Article | 16/03/2009
Phoenix : de l'eau, des carbonates, des chutes de neige, un beau coucher de Soleil... et le lointain cratère Endeavour pour Opportunity
16/03/2009
Résumé
Les analyses de Phoenix avant hivernage : de l'eau et du carbonate de calcium dans le sol, eau, givre et neige dans l'atmosphère. Opportunity quitte le cratère Victoria pour rejoindre Endeavour.
Table des matières
Phoenix
Rappelons que Phoenix s'est posé en mai 2008 dans les régions de hautes latitudes Nord, pour étudier la chimie du sol et les échanges d'eau entre la glace du sol et l'atmosphère. Nous avions quitté Phoenix fin juin 2008, il venait de trouver de la glace et de photographier sa sublimation.
Source - © 2008 NASA/JPL-Caltech/Univ. of Arizona/Texas A&M Univ.
De juillet à octobre 2008, Phoenix a « bien travaillé », et de nombreux résultats (seulement qualitatifs) d'analyses chimiques ont été publiés dans les NASA News. Attendons maintenant les publications pour connaître les résultats quantitatifs.
Le 31 juillet 2008, la NASA confirme que l'instrument TEGA (Thermal and Evolved Gaz Analyser) a identifié de la vapeur d'eau en analysant les gaz s'échappant d'échantillons de sol chauffés dans le four. La NASA a même été lyrique, en écrivant « We have water. […] We've seen evidence for this water ice before in observations by the Mars Odyssey orbiter and in disappearing chunks observed by Phoenix last month, but this is the first time Martian water has been touched and tasted », ce qui peut se traduire par « Nous avons de l'eau. […] Nous avions déjà obtenu auparavant de nombreuses preuves de l'existence d'eau par les sondes en orbite ou par l'observation de la sublimation de fragments par Phoenix le mois dernier. Mais c'est la première fois que nous touchons et gouttons de l'eau martienne » .
Les analyses du sol révèlent un pH de 8-9, et montrent qu'il contient des ions Mg2+, Na+, K+ , Cl- et ClO4- (perchlorate).
TEGA a également montré que le sol contenait du carbonate de calcium, avec dégagement de CO2 obtenu par chauffage, exactement à la température de dissociation du CaCO3.
Grâce à son microscope électronique, Phoenix a pu obtenir des micro-photographies de particules du sols, que les spécialistes de la NASA identifient comme des particules argileuses.
Carbonate de calcium et argiles dans le sol, tout cela suggère fortement que des conditions plus chaudes et humides qu'actuellement ont existé dans un passé plus ou moins lointain, avec altération des silicates, précipitation de carbonates…
Phoenix a également étudié les échanges d'eau entre la glace du sol et la vapeur de l'atmosphère.
Source - © 2008 NASA/JPL/Univ. of Arizona
Pour l'instant, la NASA n'a jamais évoqué de résultats positifs quant à la recherche de matière organique. Il est vrai que la présence d'ions perchlorate (ClO4-), oxydant vigoureux, est peu compatible avec la présence de matière organique au même endroit.
Phoenix s'est posé sur Mars en début d'été. Le soleil ne se couchait jamais sous ces hautes latitudes (soleil de minuit). À partir d'août, par contre, le soleil se couche, et Phoenix subit alors les très basses températures nocturnes. Pendant ces nuits froides, la région se couvre de givre, que Phoenix peut photographier au petit matin, avant sa sublimation. Fin octobre, les températures oscillaient entre –45°C (début d'après midi) et –96°C (milieu de nuit).
Source - © 2008 NASA/JPL-Caltech/Univ. of Arizona/Texas A&M Univ. | Source - © 2008 NASA/JPL-Caltech/Univ. of Arizona/Texas A&M Univ. |
Source - © 2008 NASA/JPL-Caltech/Univ. of Arizona/Texas A&M Univ. | Source - © 2008 NASA/JPL-Caltech/Univ. of Arizona/Canadian Space Agency |
Le 3 septembre 2008, le LIDAR de Phoenix (appareil envoyant un rayon laser dans l'atmosphère et étudiant la réflectivité de l'atmosphère et des particules qu'elle contient) a pu « surprendre » des chutes de neige. Les flocons se formaient à une altitude de 4 à 4,5 km. Cette neige n'atteignait pas le sol, car en descendant, elle se réchauffait et se sublimait vers 2,5-3 km d'altitude. La température mesurée au sol lors de ces chutes ne neige était trop élevée pour que ce soit de la neige carbonique ; il s'agissait de neige d'eau.
Source - © 2008 NASA/JPL-Caltech/Univ. of Arizona/Canadian Space Agency
Le 27 octobre 2008, Phoenix prend l'une de ses dernières images, le même champs que la figure 6, mais avec plus de givre.
