moléculaire des différents composés de l'atmosphère de Mars

Figure 8. Analyse par SAM de la masse moléculaire des différents composés de l'atmosphère de Mars

Ces analyses confirment et précisent l'appauvrissement de Mars en isotopes légers (12C, 16O, 36Ar …). Leur similitude avec les gaz contenus dans les météorites SNC confirme l'origine martienne de ces dernières.


La reprise des analyses et des déplacements de Curiosity

Début mai 2013, les communications reprennent définitivement. La NASA décide de faire un nouveau forage suivi d'une nouvelle série d'analyses. Elle choisit pour cela le sire de Cumberland, à 5 m à l'ONO de John Klein. La roche est la même, mais avec une plus grande concentration de ce qui ressemble aux "myrtilles" (bluberries) d'Opportunity et que la NASA nomme bumps (boutons). Comme leur cousines d'Opportunity, ces bumps seraient des concrétions minérales formées in situ quand de l'eau imprégnait la roche hôte (du grès). Les différences entre John Klein et Cumberland devraient nous renseigner sur la nature (sulfate, carbonate, oxyde…) de ces bumps. À ce jour, la NASA n'a pas encore communiqué de résultats, même préliminaires, des analyses effectuées sur Cumberland.



La roche où sera effectuée la deuxième campagne de forage (cercle bleu)

Figure 11. La roche où sera effectuée la deuxième campagne de forage (cercle bleu)

Ce site est particulièrement riche en "boutons" (bumps, en anglais).


Le forage sur Cumberland

Figure 12. Le forage sur Cumberland

Une partie de la roche broyée extraite du forage a été prélevée pour être analysée. ChemCam a également fait des tirs laser sur ces débris.


Pendant ce temps, le numéro du 31 mai 2013 de la revue Science, publie un article (Williams et al., Science, 340 (6136), 1068-1072) de toute l'équipe des géologues de Curiosity (à laquelle participe trois laboratoires Français) qui a étudié les conglomérats trouvés au début de la mission (cf. figures 6 à 12 de Premiers résultats géologiques de Curiosity : galets roulés, cryoclastie (?), roche riche en feldspaths… Opportunity découvre des "myrtilles" martiennes atypiques ). En appliquant les méthodes de la sédimentologie terrestre (forme et disposition des galets et des inter-bancs gréseux, répartition de leur taille…), cette équipe propose que ces conglomérats de type "poudingue" ont été déposés par une rivière de 3 à 90 cm de profondeur coulant à une vitesse comprise entre 0,2 et 0,75 m/s (0,7 à 2,7 km/h).

La NASA décide alors de quitter définitivement ce secteur de Glenelg / Yellowknife Bay pour gagner la base du Mont Sharp. Pour cela, il faut il faut aller à plus de 8 km au Sud-Ouest, là où la base du Mont Sharp n'est pas entourée d'un cordon de dunes qu'il faut absolument contourner pour éviter les risques d'enlisement.

En passant, Curiosity étudie un rocher déjà repéré à l'aller dans le secteur de Point Lake, avec une curieuse texture vacuolaire. Point Lake sera pour nous l'occasion de faire de la géologie sur la base de simples interprétations d'images.

Vue générale de Point Lake

Figure 13. Vue générale de Point Lake

Mosaïque "artisanale" à partir de 4 images prises par les caméras de Mastcam le sol 193.


Point Lake et sa curieuse couche de roche vacuolaire

Figure 14. Point Lake et sa curieuse couche de roche vacuolaire

La couche de roche vacuolaire semble reposer immédiatement sur une couche de grès "classique" se débitant avec un réseau de giga-craquelures d'origine non élucidée.



Gros plan sur le secteur "rouge" de Point Lake

Figure 16. Gros plan sur le secteur "rouge" de Point Lake

Certaines cavités sont entourées d'un "bourrelet", signe que la périphérie de certaines cavités est constituée d'un matériel plus résistant à l'érosion (éolienne) que le reste de la roche.


