Article | 25/01/2010
Chute de météorites : flux et risques
25/01/2010
Résumé
Flux de météorites et surveillance des astéroïdes géocroiseurs.
Table des matières
La question de la dangerosité des météorites ou des bolides impactant la Terre est bien connue de tous, que ce soit par le biais de films de science fiction ou par l'hypothèse d'un impact géant pour expliquer la disparition des dinosaures.
Source - © 2009 Soutwest Research Institute (SwRI), Don Davis
Dangerosité des objets croisant l'orbite terrestre
Il existe un programme de surveillance des objets extraterrestres qui pourraient entrer en collision avec la Terre. Ce programme, est le NEO Program pour Near Earth Objects ou Objets Géocroiseurs. Les géocroiseurs sont l'ensemble des objets qui traversent l'orbite terrestre à un moment quelconque de leur histoire.
Si on va sur la page Close Approaches du NEO Program, on a la liste des objets qui sont réellement passés près de la Terre dans les 5 jours qui précèdent. On voit par exemple aujourd'hui (25 janvier 2010) que 10 objets sont passés « près » de la Terre entre le 17 et le 22 octobre : le plus gros (470 m à 1 km de diamètre) à environ 27 millions de kilomètres (plus de 70 fois la distance Terre-Lune), et le plus proche est passé à environ 880 000 km, Soit seulement 2,3 fois la distance Terre-Lune.
Source - © 2007 Japan Aerospace Exploration Agency (JAXA)
On distingue plusieurs types de géocroiseurs parmi lesquels :
- les NECs : comètes passant près de la Terre ;
- les NEAs : astéroïdes passant près de la Terre ;
- les Potentially Hazardous Asteriods : Astéroides Potentiellement Dangereux, ce sont les astéroïdes passant à une distance inférieure à 7 480 000 km de la Terre et dont le diamètre est supérieur à 150 m.
Ces astéroïdes sont scrutés en permanence lorsque cela est possible (leur faible taille et donc leur faible luminosité rend parfois impossible leur suivi) afin d'affiner leurs trajectoires orbitales et de calculer la probabilité qu'ils ont de heurter la Terre. Cependant, cela ne veut pas dire qu'ils s'écraseront effectivement sur Terre. À l'heure actuelle, 145 astéroïdes sur les 6398 objets géocroiseurs détectés ont été répertoriés comme dangereux. Le plus petit astéroïde géocroiseur découvert fait environ 3 mètres de diamètre.
Le plus gros danger de « surprise », ce ne sont pas les astéroïdes, qui, venant de « pas très loin » et d'une zone connue (la ceinture principale dans le plan de l‘écliptique) sont faciles à traquer, identifier, recenser, suivre … D'ici quelques années, l'inventaire total devrait être achevé, au moins pour les moins petits. Les « mauvaises » surprises pourront venir des comètes dont certaines viennent de beaucoup plus loin, et de toutes les directions du ciel (hors écliptique). On ne pourra découvrir ces comètes qu'au "dernier moment".
À partir des différentes observations, chaque paramètre de l'astéroide est déterminé : trajectoire, diamètre, vitesse, date(s) de rencontre probable(s), probabilité de rencontre. À partir de ces données, la dangerosité de l'astéroïde est ensuite placée sur l'échelle de Torino qui va de 1 à 10. À l'heure actuelle, l'objet le plus dangereux est classé au barreau 1 de l'échelle de Torino : il s'agit de l'astéroïde 2007 VK184. Cependant, nous avons le temps puisque l'impact potentiel n'est prévu qu'entre 2048 et 2057.
Source - © 2009 NEO Program, NASA
Répartition de la taille, de la masse et du nombre d'objets tombant sur Terre chaque année
Lors de son entrée dans l'atmosphère, ce qui peut devenir une météorite doit d'abord traverser l'atmosphère. La présence de cette atmosphère induit des frottements sur les bordures de la météorite qui entraînent une ablation progressive du corps rocheux. Ces frottements sont aussi attestés par la lumière produite lors de la traversée de l'atmosphère.
Étant donné la pression atmosphérique qui existe sur Terre, les modèles les plus récents montrent que les corps ayant une masse inférieure à 10 kg à leur arrivée au sommet de l'atmosphère terrestre seront complètement désintégrés sous la forme de leurs atomes constitutifs au cours de leur traversée (incomplète) de l'atmosphère (cf. Hugues, Space Science Review, 1992). Une météorite banale, telle une chondrite, de 10 kg fait 15 cm de diamètre. Cela signifie que l'ablation fait disparaître une épaisseur de 7 à 8 cm Ainsi, les météorites qu'on peut retrouver au sol avaient au départ une masse supérieure à 10 kg et une taille supérieure à 15 cm de diamètre avant leur entrée dans l'atmosphère. Cependant, les météorites de très petite taille (dites micrométéorites), ayant une masse inférieure à 1 ng (10-9 g) "survivent" à leur passage quasiment sans altération, car elles présentent un rapport surface / volume très grand et tel qu'elles peuvent être ralenties efficacement sans être trop chauffées.
