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Article | 16/09/2016

La Mer de Glace : grandeur (et décadence ?) d'un glacier alpin

09/2016

Thibault Lorin

Agrégé SV-STU, ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Un glacier de vallée à observer en détail (moraines, stries, séracs...). Les cycles de crues et décrues glaciaires et le réchauffement climatique actuel.


Merci à Mathieu Clavière (ENS de Lyon) pour certaines photographies, ainsi qu'à Michel Petitti pour ses relectures et commentaires avisés. Michel Petitti a fondé un site collaboratif sur les glaciers du Mont-Blanc (http://glaciers-climat.fr/). Richement illustré sur les glaciers alpins (mais pas uniquement), ce site documente également leur évolution actuelle et au cours du Quaternaire. À consulter avant toute excursion dans le Massif du Mont-Blanc !

Le lecteur pressé voulant avoir un aperçu rapide de la question pourra au moins visionner le reportage de 4min07s du JT de 13h de France 2 du 02/06/15 : Dans les Alpes, la mer de glace est victime du réchauffement climatique.

Introduction

Salut aux voyageurs dont l’active pensée
Brûle de contempler cette mer courroucée
Dont les solides flots couvrent le Mont-Envers,
Où Phœbus est sans force et Neptune est aux fers.
Non, jamais, au milieu de ces grands phénomènes,
De ces tableaux touchants, de ces terribles scènes,
L’imagination ne laisse dans ces lieux
Ou languir la pensée, ou reposer les yeux.

Jacques Delille, 1738-1813

Les glaciers, au fond des sombres et obscures vallées montagnardes, ont pendant longtemps été considérés comme des « objets du démon », ou des « royaumes d'esprits malins ». Même si la religion proscrit très tôt ce type de croyances païennes, il demeure que les paysans ne s'aventurent pas plus haut dans les montagnes que l'élevage ne le nécessite... On ne sait jamais !

Ce n'est véritablement qu'au XVIIIème siècle que les montagnes alpines commencent à révéler leurs secrets, suite à l'exploration des glaciers alpins par quelques jeunes gens un peu plus téméraires que les paysans du cru. Deux d'entre eux, Richard Pococke et William Windham (des Anglais), décident en 1741 de se rendre au « Prieuré de Chamouni » pour y visiter « Les Glacières ». Les flots glacés du fleuve blanc qu'ils y trouvent, accompagnés de blocs granitiques et de séracs enchevêtrés, les conduisent à baptiser le lieu « Mer de Glace ».

Avant eux, quelques téméraires cristalliers parcouraient les montagnes à la recherche de beaux cristaux à monnayer. L'un d'entre eux, le célèbre Jacques Balmat, fut le premier à atteindre le sommet du Mont Blanc en août 1786 en compagnie du Dr Michel-Gabriel Paccard. (voir, par exemple, ign.fr et mineralogie-chamonix.org).

Les glaciers étaient souvent considérés comme des objets maudits avant l'avènement de l'exploration glaciaire

Figure 1. Les glaciers étaient souvent considérés comme des objets maudits avant l'avènement de l'exploration glaciaire

Gravure de H.G. Willink éditée en 1892, intitulée Wilderwurm-Gletscher qu'on pourrait traduire (en forçant le trait) par le "dragon-glacier dévoreur d'hommes". Selon certaines légendes, les dragons sortaient des glaciers sous la forme de serpents ailés. La ressemblance, ici, avec la mer de Glace et la vallée de Chamonix (cf. photos plus loin dans cet article) est voulue par l'artiste.


Représentation de la Mer de Glace dans la première moitié du XIXème siècle

Figure 2. Représentation de la Mer de Glace dans la première moitié du XIXème siècle

L'aspect de la Mer de Glace sur cette gravure fait effectivement penser à une étendue "maritime" de flots... glacés.

Souvenirs de la Vallée de Chamonix - La Mer de Glace vue du Montanvert, gravure en aquatinte, Samuel Birmann (1793-1847).

Pour plus de gravures de la région, consulter le site Souvenirs de la vallée de Chamonix...: ).


Dans cet article, nous nous intéresserons donc en majorité à la Mer de Glace, le plus emblématique et le plus long des glaciers français de France métropolitaine. Il fait partie, avec les glaciers des Bossons et d'Argentière, des trois "grands" glaciers de vallée de la vallée de Chamonix-Mont-Blanc (Haute-Savoie). Quatre glaciers alpins suisses sont plus longs que la langue glaciaire terminée par la Mer de Glace : Grosser Alecht, Fiescher, Gorner, Unteraar mesurent plus de 12 km en 2000 (http://glaciology.ethz.ch).

Ces glaciers ne sont pour autant pas les seuls glaciers alpins, et encore moins français : dans les Pyrénées, partie espagnole incluse, on trouve une trentaine de glaciers (essentiellement des glaciers suspendus ou glaciers de cirque), et le plus grand glacier français (hors Terre Adélie), le glacier Cook, est situé aux îles Kerguelen (400 km2, soit 4 fois la superficie de la ville de Paris !). Le plus grand glacier des Alpes est le glacier d'Aletsch (environ 22 km de long), en Suisse, et le plus grand glacier du monde est le glacier Lambert, en Antarctique (plus de 400 km de long).

Par ailleurs, le Rhône, le deuxième plus long fleuve français, prend sa source dans un glacier suisse (le Glacier du Rhône, ou Rhonegletscher), soulignant le rôle certain des glaciers dans l'hydrographie métropolitaine, voire européenne.

Après avoir esquissé un aperçu de la Mer de Glace au travers de ses caractéristiques actuelles, nous verrons en quoi sa visite est pédagogiquement intéressante, et surtout pourquoi elle s'impose... au plus vite !

Caractéristiques actuelles du glacier

La Mer de Glace, un glacier de vallée

Le Glaciorium de la Mer de Glace, non loin de la gare du Montenvers, est un musée remarquable par ses informations historiques et son descriptif du glacier. Il bénéficie, entre autres, de dizaines d'années de travail effectuées par les équipes du Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l'Environnement de Grenoble (LGGE)) qui ont permis l'accumulation de données fouillées sur différents glaciers alpins.

La Mer de Glace est un glacier résultant de la confluence de deux autres : le glacier du Tacul, surtout (lui-même issu de la confluence des glaciers du Géant, de la Vallée Blanche et des Périardes), et le glacier de Leschaux (de moins en moins).

Vue satellite de la Mer de Glace et de la vallée de Chamonix-Mont-Blanc

Figure 6. Vue satellite de la Mer de Glace et de la vallée de Chamonix-Mont-Blanc

Le cliché a été pris le 14 juillet 2015. La gare du Montenvers est localisée.


Vue satellite annotée de la Mer de Glace et de la vallée de Chamonix-Mont-Blanc

Figure 7. Vue satellite annotée de la Mer de Glace et de la vallée de Chamonix-Mont-Blanc

La Mer de Glace est un glacier de vallée issu de la confluence entre les glaciers du Tacul et de Leschaux. Les glaciers du Géant, de la Vallée Blanche et des Périardes forment le glacier du Tacul. L'Aiguille du Midi, le Mont-Blanc du Tacul ainsi que le glacier des Bossons sont également indiqués.

Le cliché a été pris le 14 juillet 2015. La gare du Montenvers est localisée.


