Article | 12/04/2022
Observation de la Lune depuis la Terre, orbite et phases de la Lune
12/04/2022
Résumé
Observer la Lune au cours d'une lunaison et depuis différentes latitudes. Comprendre les phases et les “images” de la Lune.
Table des matières
- Observations multiples de la Lune au cours d'un cycle lunaire
- La face visible de la Lune
- Les phases de la Lune, positions relatives Soleil-Terre-Lune lors d'un mois lunaire
- Observation d'un satellite depuis la planète autour de laquelle il orbite, de la théorie à l'observation de la Lune
- Illustration par l'observation d'une lunaison (novembre 2019)
- Observations virtuelles
- Bibliographie
Un poster pour accompagner l'article
Un poster reprend les points-clés de l'article. Il est basé sur des figures originales conçues par les auteurs mais dessinées par un illustrateur pour un rendu plus esthétique. Ces figures sont reprises et complétées dans l'article. Un graphiste a composé le poster. Outre son rendu équilibré et fluide devant permettre au plus grand nombre de se plonger dans le contenu scientifique, il est possible de l'imprimer en plusieurs tailles, du A4 (un peu limite mais pouvant servir de résumé) au format poster A0.
La version A1 de ce poster Observation de la Lune depuis la Terre est disponible. Elle a été conçue pour une impression au format A1 mais peut aussi convenir pour plus petit (A4 pour un “résumé de cours, A3 ou A2 comme matériel de travail de groupe) et pour plus grand (la qualité supporte une impression au format “poster” A0).
Chacun a déjà pu voir la Lune. Très nombreux sont ceux qui l'ont observée à de multiples reprises, ne serait-ce que quelques secondes à chaque fois, et ont pu se rendre compte qu'on ne la voit pas toujours “en entier” (croissant, quartier ou disque plein) et que sa surface n'est pas homogène (on y voit des formes sombres ou claires que l'on peut distinguer, associer à une image – visage souriant, lapin… – ou reconnaitre et nommer – Mer des Crises…). Quand on questionne les gens autour de soi ou bien quand on regarde livres, histoires et films, on retrouve des “certitudes” bien ancrées. Par exemple, il est généralement “admis” que la Lune, « petit luminaire », n'est visible que la nuit car de jour le Soleil, « grand luminaire », empêche de la voir… ou alors que Lune et Soleil sont “synchronisés” pour nous éclairer l'une la nuit et l'autre le jour. D'ailleurs dans les histoires pour enfants ou les films, même pour adultes, la Lune est toujours associée à la nuit. Une autre “croyance” bien implantée “chez nous” (en Europe) est que l'orientation du bord externe de la Lune indique clairement que l'on est soit du “côté” du premier quartier (donc “avant” la pleine Lune) si cela rappelle la courbure de la lettre “p”, alors que si cela rappelle le “d” on est du “côté” du dernier quartier (donc “après” la pleine Lune).
Nous allons ici revoir simplement l'explication des phases de la Lune (on ne la voit pas toujours en entier) avant de nous intéresser à l'orientation de l'image de la Lune vue par un observateur en fonction de sa position sur Terre. Nous verrons que des observations simples montrent que les “certitudes bien ancrées” sont fausses même si elles sont fondées sur des observations réelles mais très limitées, et que l'observation de la surface de la Lune permet rapidement de repérer sa ”position” dans le mois lunaire quelles que soient la situation géographique, la date et l'heure d'observation.
Observations multiples de la Lune au cours d'un cycle lunaire
Profitant d'une prise de contact lors d'une formation en ligne à laquelle participaient des enseignants vivant dans plus de 20 pays différents, un groupe a été formé afin de participer à une mission “objectif Lune”. Un voyage a aussi permis à une autre personne de prendre un cliché intéressant à cette même période. Cette mission consistait à suivre photographiquement une même lunaison par des observateurs présents sous diverses latitudes.
