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Article | 28/01/2014

Serpentinisation océanique et vie primitive

28/01/2014

Marie-Laure Pons

ENS de Lyon - Laboratoire de Géologie de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Hydrothermalisme océanique, serpentinisation, tectonique des plaques et émergence de la vie.


Introduction

La question de l'apparition de la vie sur Terre est un point important des travaux de recherche menés sur l'histoire précoce de notre planète. Si la Terre possède les qualités d'une planète en zone habitable en surface (et en l'occurrence, habitée), notamment de l'eau liquide stable à sa surface (cf. Les conditions de la vie, une particularité de la Terre dans le système solaire ?), et peut apparaître comme un environnement favorable à l'émergence de la vie, de nombreuses inconnues demeurent quant aux modalités du développement des premiers organismes. D'où vient la matière organique ? Comment sont apparues les premières biomolécules, comme les acides nucléiques ou les protéines ? Quel environnement a pu être propice à la première étincelle de vie qui a fait passer de ces biomolécules (souvent appelées molécules prébiotiques) aux premiers organismes vivants aussi simples fussent-ils ? Autant d'interrogations qui animent la communauté scientifique qui étudie la vie primitive. Parmi les hypothèses envisagées, une ne repose que sur les propriétés intrinsèques de notre planète et fait intervenir un processus géologique majeur : la serpentinisation de la lithosphère océanique. Cette réaction hydrothermale d'hydratation et d'oxydation des roches basiques et ultra-basiques océaniques apporte en effet des réponses fortes aux contraintes du vivant : une source d'énergie, des molécules organiques par synthèse abiotique, les briques des principales bio-macromolécules ainsi qu'un espace confiné pouvant faire office de réacteur chimique du vivant.

Les sources hydrothermales océaniques actuelles, des systèmes abritant des écosystèmes développés

Hydrothermalisme associé aux dorsales océaniques

Les fumeurs noirs

En 1977, au niveau de la dorsale océanique Est-pacifique, près des Galápagos, Corliss et son équipe font une découverte majeure : ils observent pour la première fois, à l'aide d'un submersible baptisé ALVIN, des structures qui seront nommées fumeurs noirs (figure ci-dessous) et qui crachent des fluides d'origine hydrothermale. Les fumeurs noirs se révèlent être des cheminées constituées de sulfures (de fer, de cuivre, de nickel, de zinc…). Le fluide émis est chaud (300 à 400°C), acide (pH~3) et réducteur (ex. système hydrothermal de Rainbow, propriétés physico-chimiques et composition des fluides).

Malgré ces conditions qui semblent extrêmes pour la vie (la température élevée et le pH acide sont des agents dénaturants de nombreuses molécules du vivant, par exemple les protéines ; l'absence totale de lumière n'autorise pas la photosynthèse), les champs de fumeurs noirs abritent tout un écosystème. Ainsi, il s'y trouve une faune locale principalement composée de mollusques (bivalves), d'arthropodes (crevettes, crabes) et d'annélides (notamment le ver tubicole colonial nommé Riftia pachyptila, présenté sur la figure ci-dessous). Cependant, les animaux cités sont tous hétérotrophes et se nourrissent de matière organique. Aux profondeurs abyssales, la lumière est totalement absente : il n'y a pas de place pour un métabolisme autotrophe photosynthétique. En réalité, des archaebactéries chimiotrophes sulfo-oxydantes assurent le premier maillon de la chaîne alimentaire : elles tirent leur énergie du soufre, des sulfures et de l'hydrogène par l'O2 (ou les sulfates) dissous dans l'eau de mer. Cette oxydation dégage de l'énergie que ces bactéries transforment en ATP et autres molécules, qui servent ensuite à transformer le CO2 de la mer et de la source en carbone organique. Elles sont chimiolithoautotrophes. Ces bactéries peuvent être associées en symbiose à d'autres organismes, tels que Riftia pachyptila.

Figure 1. Fumeurs noirs (à gauche) et vers tubicoles coloniaux

Les fumeurs noirs, proches des dorsales océaniques, abritent des écosystèmes développés.

À gauche, le fumeur noir Sully, du champ Main Endeavour, Pacifique. Au centre, des vers tubicoles Riftia pachyptila. À droite, une colonie de vers à la base d'une cheminée de fumeur noir.


Les fumeurs blancs

Cheminée carbonatée, Lost City, 20 km à l'Ouest de la ride Atlantique par 30°N

Figure 2. Cheminée carbonatée, Lost City, 20 km à l'Ouest de la ride Atlantique par 30°N

Mosaïque créée en 2010 à partir d'images d'une expédition de 2003.