Le glacier présente toutes les caractéristiques d'un glacier de vallée (figure ci-dessous) :

  • une longue masse de glace, ou langue glaciaire, occupant le fond d'une vallée,
  • des bandes de Forbes (cf. Bandes de Forbes sur un glacier andin, entre Santiago (Chili) et Mendoza (Argentine), et sur la Mer de Glace (Haute Savoie)) d'ailleurs décrites et expliquées par James Forbes lui-même pour la première fois à la Mer de Glace en 1842,
  • des bédières (du vieux français "bief" signifiant torrent), rivières "sur" la glace,
  • des moulins (crevasses creusées par les bédières) ; par exemple, le Grand Moulin de la Mer de Glace, exploré dès 1897, plonge à près de 60 m,
  • des moraines latérales (à l'origine, moraine vient même du latin "murus" (mur), à cause des parois verticales laissées par le retrait des glaciers, et particulièrement conséquentes à la Mer de Glace),
  • un front noir ("sale") et des lacs.
Panorama, vu du Nord, sur la Mer de Glace (au centre et à droite) et le glacier de Leschaux

Figure 8. Panorama, vu du Nord, sur la Mer de Glace (au centre et à droite) et le glacier de Leschaux

Le glacier de Leschaux se jette dans la Mer de Glace avec une confluence "sale" du fait de la convergence des moraines latérales. La Mer de Glace est parcourue de bandes de Forbes.


En plus des glaciers de vallée, il existe d'autres types de glaciers, classés selon leur morphologie, leur température (plus ou moins froids), la provenance des dépôts glaciaires et leur superficie. On peut citer les glaciers suspendus, les glaciers régénérés, les glaciers de cirque, les glaciers de piémont, les glaciers côtiers (figures ci-dessous), les calottes glaciaires…

Trois glaciers côtiers groenlandais vus d'avion

Figure 9. Trois glaciers côtiers groenlandais vus d'avion

Ces glaciers se jettent directement dans la mer. Certains glaciers côtiers sont aussi des glaciers de vallée (comme l'est le glacier de gauche sur la photographie) et sont alors classés en tant que glaciers côtiers et de vallée, montrant que les classifications ne sont pas strictes.


Vue satellite de glaciers côtiers de vallée groenlandais

Figure 10. Vue satellite de glaciers côtiers de vallée groenlandais

La beauté des glaciers vus par satellite est saisissante. On observe parfaitement la réunion des moraines latérales en moraines centrales en aval. Certains glaciers comportent même plusieurs moraines centrales résultant de réunions multiples.


Localisation des glaciers côtiers groenlandais de la figure précédente

La Mer de Glace aujourd'hui en quelques chiffres

La longueur de la langue glaciaire est d'environ 11 km depuis la zone d'accumulation/alimentation dans le glacier du Géant (7 km pour la Mer de Glace stricto sensu) et sa surface est de 31 km2 (soit la superficie de la ville de Lille). Le glacier fait environ 500 m de large sous le Montenvers. L'altitude au sommet de la Mer de Glace est celle du Mont-Blanc du Tacul, soit 4200 m, et son altitude frontale est de 1500 m, soit presque 3000 m de dénivelé.

Sa vitesse de glissement est de 800 m par an au niveau des séracs du Géant (rétrécissement du glacier), et de 30 m par an au niveau du Montenvers (chiffres donnés au Glaciorium).

Enfin, son épaisseur est variable : si elle est presque de 400 m au niveau du glacier du Tacul, elle n'est plus que de 80 à 90 m sous le Montenvers. Ainsi, la Mer de Glace est plus épaisse par endroits que la Tour Eiffel ! De plus, son suivi régulier permet d'avoir des données précises sur sa structure profonde.

Coupe schématique du Glacier du Géant (Vallée Blanche), en amont de la Mer de Glace, au niveau de l'Aiguille du Midi

Figure 12. Coupe schématique du Glacier du Géant (Vallée Blanche), en amont de la Mer de Glace, au niveau de l'Aiguille du Midi

Au niveau de l'Aiguille du Midi, le glacier a une épaisseur d'environ 180 m. Les 30 premiers mètres sont formés de neige plus ou moins tassée (pas encore cristallisée en glace), avec des couches annuelles. Certaines crevasses décamétriques peuvent s'y former. Plus en profondeur, la neige est cristallisée en glace, dont la densité augmente avec la profondeur (et avec l'âge) au fur et à mesure que les bulles d'air sont expulsées et/ou compressées. La glace de la partie inférieure du glacier est âgée de 40 à 50 ans et a une "densité" (masse volumique) d'environ 900 kg/m3, soit la densité d'une glace à 0°C produite par cristallisation d'eau liquide (et ne contenant donc pas de bulles d'air).


La Mer de Glace, un glacier facile à observer

La Mer de Glace est l'un des seuls glaciers Français que tout promeneur peut aller aisément "toucher" sans nécessiter de grande randonnée, et l'un des seuls qu'il soit possible de visiter de l'intérieur. Il fournit donc l'occasion de se rendre compte soi-même de ce qu'est un glacier "vu de près"... et de ce qu'il renferme.

Accès à la Mer de Glace depuis Chamonix

Jusqu'au début du XXème siècle, on accédait au glacier depuis la vallée à pied ou à dos de mulet. En 1908, au grand regret des muletiers, un train à crémaillère arrive au Montenvers après des travaux controversés et émaillés de quelques sabotages. Il est inauguré en septembre 1910 par le président de la République de l'époque, Armand Fallières.

Il est toujours possible de monter à pied à la Mer de Glace mais le trajet en train à crémaillère vaut le détour. Chaque année, 1 million de visiteurs empruntent le train et les jours de forte affluence, on peut compter jusqu'à 6000 visiteurs.

Train à crémaillère effectuant la liaison Chamonix – Montenvers

Figure 13. Train à crémaillère effectuant la liaison Chamonix – Montenvers

Ce train d'un rouge vif assure depuis 1908 la liaison entre Chamonix et le Montenvers.


Arrivé à la gare du Montenvers, le visiteur doit prendre une télécabine (ou descendre à pied) pour atteindre en contrebas le sommet des escaliers qui descendent au glacier. Il ne reste dès lors "plus qu'à" descendre les quelques 400 marches pour arriver à la Mer de Glace.

Télécabine permettant de descendre (presque) jusqu'au glacier

Figure 14. Télécabine permettant de descendre (presque) jusqu'au glacier

La gare du Montenvers (bâtiment gris) est visible à droite. Au centre, on peut observer le sommet de la télécabine (aux cabines également rouges) qui effectue une partie de la descente jusqu'au glacier – en contrebas – depuis 1988. La photo est prise depuis le train. On aperçoit dans le fond une portion de la langue glaciaire. À gauche, les flancs dénudés de la montagne, dont la partie basse est tapissée de "résidus" de moraine latérale (moraine aujourd'hui plus basse du fait de la fonte des glaces).


Escalier permettant de descendre jusqu'au glacier

Figure 15. Escalier permettant de descendre jusqu'au glacier

Arrivé en bas de la télécabine, le visiteur doit alors descendre les quelques centaines de marches pour arriver au glacier, presque 100 m plus bas. Les trous visibles dans la Mer de Glace correspondent à la Grotte de glace.


Bilan de l'accès jusqu'à la Mer de Glace

Figure 16. Bilan de l'accès jusqu'à la Mer de Glace

Depuis Chamonix, le train (trajet en jaune) permet d'accéder à la gare du Montenvers ; il alors est possible d'accéder au glacier en prenant la télécabine (en rouge) et ensuite les escaliers (400 marches environ en 2016, en bleu). On aperçoit la langue glaciaire sur le cliché. Ce cliché a été pris le 14 juillet 2015.