Au final, 16 personnes ont pris des clichés d'une ou plusieurs phases lunaires : les phases principales – premier quartier, pleine Lune et dernier quartier – étaient ciblées prioritairement et ont été abondamment photographiées, quelques photographies montrent aussi les phases intermédiaires (croissants et lunes gibbeuses). Parfois plusieurs clichés ont été pris du même endroit, le même jour mais à des heures différentes. Les photographes étaient à des latitudes variant de 45° Nord à 35° Sud et ont utilisé divers appareils allant du smartphone, à l'appareil photographique numérique ”classique”, au télescope “amateur” ou semi-professionnel (les images “brutes” sont inversées par les télescopes, elles doivent être correctement ”redressées” pour avoir une image correspondant à un équivalent d'observation à l'œil nu). Pour les images de nuit, le contraste de luminosité entre la Lune et le ciel obscur a amené certains photographes à réaliser plusieurs clichés avec des temps de pose différents avant de reconstituer une image mettant en valeur le fond (la nuit et ses repères dans le paysage, pose “longue”) et la Lune (pose “courte”).
Toutes les photographies (au nombre de 107) sont intéressantes car, même si elles n'ont pas toutes la même qualité, toutes montrent qu'il est possible de faire des observations utilisables même avec un matériel apparemment “limité”. Il était demandé, dans la mesure du possible, d'avoir au moins une vue avec des repères verticaux (murs, piquet, grue, fenêtre, arbres…) ou éventuellement horizontaux (horizon) afin de s'assurer de la position, de l'inclinaison des images de la Lune. Souvent une vue ”large” (avec repères) était complétée par un zoom dont la vue large atteste l'orientation (ou permet de la “corriger”).
Toutes les images, une fois sauvegardées, classées, nommées, permettent d'illustrer non seulement une lunaison en divers endroits du globe mais aussi de se rendre compte de phénomènes qui peuvent surprendre un observateur (très) peu averti : oui, on peut voir la Lune, « astre de la nuit », en plein jour ; non, l'arc du croissant de Lune ou de la demi-Lune n'est pas toujours bombé vers la droite, comme un “p” pour le croissant ascendant et le premier quartier (parfois vers la gauche, le haut, le bas, plus ou moins incliné)…
Les images issues de la mission “objectif Lune” ont toutes été renommées systématiquement sous la forme PP-AA-Lieu-1245-T-+05 selon la phase PP, l'auteur AA (voir la liste des observateurs), le site Lieu, l'heure locale en 4 chiffres sur 24h, le type T de vue, et la latitude Nord (+) ou Sud (−) au degré près. Pour plus d'informations, se reporter au fichier descriptif accompagnant l'archive complète des photographies (330 Mo).
Dans cet article, pour chaque photographie proposée issue de cette banque d'images, le nom de l'image d'origine est rappelé sur le cliché ou le montage, et l'auteur identifié par ses initiales.
Cette série de photographies constitue une base de données intéressante pour revoir et comprendre non seulement les phases de la Lune au cours d'une lunaison, mais aussi les images différentes de la Lune observables selon sa position sur Terre et l'heure d'observation.
La face visible de la Lune
La période de rotation de la Lune sur elle-même est égale à sa période de révolution. Cette synchronisation induit que la Lune présente toujours la même face à la Terre. La synchronisation des satellites est la situation générale des satellites des planètes du système solaire (à part Hypérion, petit satellite irrégulier de Saturne, à la rotation chaotique et résultant probablement d'un impact “récent”). Cette synchronisation résulte de l'effet de marée de la planète sur son satellite, effet qui induit une déformation qui, selon le mode d'explication choisi, 1/ dissipe de l'énergie de rotation du satellite par frottements dus à la déformation du satellite tant que le bourrelet n'est pas figé (le bourrelet reste dans l'axe satellite-planète alors que le satellite tourne sur lui-même) d'où un ralentissement de la rotation (perte d'énergie de rotation), ou 2/ provoque une force de rappel antagoniste à son mouvement d'entrainement par la rotation du satellite, et ceci jusqu'à ce que le satellite présente toujours la même face à sa planète (le bourrelet est alors face à la planète et la déformation est “figée”). Comme les autres satellites du système solaire, la Lune présente toujours la même face à sa planète, la Terre.