Source - © 2008 NASA/JPL-Caltech/Univ. of Arizona/Texas A&M Univ.
Le 2 novembre 2008, Phoenix a cessé d'émettre vers la Terre. Cette cessation des émissions était prévue. La température moyenne baissait de jours en jours ; le soleil, de plus en plus bas sur l'horizon, éclairait de moins en moins les panneaux solaires rechargeant les batteries. Le 10 novembre, après 8 jours sans communication, la NASA a officiellement déclaré la « mort » de Phoenix ( )
Source - © 2008 NASA/JPL-Caltech/Univ. of Arizona/Lockheed Martin
Spirit et Opportunity
Et pendant ce temps, les deux robots mobiles Spirit et Opportunity continuent vaille que vaille à travailler. Nous avions laissé, il y a 11mois, Spirit au pied des collines près d'un site nommé Home plate. Il y est toujours, fait toujours analyses et prises de vue, mais n'a pas obtenu de résultats fondamentalement nouveaux.
Nous avions laissé Opportunity dans le grand cratère Victoria. Après presque un an dans le cratère, Opportunity en est ressorti le 28 août 2008.
Source - © 2008 NASA/JPL-Caltech
Quelle est maintenant sa prochaine destination ? Rappelons qu'Opportunity s'est posé sur une plaine très plate, dont 90% de la surface est recouverte de sable (figure 11), formant souvent des dunes. Le substratum n'est visible que sur les 10% restant (figures 12 à 17), et surtout dans les cratères qui ont perforé cette plaine. Ce substratum est constitué de roches sédimentaires stratifiées horizontales.
Source - © 2008 NASA/JPL/Cornell
Source - © 2008 NASA/JPL/Cornell , modifié | Source - © 2008 NASA/JPL/Cornell , modifié |
Source - © 2008 NASA/JPL/Cornell , modifié | |
Source - © 2008 NASA/JPL/Cornell , modifié | Source - © 2008 NASA/JPL/Cornell , modifié |
Où aller maintenant pour trouver d'autres terrains que cette même formation (horizontale) que parcourt Opportunity depuis 5 ans ? Les scientifiques de la NASA vont employer la même stratégie qui leur réussit depuis le début. Opportunity s'est par hasard posé en 2004 dans un cratère de 20 m de diamètre et 2 m de profondeur totale (Eagle), ce qui lui a permis d'avoir une « coupe » naturelle sur 70 cm d'épaisseur. Puis il s'est dirigé vers le cratère Endurance (200 m de diamètre, 20 m de profondeur), ce qui lui a permis d'étudier en détail une tranche de terrain de 7 m d'épaisseur. Il a ensuite gagné le cratère Victoria (800 m de diamètre, 80 m d'épaisseur). Les dizaines de mètres d'affleurements visibles dans ce cratère révèlent toujours le même type de série sédimentaire que dans Eagle et Endurance.
La seule solution pour essayer de voir ce qu'il y a sous cette épaisse formation, c'est d'aller dans un cratère encore plus profond. Il y en a bien un dans le secteur (le cratère Endeavour, de plus de 20 km de diamètre et de plus d'1 km de profondeur), mais il est à 12 km du cratère Victoria. Un long voyage (figure 18) qui prendra au moins 1 an si aucun incident ne survient d'ici là. Rappelons qu'initialement, les robots étaient prévus pour durer 3 mois et/ou 600 m). Ce cratère semble une cible bien prometteuse : sa profondeur est d'au moins 1000 m, ce qui laisse espérer des affleurements de plusieurs centaines de mètres d'épaisseur. Et le fond du cratère semble constitué de strates (figure 19).
Source - © 2008 NASA/JPL-Caltech/Cornell/Ohio State Univ./MSSS/Univ. of Arizona | Source - © 2008 NASA/JPL/ASU |
On peut suivre assez régulièrement et avec précision le trajet d'Opportunity entre les cratères Victoria et Endeavour sur le site Mars Exploration Rover Mission. Ce site publie en moyenne tous les 15 jours la carte de la progression d'Opportunity reportée sur les images haute résolution prise par la caméra HIRISE de la mission Mars Reconnaissance Orbiter. Voici par exemple un zoom (fgure 20) permettant de bien voir le cadre morphologique de la progressions les sols 1812 à 1821 (3 au 10 mars 2009). La caméra HIRISE peut même photographier le robot lui même, comme on le voit sur la figure 21.
Source - © 2008 NASA/JPL, modifié | Source - © 2008 NASA/JPL/Univ. of Arizona (détail) |
Il n'y a plus qu'à souhaiter longue vie à Opportunity, sans panne ou enlisement dans les dunes, et à espérer que flancs et fond d'Endeavour ne seront pas encore constitués de la même série sédimentaire.