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Article | 16/03/2009

Phoenix : de l'eau, des carbonates, des chutes de neige, un beau coucher de Soleil... et le lointain cratère Endeavour pour Opportunity

16/03/2009

Pierre Thomas

Laboratoire de Sciences de la Terre / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Les analyses de Phoenix avant hivernage : de l'eau et du carbonate de calcium dans le sol, eau, givre et neige dans l'atmosphère. Opportunity quitte le cratère Victoria pour rejoindre Endeavour.


Table des matières

Phoenix

Rappelons que Phoenix s'est posé en mai 2008 dans les régions de hautes latitudes Nord, pour étudier la chimie du sol et les échanges d'eau entre la glace du sol et l'atmosphère. Nous avions quitté Phoenix fin juin 2008, il venait de trouver de la glace et de photographier sa sublimation.

Figure 1. Sublimation de micro-blocs de glace entre le 15 et le 19 juin 2008 sur Mars, image Phoenix

Les 2 images ont été prises à la même heure (martienne) pour que les conditions d'éclairage soient les mêmes. Quelques petits blocs blancs (dans le carré jaune) présents le 15 juin ont disparu 4 jours plus tard. Les zones où affleurent la glace vive en haut à droite de la tranchée ont légèrement diminué de taille. Cette substance blanche qui se sublime, c'est de la glace. L'ensemble de la tranchée mesure 22 cm de large.


De juillet à octobre 2008, Phoenix a « bien travaillé », et de nombreux résultats (seulement qualitatifs) d'analyses chimiques ont été publiés dans les NASA News. Attendons maintenant les publications pour connaître les résultats quantitatifs.

Le 31 juillet 2008, la NASA confirme que l'instrument TEGA (Thermal and Evolved Gaz Analyser) a identifié de la vapeur d'eau en analysant les gaz s'échappant d'échantillons de sol chauffés dans le four. La NASA a même été lyrique, en écrivant « We have water. […] We've seen evidence for this water ice before in observations by the Mars Odyssey orbiter and in disappearing chunks observed by Phoenix last month, but this is the first time Martian water has been touched and tasted », ce qui peut se traduire par « Nous avons de l'eau. […] Nous avions déjà obtenu auparavant de nombreuses preuves de l'existence d'eau par les sondes en orbite ou par l'observation de la sublimation de fragments par Phoenix le mois dernier. Mais c'est la première fois que nous touchons et gouttons de l'eau martienne » .

Les analyses du sol révèlent un pH de 8-9, et montrent qu'il contient des ions Mg2+, Na+, K+ , Cl- et ClO4- (perchlorate).

TEGA a également montré que le sol contenait du carbonate de calcium, avec dégagement de CO2 obtenu par chauffage, exactement à la température de dissociation du CaCO3.

Grâce à son microscope électronique, Phoenix a pu obtenir des micro-photographies de particules du sols, que les spécialistes de la NASA identifient comme des particules argileuses.


Carbonate de calcium et argiles dans le sol, tout cela suggère fortement que des conditions plus chaudes et humides qu'actuellement ont existé dans un passé plus ou moins lointain, avec altération des silicates, précipitation de carbonates…

Phoenix a également étudié les échanges d'eau entre la glace du sol et la vapeur de l'atmosphère.

Analyse du contenu en vapeur d'eau de l'atmosphère (en violet) et des propriétés électriques du sol (en noir) au cours d'une journée martienne

Figure 3. Analyse du contenu en vapeur d'eau de l'atmosphère (en violet) et des propriétés électriques du sol (en noir) au cours d'une journée martienne

La chute de la quantité de vapeur d'eau atmosphérique la nuit s'accompagne d'une modification des propriétés électriques du sol. De l'eau passe de vapeur atmosphérique à eau du sol (glace ou eau adsorbée).


Pour l'instant, la NASA n'a jamais évoqué de résultats positifs quant à la recherche de matière organique. Il est vrai que la présence d'ions perchlorate (ClO4-), oxydant vigoureux, est peu compatible avec la présence de matière organique au même endroit.

Phoenix s'est posé sur Mars en début d'été. Le soleil ne se couchait jamais sous ces hautes latitudes (soleil de minuit). À partir d'août, par contre, le soleil se couche, et Phoenix subit alors les très basses températures nocturnes. Pendant ces nuits froides, la région se couvre de givre, que Phoenix peut photographier au petit matin, avant sa sublimation. Fin octobre, les températures oscillaient entre –45°C (début d'après midi) et –96°C (milieu de nuit).

Figure 4. Soleil de minuit sur Mars

Montage de photos montrant la trajectoire nocturne du soleil le 20 juillet 2008. Même a minuit (heure locale), le soleil est bas sur l'horizon, mais ne se couche pas.