La Lune tourne autour de la Terre qui elle-même tourne autour du Soleil. La Lune tourne donc aussi autour du Soleil et ne lui présente pas toujours la même face. Il en résulte que la face visible de la Lune (pour un observateur terrestre) n'est pas toujours également “éclairée”.
Une Lune stylisée pour simplifier les schémas
Dans cet article les dessins explicatifs utilisent une Lune “stylisée” pour faciliter la représentation et aussi l'exercice de visualisation selon plusieurs points de vue entre lesquels il faut “jongler” : vues en projection sur l'écliptique dite “vues de dessus”, vues depuis le centre de la Terre ou depuis un point de sa surface, vues depuis le plan de l'écliptique avec “Lune vue par transparence” à travers la Terre.
Seuls quelques repères sont indiqués sur cette Lune simplifiée : une demi-sphère rouge est “posée” sur le pôle Nord, un cube blanc et un cône blanc sont “posés” aux extrémités, respectivement, Est et Ouest de la partie visible de l'équateur lunaire, et une demi-sphère blanche repose au centre de la face visible de la Lune.
Partons d'une position initiale de pleine Lune, alignement Soleil-Terre-Lune (figure ci-dessus). Au bout de 27,3 j, la Lune a effectué un tour complet autour de la Terre : l'axe Terre-Lune pointe dans la même direction dans un repère céleste (flèche rosée sur la figure). Mais alors, comme la Terre a progressé dans sa course autour du Soleil, la Lune n'est plus sur l'axe Soleil-Terre et sa face visible n'est pas totalement éclairée. Ce n'est qu'au bout de 29,5 j que la configuration initiale Soleil-Terre-Lune est à nouveau atteinte, on est alors à la pleine Lune suivante : il s'est écoulé une lunaison (durée entre deux phases lunaires identiques) aussi appelée mois lunaire (pour un Terrien).
De même, la Terre fait un tour sur elle-même en 23 h 56 min (journée synodique), mais se retrouve dans la même position face au Soleil au bout de 24 h (jour terrestre).
Par observation depuis le sol (photographie, télescopes au sol) ou depuis des satellites orbitant autour de la Terre sur une orbite proche (par exemple, le télescope Hubble), on voit donc toujours la même face de notre satellite naturel. Des photographies de haute résolution ont aussi été prises depuis des capsules spatiales ou satellites orbitant autour de la Lune (missions Apollo, LROC). Ces derniers permettent alors la construction de mosaïques de photographies représentant aussi bien la face “visible” de la Lune (near side of the Moon) que la face “cachée” de la Lune (far side of the Moon), ainsi que toute autre vue possible (vues polaires…). Notons que la caméra EPIC de la mission DSCOVR, depuis une position lointaine entre Terre et Soleil (à environ 1,6 millions de kilomètres de la Terre) a pu prendre une série de photographies montrant la Lune passant devant la Terre sur laquelle on voit donc la face “cachée” totalement éclairée, on est alors, pour un Terrien, en nouvelle Lune (face visible non éclairée par le Soleil).
Traditionnellement, dans les atlas ou photographies éducatives on montre la Lune telle que visible par un observateur situé au centre de son orbite, le Nord vers le haut (et donc l'Ouest à gauche et l'Est à droite). Cependant, en particulier dans les atlas à destination des seuls astronomes et dans les livres “anciens”, les dessins ou photographies peuvent être “renversés” c'est-à-dire proposés tels que vus à travers un télescope… situés dans l'hémisphère Nord.
Source - © 2011 NASA/GSFC/Arizona State Univ. | Source - © 2011 D'après NASA/GSFC/Arizona State Univ., modifiée |
L'appareil photographique à large angle de vue (Wide Angle Camera) de la mission LRO (Lunar Reconnaissance Orbiter) propose, en plus de cette vue de la face visible depuis la Terre (Nearside spectacular!), des mosaïques reconstituant la face cachée de la Lune mais aussi des vues sous différents angles (vues polaires…) sur les pages Farside! And all the way around ou The Far Side of the Moon -- And All the Way Around. L'équipage de la mission Apollo 17, en décembre 1972, a aussi pris des clichés de la Lune sous des angles inhabituels alors, durant leur retour sur Terre : Apollo 17 - Whole Moon View et Apollo 17's departing view of the Moon.