Plus récemment, en 2001, Kelley et ses collaborateurs ont découvert un nouveau type d'hydrothermalisme, toujours situé à proximité d'une dorsale océanique (la ride Atlantique), caractérisé par la présence de cheminées blanches atteignant parfois plusieurs dizaines de mètres de hauteur (Kelley et al. 2001). Ce lieu, nommé Lost City, est un champ hydrothermal composé de ces « fumeurs blancs » (figure ci-dessus). L'étude minéralogique des cheminées a révélé qu'elles sont constituées de carbonates de calcium (CaCO3) et de brucite (Mg(OH)2), et non de sulfures comme les fumeurs noirs. Ces sources sont situées dans un secteur où le magmatisme est absent ou très faible ; le fond de l'Atlantique n'y est pas constitué de basalte, mais de péridotite serpentinisée. Autre différence majeure : les caractéristiques physico-chimiques des fluides émis (voir les données physico-chimiques pour Lost City). En effet, les fluides des fumeurs blancs sont de température modérée (40 à 75°C), de pH basique (entre 9 et 10), pauvres en sulfure d'hydrogène et riches en sulfates. Ces conditions semblent plus clémentes envers la vie : température compatible avec la machinerie enzymatique de nombreux organismes thermophiles (qui se développent souvent à des températures comprises entre 60 et 90°C), et pH basique à neutre. Lost City est d'ailleurs l'hôte d'un écosystème riche comportant, entre autres, des arthropodes, des mollusques et de nombreuses bactéries.

Les dorsales océaniques, des zones à la géothermie particulière

Dans le cadre de la tectonique des plaques actuelle, l'accrétion océanique se déroule au niveau des dorsales océaniques. Selon que la dorsale est lente (ex. ride Atlantique, taux d'expansion de 1 à 3 cm par an) ou rapide (ex. ride Pacifique, taux d'expansion jusqu'à 10 cm par an), sa structure diffère. Les dorsales rapides ont une morphologie en dôme et possèdent une chambre magmatique surmontée d'une lentille de magma tholéiitique dont la température est d'environ 1200°C. L'accrétion d'une croûte océanique "complète" (laves en coussins + complexe filonien + gabbro) est continue dans le temps et l'espace. Les dorsales lentes, quant à elles, présentent une morphologie sommitale en effondrement et une chambre magmatique intermittente : il n'y a pas continuité temporelle ni spatiale de l'accrétion crustale. Le manteau péridotitique peut être directement mis à nu.

Dans les deux cas, le flux thermique au niveau des dorsales est très supérieur à celui des plaines abyssales (figure ci-dessous). L'eau océanique froide (2°C), légèrement alcaline (pH~8), oxydante et riche en sulfates s'engouffre dans les réseaux de failles proches des dorsales (failles listriques du rift et failles transformantes). Elle circule vers la dorsale, en profondeur, et se réchauffe au contact de la chambre magmatique (dorsales rapides) ou simplement grâce au gradient géothermique élevé quand il n'y a pas de chambre magmatique (dorsale lente). Réchauffée, moins dense, l'eau (souvent à l'état supercritique) se concentre et remonte par un point de sortie unique (par opposition au système d'entrée diffus) : le champ hydrothermal (fumeurs noirs ou fumeurs blancs).

Carte des flux de chaleur à la surface du globe

Figure 3. Carte des flux de chaleur à la surface du globe

Carte établie d'après la base de données de l'International Heat Flow Commission.


Selon le type de fumeur, à la sortie, l'eau présente les conditions physico-chimiques différentes (voir partie Propriétés physico-chimiques des fluides de réaction).

Hydrothermalisme associé aux zones de subduction : les volcans de boue de serpentine des fosses océaniques

Cet hydrothermalisme associé aux zones de subduction est beaucoup moins connu et médiatique que celui des dorsales. L'étude de la bathymétrie de la région de la fosse des Mariannes au large du Japon a révélé la présence de monts en amont de la zone de subduction. Des campagnes marines du programme ODP (Ocean Drilling Project) ont permis de déterminer la nature de ces édifices : il s'agit de volcans de boue de serpentine qui mettent en place des serpentinites selon un processus différent de celui des rides océaniques (Fryer et al., 2006). Les sédiments marins sont riches en eau et les minéraux de la croûte d'origine magmatique et du haut du manteau supérieur ont été hydratés (pyroxène → amphiboles, olivine → serpentine...) à l'aplomb de la dorsale, peu après son accrétion. Lors de la subduction d'une lithosphère océanique, les sédiments et minéraux hydratés perdent leur eau : à une profondeur comprise entre 30 et 50 km environ, ils sont déshydratés. L'eau libérée hydrate le manteau péridotitique sus-jacent (appartenant à la plaque sous laquelle plonge la lithosphère océanique) : il y a formation d'un chenal de serpentinisation. De la boue de serpentine, minéral peu dense en regard des constituants du manteau (2,6 contre 3,3 pour la péridotite), remonte par des plans de faille de la lithosphère sus-jascente et s'épanche en surface, formant les édifices des volcans de boue.