La surface du glacier

L'image qu'on peut a priori avoir d'un glacier est celle d'une glace immaculée coulant langoureusement dans le fond d'une vallée, or la visite en fin de printemps / début d'été à la Mer de Glace montre à quel point, vu du dessus, ce glacier est quelque chose de "sale", dans l'ensemble gris, charriant avec lui un ensemble d'éléments très variés dans un paysage assez "chaotique". Les éléments en surface vont de poussières millimétriques à des blocs métriques à plurimétriques.

Glaciers blancs et glaciers noirs

La surface d'un glacier peut être très "sale" car recouverte de moraines et débris de roches, on parle de « glacier noir ». Lorsque très peu de débris sont visbles en surface, le glacier apparaît blanc, on parle de « glacier blanc ». Un glacier blanc peut devenir noir au fil de son trajet.

Pour illustration de ces termes, ci-dessous, les bien nommés Glacier Blanc et Glacier Noir du Massif des Écrins.

Massif des Écrins, Glacier Blanc et Glacier Noir, en carte

Massif des Écrins, Glacier Blanc et Glacier Noir, vue aérienne

Surface du glacier à l'entrée de la Grotte de glace

Figure 17. Surface du glacier à l'entrée de la Grotte de glace

Loin de l'image d'Épinal du glacier constitué de glace pure et immaculée, la surface de la langue terminale de la Mer de Glace est quelque chose de "sale", criblée d'éléments rocheux variés (depuis des poussières millimétriques jusqu'à des blocs rocheux plurimétriques). Il est à noter que le cliché a été pris à la fin du mois de mai. Une visite hivernale montrerait une surface plus blanche. Notez les bâches : blanches, elles augmentent l'albédo et ralentissent légèrement la fonte mais servent surtout à protéger l'entrée de la grotte des chutes de pierres qui ne manquent pas d'arriver en été. Les trous à gauche de l'entrée correspondent aux deux entrées de l'année 2015. La balustrade a une hauteur d'environ 1 m.


Surface du glacier à l'entrée de la Grotte de glace

Figure 18. Surface du glacier à l'entrée de la Grotte de glace

Loin de l'image d'Épinal du glacier constitué de glace pure et immaculée, la surface de la langue terminale de la Mer de Glace est quelque chose de "sale", criblée d'éléments rocheux variés (depuis des poussières millimétriques jusqu'à des blocs rocheux plurimétriques). Il est à noter que le cliché a été pris à la fin du mois de mai. Une visite hivernale montrerait une surface plus blanche. Notez les bâches : blanches, elles augmentent l'albédo et ralentissent légèrement la fonte mais servent surtout à protéger l'entrée de la grotte des chutes de pierres qui ne manquent pas d'arriver en été. Les trous à gauche de l'entrée correspondent aux deux entrées de l'année 2015. La balustrade a une hauteur d'environ 1 m.


Surface du glacier à l'entrée de la Grotte de glace

Figure 19. Surface du glacier à l'entrée de la Grotte de glace

Loin de l'image d'Épinal du glacier constitué de glace pure et immaculée, la surface de la langue terminale de la Mer de Glace est quelque chose de "sale", criblée d'éléments rocheux variés (depuis des poussières millimétriques jusqu'à des blocs rocheux sub-métriques granitiques, visibles ici sur la droite de l'image). Il est à noter que le cliché a été pris à la fin du mois de mai. Une visite hivernale montrerait une surface plus blanche. En revanche, sous la surface poussiéreuse, la glace se révèle.


La Grotte de glace et l'intérieur du glacier

Depuis une cinquantaine d'années, il est possible d'accéder à l'intérieur de la Mer de Glace grâce à la Grotte de glace, l'une des grottes de glace visitables en France (cf., le glacier de la Chiaupe et ses Strates annuelles dans un glacier). Cette grotte, artificielle, est en partie reconstruite chaque année, d'une part parce que le glacier avance (30 mètres par an sous le Montenvers), et d'autre part parce que les neiges hivernales rendent impraticable la grotte de l'été précédent. Cette grotte est une véritable aubaine pour observer de l'intérieur ce qu'est un glacier. Elle n'est ouverte à la visite qu'à la belle saison (par exemple, en 2016, elle a ouvert au public à partir du dernier week-end de mai).

Si la surface du glacier est assez rocheuse, l'intérieur du glacier est dans l'ensemble majoritairement constitué de glace d'un blanc bleuté du plus bel effet (cf. Couleur et forme des icebergs (Islande et Patagonie)). Le changement de couleur est notable, ainsi que le changement de température ; même en été, il vaut mieux prévoir une veste chaude - cela correspond en effet à une visite dans le bac froid de votre réfrigérateur !

L'intérieur de la Grotte de glace est un spectacle unique de son et lumière qui mérite pour son esthétisme seul le détour : les sculptures sont variées et nous ne mettons ici qu'un seul cliché, car rien ne vaut le plaisir d'une découverte sur place !

Intérieur du glacier à l'entrée de la Grotte de glace

Figure 20. Intérieur du glacier à l'entrée de la Grotte de glace

L'intérieur du glacier correspond plus à la représentation qu'on peut avoir a priori d'un glacie  : une masse glaciaire froide constituée majoritairement de glace bleutée. Le contraste (visuel et thermique) avec le spectacle à l'extérieur est saisissant. La balustrade a une hauteur d'environ 1 mètre.


Intérieur du glacier au sein de la Grotte de glace

Figure 21. Intérieur du glacier au sein de la Grotte de glace

L'intérieur de la grotte est un magnifique spectacle de son et lumière, qui ne gâche en rien les observations géologiques. Les visiteurs donnent l'échelle.


Outre l'esthétisme du lieu, la Grotte de glace est aussi l'occasion de faire des observations rares sur ce qu'est un glacier... vu de l'intérieur ! En premier lieu, la glace comporte de très nombreuses bulles. Ces bulles sont de plus en plus vieilles au fur et à mesure qu'on s'enfonce dans les profondeurs du glacier. Les plus vieilles ont plus de 50 ans, et leur composition peut être analysée, à l'instar des compositions de gaz mesurées dans les forages arctiques ou antarctiques. Chacune de ces bulles a donc enregistré la composition de l'atmosphère de ces 50 dernières années. Dans les glaciers alpins, elles ont par exemple permis de montrer que l'explosion de Tchernobyl ne s'était en réalité pas arrêtée à la frontière française, mais que le nuage était au moins allé jusqu'à la frontière haute-savoyarde ! On retrouve en effet un pic de césium 137 en mai 1986 après la catastrophe du 26 avril (Pourchet et al., 1988 [Pourchet1988]).

La glace d'un glacier est en réalité criblée de bulles d'air

Figure 22. La glace d'un glacier est en réalité criblée de bulles d'air

Loin d'être un bloc de glace pure, un glacier est plein de bulles d'air millimétriques à centimétriques.

Le couteau suisse donne l'échelle.


La glace d'un glacier est en réalité criblée de bulles d'air

Figure 23. La glace d'un glacier est en réalité criblée de bulles d'air

Loin d'être un bloc de glace pure, un glacier est plein de bulles d'air millimétriques à centimétriques dont la taille diminue quand la profondeur augmente (cf. Bendel et al.[Bendel2013] et la coupe de la Mer de Glace Figure 12, « Coupe schématique du Glacier du Géant (Vallée Blanche), en amont de la Mer de Glace, au niveau de l'Aiguille du Midi ».

De l'autre côté de la paroi, les bulles ont la composition de l'air d'il y a quelques dizaines d'années. Faire fondre une faible épaisseur de la paroi (avec le doigt, par exemple) libère ces gaz et influence à (très très très...) petite échelle la composition de l'atmosphère actuelle.