Des cartes ou clichés repérant mers, lacs et autres sites lunaires, en plus de la vue LROC annotée, sont disponibles par exemple sur les sites de National Geographic, de l'Observatorio ARVAL (Venezuela), d'Astronomie-02100 (en français mais avec des images comme vues depuis un télescope), en téléchargeant l'Atlas Virtuel de la Lune. On peut aussi se promener sur la Lune avec Google Earth en activant le mode “Lune” et ses divers calques, ou bien en visitant l'outil Quickmap du SSERVI de la NASA avec ses projections variées, son globe lunaire, ses images de différentes sources et résolutions, et ses données variées.
Les phases de la Lune, positions relatives Soleil-Terre-Lune lors d'un mois lunaire
On considère dans un premier temps que l'orbite de la Lune est sur le plan de l'écliptique (écliptique et plan orbital de la Lune sont donc confondus dans les dessins explicatifs suivants).
La figure ci-dessous représente les positions relatives Soleil-Terre-Lune au cours d'un mois lunaire ainsi que les phases de la Lune telles que vue depuis le centre de l'orbite lunaire (ou depuis le centre de la Terre).
Sur la figure ci-dessus, on a représenté, en haut, un mois lunaire vu sur le plan de l'écliptique en gardant la même position relative Soleil-Terre. En bas, sont représentées les phases de la Lune telles que vues depuis le centre de l'orbite lunaire ou par un observateur situé à la place de la Terre, debout sur le plan de l'écliptique, avec le Nord vers le haut, au cours d'une lunaison (ou mois lunaire).
Lors d'une lunaison, la Lune voit toute sa surface éclairée “successivement”, elle fait un tour sur ,elle-même vue depuis le Soleil : il s'agit d'une journée lunaire. Le centre de la ”face visible” (demi-sphère blanche) est à midi solaire lorsque toute la “face visible” est éclairée, c'est, pour un observateur terrestre, la pleine Lune.
Les différentes phases de la Lune, correspondant chacune à une position relative Soleil-Terre-Lune, se nomment nouvelle Lune (NL), croissant ascendant (CA), premier quartier (PQ), Lune gibbeuse ascendante (ou gibbus ascendant, LGA), pleine Lune (PL), Lune gibbeuse descendante (ou gibbus descendant, LGD), dernier quartier (DQ), croissant descendant (CD). On parlera ici de phase ascendante pour toute position comprise entre la nouvelle Lune et la pleine Lune suivante, et de phase descendante entre la pleine Lune et la nouvelle Lune suivante.
Remarquons ici aussi que la pleine Lune et les lunes gibbeuses, phases les plus “éclairées” et donc “voyantes”, sont du “côté nuit” de la Terre, ce qui explique l'association Lune-nuit… association tenace et répandue, mais totalement fausse et qui occulte les observations diurnes de la Lune. Observer la Lune de jour est accessible à chaque personne qui se donne la peine de lever la tête pour regarder le ciel aussi de jour (ou qui voit les horaires de lever et de coucher de Lune sur certains calendriers ou agendas). D'ailleurs, qui n'a jamais vu la Lune de jour… même en pensant parfois avoir juste vu un Soleil blafard ?
Observation d'un satellite depuis la planète autour de laquelle il orbite, de la théorie à l'observation de la Lune
Première approche
Un observateur terrestre n'est pas “posé” sur le plan orbital de la Lune comme l'observateur fictif de la figure précédente. Selon sa position sur Terre, la verticale de référence de l'observateur fait un angle différent avec le méridien de référence lunaire (méridien qui passe par le centre de la face visible et correspond au terminateur lors des premier et dernier quartiers).