Les boues émises sont très riches en fluides (eau, CO2) et ont des propriétés physico-chimiques particulières (cf. fluides des boues de serpentine) : la température des fluides est faible au niveau des monts (5 à 20°C) et modérée en profondeur (100 à 250°C au lieu de serpentinisation) et le pH est alcalin, compris entre 9 et 12.

Figure 4. Localisation des mud-volcanoes de l'arc des Mariannes

Les volcans de boue de serpentine se situent à l'arrière de la fosse, sur la plaque chevauchante.


Des écosystèmes complexes ont été découverts dans ces champs hydrothermaux méconnus : mollusques, arthropodes, annélides, échinodermes, ainsi qu'une multitude d'organismes unicellulaires, dont de nombreuses archées.

Les sources hydrothermales, lieux de réactions chimiques complexes

Réaction de serpentinisation

Lors de l'infiltration d'eau dans la partie supérieure de la lithosphère océanique, au cours du trajet des fluides hydrothermaux, l'eau réagit avec la roche encaissante. Les minéraux constitutifs de la lithosphère océanique, de chimie basique à ultrabasique, principalement des silicates ferromagnésiens (olivine, clinopyroxène et orthopyroxène), subissent une altération hydrothermale impliquant des phénomènes d'oxydation et d'hydratation. L'un de ces processus correspond à ce qu'on appelle la serpentinisation de la lithosphère océanique. Le terme « serpentine » est le nom donné à une famille de minéraux issus de l'hydratation d'une olivine ; une « serpentinite » est une roche majoritairement constituée de serpentine. L'altération hydrothermale d'une péridotite, roche constitutive du manteau, aboutit à la formation d'une serpentinite. Toutefois, le terme de réaction de serpentinisation est souvent utilisé pour désigner l'altération hydrothermale de tous les constituants potentiels d'une croûte océanique : basaltes et gabbros, en plus de la péridotite.

Les réactions modèles de serpentinisation sont décrites par les équations ci-dessous :.

  • 3 Fe2SiO4(fayalite) + 2 H2O → 2 Fe3O4(magnétite) + 3 SiO2 + H2 ;
  • 3 Mg2SiO4(forstérite) + SiO2 + 4 H2O → 2 Mg3Si2O5(OH)4(serpentine) ;
  • 4 H2 + CO2 → CH4(méthane) + 2 H2O (réaction catalysée par la magnétite).

La fayalite est le pôle pur ferreux de l'olivine (qui est une solution solide entre un pôle ferreux et un pôle magnésien). Le pôle magnésien de l'olivien est la forstérite. L'enstatite est le pôle pur magnésien des orthopyroxènes.

Les serpentines sont des minéraux de formule générale (Mg,Fe,Ni)3Si2O5(OH)4, soit des silicates hydratés. Ils appartiennent à la famille des phyllosilicates et possèdent une structure en feuillets. Les trois principaux minéraux de la famille des serpentines sont l'antigorite, la lizardite et le chrysotile (minéral fibreux très connu sous une autre appellation : l'amiante blanche).

Propriétés physico-chimiques des fluides de réaction

L'eau de mer du fond océanique constitue le fluide de réaction. Ses propriétés chimiques, dans l'océan moyen actuel, sont les suivantes :

  • température moyenne : entre -0,7°et +4°C, avec 2°C comme température la plus fréquente ;
  • pH~8,2, soit légèrement basique ;
  • oxydante ;
  • riche en sulfates ;
  • riche en sodium, Na+, et magnésium, Mg2+  ;
  • pauvre en CO2 , mais riche en HCO3-;
  • pauvre en métaux.

Lors de ses interactions avec la roche encaissante du haut de la lithosphère océanique (ou de la péridotite du manteau plus profond dans le cas de la serpentinisation au niveau de fosses océaniques), l'eau échange des solutés avec la roche. Sa nature chimique est drastiquement modifiée. Par exemple, l'eau perd des ions sodium qui sont captés dans la structure cristalline des plagioclases de la croûte océanique. Les plagioclases sont des feldspaths calco-sodiques de composition chimique variable : ils constituent une solution solide dont la série s'étend de l'albite (NaAlSi3O8) à l'anorthite (CaAl2Si2O8). Au cours des réactions d'hydrothermalisme océanique, du sodium est incorporé dans les plagioclases calciques de la croûte et du calcium est libéré dans le fluide : il s'agit du processus d'albitisation des plagioclases. De nombreux autres échanges ont lieu au cours du processus, notamment la solubilisation de métaux de transition (Cu, Fe, Zn, Ni, Cr…), dont des éléments de la famille des platinoïdes (Pt, Pd, Os, Rh…) de la lithosphère dans le fluide.