La glace d'un glacier est en réalité criblée de bulles d'air

Figure 24. La glace d'un glacier est en réalité criblée de bulles d'air

Loin d'être un bloc de glace pure, un glacier est plein de bulles d'air millimétriques à centimétriques.

Au sein de la Grotte de glace, il est possible de teinter cette jolie observation géologique d'une touche artistique. Le couteau suisse donne l'échelle.


En parallèle des très nombreuses bulles d'air au sein du glacier, on peut observer par endroits des éléments rocheux de granulométrie variée, allant du millimètre à la dizaine de centimètres. Surtout, ces éléments ne sont pas classés, contrairement à ce qu'on pourrait observer sur le rivage d'un ruisseau ou d'une plage. Cet absence de granoclassement est caractéristique du mode de transport glaciaire : les éléments, de taille variée, sont intégrés au glacier (cf., par exemple, Strates annuelles dans un glacier et Quand le retrait glaciaire permet de voir des stries glaciaires presque en "flagrant délit" de formation : glacier de Saint Sorlin, massif des Grandes Rousses (Savoie)) et transportés indifféremment de leur taille (on dit que les glaciers ont une compétence élevée). Ce mode de transport est à l'origine des dropstones, éléments de grande taille isolés dans des sédiments marins dont le dépôt est dû à la fonte d'icebergs provenant de l'arrivée en mer d'un glacier (le vêlage). En France, un dépôt glaciaire de grosse taille assez connu en Auvergne-Rhône-Alpes est le Gros-Caillou de la Croix-Rousse à Lyon, déposé lors du maximum glaciaire de l'épisode du Riss ,il y a environ 140 000 ans (cf. Le Gros Caillou de la Croix-Rousse).

La glace d'un glacier est parsemée d'éléments non granoclassés de granulométrie variée

Figure 25. La glace d'un glacier est parsemée d'éléments non granoclassés de granulométrie variée

Les éléments rocheux peuvent être de toute taille, depuis des poussières millimétriques jusqu'à des blocs décamétriques. Ici, le plus gros élément mesure une petite dizaine de centimètres. La surface du glacier est vers le haut du cliché. Le couteau-suisse donne l'échelle.


La glace d'un glacier est parsemée d'éléments non granoclassés de granulométrie variée

Figure 26. La glace d'un glacier est parsemée d'éléments non granoclassés de granulométrie variée

Les éléments rocheux peuvent être de toute taille, depuis des poussières millimétriques jusqu'à des blocs décamétriques. Ici, le plus gros élément mesure une petite dizaine de centimètres. La surface du glacier est vers le haut du cliché. Le couteau-suisse donne l'échelle.


Un glacier est donc un mélange entre de la glace (surtout), de l'air (beaucoup) et des éléments solides (un peu). Ainsi, l'appellation "glacier" est-elle justifiée par rapport à "airier" "ou "pierrier"... mais ces deux dernières composantes ne doivent pas être oubliées !

Les glaciers rocheux

À côté des glaciers de glace, il existe des glaciers rocheux, composés d'un amoncellement de blocs de roches cimentés par de la glace et qui, comme les glaciers "vrai" peuvent "couler", mais beaucoup plus lentement.

Exemple de glacier rocheux du Canigou

Figure. Exemple de glacier rocheux du Canigou

Localisation précise par le fichier glacier-rocheux-Canigou.kmz.


Les stries glaciaires

Les éléments rocheux présents dans les roches sont à l'origine des stries glaciaires. Imaginons qu'un tel élément rocheux soit situé au bord du glacier, au contact avec le substrat rocheux. L'avancée du glacier provoque un frottement entre l'élément et le substrat, induisant la formation mécanique d'une strie dans la roche sous-jacente. De telles stries se forment en continu sous le glacier et sont observables à la Mer de Glace ; certaines sont même datables. Ces stries indiquent la direction de déplacement du glacier (et non pas le sens !), et peuvent être utilisées comme marqueurs de paléo-glaciers (cf. Stries glaciaires en Ariège).

Par ailleurs, l'abrasion mécanique des roches induit la formation de polis glaciaires et de roches moutonnées. Les roches sont mécaniquement polies par le passage du glacier et leur surface lisse et "douce" est qualifiée de « moutonnée ».

Stries glaciaires et roches moutonnées en bordure du glacier de la Mer de Glace

Figure 27. Stries glaciaires et roches moutonnées en bordure du glacier de la Mer de Glace

Les roches sur la gauche de l'image sont des roches mises à l'affleurement ces dernières décennies. On peut observer leur caractère moutonné, poli. Par ailleurs, une orientation globalement gauche-droite sur le cliché (amont-aval) est visible sur ces roches, elle correspond aux nombreuses stries glaciaires. La photographie est prise depuis l'escalier menant à la Grotte de glace en direction de l'aval. L'escalier en haut à gauche de l'image ainsi que la gare aval de la télécabine donnent l'échelle.


Stries glaciaires et roches moutonnées en bordure de la Mer de Glace

Figure 28. Stries glaciaires et roches moutonnées en bordure de la Mer de Glace

Les roches sur l'image sont des roches mises à l'affleurement ces dernières décennies. On peut observer leur caractère moutonné, poli. Par ailleurs, une orientation globalement gauche-droite sur le cliché (amont-aval) est visible sur ces roches, elle correspond aux nombreuses stries glaciaires. La photographie est prise depuis l'escalier menant à la Grotte de glace.


Stries glaciaires et roches moutonnées, image interprétée

Figure 29. Stries glaciaires et roches moutonnées, image interprétée

Les roches sur l'image sont des roches mises à l'affleurement ces dernières décennies. On peut observer leur caractère moutonné, poli. Par ailleurs, une orientation globalement gauche-droite sur le cliché (amont-aval) est visible sur ces roches ; elle correspond aux nombreuses stries glaciaires. Quelques stries glaciaires sont légendées. La photographie est prise depuis l'escalier menant à la Grotte de glace.


Stries glaciaires et roches moutonnées en bordure du glacier de la Mer de Glace

Figure 30. Stries glaciaires et roches moutonnées en bordure du glacier de la Mer de Glace

Les roches sur l'image sont des roches mises à l'affleurement en 2005, comme indiqué par le panneau. La photographie est prise depuis l'escalier descendant à la Grotte de glace. Les gouttes d'eau sur le panneau donnent l'échelle.

La surface du glacier est aujourd'hui une trentaine de mètres plus bas.


Stries glaciaires et roches moutonnées, image interprétée

Figure 31. Stries glaciaires et roches moutonnées, image interprétée

Les roches sur l'image sont des roches mises à l'affleurement en 2005, comme indiqué par le panneau. Les stries glaciaires sont soulignées en rouge. La photographie est prise depuis l'escalier descendant à la Grotte de glace. Les gouttes d'eau sur le panneau donnent l'échelle.

La surface du glacier est aujourd'hui une trentaine de mètres plus bas.


Les moraines latérales

La descente jusqu'à la Mer de Glace permet d'observer des moraines latérales. On trouve des moraines actuelles, posées sur le glacier et se déplaçant avec lui, mais aussi des moraines anciennes déposées en fond de vallée, en aval du front actuel, du fait du retrait du glacier, ainsi que des placages de sédiments sur les bordure de la vallée, sédiments "résiduels" des moraines latérales dus à la diminution d'épaisseur du glacier. Dans tous les cas, l'observation montre que ces sédiments sont grossiers, non granoclassés, de lithologies diverses, et qu'ils sont petit à petit recouverts par la végétation. La lithologie dominante du bassin d'alimentation de la Mer de Glace, en amont du Montenvers, est granitique (granite dit "du Mont-Blanc", d'âge carbonifère). La notice de la carte géologique au 1/50 000 de Chamonix Mont-Blanc nous indique que la roche à l'affleurement au Montenvers (donc pas nécessairement celle constituant les moraines !) est un « mylonitoschiste de granite [...] engendré aux dépens d'un cortège de petites masses granitiques rassemblées sous le nom de "granite de Montenvers", équigranulaire et fin ». Ces deux formations (le granite sain du Mont-Blanc et le granite mylonitisé) constituent l'essentiel des moraines actuelles et anciennes de la Mer de Glace.