Sur la figure suivante, l'observatrice est placée en 6 positions différentes sur un plan perpendiculaire à l'axe Terre-Lune. Cette observatrice se tient debout et nous indique ainsi sa verticale de référence et le “haut” (sa tête). Elle regarde en direction de la Lune en levant le bras droit ce qui repère la droite et la gauche de son champ de vision.
Afin de ne pas multiplier les dessins, nous nous plaçons uniquement en position de dernier quartier de Lune (DQ). Chacun pourra ensuite faire le même exercice de représentation avec tout autre moment de la lunaison.
Sur la figure ci-dessus, en haut à gauche, la vue de dessus nous montre les positions de l'observatrice. Lorsqu'elle est située sous le plan de l'écliptique (qui est aussi le plan orbital de la Lune dans ce schéma simplifié) et donc non visible directement, la position de l'observatrice est indiquée “par transparence” par une croix (positions e et f).
En haut à droite, on se place sur le plan de l'écliptique et on regarde la Terre avec la Lune en dernier quartier placée derrière et vue “par transparence”. Les diverses positions de l'observatrice sont alors en périphérie du disque terrestre, dans le plan du dessin. Les positions a et b sont sur le plan orbital de la Lune, c et d sont à la même hauteur Nord (latitude par rapport à ce plan), e et f sont au Sud de ce plan et à des latitudes différentes. Les positions d et e sont à la même hauteur par rapport au plan orbital de la Lune, mais de part et d'autre de ce plan. Remarquons que l'observatrice en position a et c voit la Lune de jour, alors que dans les autres positions l'observation est nocturne. À partir de cette vue, en tournant la tête ou en tournant le dessin, on peut se placer dans l'une des positions de l'observatrice et alors voir la Lune avec les repères haut/bas et droite/gauche relatifs à cette position d'observation.
Les images correspondantes à ce dernier quartier de Lune, pour chaque position d'observation, sont proposées en bas de la figure, avec à chaque fois une vue schématique (avec la Lune “stylisée”) et une vue plus “réaliste” (avec une demi-Lune éclairée et un fond d'observation indiquant une observation diurne ou nocturne).
- Pour les positions a et b, la Lune est inversée haut/bas (partie éclairée vers le haut pour a et vers le bas pour b) mais aussi droite-gauche (le pôle Nord lunaire est à droite pour a et à gauche pour b).
- Pour les positions c et d, le terminateur (limite jour/nuit sur la Lune) forme un angle de même valeur par rapport à leurs verticales respectives mais “penche” vers la droite pour c et vers la gauche pour d, avec une courbure imitant celle de la lettre “d” (comme dernier quartier).
- Pour les positions d et e situées à même hauteur de part et d'autre du plan orbital de la Lune, les images sont inversées haut/bas - droite-gauche.
- Pour les positions e et f, le pôle Nord lunaire est vers le bas et la hauteur par rapport au plan orbital lunaire augmentant, le dernier quartier “se redresse”… avec un terminateur à courbure semblable à celle d'un “p”, ”p”… pas comme dernier en tout cas.
Ci-dessus, on a considéré l'observation de la Lune au même instant depuis des positions terrestres différentes. Ainsi nous avons constaté que les images respectives de la Lune dépendent à un instant donné, de la position sur Terre de l'observateur. Qu'en est-il de l'observation de la Lune au cours du temps depuis un point donné de la Terre (en rotation autour de son axe) ?
Pour cela, considérons toujours le dernier quartier de Lune et observons-le lors du solstice de décembre. Cette configuration à un intérêt particulier car alors la Lune est dans la position qu'occupe le Soleil aux équinoxes. Il en découle que pour tout observateur, la Lune est visible pendant 12 heures (de même que le jour dure 12 heures aux équinoxes partout sur Terre), de minuit à midi (heures solaires)… et, de plus, les schémas correspondants sont plus faciles à réaliser et, espérons-le, à comprendre.
Au sujet des positions de solstices et d'équinoxes, on pourra consulter l'article Les saisons sur Terre sur CultureSciences Physique ou Planet-Terre.