Par ailleurs, l'eau se réchauffe : plus ou moins selon le contexte de serpentinisation (fumeurs noirs, blancs, volcans de boue). Son pH change : selon la nature de l'édifice hydrothermal, le pH peut être très acide ou très basique (cf. données ci-dessous). Enfin, le processus modifie le potentiel "redox" (potentiel d'oxydo-réduction, noté eH) du fluide réactionnel. La solubilisation des métaux dépend d'ailleurs du couple eH/pH de l'eau parcourant la roche.



Tableau 1. Composition des fluides en fonction du contexte hydrothermal

Fumeurs noirs

  • très réducteur
  • haute température (T>250°C)
  • pH bas (pH<~3)
  • sulfures

Fumeurs blancs

  • exemple : Lost City
  • "basse" température (T<100°C)
  • pH élevé (pH>~9)
  • sulfates

Volcans de boue de serpentine

  • exemple : zone de subduction des Mariannes
  • température intermédiaire (T~150 à 200°C)
  • pH élevé (pH~9 à 12)
  • CO2

Serpentinisation et pouvoir réducteur

Le processus de serpentinisation de la lithosphère océanique libère du dihydrogène. Comme vu précédemment, l'hydratation du pôle ferreux de l'olivine libère du H2 selon l'équation modèle suivante :

  • 3 Fe2SiO4(fayalite) + 2 H2O → 3 SiO2(silice aqueuse) + 2 Fe3O4(magnétite) + 2 H2(aq).

Cette réaction est un modèle, l'olivine mantellique contenant une forte proportion de magnésium par rapport au fer. Dans le processus naturel, il y a partitionnement entre le fer et le magnésium contenu dans les serpentines et la brucite. Cette équilibration redox impliquant Fe et Mg dans le processus de serpentinisation peut s'écrire selon l'équation suivante :

  • 2 Fe3Si2O5(OH)4(Fe-chrysotile) + 6 Mg(OH)2(Mg-brucite) → 2 Mg3Si2O5(OH)4(chrysotile) + 2 Fe3O4 + 2 H2(aq) + 4 H2O.

Cette substitution minérale de Fe et Mg au cours de la serpentinisation libère du dihydrogène. Ce composé réduit est porteur d'un pouvoir réducteur intéressant pour la vie (oxydation de H2 dans diverses réactions cellulaires du métabolisme) et peut également être impliqué dans la formation abiotique de composés organiques, notamment dans des réactions de synthèse de type Fischer-Tropsch.

Serpentinisation et synthèse de composés organiques

Le dihydrogène H2 libéré au cours du processus de serpentinisation de la lithosphère océanique peut être recombiné avec du dioxyde de carbone CO2 présent également au niveau du champ hydrothermal pour former du méthane, CH4. Il s'agit d'une réaction de synthèse organique dite de Fischer-Tropsch. Le procédé Fischer-Tropsch de synthèse d'hydrocarbures, tel que découvert par ses deux inventeurs, peut être écrit selon l'équation bilan suivante :

  • (2n+1) H2 + n CO → CnH2n+2 + n H2O.

Ce procédé permet la formation d'alcanes, alcènes et alcools. La combinaison de CO2 et H2 pour former du méthane CH4 constitue la plus élémentaire des synthèses de Fischer-Tropsch et s'écrit de la façon suivante :

  • 4 H2 + CO2 → CH4 + 2 H2O (réaction catalysée par la magnétite).

Cette réaction se produit au niveau des systèmes hydrothermaux océaniques. De plus, elle est catalysée par la magnétite Fe3O4, sous-produit de la serpentinisation de l'olivine (cf. Réactions de serpentinisation).

Cette synthèse abiotique de méthane (CH4) en contexte de serpentinisation est illustrée, par exemple, par les feux éternels de la Chimère de Cirali, en Turquie.

Les systèmes hydrothermaux sont également le lieu d'une synthèse de formaldéhyde HCHO, notamment par oxydation de méthane (CH4) ou par réduction de formiate aqueux (HCOO-) ou de CO2 (Cleaves et al., 2008). Le formaldéhyde est un précurseur de la synthèse prébiotique d'acides aminés (ex. glycine), briques des protéines, et de la synthèse de bases azotées, composant majeurs des molécules d'ARN et d'ADN.