Figure 7. Évolution de la température nocturne entre le jour de l'atterrissage de Phoenix sur Mars (25 mai 2008) et le 29 septembre 2008

Pendant une trentaine de sols (journées martiennes), la température nocturne augmente : l'été s'installe. Mais après une trentaine de jours de stabilité (le plein été), arrive la fin des beaux jours, et la température baisse inexorablement.


Le 3 septembre 2008, le LIDAR de Phoenix (appareil envoyant un rayon laser dans l'atmosphère et étudiant la réflectivité de l'atmosphère et des particules qu'elle contient) a pu « surprendre » des chutes de neige. Les flocons se formaient à une altitude de 4 à 4,5 km. Cette neige n'atteignait pas le sol, car en descendant, elle se réchauffait et se sublimait vers 2,5-3 km d'altitude. La température mesurée au sol lors de ces chutes ne neige était trop élevée pour que ce soit de la neige carbonique ; il s'agissait de neige d'eau.

Figure 8. Chute de neige au-dessus de Phoenix, 3 septembre 2008

En analysant les échos lidar sur une durée d'1 heure, les scientifiques de la NASA ont pu reconstituer le profil de nuages martiens. Les zones bleues correspondent aux zones les plus riches en flocons de neige. Les chutes sont irrégulières, et les traînées riches en flocons sont déviées (vers la droite) par les vents.


Le 27 octobre 2008, Phoenix prend l'une de ses dernières images, le même champs que la figure 6, mais avec plus de givre.

Figure 9. Mars : l'une des dernières images prises par Phoenix le 27 octobre 2008

Même champs que la figure 6, mais avec plus de givre.


Le 2 novembre 2008, Phoenix a cessé d'émettre vers la Terre. Cette cessation des émissions était prévue. La température moyenne baissait de jours en jours ; le soleil, de plus en plus bas sur l'horizon, éclairait de moins en moins les panneaux solaires rechargeant les batteries. Le 10 novembre, après 8 jours sans communication, la NASA a officiellement déclaré la « mort » de Phoenix ( )

Figure 10. Courbe d'ensoleillement à la latitude de Phoenix sur 1,5 année martienne

Une année martienne dure 669 sols, soit 686 jours terrestres.

Phoenix s'est posé le 25 mai 2008. Il a définitivement cessé d'émettre le 2 novembre 2008. Le site de Phoenix et Phoenix lui-même ont commencé à être recouverts de glace carbonique à partir de début février 2009, et la nuit polaire commencera le 1er avril 2009 pour durer 90 sols. Au printemps, la glace carbonique se sublimera, et le soleil ré-éclairera Phoenix. Une « résurrection » n'est pas espérée... à moins que décembre 2009 ne nous réserve des surprises avec le retour d'un ensoleillement équivalent à celui de la dernière émission vers la Terre.


Spirit et Opportunity

Et pendant ce temps, les deux robots mobiles Spirit et Opportunity continuent vaille que vaille à travailler. Nous avions laissé, il y a 11mois, Spirit au pied des collines près d'un site nommé Home plate. Il y est toujours, fait toujours analyses et prises de vue, mais n'a pas obtenu de résultats fondamentalement nouveaux.

Nous avions laissé Opportunity dans le grand cratère Victoria. Après presque un an dans le cratère, Opportunity en est ressorti le 28 août 2008.

Mars : Opportunity s'éloigne du cratère Victoria (800 m de diamètre)

Figure 11. Mars : Opportunity s'éloigne du cratère Victoria (800 m de diamètre)

Mosaïque de photos prises le 18 octobre 2008.


Quelle est maintenant sa prochaine destination ? Rappelons qu'Opportunity s'est posé sur une plaine très plate, dont 90% de la surface est recouverte de sable (figure 11), formant souvent des dunes. Le substratum n'est visible que sur les 10% restant (figures 12 à 17), et surtout dans les cratères qui ont perforé cette plaine. Ce substratum est constitué de roches sédimentaires stratifiées horizontales.

Mars : panorama sur 360° constitué d'une mosaïque de 276 photos prises par Opportunity du 21 au 24 novembre 2008

Figure 12. Mars : panorama sur 360° constitué d'une mosaïque de 276 photos prises par Opportunity du 21 au 24 novembre 2008

Tout le fond du paysage est constitué de sable plus ou moins rassemblé en dune. Le premier plan est constitué de ces roches sédimentaires stratifiées qu'étudie Opportunity depuis janvier 2004. Les figures 13, 14 et 15 montrent 3 tiers détaillés de cette mosaïque.





Détail d'une dune et de son substratum stratifié visible au premier plan à gauche de la dune

Détail de strates (vues par la tranche) du substratum

Figure 17. Détail de strates (vues par la tranche) du substratum

Strates de la partie droite de la mosaïque (figures 12 et 15).