La figure ci-dessus, comme la figure précédente, représente une vue de dessus et une vue depuis le plan de l'écliptique (qui est aussi le plan orbital de la Lune dans ce schéma simplifié) avec la Lune placée derrière la Terre et vue “par transparence”. On y suit deux observateurs, l'un situé à 40° de latitude (terrestre) Nord et l'autre à 15° de latitude (terrestre) Sud, de minuit (à droite de l'illustration) jusqu'à midi (à gauche). Les observateurs se déplacent alors sur leur petit cercle parallèle (demi-cercle du côté de la Terre faisant face à la Lune). Pour chacun, sont repérés leurs positions toutes les 3 h. Les positions de départ et d'arrivée sont sur la périphérie du disque terrestre vu depuis le plan de l'écliptique, comme pour la figure précédente. L'équateur, en rouge, aide à se repérer en latitude terrestre.
En bas, sont reportées les images de la Lune correspondant aux 2 observateurs pour les 5 horaires d'observation. Le secteur vert indique l'angle de “bascule” du terminateur par rapport à la position initiale.
Pour l'observateur situé à 40° de latitude Nord, le dernier quartier de Lune apparait toujours comme un “d”, très basculé vers la gauche au départ, puis qui se redresse et bascule vers la droite au cours du temps. Au total, le terminateur a basculé de 100°.
Pour l'observateur situé à 15° de latitude Sud, le dernier quartier est un “p” très penché vers la droite au départ, qui bascule ensuite complètement à gauche et, au final, en passant par un moment “couché” (non représenté, correspondant au passage de l'observateur sur le plan orbital de la Lune aux alentours de 11 h) va devenir un “d” basculé vers la droite, marquant ainsi le passage de l'observateur du Sud au Nord du plan orbital de la Lune. Au total, le terminateur a basculé de 130°.
Retenons donc que l'image de la Lune dépend de la position sur Terre de l'observateur (latitude terrestre) et de l'heure d'observation (dont dépendent la hauteur de l'observateur par rapport au plan orbital de la Lune et la position de sa verticale de référence).
En gardant une observation au solstice de décembre pour les différentes phases, la position de la Lune implique des temps d'observation depuis un site donné équivalents à la durée du jour lorsque le Soleil est dans la même position. Ainsi, premier et dernier quartier ont des temps d'observation de 12 heures (équivalents d'équinoxes solaires) alors que la nouvelle Lune (Lune et Soleil du même côté) sera un équivalent de solstice de décembre, donc visible plus longuement depuis l'hémisphère Sud que depuis l'hémisphère Nord. Enfin, la pleine Lune serait en position équivalente à un solstice de juin, avec alors une période d'observation plus longue dans l'hémisphère Nord.
Ajustements sélènes[1] et détermination de la phase lunaire observée
Jusqu'à maintenant, plan orbital de la Lune et plan de l'écliptique ont été considérés comme équivalents pour une première approche. En réalité, le plan orbital de la Lune est incliné de 5,1° par rapport au plan de l'écliptique (figure ci-dessous).
Ainsi, l'angle entre le plan orbital de la Lune et le plan de l'équateur terrestre (incliné de 23,4° par rapport au plan de l'écliptique) varie entre 28,5° (23,4+5,1) et 18,3° (23,4−5,1). De ce fait, les observateurs situés à plus de 28,5° de latitude sont toujours situés du même côté du plan orbital de la Lune, ceux situés à moins de 18,3° de latitude passent quotidiennement d'un côté à l'autre, alors que pour ceux situés entre 18,3° et 28,5° de latitude, cela dépend de la période de l'année et de la phase lunaire.
Du fait de l'image variable, de gauche à droite, de la Lune en fonction de sa position d'observation, comment reconnaitre à coup sûr la phase observée ? On peut se fier sans souci à la forme générale de la Lune (sa “silhouette”) si l'on est certain d'être au-delà de 28,5° de latitude, car alors la convexité de la bordure “externe” de la Lune suffit, que ce soit selon le repère “nordiste” (“p” pour la phase ascendante et “d” pour la phase descendante) ou “sudiste” (“d” pour la phase ascendante et “p” pour la phase descendante). La forme suffit aussi si l'on sait par ailleurs à quel type de repère se rattacher au moment de l'observation.