D'autres molécules organiques, comme certains acides (ex. CH3COOH, acide acétique), sont synthétisés en contexte hydrothermal océanique. Ces réactions sont également catalysées par des sulfures de fer et de nickel, produits de la serpentinisation, comme la greigite et la mackinawite, ainsi que des alliages de fer et nickel comme l'awaruite (également connue sous le nom de joséphinite).

De plus, les fluides hydrothermaux contiennent de l'ammoniaque NH3 ainsi que du cyanure d'hydrogène HCN, qui peuvent intervenir dans la synthèse d'oligomères azotés, synthèse observée en milieu hydrothermal alcalin (pH élevé) : il s'agit de la réaction de Strecker. L'hydrolyse à pH basique et température ~100°C de ces oligomères conduit à la formation de nouvelles molécules azotées utiles au vivant : outre la base azotée adénine, de la guanine (base azotée purique) ainsi que les premières bases azotés pyrimidiques (thymine, cytosine) sont détectées. Cette synthèse permet également d'obtenir des acides aminés (Ferris et al., 1978).

Réaction de Strecker

Les systèmes hydrothermaux se comportent comme des réacteurs chimiques pour la synthèse abiotique de molécules organiques : les fluides de la réaction de serpentinisation fournissent les réactifs (H2, CO2, NH3…) et certains minéraux issus de cette altération hydrothermale jouent le rôle de catalyseurs. En outre, la structure même des minéraux de la serpentinisation participe à ce caractère d'enceinte réactionnelle.

Les systèmes hydrothermaux océaniques, des réacteurs pour la chimie prébiotique

Figure 10. Les systèmes hydrothermaux océaniques, des réacteurs pour la chimie prébiotique

Environnement modèle d'émergence de la vie liée à l'infiltration sous-marine sur les fonds océaniques (Russel et Hall, 1997 - Russel et Martin, 2004). Ici, un monticule hydrothermal (voir médaillons sur la figure) se comporte comme un réacteur à écoulement auto-entretenu et comme une colonne de fractionnement. En son sein, l'hydrogène hydrothermal (H2) et l'ammoniac (NH3) réagissent avec les bicarbonates et les phosphates de l'eau de mer pour synthétiser des molécules organiques telles qu'acétate, acides aminés et petites molécules d'ARN. Dans la mousse gélatineuse et membraneuse, des sulfures de fer et/ou de nickel agissent comme catalyseurs et, avec les acides aminés adsorbés, comme proto-ferrédoxines (molécules intervenant dans les transferts d'électrons). Une grande partie de l'acétate est exportée comme un déchet mais une certaine proportion d'acétate et d'acides aminés est retenue. Ces acides aminés s'auto-organisent en un système primaire biochimique : une "proto-vie".


La serpentinisation produit des surfaces réactionnelles et des lieux de confinement

Structure en feuillet

Les serpentines sont des minéraux de la famille des phyllosilicates, silicates organisés en feuillets.

Les phyllosilicates sont organisés en feuillets composés d'empilements de couches de tétraèdres de silice notées T et d'octaèdres d'alumine notés O. Chaque couche est formée de plans d'atomes d'oxygène coordonnés autour de cations Si4+ pour les tétraèdres, et Al3+ ou Mg2+ pour les octaèdres. On distingue plusieurs structures selon l'enchaînement des couches T et O. Les phyllosilicates de structure 1:1 sont composés de feuillets à une couche T et une couche O : c'est le cas des serpentines (cf. ci-dessous). Il existe également des phyllosilicates de structure 2:1 dans lesquels 2 couches T encadrent 1 couche O, et des phyllosilicates de types 2:1:1 où une couche O s'insère entre 2 feuillets TOT.

L'organisation en feuillets ménage des espaces interstitiels où peuvent se concentrer les précurseurs moléculaires des synthèses organiques associés à la serpentinisation : les serpentines assurent un rôle de confinement.

Adsorption de nucléotides

Les surfaces minérales ont la capacité d'adsorber les molécules organiques (acides aminés, nucléotides…) : elles les retiennent et les concentrent. De plus, l'adsorption de molécules organiques sur une surface minéralogique permet de protéger la molécule et augmente ainsi sa durée de vie. Ceci est particulièrement important, dans le contexte des balbutiements de la vie, pour les molécules de l'information génétique que sont l'ARN et l'ADN : l'ARN, notamment, est en effet rapidement dégradé s'il n'est pas protégé. L'adsorption de nucléotides sur une surface minérale présente donc de nombreux avantages dans le contexte de l'émergence de la vie : concentration des molécules, polymérisation facilitée, protection des molécules.