Gros plan sur le secteur « bleu » de Point Lake

Figure 17. Gros plan sur le secteur « bleu » de Point Lake

Les cavités sont plus nombreuses ici que sur le secteur de la figure précédente. Certaines cavités sont entourées d'un "bourrelet", signe que la périphérie de certaines cavités est constitué d'un matériel plus résistant à l'érosion (éolienne) que le reste de la roche. La figure suivante correspond à un zoom du coin supérieur droit de cette image.


Concrétion vacuolaire de Point Lake et équivalents terrestres possibles

Figure 18. Concrétion vacuolaire de Point Lake et équivalents terrestres possibles

À gauche, zoom "sur-grossi" (on commence à voir les pixels) sur la roche de Point Lake mettant bien en évidence la périphérie résistante entourant les cavités. Au centre des images, on voit que cette enveloppe résistante n'entoure pas une cavité, mais un matériel plus tendre non encore complètement érodé.

À droite, deux possibles équivalents terrestres, pour comparaison.


Gros plan sur une cavité entourée d'une bordure résistante photographiée par ChemCam

Figure 19. Gros plan sur une cavité entourée d'une bordure résistante photographiée par ChemCam

Si ChemCam a visé cette bordure avec son laser, et si les résultats sont exploitables, on saura peut-être en quoi elle est constituée quand les résultats seront publiés.


La NASA discute abondamment de l'origine de ces structures, énumère des hypothèses, mais n'en privilégie aucune dans ses commentaires. « The holes range from smaller than pea size to larger than golf-ball size. They are circular to elliptical in shape. Some of the larger holes have raised rims, as if the material immediately around a hole is slightly more resistant than material farther from the hole. At the right-hand end of the outcrop are a few stones that look as if they could have fallen out of holes in the rock face. At least one of these looks like a thin, curved lining that could have coated the interior of a hole. Embedded nearby in the rock face is a larger rounded rock that has a rock lining around it. Curiosity's science team is considering diverse geological processes -- both igneous and sedimentary -- as explanations for the holes and other characteristics of Point Lake. Igneous rocks commonly have holes called vesicles, which are frozen gas bubbles left over from when the rock was molten or fluidized. However, it is also possible to create holes in sedimentary rocks. The easiest way is for pebbles or cobbles in the rock to fall out as the rock erodes, leaving holes in the remaining rock. This is more likely to occur if the pebbles or cobbles are much harder than the surrounding rock. Holes in either igneous of sedimentary rock can later be partly or wholly filled with secondary minerals delivered by fluids or gases. The secondary minerals that fill the holes are sometimes harder than the host rock, so that when the entire assemblage starts to erode, they remain behind as round nodules. Geodes are an example of this process. »», citation extraite de Puzzling 'Point Lake' Outcrop Revisited.

Dans cet environnement de roches sédimentaires détritiques (fait de minéraux d'anciennes roches volcaniques érodées et altérées, transportés et re-déposés), il serait assez étonnant que ces cavités soient des vacuoles de roches volcaniques intactes. Un processus sédimentaire ou "diagénétique" semble plus probable. J'ai essayé d'appliquer le bon vieux principe de la planétologie comparée et de chercher dans ma mémoire ce qui, sur Terre, ressemble le plus à ces structures martiennes (en n'oubliant pas que ressemblance morphologique n'implique pas obligatoirement identité génétique). Et ce qui, à ma connaissance, ressemble le plus à ces structures, ce sont des concrétions concentriques formant une "coque". Sur Terre, ces concrétions en forme de coque sont souvent ferrugineuses, mais aussi à base de silice, sulfates, carbonates… Ces structures sont les résultats de circulations de fluides internes à la roche qui déposent des couches concentriques d'oxydes de fer, de silice… autour d'objets un peu différents du reste de la roche (composition différente, degré d'oxydation différent…) qui servent de germe à la précipitation. Ce processus a lieu au sein de sables, de grès, de sédiments volcano-détritiques… Ces concrétions concentriques plus résistantes que le reste de la roche peuvent laisser des cavités si elles sont enlevées par l'érosion, comme les galets signalés dans le texte de la NASA ci-dessus. Si la concrétion est "ouverte" par l'érosion, l'ablation de son cœur plus tendre forme des figures très semblables à ce que montrent les concrétions de Point Lake, ci-dessus.