Dépôt de la moraine latérale gauche de la Mer de Glace

Figure 32. Dépôt de la moraine latérale gauche de la Mer de Glace

Les roches sur la gauche de l'image sont des roches mises à l'affleurement ces dernières décennies. On peut observer leur caractère moutonné, poli, avec une orientation globalement gauche-droite sur le cliché (amont-aval) due aux stries glaciaires, elle correspond aux nombreuses stries glaciaires. Les éléments de tailles très variées les plus à gauche ne sont plus transportés par le glacier et constituent la moraine latérale gauche du glacier. La photographie est prise depuis l'entrée de la Grotte de glace en direction de l'aval.


Éléments granitiques de la moraine latérale gauche de la Mer de Glace

Figure 33. Éléments granitiques de la moraine latérale gauche de la Mer de Glace

Ces éléments de tailles très variées ne sont plus transportés par le glacier et constituent la moraine latérale gauche du glacier. On peut voir que la végétation commence à s'établir. La photographie est prise depuis l'escalier menant à la Grotte de glace. Ce bloc n'est pas très mylonitisé, à l'inverse du substratum à cet endroit, et provient donc probablement de l'amont. Le bloc central fait environ 1 m de largeur.


Lithologie de la Mer de Glace au niveau du Montenvers

Figure 34. Lithologie de la Mer de Glace au niveau du Montenvers

La lithologie dominante du bassin d'alimentation de la Mer de Glace est granitique (granite dit "du Mont-Blanc", d'âge carbonifère -formation γ), mylonitisé au niveau du Montenvers, (formation myγ). La notice de la carte géologique au 1/50 000 de Chamonix Mont-Blanc nous indique que la roche à l'affleurement au Montenvers, la formation myγ (donc pas nécessairement celle des moraines !) est un « mylonitoschiste de granite [...] engendré aux dépens d'un cortège de petites masses granitiques rassemblées sous le nom de "granite de Montenvers", équigranulaire et fin ». Ces deux formations constituent l'essentiel des moraines de la Mer de Glace.


La présence de moraines latérales anciennes aussi développées et sans végétation abondante, ayant donc perdu très "récemment" le contact avec le glacier, indique au visiteur que le glacier est en train de perdre du volume à un rythme assez rapide, et permet d'observer sur le terrain les conséquences spectaculaires du réchauffement climatique actuel. Ce point fait à lui seul l'objet de la dernière partie.

La Mer de Glace : un glacier à visiter... tant qu'il est encore temps

La fonte de la Mer de Glace peut être observée par les ruisseaux nombreux alentour. La Grotte de glace est surmontée de nombreuses bâches dont l'albédo élevé empêche quelque peu le soleil de réchauffer le glacier en ce lieu assez fréquenté (même si leur fonction principale est de protéger des chutes de pierres) (Fig. 17); il est tout à fait normal qu'en fin de printemps/début d'été, le glacier fonde, et cette fonte estivale ne doit pas être considérée comme un témoin du réchauffement climatique.

Cependant, la vue des moraines anciennes et des roches striées et moutonnées récentes interpelle le visiteur et indique qu'il y a un déséquilibre du bilan de masse du glacier, c'est-à-dire que l'accumulation en amont de neige en hiver et l'écoulement de la glace vers le bas ne suffisent pas à compenser la fonte estivale en aval. On parle de décrue du glacier ; à l'inverse, une crue correspond à un épisode au cours duquel la masse du glacier augmente.

Les données disponibles avant le XXème siècle sont essentiellement des gravures d'artistes ou des extrapolations à partir de la position des moraines. Plus tard, à l'aide de l'usage de la photographie (le premier daguerréotype date des années 1830) puis d'une cartographie de plus en plus exacte, la position précise du glacier a pu être évaluée.

Le glacier au Dernier Maximum Glaciaire (DMG) et jusqu'à la fin du Petit Âge Glaciaire

Petit Âge Glaciaire

Le Petit Âge Glaciaire correspond à une période de refroidissement historique n'étant pas considérée comme une vraie glaciation. Si la date de "sortie", au milieu du XIXème siècle, est reconnue, la date d'"entrée" est plus débattue. Début du XIVème siècle et changement important par rapport au Petit Optimum Médiéval ? Milieu du XVIème siècle et début théorique de l'expansion mondiale des glaces ? Milieu du XVIIème siècle et premier vrai minimum climatique ?

Cette époque ne correspond à un refroidissement de "seulement" 1°C à la surface du globe (du moins en Europe et en Amérique du Nord)... Refroidissement suffisant toutefois pour provoquer des hivers rigoureux et des étés doux, ouvrant la porte aux famines et disettes dans l'hémisphère Nord. Ainsi, outre la Grande Famine exceptionnelle de 1693-1694 sous le règne de Louis XIV (causant de 1,5 à 2 millions de morts en France), puis celle de 1709, la France a connu 13 famines générales au XVIème siècle, 11 au XVIIème et 16 au XVIIIème siècle. Si les facteurs causant ces famines sont multiples, nul doute que les conditions climatiques (que Vauban avaient lui-même évoquées dans un rapport au Roi Soleil) y jouent un rôle significatif, et qu'une variation de 1°C de la température du globe peut avoir des conséquences majeures sur la sécurité alimentaire.

La dernière "vraie" période glaciaire, épisode dit "Würm" en Europe, correspond à une période de refroidissement global de 110 000 à 20 000 ans avant aujourd'hui (la différence de température moyenne du globe entre la période interglaciaire précédent le Würm et le dernier maximum glaciaire (DMG) est de 6 à 8°C, soit presque un ordre de grandeur de plus que pour la petite période froide du Petit Âge Glaciaire).

À ce moment-là, les glaciers alpins étaient bien plus conséquents et remplissaient quasiment toute la vallée du Rhône, jusqu'à 20 km de Lyon (cf. Le Gros Caillou de la Croix-Rousse).

La Mer de Glace, en particulier, était beaucoup plus épaisse qu'aujourd'hui, et il est possible d'observer dans le paysage les traces du passage du glacier (figure ci-dessous). Pendant le Würm, les glaciers alpins remplissaient même toute la vallée de Chamonix.

Après le Würm, les glaciers ont connu une fonte majeure aboutissant à la formation d'un grand lac dans la vallée de Chamonix, étalé du hameau des Tines jusqu'aux Houches. Ce lac a peu à peu été comblé par les alluvions de l'Arve.

Seul le Petit Âge Glaciaire a modifié quelque peu la géographie de la vallée par les dépôts de moraines associés. Au début du XIXème siècle, la langue glaciaire de la Mer de Glace allait en effet plus loin qu'aujourd'hui, jusqu'au hameau des Bois (Chamonix-Mont-Blanc). La Mer de Glace changeait alors de nom et devenait le "glacier des Bois" (voir plus bas).