De nombreuses études ont été réalisées sur des phyllosilicates gonflants, principalement la montmorillonite : une smectite (argile) de structure cristalline de type TOT. Toutefois, ce minéral ne fait pas partie des assemblages typiques des systèmes hydrothermaux et était peu présent dans l'histoire précoce de la Terre.

Les regards se sont alors portés sur d'autres phyllosilicates caractéristiques des zones de serpentinisation, notamment deux serpentines stables à pression et température océaniques, la lizardite et le chrysotile, ainsi que la chlorite et la nontronite.

L'adsorption de nucléotides (uridine-, guanosine- et cytidine- monophosphate, respectivement notés UMP, GMP et CMP sur la figure ci-après) dans les conditions environnementales des champs hydrothermaux a été observée et mesurée en laboratoire sur ces différents minéraux. Par exemple, il a été montré que la serpentine de type chrysotile est le lieu d'une forte adsorption d'uridine monophosphate (UMP), nucléotide présent dans l'ARN (figure ci-dessous).

Courbes d'adsorption de nucléotides monophosphatés sur une serpentine, le chrysotile

Figure 14. Courbes d'adsorption de nucléotides monophosphatés sur une serpentine, le chrysotile

UMP, GMP, CMP : respectivement, uridine-, guanosine- et cytidine- monophosphate.


Serpentinisation, chimie prébiotique et vie primitive

Les réactions de serpentinisation fournissent énergie, matière organique et confinement : lieu propice à l'émergence de la vie terrestre ?

La serpentinisation des fonds océaniques produit des molécules porteuses de pouvoir réducteur (H2) et constitue donc une source potentielle d'énergie chimique pour des réactions cellulaires. Ce processus est favorable au développement de métabolismes chimiolithoautotrophes primitifs. La figure suivante récapitule les sources primaires d'énergie chimique pour des micro-organismes chimiotrophes dans un environnement de serpentinisation.

Tableau 2. Source d'énergie métabolique pour les micro-organismes chimiotrophes dans un environnement de serpentinisation (d'après McCollom et Seewald, 2013)

Source d'énergie métabolique

Réaction chimique générale

Oxydation de l'hydrogène*

H2 + 1/2 O2 → H2O

Méthanotrophie*

CH4 + 2 O2 → HCO3- + H+ + H2O

Méthanogenèse

CO2 + 4 H2 → CH4 + 2 H2O

Sulfato-réduction

SO42- + 2 H+ + 4 H2 → H2S + 4 H2O

Oxydation anaérobie du méthane

SO42- + 2 H+ + CH4 → CO2 + H2S + 2 H2O

*  : à l'Archéen, en l'absence d'O2 libre dans l'atmosphère et l'océan, ces réactions devaient être beaucoup plus rares.


La serpentinisation des roches de la lithosphère océanique favorise la synthèse de composés organiques par réactions de type Fischer-Tropsch et est ainsi une source de carbone réduit, forme du carbone dans les organismes vivants.

Les systèmes hydrothermaux sont également le lieu d'une synthèse de précurseurs de la formation prébiotique d'acides aminés, briques des protéines, et de la synthèse de bases azotées, composant majeurs des molécules d'ARN et d'ADN, supports de l'information génétique.

La structure en feuillets des minéraux issus de la serpentinisation ainsi que leur capacité à adsorber des nucléotides offrent confinement et surface réactionnelle aux champs hydrothermaux.

La serpentinisation de la partie supérieure de la lithosphère océanique répond donc de façon abiotique aux principales contraintes du vivant, à savoir :

  • le confinement des molécules du vivant (assuré chez les organismes par la membrane cellulaire) ;
  • l'apport d'énergie pour le métabolisme ;
  • l'apport de précurseurs du support de l'information génétique ;
  • l'apport de précurseurs des protéines, molécules assurant la majorité des fonctions cellulaires.

Toutes ces propriétés, réunies dans l'espace et le temps, créent un environnement favorable à l'émergence de la vie sur Terre.

Quels processus de serpentinisation avaient lieu sur la Terre primitive ?

Lors de son accrétion il y a environ 4,55 Ga, la Terre a subi des événements de fusion de grande ampleur, et a connu un stade "océan magmatique" (total ou partiel). Le manteau terrestre, aujourd'hui solide, était alors fondu. L'eau terrestre et les éléments volatils sont apportés sur Terre à la fin de son accrétion par le "vernis tardif", probablement constitué de chondrites carbonées et/ou de comètes. L'eau ainsi apportée a dû interagir avec la surface de l'océan magmatique et hydrater la périphérie du manteau terrestre. Cette hydratation de la péridotite du manteau, et plus particulièrement de l'olivine, forme de la serpentine. La serpentine étant moins dense que le reste du manteau fondu, elle "flotte" à la surface de la Terre. Une banquise de serpentinite se serait alors formée, isolant la surface terrestre de l'océan magmatique (figure ci-dessous). L'évolution de cette "banquise" aboutit à la formation d'une lithosphère océanique et à la mise en place d'une tectonique des plaques.