Mais dès qu'on distingue suffisamment bien la surface de la Lune pour y reconnaitre mers et cratères (voir la figure 9), il n'y a en fait aucune hésitation !
- En effet, lors de la phase ascendante, de la nouvelle Lune à la pleine Lune, le bord Est est toujours visible. Donc si on voit les mers de l'Est de la face visible (mers des Crises, de la Sérénité puis de la Tranquillité…) alors on est en phase ascendante.
- Pour la phase descendante, de la pleine Lune à la nouvelle Lune, c'est le bord Ouest qui est toujours visible, avec le cratère Grimaldi, l'Océan des Tempêtes, les mers des Humeurs et des Nuées, les cratères Képler et Copernic…
De plus, assez rapidement, dès que la position relative de plusieurs marqueurs lunaires sera visible et permettra de déterminer la position des pôles et de l'équateur lunaires, on pourra distinguer si les mers et cratères apparaissent comme sur la vue “classique” ”nordiste” [axe Nord-Sud lunaire avec le Nord vers le haut, et équateur lunaire avec l'Est vers la droite, voir la figure 8], ou de manière “inversée” “sudiste”, ce qui permettra de savoir si l'observateur est, respectivement, au Nord ou au Sud du plan orbital de la Lune (attention, si les observations sont faites au télescope sans “rectification” de l'image, on a une image renversée).
Pour en voir plus au sujet de l'orbite de la Lune, on pourra (re)lire Pourquoi la Lune sera-t-elle haute ? (sur CultureSciences Physique ou Planet-Terre).
Distinguer éclipses et phases de la Lune
Lors des éclipses, le corps observé est soit plongé dans l'ombre d'un autre corps (éclipse de Lune vue depuis la Terre, avec l'ombre de la Terre) soit occulté par un autre corps (éclipse de Soleil vue depuis la Terre, Soleil occulté par la Lune). Une éclipse de Soleil se produit lorsque la Lune se trouve sur l'axe Soleil-Terre, entre la Terre et le Soleil (donc en nouvelle Lune) et occulte brièvement le Soleil. Une éclipse de Lune correspond à un alignement Soleil-Terre-Lune avec la Terre entre les deux (donc en position de pleine Lune) qui passe brièvement exactement sur l'alignement Soleil-Lune. Terre et Lune étant sphériques, leurs ombres et formes vues depuis un autre corps sont des disques qui obscurcissent plus ou moins le corps lumineux éclipsé.
Dans le cas des phases de la Lune, si l'on a parfois des croissants lumineux, ils ne sont pas dus à l'ombre de la Terre. Pour s'en convaincre, il suffit de penser à la forme variable de l'ombre qui serait nécessaire pour expliquer les croissants de Lune (bordure de Lune et “ombre” de même concavité), les premier et dernier quartiers (“ombre” linéaire), et les lunes gibbeuses (bordure de Lune et “ombre” de concavités inverses). Les phases de la Lune sont bien liées à l'observation depuis des positions cycliquement variables dans l'espace de la limite jour/nuit sur la Lune lors d'une lunaison.
On pourra consulter l'article Pourquoi n'y-a-t-il pas deux éclipses par mois ? pour plus de schémas et de précisions.
Illustration par l'observation d'une lunaison (novembre 2019)
Pour la plupart des 107 images de cette mission d'observation, il est possible de réaliser une analyse par étapes.
- À l'aide de la carte simplifiée (figure 9), repérer quelques points remarquables et déterminer si l'on est en phase ascendante (bordure Est visible, avec les mers des Crises et de la Fécondité) ou en phase descendante (bordure Ouest visible avec le cratère Grimaldi, l'Océan des Tempêtes, la Mer des Humeurs), et donc quelle phase exacte on observe (croissant, quartier, Lune gibbeuse).