Des bénédictions salvatrices

Pour l'anecdote, au milieu du XVIIème siècle, une crue importante menace les terres de la vallée, et menace même d'obstruer le cours de l'Arve ! À Chamonix, les gens s'inquiétaient car la glace avait « gasté des maisons et plusieurs possessions rière ladicte paroisse ». Ni une, ni Dieu, le 29 mai 1644, Charles de Sales, coadjuteur de Genève, est prévenu et mène au mois de juin une procession d'environ 300 personnes « au lieu-dit les Bois sur le village duquel est imminent et menassant de ruyne totale un grand et spovantable glacier poussé du hault de la montagne » qu'il bénit « solennellement, a forme du rituel ». Puis il va bénir « un long glacier tout près du village dit Largentière », encore « ung aultre horrible glacier, sur le village dit La Tour » et enfin, deux jours plus tard « ung quatrième glacier au lieu les Bossons ».

La bénédiction épiscopale semble efficace car les décennies qui suivent semblent être surtout caractérisées par une décrue : « depuis vingt cinq ans les glaciers sont descendus, et font un notable ravage et jusques cela que cellui appelé des Boys a de si pres approché la rivière d'Arve que dans l'appréhension qu'ont eu qu'il ne bouchat son cours et par ce moyen inondât par forme de lac ou destang le dessus ont heu recours a Monseigneur de Genève, l'hors evesque d'Ebron, afin d'exorciser les diets glaciers, lesquelz de despuis il sont retirés de peu à peu : mais, ont laissé la terre qu'ils occupaient si stérile et bruslé que despuis il ny est creu ny herbe ny aulire chose ».

D'après Mougin (1912), Études glaciologiques en Savoie[Mougin1912].

Aperçu des niveaux actuel, en 1820 et au Dernier Maximum Glaciaire (DMG) de la Mer de Glace

Figure 35. Aperçu des niveaux actuel, en 1820 et au Dernier Maximum Glaciaire (DMG) de la Mer de Glace

Le niveau au DMG est légendé en vert, celui en 1820 est légendé en orange.


La Mer de Glace, représentée par Samuel Birmann en 1823 depuis La Flégère

Figure 36. La Mer de Glace, représentée par Samuel Birmann en 1823 depuis La Flégère

La langue terminale du glacier arrive au hameau des Bois, et porte même le nom de "Glacier des Bois".

Revoir aussi la gravure de Birmannn de 1830, en introduction.

Aquatinte propriété du Kunstmuseum de Bâle (Suisse).


La Mer de Glace, "vue" depuis la Flégère en 2016

Figure 37. La Mer de Glace, "vue" depuis la Flégère en 2016

Le glacier n'arrive plus au niveau du hameau des Bois (Chamonix-Mont-Blanc).


La Mer de Glace, vue depuis la vallée de Chamonix en 1854

Figure 38. La Mer de Glace, vue depuis la vallée de Chamonix en 1854

Le glacier du hameau des Bois (Chamonix Mont-Blanc) est au premier plan. Cette photographie, prise par les frères Bisson en 1854, est l'une des toutes premières photographies de la Mer de Glace.

Photographie de la photothèque de l'Alpine Club Library (Londres).


Le glacier dans la deuxième moitié du XIXème siècle, à la sortie du Petit Âge Glaciaire

La position du glacier dans la deuxième moitié du XIXème siècle est connue par les photographies d'époque et également par les relevés cartographiques qui commencent à être de plus en plus précis. Si la Haute-Savoie n'est pas présente sur les cartes de Cassini (ce n'était alors pas la France), elle l'est sur les cartes d'état-major.

Sur la carte d'état-major de 1863 (disponible sur le Géoportail), on voit l'avancée du Glacier des Bois (qui existait encore). On peut également "s'amuser" à superposer au relief actuel la carte de 1863... et à la comparer à la vue actuelle du même paysage !


Carte d'état-major de 1863 superposée au relief actuel

Vue actuelle de la vallée de Chamonix

En 1880, le recul du glacier n'est pas perceptible par rapport à la carte de 1863. On peut également comparer la vue de 1880 à la vue aérienne actuelle du glacier Figure 7, « Vue satellite annotée de la Mer de Glace et de la vallée de Chamonix-Mont-Blanc ».

Carte de 1880 du Massif du Mont-Blanc

Figure 42. Carte de 1880 du Massif du Mont-Blanc

On peut observer que les glaciers de la vallée de Chamonix sont plus conséquents qu'actuellement. En particulier, le glacier de Leschaux est encore reliée au glacier de Talèfre, et la langue terminale de la Mer de Glace va jusque dans la vallée de Chamonix. Comparer en particulier cette figure à la vue actuelle légendée [Figure 7, « Vue satellite annotée de la Mer de Glace et de la vallée de Chamonix-Mont-Blanc »], prise 135 ans plus tard.

Extrait de : Le Mont Blanc et la vallée de Chamonix, carte à 1/80.000, d'après les cartes des états-majors italien, français et suisse.


La Mer de Glace sur la carte de 1880 du Massif du Mont-Blanc

Figure 43. La Mer de Glace sur la carte de 1880 du Massif du Mont-Blanc

Détail sur la partie terminale de la Mer de Glace. On peut noter l'orthographe différente du "Montanvert" par rapport à l'orthographe actuelle (Montenvers).

Extrait de : Le Mont Blanc et la vallée de Chamonix, carte à 1/80.000, d'après les cartes des états-majors italien, français et suisse.


Évolution du glacier au cours du XXème et XXIème siècles

Le suivi des mesures du glacier est effectué depuis 1860 environ. Cela constitue la plus longue série de relevés annuels précis que l'on possède d'un glacier alpin français.

Le Glacier des Bois, jadis présent dans la vallée de Chamonix, a aujourd'hui disparu et il faut remonter bien loin en amont (presque 1,5 km) pour observer la Mer de Glace.

Au cours du XXème siècle, il est possible d'observer "soi-même" la décrue du glacier en consultant les données historiques du Géoportail. Ces photographies aériennes sont disponibles sur toute la France depuis 1919, mais pour la Mer de Glace seulement à partir de 1939. Nous avons rassemblé quelques photographies depuis 1939 jusqu'à 2015, photographies aériennes IGN (prises entre les mois de juillet et septembre) et vues satellites "Google earth" à partir de 2004.

Tableau 1. La Mer de Glace en 12 images, de 1939 à 2015

Vue au 18/08/1939 (à moins de deux semaines du début de la Deuxième Guerre Mondiale).

La photo n'est pas "parfaitement" cadrée. Il est difficile d'en vouloir à l'aviateur car le cliché permet tout de même que voir que la langue glaciaire est bien plus large qu'aujourd'hui.

Vue au 04/09/1949.

Notez le débit des rivières en aval du glacier (formant l'Arveyron).

Vue au 15/09/1970.

Le cliché est saturé mais on devine l'apparition des moraines latérales et le recul de la langue glaciaire par rapport à 1959.

Vue au 03/09/1980.

C'est au cours des deux décennies précédentes (1960-1980) que la décrue est la plus spectaculaire. En 1980, les moraines latérales en aval, ainsi que le recul "horizontal" sont frappants.

Vue au 12/08/2001.

Les deux lacs "émeraude" sont visibles en avant de la langue glaciaire.


La décrue amorcée au cours du XXème siècle s'accélère au XXIème siècle. En 1988 (construction de la télécabine), le glacier se situait 3 m plus bas que la gare en aval. En 2015, le glacier est 90 m plus bas, soit une perte d'épaisseur de 3 à 4 mètres par an, nécessitant de rallonger l'escalier de 20 à 25 marches chaque année. Le rythme moyen de fonte est de 30 cm/an depuis 1939.