Serpentinisation et mise en place de la lithosphère océanique sur la Terre primitive

Figure 15. Serpentinisation et mise en place de la lithosphère océanique sur la Terre primitive

A- Formation d'une banquise de serpentinite en couvercle de l'océan magmatique, ce couvercle isolant permet la précipitation des océans. Le manteau plus profond, sous plus haute pression, est solide et convecte.

B- En conséquence, une tectonique des plaques se met en place, affectant la lithosphère océanique qui plonge dans l'océan magmatique résiduel et dans le manteau solide.


La Terre primitive a donc très probablement connu une serpentinisation étendue et précoce de la périphérie de son manteau, processus qui a dû, tel qu'actuellement, générer des molécules organiques et participer à la formation d'une « soupe prébiotique ».

À l'Archéen, la croûte océanique se met en place à l'aplomb des dorsales océaniques, lieu privilégié de l'évacuation de la chaleur terrestre. L'accrétion de la croûte océanique au niveau des dorsales archéennes devait être similaire à celles des dorsales rapides modernes, avec mise en place de basaltes en coussins, gabbros et éventuellement complexes filoniens. La Terre primitive possède un géotherme plus élevé que la Terre moderne et l'extraction mantellique de la croûte continentale est très limitée au début de l'Archéen. La Terre primitive est envisagée comme un ensemble de nombreuses plaques océaniques de petite taille (figure ci-dessous), générées par des dorsales océaniques dont la longueur cumulée est bien supérieure à celle des dorsales actuelles. À l'Hadéen et à l'Archéen, l'hydrothermalisme localisé au niveau des dorsales, devait donc être très présent. Une serpentinisation en contexte de fumeur noir existait dans les océans de la Terre primitive, avec les conséquences associées (synthèses de composés organiques, pouvoir réducteur). Toutefois, il est important de rappeler que les fluides émis par les cheminées avaient un pH très acide (~3), pH inhibant la réaction de Strecker de synthèses d'acides aminés et de bases azotées.

Tectonique des plaques, comparaison entre l'Archéen et l'actuel

Figure 16. Tectonique des plaques, comparaison entre l'Archéen et l'actuel

À gauche, tectonique des plaques moderne. À droite, visage de la Terre à l'Archéen.


L'étude de la serpentinisation de la lithosphère océanique primitive n'est pas choses aisée, puisque cette lithosphère est vouée à disparaître par subduction (la plus vieille lithosphère océanique en place actuellement est âgée d'environ 200 Ma). L'idée de la banquise de serpentinite ainsi que de l'abondance de dorsales et de fumeurs noirs à l'Hadéen repose sur des modèles et non sur des analyses directes d'affleurements et d'échantillons de serpentinites primitives.

Les plus anciennes serpentinites terrestres ont été collectées dans la région d'Isua, au Sud-Ouest du Groenland, province âgée de 3,81 Ga (figure ci-dessous).

Localisation de la province archéenne d'Isua au Groenland

Figure 17. Localisation de la province archéenne d'Isua au Groenland

Cette région présente les plus vieux fragments ophiolitiques terrestres et les plus vieilles parties de lithosphère océanique serpentinisée (en violet sur la carte).


Des analyses isotopiques (isotopes stables du zinc) ont été réalisées sur ces échantillons de serpentinites archéennes d'Isua, et les résultats ont été comparés aux différents contextes de serpentinisation océanique actuels précédemment évoqués, à savoir : fumeurs noirs, fumeurs blancs (contextes de ride océanique) et volcans de boue de serpentine (contexte de subduction).

Ces études suggèrent fortement que les serpentinites d'Isua se sont formées il y a 3,8 Ga dans le même contexte que les serpentinites des volcans de boue de la fosse des Mariannes, au niveau d'un avant-arc de subduction océanique (Pons et al., 2011). L'outil isotopique a également permis d'identifier les paramètres physico-chimiques des fluides hydrothermaux de la serpentinisation à Isua. Ainsi, comme dans les volcans de boue des Mariannes, les fluides émis par les édifices hydrothermaux présentaient les paramètres suivants :

  • pH alcalin (9 à 12) ;
  • température "intermédiaire" (~150 à 200°C) ;
  • teneur élevée en CO2.