- Les repères à la surface de la Lune permettent aussi de placer l'équateur et le méridien de référence lunaires et donc de déterminer si l'observation est effectuée par un observateur situé au Nord du plan orbital lunaire (pôle Nord lunaire dans la demi-sphère lunaire supérieure) ou au Sud du plan orbital lunaire (pôle Nord lunaire dans la demi-sphère lunaire inférieure) (cf. figure 11 et figure 12).
Pour les quelques images présentées ci-dessous, on donne le résultat de l'analyse sans toujours tout détailler. Cela permet à chacun de s'entrainer avant de passer à l'analyse des images brutes d'observation proposées… voire à toute image de la Lune disponible.
Pour les très fins croissants, sans connaitre la position de l'observateur, la date et l'heure, il n'est pas évident de déterminer si l'on est en croissant ascendant ou descendant (voir figures 3 et 5, par exemple).
Pour déterminer si l'observateur est ou non au Nord du plan orbital (pôle Nord dans la moitié supérieure éclairée, bordure Est de l'équateur dans la moitié droite et Ouest dans la moitié gauche) on peut s'aider de la figure 9.
L'observation de la Lune, avec un “minimum” de géométrie dans l'espace, est un moyen simple d'aborder les questions d'orbite, de satellite et de position d'observation, et constitue un excellent complément de l'étude des saisons (cf. Les saisons sur Terre, répartition de l'énergie solaire et paramètres orbitaux sur CultureSciences Physique ou Planet-Terre).
Observations virtuelles
Stellarium (logiciel ou application) permet une observation virtuelle du ciel avec constellation, planètes mais aussi avec la Lune et ses phases (forme et “inclinaison” respectées). Il est possible de se placer où l'on veut sur Terre et d'observer un ciel passé, actuel ou futur. Très pratique pour préparer, “revivre”, compléter ou comparer (dans le temps et l'espace) des observations astronomiques.
Téléchargez le logiciel Stellarium, utilisez la version Stellarium en ligne ou téléchargez l'application Stellarium dans les dépôts Google Play, App Store, Aptoide ou autres.
Pour connaitre rapidement et simplement les heures de lever et de coucher et la phase de la Lune où que l'on soit, de nombreuses applications sont aussi disponibles sur votre plateforme d'application préférée (en combinaison ou non avec d'autres fonctionnalités pour le Soleil et les saisons)… en plus de nombreux sites, magazines ou livres qui proposent des calendriers lunaires plus ou moins complets.
Les observateurs et leurs clichés
Les observateurs dont une partie des images ont été présentées dans cet article sont, par ordre alphabétique des initiales utilisés en attribution des clichés : AB Agnès Boutraud (Lisbonne, Portugal), AE Alice Ergün (Valencia, Espagne), AP Alain Peurichard (Madrid, Espagne), CE Corinne Estupina (Ouagadougou, Burkina Faso), CJ Charlotte Jones (Nairobi, Kénya), EO Emmanuelle Ongaro (Singapour), FB François Boutaud (Canberra, Australie), HS Hélène Schwerer (Terrassa, Espagne), JN Jérôme Noellat (Nouméa, Nouvelle Calédonie, France), MJ Martial Jaume (Hong-Kong, Chine), OD Olivier Dequincey (Lyon, France), OK Oliver Kennedy (Wollongong, Australie), PD Paul Deparis (Kani Kéli, Mayotte, France), PT Pierre Thomas (Kourou, Guyane, France), PVC Perrine Valayer-Cariven (Bangkok, Thaïlande), VR Viviane Rakotoniaina (Tananarive, Madagascar).
Les 107 images sont mises à disposition dans l'archive à télécharger et peuvent être utilisées à des fins éducatives non commerciales en respectant l'attribution (nom de l'auteur, année – 2019 – et source – cet article).
Bibliographie
Observer la Lune, 62p, guide du site astrosurf
Atlas Virtuel de la Lune / Virtual Moon Atlas, logiciel à télécharger
Moon Fact Sheet, site de la NASA [compilation des paramètres physiques relatifs à la Lune]
The Moon, sur le site Views of the solar system de C.J. Hamilton