Parmi ce type de concrétions terrestres les plus spectaculaires, on peut citer le cas des aétites, exemple que je présente ici à titre purement indicatif. Les aétites (masses globuleuses dites « pierre d'aigle » car ayant assez souvent la taille d'un œuf d'aigle, et emportées par les aigles mâles dans leur nid pour stimuler la ponte des femelles) sont les résultats de circulations de fluides ferrugineux. Leur coque est en général composée de limonite (mélange d'oxydes ferriques hydratés). Les aétites terrestres sont supposées avoir des vertus thérapeutiques exceptionnelles, en particulier pour faciliter les accouchements. Qu'en est-il des possibles aétites martiennes ?

Cette hypothèse des concrétions formant des coques est compatible avec la présence des bumps. Et simplement, pour des comparaisons morphologiques, voici deux autres images d'aétites provenant de niveaux volcano-sédimentaires de la région du Puy en Velay, Haute Loire, en plus des deux équivalents terrestres montrés ci-dessus.


Affleurement volcano-sédimentaire de Haute Loire contenant des aétites 

Figure 21. Affleurement volcano-sédimentaire de Haute Loire contenant des aétites 

Une aétite est visible juste au-dessus du couteau suisse en bas de la photo.


Après avoir étudié les environs de Point Lake, Curiosity quitte le secteur de Glenelg / Yellowknife Bay, secteur qu'il abandonne définitivement le 8 juillet 2013 (sol 327), après y avoir passé 274 sols. Depuis cette date, Curiosity accélère et "fonce" vers le SO pour atteindre la base du Mont Sharp par une zone où il n'y a pas de cordon de dunes barrant le passage.

Depuis Point Lake, Curiosity "se retourne" et photographie le Mont Sharp

Figure 22. Depuis Point Lake, Curiosity "se retourne" et photographie le Mont Sharp

Pour atteindre la base du Mont Sharp, objectif principal de sa mission, Curiosity devra faire un détour de 8 à 10 km par le Sud-Ouest, pour éviter un cordon de dunes de sable basaltique (en noir sur cette photo) qui longe la base de la montagne.




Les quatre phases de la première année de la mission Curiosity, du 6 août 2012 (sol 1) au 6 août 2013 (sol 355)

Figure 25. Les quatre phases de la première année de la mission Curiosity, du 6 août 2012 (sol 1) au 6 août 2013 (sol 355)

La première phase qui a duré 16 sols correspond à la mise en route et aux premiers tests effectués sur le site d'atterrissage avant tout déplacement. La deuxième phase a duré 38 sols et correspond au trajet vers le secteur de Glenelg / Yellowknife Bay. Peu d'arrêts prolongés ont été faits pendant ces 38 sols. La troisième phase, qui a duré 274 sols (jusqu'au sol 327) correspond à l'exploration approfondie du secteur de Glenelg / Yellowknife Bay, avec en particulier 2 longues stations sur les sites de Rocknest de de John Klein. Pendant les 18 premiers jours de la quatrième phase, Curiosity "fonce" vers la base du Mont Sharp. La photo de la figure suivante a été prise depuis le site indiqué par les traits bleus (sol 342). L'image de l'occultation de Deimos par Phobos a été prise pendant la nuit du sol 351 (position indiquée par la petite lune orangée).