De tels paramètres constituent un environnement propice à la synthèse de Strecker, qui est favorisée à pH basique, ainsi qu'à la stabilisation des acides aminés : dans le cadre de l'émergence de la vie primitive, cette différence chimique majeure par rapport aux fumeurs noirs peut s'avérer cruciale.

De plus, la présence d'édifices volcaniques (les volcans de boue de serpentine), potentiellement émergés, et leur altération, a pu fournir au champ hydrothermal un nutriment limitant à l'Archéen : le phosphore (P) qui intervient dans de nombreuses biomolécules (phospholipides des membranes cellulaires, squelette des acides nucléiques, monnaie d'échange énergétique avec les molécules d'ADP et ATP…). Les volcans de boue de serpentine seraient une source de P, alors que les zones de dorsales océaniques se comportent plutôt comme des puits de P.

Pour ces raisons, l'environnement de serpentinisation de type "volcans de boue" en avant-arc de zone de subduction constitue une niche favorable à l'émergence de la vie primitive.

Enfin, à l'Archéen, les zones de subduction océan/océan devaient être abondantes, faisant du contexte Isua / fosse des Mariannes un environnement commun (Pons et al., 2011).

Place de la serpentinisation des fonds océaniques dans la thématique de l'origine de la vie

Comme nous venons de le voir, le processus de serpentinisation de la lithosphère océanique hadéenne et archéenne est peut-être à l'origine du développement de la vie sur notre planète. Il semblerait qu'il puisse se suffire à lui-même. Toutefois, d'autres hypothèses, non incompatibles, existent, ne faisant pas intervenir de serpentinite.

Ainsi, l'hypothèse de la panspermie stipule que la première forme de vie aurait été formée sur un autre corps planétaire que la Terre. La Terre aurait ensuite été fertilisée par un impact de météorite ou de comète. Si cette hypothèse de l'ensemencement de la Terre par une vie extra-terrestre n'est suggérée par aucune donnée, il n'en est pas de même de "l'ensemencement" par des molécules prébiotiques. En effet, des molécules organiques ont été (et sont toujours) apportées sur Terre par du matériel d'origine extraterrestre. À titre d'exemple, la chondrite carbonée CM Murchison est une météorite contenant une forte proportion de matière organique et dans laquelle ont été identifiés plus de 70 acides aminés (cf. La matière organique dans les chondrites carbonées) ! Les organismes terrestres n'utilisent que 22 acides aminés différents dans la synthèse de leurs protéines.

Au cours de l'événement dit du "vernis tardif", constitué probablement de chondrites carbonées et de comètes, qui a apporté l'eau et les éléments volatils sur Terre au cours des 100 premiers millions d'années de l'histoire de notre planète, une quantité importante de matière organique (et une grande diversité en termes de molécules) est arrivée à la surface de la Terre. Que la vie se soit développée précocement sur un autre corps planétaire (hypothèse de la panspermie) ou non, la contribution extraterrestre à la « soupe prébiotique » ne peut être ignorée.

Les origines de la vie terrestres étant encore tout à fait incertaines, il est possible d'envisager une combinaison entre synthèse abiotique terrestre de molécules organiques (et donc un rôle du processus de serpentinisation) et ensemencement par des molécules organiques d'origine extraterrestre !

Conclusion

L'idée que la serpentinisation a joué un rôle dans l'origine de la vie sur Terre peut également être appliquée à d'autres planètes : l'olivine est en effet un minéral présent en abondance dans de nombreuses météorites (chondrites et achondrites) ainsi que sur d'autres corps planétaires. Ces olivines extraterrestres sont souvent altérées, notamment par hydratation : elles peuvent être partiellement (voire totalement) serpentinisées. La serpentine est le minéral hydraté le plus abondant au sein des chondrites carbonées qui sont considérées comme les chondrites les plus primitives et les plus proches de la composition de la nébuleuse solaire ! De plus, la météorite martienne Nakhlite (météorite de la famille des SNC), présente des veines de serpentinite. Enfin, de la serpentinite a récemment été identifiée directement à la surface de Mars (cf. figure ci-dessous) grâce à la sonde Mars Reconnaissance Orbiter, dans des terrains datés du Noachien (4,1 à 3,7 Ga), un âge pendant lequel de l'eau liquide était présente en surface. Serpentinisation, eau liquide : et si cet environnement avait aussi été favorable à l'émergence d'une vie martienne ?!

Identification de serpentine d'âge noachien à la surface de Mars

Figure 18. Identification de serpentine d'âge noachien à la surface de Mars

Localisation de serpentine identifiée de manière certaine (étoiles blanches) ou probable (carrés blancs) dans des terrains du Noachien.


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