Article | 27/11/2019
Visualisation par ombroscopie de systèmes convectifs à une et deux couches
27/11/2019
Résumé
Principe de l'ombroscopie et montage simple pour observer de la convection thermique par ombroscopie : convection à une couche, convection à deux couches, cellules de convection, panaches thermiques ascendants et descendants.
Table des matières
Cet article reprend et explicite des notions déjà vues dans Observation de la convection thermique dans un fluide par ombroscopie (2002), avec un montage optique simplifié et des observations supplémentaires, qu'on retrouve partiellement repris et complété en ce qui concerne la convection dans La convection – État de la recherche et protocole expérimental pour sa visualisation (2014, sur CultureSciences-Physique).
Montage expérimental
Les très faibles viscosité de l'eau et de l'huile permettent la mise en place de transferts thermiques convectifs pour de faibles écarts de température (ΔT) et des systèmes de petite taille (Lc) (cf. ”Le nombre de Rayleigh : une approche “avec les mains”) avec des mouvements assez rapides pour être aisément observés lors de manipulations de quelques minutes.
Dans ce montage et dans les vidéos ci-dessous, le chauffage par le bas est localisé d'un seul côté (gauche). D'autres montages peuvent être réalisés avec un chauffage au centre ou par toute la base. Pour amplifier et/ou localiser le refroidissement sommital, un bac contenant des glaçons est parfois déposé, dans les manipulations filmées, du côté opposé au chauffage basal ou au centre du système. On peut aussi faire des observations sans ce type de refroidissement ou au contraire avec un refroidissement sur toute la surface supérieure avec l'aide d'un plateau sur lequel sont déposés des glaçons. On peut aussi faire du refroidissement très localisé en déposant un petit morceau de glaçon à la surface.
Principe de l'ombroscopie
L'ombroscopie tire son nom du fait que l'on observe ce qui semble être un jeu d'ombre sur un écran avec des zones plus sombres et des zones plus claires. Cependant, ce que l'on observe ne sont pas des ombres mais plutôt des “jeux de lumière”. En effet lorsqu'on fait un jeu d'ombres, on peut regarder l'écran et observer une forme sombre, mais en regardant de plus loin on verra le ou les objets mis sur le chemin de la lumière, qui ne laissent pas passer la lumière et qui créent “à l'arrière” ces zones d'ombre. D'après les formes en 3D des objets et la direction d'éclairage, on peut alors prévoir la forme des ombres projetées en 2D.
Dans cette expérience d'ombroscopie, on peut certes voir les “ombres” mais quand on prend du recul, on ne voit rien de particulier permettant d'expliquer les formes observées. Par exemple, sur les deux figures ci-dessous (figures 6 et 7) on peut voir le dispositif à deux couches alors que de l'huile à température ambiante est versée sur de l'eau déjà chaude. On voit bien, sur le fond (sur la droite des images), les “ombres” dans l'eau et dans l'huile, alors que, dans l'aquarium, eau et huile sont transparentes et on ne voit que les remous liés au fait que l'on est en train de verser de l'huile dans l'eau à petit filet (figure 6) ou à plus fort débit (figure 7). Sur la gauche de ces clichés, on voit le mur du fond à travers eau et huile ; au centre, on voit les “ombres” à travers eau et huile ; sur la droite, on observe directement les “ombres” sur le mur-écran.
Les “ombres” sont dues aux mouvements de convection qui agitent l'eau chaude (et chauffée par la base) et l'huile (chauffée à sa base par l'eau chaude sur laquelle l'huile est versée). Les formes et évolutions de ces mouvements ne sont pas directement visibles en regardant l'aquarium, mais sont “révélées” grâce au dispositif d'ombroscopie (voir les films de la partie Système convectif à deux couches).
Ce que “révèle” l'ombroscopie, c'est le fait que les rayons lumineux parallèles illuminant le dispositif traversent un milieu d'indice non constant. Il sont donc plus ou moins déviés selon les lois de Snell-Descartes (n1.sin(i1) = n2.sin(i2), avec ni l'indice de réfraction et ii l'angle à la normale de l'interface). Dans les fluides, l'indice de réfraction du milieu (fonction inverse de la vitesse de la lumière) diminue lorsque la température augmente (autrement dit, la vitesse de la lumière augmente quand la température augmente). Comme le montre la figure 8, ces déviations induisent “à l'arrière” des zones d'éclairage “normal” lorsque le milieu traversé est d'indice constant, et des zones d'éclairage moindre ou supérieur lorsque qu'il y a eu déviation au passage d'une portion de milieu d'indice différent (plus faible dans le cas de la figure) induisant une “perte” ou un “gain” d'éclairage “à l'arrière”.