Outre l'épaisseur, la longueur du glacier diminue. Le Glaciorium de la Mer de Glace fournit une valeur de 40 m de retrait par an (soit environ 880 m depuis 22 ans !), et on peut s'en convaincre en utilisant les données de Google earth grâce à l'utilisation de l'historique des données satellites (données non disponibles avant 2009 pour la Mer de Glace). Il est possible de tracer les contours des trois glaciers majeurs de la vallée de Chamonix. Pour la Mer de Glace, la mesure (en utilisant l'outil "Règle" de Google earth) montre un retrait de 257 m en six ans (entre août 2009 et juillet 2015), soit environ 43 mètres par an.

Visualisation de la fonte "actuelle" des glaciers de la vallée de Chamonix-Mont-Blanc

Figure 44. Visualisation de la fonte "actuelle" des glaciers de la vallée de Chamonix-Mont-Blanc

La fonte des glaciers des Bossons (au Sud), de la Mer de Glace et d'Argentière (au Nord) est observable "en direct" sur Google earth, en utilisant la fonction "Afficher des images d'archive". Sur cette figure ont été tracés les contours des trois glaciers en janvier 2001 (jaune ; indisponible pour la Mer de Glace et Argentière), en août 2009 (orange) et en juillet 2015 (rouge). Le retrait glaciaire est variable selon les glaciers : pour la Mer de Glace, il a atteint 257 m en 6 ans.

Localisation précise grâce au fichier Mer-de-Glace.kmz.


Plus proche du terrain, la prise de vue de la Mer de Glace depuis Le Chapeau (point-de-vue non loin de l'extrémité de la langue glaciaire) fournit des illustrations spectaculaires du retrait du glacier depuis le début du XXIème siècle.

Séquence temporelle montrant la fonte de la langue de la Mer de Glace ces 24 dernières années

Figure 45. Séquence temporelle montrant la fonte de la langue de la Mer de Glace ces 24 dernières années

La légère crue du glacier (1992) a permis la formation de la moraine frontale, plus épaisse. En 2005, la fonte du glacier forme les deux lacs "émeraude" juste au-dessus de l'ancienne moraine frontale. De 2008 à 2016, on constate le retrait progressif du glacier (de presque 1 km).

Clichés de Michel Petitti consultables sur son site glaciers-climat.fr.


La fonte du glacier s'accompagne du retrait de la langue glaciaire (on l'a vu, de plus de 800 m en 25 ans) et également d'une réduction de son épaisseur et de sa surface. En ordre de grandeur, le volume perdu par la Mer de Glace de 1939 à 2001 a été estimé à 0,79 km3[Nussbaumer2007], soit environ le volume de l'étang de Berre.

Causes de la décrue actuelle de la Mer de Glace

Les glaciers fondent à l'échelle mondiale, et il est tentant d'inculper le réchauffement climatique dont "on" nous parle tous les jours. Ainsi, l'année 2016 est en passe de battre le record de chaleur depuis 1880 et le début du recueil des données de températures (record qui appartient à 2015, qui l'avait lui-même volé à 2014, qui l'avait volé à 2010... Pas de doute, ça chauffe !). Par exemple, les mois de janvier à juin 2016 ont été 1,3°C plus chauds que la moyenne sur les deux dernières décennies du XIXème siècle. Pour rappel, l'engagement de Paris pris à la COP21 en décembre 2015 vise à « contenir l'élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et à poursuivre l'action menée pour limiter l'élévation de la température à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels »[COP21-Paris]... Avec 1,3°C, on n'en est plus très loin !

Nul doute que ce réchauffement global joue un rôle prépondérant dans la dynamique des glaciers à l'échelle mondiale. Il faut cependant nuancer ces valeurs, qui témoignent d'un réchauffement à l'échelle mondiale sur une longue période temporelle (c'est pour cela qu'on parle de réchauffement climatique). Ainsi,

1. à une époque donnée (sur 10 ou 20 ans), entre différentes localités, on peut observer des évolutions de température opposées ; par exemple, d'après une étude récente, depuis 1998, la péninsule Antactique a perdu environ 0.5 degrés (Turner et al., 2016). Dans le même temps, à Paris, la température moyenne annuelle a augmenté de 0.5 degrés.

2. pour un même site, sur une longue période temporelle (un siècle et plus), les variations de température peuvent suivre des tendances à la hausse sur quelques décennies puis à la baisse sur d'autres. Par exemple, en Antarctique, le refroidissement actuel avait été suivi d'un long réchauffement des années 1950 à 1990. De même, les glaciers alpins ont connu des variations de volume significatives au cours au XXème siècle, et non pas une fonte longue et régulière. En effet, si l'on observe les variations (normalisées) de longueur des glaciers des Bossons, d'Argentière et de la Mer de Glace (ci-dessous), on constate que, depuis 1880, la tendance générale à la décrue ne s'effectue pas à un rythme constant et qu'elle est entrecoupée de quelques épisodes de crue. De plus, certaines décrues (diminution du volume glaciaire), comme celle observée des années 1950 à 1980, ont eu lieu sans variation notable de la température estivale, et soulignent le rôle d'autres facteurs dans les variations du bilan de masse d'un glacier.

Variation de longueur des glaciers des Bossons, d'Argentière et de la Mer de Glace depuis 1880

Figure 46. Variation de longueur des glaciers des Bossons, d'Argentière et de la Mer de Glace depuis 1880

On observe que les glaciers ont connu une décrue globale sur l'ensemble du XXème siècle. Cependant, certaines crues (telle que celle des années 1950 à 1980) ont également eu lieu. Par ailleurs, la rythmicité du processus n'est pas la même selon les glaciers. On observe ainsi que la Mer de Glace est systématiquement "en retard" par rapport au glacier des Bossons de quelques années, suggérant que la fonte, même si elle est due à des facteurs globaux, est également glacier-spécifique (influence de la structure du glacier, de sa topographie...).

Figure tracée à partir de Francou et Vincent [Francou2007] et de courbes du Glaciorium de la Mer de Glace après 2000.


Crue et décrue glaciaires

Le bilan de masse d'un glacier est l'équilibre entre son ablation (perte de neige et de glace par fusion mais aussi par évaporation ou même sublimation, pouvant produire des pénitents) et l'accumulation de neige. On dit qu'un glacier est en crue lorsque sa masse augmente (accumulation>ablation), et qu'il est en décrue lorsque sa masse diminue (ablation>accumulation). Pour résumer, sur de courtes échelles de temps (celles qui nous intéressent ici), le bilan de masse est déterminé par deux paramètres : la température moyenne estivale et la quantité de précipitations hivernales. Des fortes chutes de neige en hiver associées à des températures élevées en été ne permettent pas au glacier de croître ; de même, une année avec un été doux et humide et un hiver froid et sec n'est pas associée à une crue. Les conditions les plus favorables à la croissance d'un glacier sont des hivers neigeux associés à des étés frais, les pires conditions étant des hivers secs associés à des étés (très) chauds.

Sur des échelles de temps plus longues (100 000 ans), d'autres paramètres entrent en jeu, tels que la vigueur et la durée relatives hiver / été (précession des équinoxes), la position de la Terre par rapport au Soleil en été (excentricité) et l'inclinaison de l'axe de rotation de la Terre (obliquité).

Ces causes proximales de crue/décrue (température estivale et chutes de neige hivernales) varient selon une combinaison de multiples paramètres géophysiques, causes ultimes du processus. On liste ici 6 d'entre eux.

  1. Dans le cas des glaciers alpins, il a été montré que le rayonnement solaire (cyclicité de 11 ans en moyenne) a joué un rôle pour la décrue de 1940, en augmentant l'intensité des radiations estivales.
  2. Par ailleurs, sur la façade Ouest de l'Europe, les précipitations hivernales dépendent grossièrement des valeurs de la NAO (Oscillation Nord-Atlantique) : différence de pression moyenne sur un an entre les Açores et l'Islande. Une NAO négative est généralement associée à des hivers frais mais secs, et une NAO positive à des hivers chauds et humides sur l'Ouest de l'Europe.