Au fond, ces strates sont vues par dessus, avec leur réseau de fentes hexagonales caractéristiques de cette région martienne.


Où aller maintenant pour trouver d'autres terrains que cette même formation (horizontale) que parcourt Opportunity depuis 5 ans ? Les scientifiques de la NASA vont employer la même stratégie qui leur réussit depuis le début. Opportunity s'est par hasard posé en 2004 dans un cratère de 20 m de diamètre et 2 m de profondeur totale (Eagle), ce qui lui a permis d'avoir une « coupe » naturelle sur 70 cm d'épaisseur. Puis il s'est dirigé vers le cratère Endurance (200 m de diamètre, 20 m de profondeur), ce qui lui a permis d'étudier en détail une tranche de terrain de 7 m d'épaisseur. Il a ensuite gagné le cratère Victoria (800 m de diamètre, 80 m d'épaisseur). Les dizaines de mètres d'affleurements visibles dans ce cratère révèlent toujours le même type de série sédimentaire que dans Eagle et Endurance.

La seule solution pour essayer de voir ce qu'il y a sous cette épaisse formation, c'est d'aller dans un cratère encore plus profond. Il y en a bien un dans le secteur (le cratère Endeavour, de plus de 20 km de diamètre et de plus d'1 km de profondeur), mais il est à 12 km du cratère Victoria. Un long voyage (figure 18) qui prendra au moins 1 an si aucun incident ne survient d'ici là. Rappelons qu'initialement, les robots étaient prévus pour durer 3 mois et/ou 600 m). Ce cratère semble une cible bien prometteuse : sa profondeur est d'au moins 1000 m, ce qui laisse espérer des affleurements de plusieurs centaines de mètres d'épaisseur. Et le fond du cratère semble constitué de strates (figure 19).

Figure 18. Mars : trajet d'Opportunity de janvier 2004 à décembre 2008 (en rouge et blanc) et trajet restant à faire (en vert) pour atteindre le cratère Endeavour

Durant ses 5 années de bons et loyaux services, Opportunity a successivement exploré les cratères Eagle, Endurance (trop petits pour être visibles sur la carte) et Victoria, ce qui lui a permis d'étudier des tranches de terrains de plus en plus épaisses. Il se dirige maintenant vers le cratère Endeavour, qui devrait permettre d'étudier plusieurs centaines de mètres d'épaisseur de terrains.


Mars : le cratère Endeavour, prochain objectif d'Opportunity, situé à 12 km du cratère Victoria

Figure 19. Mars : le cratère Endeavour, prochain objectif d'Opportunity, situé à 12 km du cratère Victoria

Les flancs du cratère laissent espérer l'étude d'une grande épaisseur de la série sédimentaire régionale. Le fond du cratère est également occupé par une série sédimentaire dont les strates sont bien visibles.


On peut suivre assez régulièrement et avec précision le trajet d'Opportunity entre les cratères Victoria et Endeavour sur le site Mars Exploration Rover Mission. Ce site publie en moyenne tous les 15 jours la carte de la progression d'Opportunity reportée sur les images haute résolution prise par la caméra HIRISE de la mission Mars Reconnaissance Orbiter. Voici par exemple un zoom (fgure 20) permettant de bien voir le cadre morphologique de la progressions les sols 1812 à 1821 (3 au 10 mars 2009). La caméra HIRISE peut même photographier le robot lui même, comme on le voit sur la figure 21.

Mars : trajet d'Opportunity (trait blanc) entre les sols 1814 et 1821 reporté sur une image Hirise

Figure 20. Mars : trajet d'Opportunity (trait blanc) entre les sols 1814 et 1821 reporté sur une image Hirise

L'échelle est indiquée en bas à gauche. On voit très bien que la majorité de la surface est occupée par des mini-dunes espacées de 2 à 4 m et constituées de sable assez sombre. Ces dunes ne recouvrent pas la totalité de la surface et laissent entrevoir le substratum sédimentaire plus clair qui affleure ici ou là.


Zoom sur le champs de dunes dans lequel progresse Opportunity que l'on voit au centre du cercle rouge

Figure 21. Zoom sur le champs de dunes dans lequel progresse Opportunity que l'on voit au centre du cercle rouge

L'échelle est indiquée en bas à gauche. On voit très bien que la majorité de la surface est occupée par des mini-dunes espacées de 2 à 4 m et constituées de sable assez sombre. Ces dunes ne recouvrent pas la totalité de la surface et laissent entrevoir le substratum sédimentaire plus clair qui affleure ici ou là.

Détail repris par Ciel et Espace.


Il n'y a plus qu'à souhaiter longue vie à Opportunity, sans panne ou enlisement dans les dunes, et à espérer que flancs et fond d'Endeavour ne seront pas encore constitués de la même série sédimentaire.