Article | 22/07/2004
Stratifications de type entrecroisées, analyses chimiques et fentes à parois indurées semblant impliquer la circulation passée d'eau liquide
22/07/2004
Résumé
Spirit est toujours dans la plaine basaltique aux abords des Columbia Hills et règle un problème technique. Opportunity progresse dans le cratère Endurance et découvre d'une part des figures de stratification ressemblant à des stratifications croisées et d'autre part des fentes bordées par des "murailles" en relief.
Table des matières
La "santé" des deux robots
Les deux robots continuent "tranquillement" leur travail. N'oublions pas qu'ils ont été prévus et construits pour fonctionner trois mois, et que cela fait six mois et demi qu'ils fonctionnent sans relâche. Opportunity n'a aucun problème technique. Spirit, lui, a un problème de roue. Sa roue avant droite "chauffe" et demande plus d'énergie à son moteur que les cinq autres roues (chacune des six roues motrices des robots a son propre moteur indépendant). C'est extraordinaire que seule une des six roues ait un problème, car Spirit a déjà parcouru 3,5 km, soit six fois plus que les 600 m initialement prévus. Le diagramme ci-dessous montre que l'intensité électrique nécessaire au fonctionnement du moteur a augmenté à partir du 126ème sol (2 km parcourus). Un repos avec chauffage a permis de redistribuer le lubrifiant le 161ème sol, mais n'a que partiellement amoindri le problème. Continuer à faire fonctionner cette roue risquait de tout bloquer. Et quand une roue avant droite ne fonctionne plus, un véhicule ne peut que tourner en rond. La NASA a donc opté pour la solution suivante : le robot progressera désormais en marche arrière, avec cinq roues motrices, la 6ème roue n'étant mise en marche que pour franchir des obstacles, soit environ 10% du temps. La NASA a testé cela sur plus de 10 m ; et ça marche ! Espérons que cela continuera le plus longtemps possible car, maintenant, la NASA a planifié l'ascension des collines, sur des pentes fortes.
Source - © 2004 NASA/JPL
Un autre problème va se poser bientôt : les deux robots se sont posés en été ; on est maintenant en automne, et l'hiver arrive dans deux mois. À ce moment là, le soleil sera plus bas sur l'horizon ; la charge des batteries par les panneaux solaires sera plus longue et les deux robots travailleront moins longtemps chaque jour.
Les nouvelles scientifiques de Spirit
Il y a peu de résultats nouveaux très intéressants. Ce qui est intéressant, c'est le programme des semaines qui viennent. Depuis bientôt sept mois, Spirit a parcouru 3,5 km dans une plaine basaltique. Il a parcouru une telle distance pour sortir de la plaine basaltique (en gris sur la carte ci-dessous) et pour arriver sur les terrains cartographiés en rose, qui représenteraient le substratum de la plaine de basalte et qui semblent constitués de terrains variés, incluant du matériel stratifié. Le robot est resté presque un mois au pied de ces collines. Il va maintenant commencer leur ascension. Le prochain objectif se trouve à droite et derrière le pic, au sommet des collines (voir figure ci-après). Il s'agit d'affleurements massifs, affleurements que va tenter d'atteindre Spirit, en marche arrière et avec cinq de ses six roues. Pour cela, il va lui falloir parcourir 200 m en pente en suivant le trajet prévu sur carte en 3 dimensions (trait noir sur la figure ci-dessous).
Source - © 2004 NASA/JPL/MSSS/ASU/New Mexico Museum of Natural History and Science, modifié | |
Source - © 2004 NASA/JPL/Cornell |
C'est aujourd'hui 22 juillet la plus grande étape de montagne du Tour de France : les difficultés que vont rencontrer les coureurs ne sont rien par rapport aux 200 mètres qui attendent Spirit.
Les nouvelles scientifiques d'Opportunity
Opportunity continue de travailler dans le cratère Endurance. Il avance prudemment. Voici son trajet sol par sol (un sol correspond à un jour martien, d'un peu plus de 24h) jusqu'au sol 169 (15 juillet) ainsi que les vues qu'il a prises tout autour de lui. Un panorama 360° résume l'ensemble de ses observations.