    Attention cependant, cet indice est un indice global et les variations locales dans les Alpes (qui sont soumises à une double influence océanique et continentale) peuvent aller à contre-courant des valeurs de NAO ! De plus, en montagne, les conditions de précipitation sont variables d'une vallée à l'autre, ce qui explique également les différences observées entre les trois glaciers de la vallée de Chamonix (cf. figure ci-avant).

  3. De plus, certains auteurs soulèvent le rôle des courants océaniques de l'Atlantique (notamment l'Oscillation Multidécennale Atlantique) dans les décrues des glaciers alpins (Huss et al., 2010 [Huss2010]).
  4. La topographie aux alentours du glacier a un rôle non négligeable sur le bilan de masse (exposition, direction des vents principaux...).
  5. Les glaciers dits "suspendus" (tel que le glacier des Grands Couloirs, sur la face Sud-Ouest de la Grande Casse dans le massif de la Vanoise), épais et à surface faible, ont plus d'inertie que les glaciers de vallée et sont moins affectés par les variations annuelles.
  6. Enfin, la température moyenne annuelle, tous paramètres égaux par ailleurs, joue un rôle certain sur le bilan de masse des glaciers. Les glaciers de haute altitude sont donc moins affectés.

Le réchauffement climatique anthropique a donc in fine deux rôles dans le processus de fonte : (1) il induit l'augmentation de la température moyenne annuelle (et surtout estivale) locale sur une longue échelle de temps [cause proximale] et (2) il influe sur les conditions météorologiques, notamment sur l'atmosphère et les courants océaniques [causes ultimes], qui à leur tour influent sur les glaciers.

Évolution future du glacier

Au rythme de fonte actuel, nul doute que les prochaines années s'accompagneront d'une fonte importante du glacier, avec un maintien (voire une accélération) du rythme de décrue de 40 mètres par an. D'ici 2040, il est probable que le recul sera de plus d'1 km par rapport à la fin du Petit Âge Glaciaire.

À l'échelle des deux prochains siècles, si le rythme de fonte se maintient, la Mer de Glace se retirera de 4 à 5 kilomètres et atteindra son niveau d'il y a 125 000 ans, avant la dernière glaciation (Würm). D'ici-là, la végétation reprendra ses droits et recolonisera les terres dénudées.

Enfin, à l'échelle des 100 000 prochaines années, de nouvelles périodes glaciaires sont prédites par les climatologues d'après les paramètres astronomiques, et devraient s'accompagner d'une nouvelle crue glaciaire (et une épaisseur maximale de 800 m pour le glacier, contre 400 aujourd'hui). La prédiction de la prochaine période glaciaire est en partie fondée sur la combinaison des valeurs de trois paramètres astronomiques (obliquité de l'axe de rotation de la Terre, excentricité de l'orbite terrestre, précession des équinoxes), si bien que les prochaines combinaisons obliquité-précession favorables en termes d'obliquité et de précession des équinoxes attendues dans 18 000 et 41 000 ans ne seront pas des périodes a priori propices à une entrée en glaciation du fait de la faible ellipticité de l'orbite terrestre. Il faudra sans doute attendre 64 000 ans pour retrouver des conditions très favorables à la prochaine glaciation.

Conclusion

En conclusion, on ne peut que conseiller d'aller visiter ce site remarquable avant sa fin quasi-irrémédiable (pas de la Mer de Glace en elle-même, mais du moins de la visite au niveau de Montenvers). Des projets existent concernant une nouvelle télécabine, ne "descendant" plus vers la Mer de Glace depuis la gare de Montenvers, mais au contraire suivant les courbes de niveaux afin de rejoindre le glacier bien en amont. Cela aurait l'avantage de ne plus avoir à construire d'escalier tous les ans... et l'inconvénient de ne plus se rendre compte par soi-même ce que « retrait des glaciers » signifie.

Les plus cyniques verront dans cet escalier qui descend toujours plus, avec de nouvelles marches chaque année, l'image d'une humanité qui s'abîme tout en essayant de colmater les dégâts déjà causés... Sans en arriver à ces pensées extrêmes, ce lieu est par son histoire (humaine comme géologique) et son caractère pédagogique un bon exemple de ce que le « changement climatique » implique, avec une réalité bien plus facile à appréhender que le passage de la teneur en CO2 dans l'atmosphère de 0.03% à 0.04%... dont elle est pourtant l'une des conséquences ! Ainsi, en ce XXIème siècle où nous (et nos élèves) sommes et serons amenés à prendre des décisions concernant nos habitudes énergétiques, quoi de mieux pour s'en donner les moyens qu'une excursion à la montagne ?

Les glaciers dans les programmes scolaires français

En relisant le texte de Thibault Lorin, je n'ai pas pu m'empêcher de le comparer avec le livre de Sciences Naturelles de 4ème (de géologie donc) qu'avait eu mon père en 1934. Ce livre de V. Boulet était publié par Hachette et suit le programme des lycées (la différence collège-lycée n'existait pas (ou peu) à cette époque) datant de 1925.

Ce livre montre ce que devaient connaitre / comprendre / pouvoir réinvestir les "petits Français" de cette époque, du moins le faible pourcentage d'entre eux qui allait en classe de quatrième. Comparer les types d'enseignement et d'exigences vis-à-vis des élèves de 4ème entre 1925 et 2016, ou même les exigences de connaissances entre des élèves de 4ème de 1925 et des professeurs de 2016 est très "instructif".

Nous vous proposons le téléchargement (pdf) du chapitre concernant les glaciers (pages 114 à 132), chapitre utilisant largement l'exemple de la Mer de Glace.

Pierre Thomas

Bibliographie, webographie

Livres

Collectif, 2002. Mont-Blanc : Conquête de l'imaginaire, collection Paul Payot, La Fontaine de Siloé, 423p., ISBN : 2-84206-206-X. Un ouvrage remarquable aux œuvres nombreuses, à conseiller à tous les amoureux de la montagne et des Alpes.

B. Francou, C. Vincent, 2007. Les glaciers à l'épreuve du climat, Belin, 274p., ISBN : 978-2-7011-4641-6

M. Mougin, 1912. Études glaciologiques en Savoie, Études Glaciologiques, tome 3 "Savoie – Pyrénées", 1-113

Sites et documents web

glaciers-climat.fr. Un site fouillé, très bien illustré et documenté sur les glaciers alpins et la Mer de Glace.

enkidoublog.com. Site proposant, entre autres, des gravures de la Mer de Glace et de la vallée de Chamonix Mont-Blanc extraits de Souvenirs de la vallée de Chamonix de Samuel Birmann, peintre romantique bâlois (1826).

Dans les Alpes, la mer de glace est victime du réchauffement climatique. Vidéo de France 2 tournée en 2015 sur la Mer de Glace.

lexilogos.com. Site proposant une cartothèque avec des cartes de Savoie et de Haute-Savoie.

Texte de l'accord de Paris (novembre 2015) à télécharger en pdf.

Articles scientifiques

V. Bendel, K.J. Ueltzhöffer, ,J. Freitag, S. Kipfstuhl, W. Kuhs, C.S. Garbe,S.H. Faria, 2013. High-resolution variations in size, number and arrangement of air bubbles in the EPICA DML (Antarcitca) ice core, Journal of Glaciology, 59, 217, 972,980. doi:10.3189/2013JoG12J245

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