Le 1er aout 2013 (sol 351), a eu lieu une occultation de Deimos par Phobos sur le site du cratère Gale. Curiosity n'a pas manqué de prendre de nombreuses images de l'évènement avec sa caméra à grande focale. On peut trouver plus de 90 photographiess de cette occultation et un film en 2 résolutions différentes (156x161 pixels / 256/256 pixels).

Montage de 9 images prises entre 8h41min07s et 8h42min27s (TU) le 1er aout 2013 montrant l'occultation de Deimos par Phobos vue par Curiosity

Figure 27. Montage de 9 images prises entre 8h41min07s et 8h42min27s (TU) le 1er aout 2013 montrant l'occultation de Deimos par Phobos vue par Curiosity

Deimos, plus loin de Mars, parait petit et immobile sur cette série d'images. Phobos qui tourne autour de Mars sur une orbite de rayon plus petit, et donc plus vite que Déimos selon les lois de Kepler, parait mobile sur cette série d'images, passe devant Déimos et l'occulte pendant moins de 15 secondes.


Trois semaine plus tard, a lieu une éclipse annulaire de Soleil par Phobos, elle aussi abondamment photographiée (images brutes du sol 369, sélection d'images de l'éclipse annulaire).

Montage de 7 images d'une éclipse annulaire de Soleil annulaire par Phobos le sol 369 (20 août 2013) vue par Curiosity

Figure 28. Montage de 7 images d'une éclipse annulaire de Soleil annulaire par Phobos le sol 369 (20 août 2013) vue par Curiosity

La durée totale du phénomène, entre le premier et le quatrième contact, n'a duré que 31 secondes. Les photos ont été prises en milieu de journée par la caméra grande focale du mat équipé d'un "filtre".


Le 27 août 2013 (sol 376), la NASA inaugure une méthode de conduite plus automatique, donc théoriquement plus rapide, où ce sont les ordinateurs de bords qui, aidés par les caméras de navigation, choisiront les détails de la route à suivre. Elle publie ce même jour la carte du trajet déjà effectué et encore à faire pour atteindre l'extrémité du cordon de dunes qui sépare Curiosity de la base du Mont Sharp. Ce point qui permettra enfin d'atteindre cette base du Mont Sharp a été appelé Entry Point, il est à 7180 m de la position de Curiosity le 27 août 2013. Plusieurs mois seront nécessaires pour atteindre ce point, le but géologique principal de la mission, d'autant plus que cinq arrêts géologiques sont d'ores et déjà programmés. Ce n'est qu'après avoir dépassé Entry Point que le cœur de la mission commencera. Tout ce qui aura précédé n'aura été que "hors d'œuvre".

Carte des déplacements passés (ligne jaune) et futurs (ligne blanche) de Curiosity publiée le 27 août 2013

Figure 29. Carte des déplacements passés (ligne jaune) et futurs (ligne blanche) de Curiosity publiée le 27 août 2013

L'étoile de couleur bleu clair correspond au site d'atterrissage, le cercle bleu foncé du Nord-Est aux 274 sols passés dans le secteur de Glenelg / Yellowknife Bay, l'étoile verte à la position de Curiosity le 27 août 2013, le cercle bleu du Sud-Ouest au "Point d'Entrée" vers la base du Mont Sharp et les triangles verts aux arrêts géologiques prévus sur le trajet.


Carte du trajet de Curiosity replacée dans le contexte du cratère Gale qui occupe presque toute la photo, et du Mont Sharp qui occupe plus de la moitié du diamètre du cratère

Figure 30. Carte du trajet de Curiosity replacée dans le contexte du cratère Gale qui occupe presque toute la photo, et du Mont Sharp qui occupe plus de la moitié du diamètre du cratère

La figure précédente est représentée par le petit rectangle bleu. Le trajet déjà effectué, à peine visible à cette échelle, est figuré par le petit trait rouge. Le trajet qui reste à faire avant d'atteindre Entry Point est figuré en vert. Une fois atteint ce "Point d'Entrée", les milliers de km2 du Mont Sharp s'ouvriront à Curiosity.