Source - © 2004 NASA/JPL/Cornell
Source - © 2004 NASA/JPL/Cornell | Source - © 2004 NASA/JPL |
Source - © 2004 NASA/JPL | Source - © 2004 NASA/JPL |
Source - © 2004 NASA/JPL
Il descend très lentement la colonne lithostratigraphique (voir la figure 10 des nouvelles martiennes de début juillet 2004), et effectue des analyses dans chacun des différents niveaux. Chacun des points blancs sur la coupe ci-dessous représente un site d'analyse. La NASA a publié un résultats très intéressant : la teneur en chlore augmente au fur et à mesure que l'on descend dans la coupe. Que faut-il penser de cette augmentation de la teneur en chlore ? La NASA indique également, sans indiquer de chiffres ni même l'instrument utilisé (Mössbauer ou spectromètre IR) que la teneur en pyroxène augmente aussi avec la profondeur. Quelle liaison peut-il y avoir entre chlore et pyroxène ? Il n'existe pas (sur Terre) de pyroxène chloré. Mais il existe des amphiboles contenant du chlore, un ion Cl- remplaçant un groupement OH-. On peut donc proposer plusieurs explications : soit l'augmentation en parallèle du chlore et du pyroxène n'est qu'une coïncidence (par exemple, augmentation de la teneur en pyroxènes volcaniques dans les cendres volcaniques resédimentées dans le lac et augmentation indépendante de la teneur en halite dans la matrice évaporitique), soit il ne s'agit pas de pyroxène, mais d'amphibole, soit autre chose encore.
Source - © 2004 NASA/JPL | Source - © 2004 NASA/JPL/Cornell/University of Mainz |
Outre ces analyses, Opportunity examine les affleurements de près et de loin. De loin, et avec l'angle de prise de vue qu'il a, Opportunity découvre des strates avec une géométrie entrecroisée et/ou oblique. Sur Terre, des stratifications avec cette géométrie et cette taille sont 2 fois sur 3 d'origine éolienne, mais une fois sur quatre dues à des courants fluviatiles ou marins.
Source - © 2004 NASA/JPL/Cornell | Source - © 2004 NASA/JPL/Cornell |
Et en "regardant" de près autour de lui, Opportunity voit toujours ces strates plus ou moins découpées en dalles par des fentes. L'origine de ces fentes et dalles est un problème depuis des mois. Un élément de réponse vient d'être trouvé. Ci-dessous on voit ces fentes, fentes bien dégagées en haut de l'affleurement, plus ou moins masquées par une fine couche de sable et de myrtilles en bas. Plusieurs images ci-dessous montrent l'une de ces fente, appelée Razorback par les géologues de la NASA. Ce site montre que certaines fentes sont bordées de "murailles en reliefs". Sur Terre, on connaît l'origine de telles structures : dans une fracture, de l'eau chargée de substances dissoutes a circulé (remontée par capillarité près de la surface, circulation plus ou moins hydrothermale dans des fractures plus profondes). Ces substances dissoutes se sont déposées (concrétionnement) sur les bords de la fractures et l'ont plus ou moins comblé. Si ces substances déposées sont plus résistantes à l'érosion (éolienne…) que l'encaissant, elles forment maintenant des reliefs en saillies. On a là une indication forte de plus que de l'eau liquide a existé sur Mars, en circulant dans des fissures dans ce cas précis. En cherchant bien avec sa caméra panoramique, Opportunity a trouvé d'autres structures semblables, qui semblent donc ne pas être exceptionnelles. La photographie en fausses couleurs de Razorback montre que ces concrétionnements linéaires n'ont pas la même réponse spectrale (couleur rosée) que les myrtilles (couleur bleue). De quoi sont constituées ces concrétions ?
Source - © 2004 NASA/JPL | Source - © 2004 NASA/JPL/Cornell | Source - © 2004 NASA/JPL/Cornell |
Source - © 2004 NASA/JPL/Cornell | Source - © 2004 NASA/JPL/Cornell | Source - © 2004 NASA/JPL/Cornell |
Et n'oublions pas que la saison s'avance sur le site d'Opportunity. En levant sa caméra, le robot voit les premiers nuages d'automne.
Ceci est le dernier épisode du feuilleton martien concernant les robots Spirit et Opportunity avant les vacances d'été. Rendez-vous à partir de septembre pour de nouveaux résultats, si tout va bien.