Les “jeux de lumière” observés par ombroscopie révèlent donc la présence et le déplacement de volumes d'un même liquide mais d'indice de réfraction différent, différence d'indice expliquée par une différence de température.
Dans le cas de la manipulation proposée avec eau et huile, une température plus forte induit un indice plus faible, une circulation chaude dans un environnement plus froid induit donc l'observation d'une forme sombre aux bords clairs (cas décrit dans la figure 8). À l'inverse, une circulation froide dans un environnement plus chaud donnera à voir une forme claire aux bords sombres. Ceci est particulièrement visible lorsqu'on observe des panaches ascendants (chauds) ou descendants (froids) localisés. Cela devient plus difficile à distinguer pour une circulation générale sur une certaine profondeur (superposition de circulations, réfractions multiples) et/ou avec de faibles écarts de température (meilleure visibilité près des sources chaudes ou froides localisées donnant de plus forts écarts ponctuels de température).
L'observation continue, à la verticale, d'un “canal” ou panache ne signifie pas théoriquement que la température reste constante mais qu'une certaine différence d'indice de réfraction persiste au cours de la remontée. Une atténuation de “contraste” indique éventuellement une atténuation de la différence de température. Les mouvements au sein d'un milieu de température constante ne sont pas visualisables par ombroscopie.
Films de manipulations
Limite des modèles proposés
Attention, les modèles présentés permettent de visualiser de la convection thermique, de donner des pistes pour jouer sur différents paramètres, pour observer ce que peut être un découplage mécanique… Les manipulations n'ont pas été dimensionnées pour avoir une image “directe” de la convection dans l'atmosphère (troposphère et/ou stratosphère), l'océan, le manteau, le noyau ou aux interfaces possibles entre ces milieux convectifs naturels.
Système convectif à une couche
Source - © 2019 Olivier Dequincey, Damien Mollex / Planet-Terre - ENS de Lyon
Dans ce film, on voit l'image “classique” d'une cellule de convection avec une branche ascendante à gauche, au-dessus de la plaque chauffante, et une branche descendante à droite, sous le bac de glace. La taille réduite de l'aquarium et la localisation des sources chaude et froide guide la géométrie observée.
Système convectif à deux couches
Source - © 2019 Olivier Dequincey, Damien Mollex / Planet-Terre - ENS de Lyon | Source - © 2019 Olivier Dequincey, Damien Mollex / Planet-Terre - ENS de Lyon |
Dans ces manipulations à deux couches, on peut voir l'effet de l'épaisseur de la viscosité et de l'écart de température sur la géométrie des courants convectifs : cellules convectives dans l'eau, piliers convectifs dans l'huile en l'absence de (ou loin de) source froide ponctuelle.
Lorsqu'on place le bac de glace à la surface de l'huile, on modifie la circulation générale dans cette couche superficielle, les piliers se courbent et on se rapproche d'une circulation en cellule de convection.
On observe un découplage mécanique à l'interface eau/huile avec des sens de circulation opposés lorsque la glace est placée à droite, et la présence de deux cellules d'huile lorsque le bac de glace est placé au centre du dispositif. Dans ce dernier cas, eau et huile se déplacent dans le même sens à leur interface, mais avec des vitesses différentes.
Panaches ascendants ponctuels
Source - © 2019 Olivier Dequincey, Damien Mollex / Planet-Terre - ENS de Lyon
Ce montage simple permet d'observer un panache ascendant dans un milieu “calme”. On peut “fabriquer” des panaches ascendants dans un dispositif en convection. On y observera alors des panaches “déformés”, déportés par les mouvements convectifs plus globaux.
Des panaches descendants relativement localisés sont visibles dans les vidéos ci-dessus lorsqu'on met en place le bac à glace. On voit alors de beaux panaches descendants dans l'eau, dans l'huile et aussi un peu dans l'eau sous l'huile “froide”.
On peut aussi induire des panaches descendants ponctuels en déposant un peu de glace à la surface de l'eau, dans un système calme ou convectif (les films correspondants ne sont pas présentés ici). Si on place de la glace d'eau sur l'huile on pourra voir la glace flotter sur l'huile si ce sont des paillettes de glace emprisonnant un peu d'air , ou bien descendre à l'interface eau/huile si la glace est plus compacte et dense.