Pour les météorites ayant une masse supérieure à 10 kg avant leur entrée dans l'atmosphère, l'ablation subie dans l'atmosphère n'est pas suffisante ; on pourra les retrouver au sol. Les plus petites, avec une énergie cinétique faible, sont efficacement ralenties et arrivent au sol avec une vitesse de quelques centaines de km/h, la même que celle d'un parachutiste... qui a oublié son parachute (loi de Stockes). Le freinage ralentit la vitesse de chute mais aussi les frottements donc l'ablation, lorsque la vitesse a suffisamment diminué.
Pour les météorites les plus grosses, le ralentissement est négligeable. La vitesse d'arrivée, voisine de 17 km/s, est telle que la météorite créée un cratère et est le plus souvent complètement vaporisée au cours de l'impact. Afin de déterminer le nombre d'objets tombant sur Terre en fonction de leur masse, des scientifiques comme Grieve et Dence, en 1979, ont procédé par simple comptage. Ils ont regardé la taille des cratères laissés par les chutes passées sur les grands cratons de l'Amérique du Nord et de l'Europe et ont pu en déduire, avec l'aide des calculs fait par leur collègue Hugues, une loi reliant la masse, et donc approximativement la taille, de la météorite et le nombre de chutes au cours des temps géologiques. Ils observent qu'il y a 10 fois plus de particules avec des masses comprises entre 104 et 105 g que de particules avec des masses comprises entre 105 et 106 g.
Source - © 1992 Hugues, Space Science Review
Cependant, si ces grosses météorites ne sont que peu freinées lors de leur entrée dans l'atmosphère, d'autres paramètres s'ajoutent, notamment la fragmentation. Cette fragmentation concerne différemment les météorites selon leur nature et leur cohérence. Aux extrêmes, les météorites métalliques sont peu susceptibles de fragmentation alors que les comètes seront facilement fragmentées. Ainsi, la météorite initiale va se casser en de plus petits morceaux qui peuvent, eux, être ralentis puisqu'ils offrent un rapport surface/volume plus grand (pour une sphère le rapport surface/volume est proportionnel à l'inverse du rayon, il augmente donc lorsque le rayon diminue) et sont donc soumis de façon plus importante aux frottements. Le suivi de la chute de la météorite de Zvolen a permis de souligner d'une part l'influence de la fragmentation mais aussi de quantifier le rapport entre la masse entrant dans l'atmosphère et la masse arrivant effectivement au sol. Bien que dépendant fortement de la vitesse d'entrée de la météorite, les observations ont permis de proposer une masse entrante de l'ordre de 230 kg pour une masse totale des fragments retrouvés sur Terre d'environ 1 kg.
Source - © 1992 Hugues, Space Science Review
Un avion peut-il être impacté par une météorite ?
C'est peu probable. L'année dernière, l'astéroïde 2008 TC3, de très petite taille (2 à 5 m de diamètre initial), est tombé sur Terre, au Soudan. Cet astéroïde avait été repéré 19 heures avant l'impact et la trajectoire avait été prédite. Il est donc possible de changer les plans de vol des avions (ce qui, ici, n'a pas été fait, la chute de l'astéroïde a même été observée par un pilote d'un avion Air France-KLM).
Si un astéroïde plus gros croisait potentiellement l'orbite terrestre, il aurait de bonnes chances d'être dans la base de données du programme NEO. Par exemple, s'il s'agissait de la météorite de Zvolen dont nous avons parlé précédemment, sa masse initiale étant de 230 kg, cela implique un diamètre initial d'environ 25 cm. Arrivée à l'altitude d'un avion de ligne (10 km) sa vitesse n'est plus que de 6 km/s, elle pèse environ 5 kg (d'après l'exemple de Zvolen ci-dessus) et s'est fragmentée en plusieurs morceaux. À supposer que ces 5 kg soient concentrés en 5 fragments égaux de 1 kg chacun, il est possible de calculer la taille du trou laissé par l'impact d'un fragment via une loi proposée par Jay Melosh et ses collaborateurs qu'on appelle loi du PI-SCALING. En utilisant cette loi, on peut montrer que le trou vaudrait environ 1 m de diamètre s'il arrive à transpercer la carlingue. Reste à savoir si cela est suffisant pour faire s'écraser un avion…
L'avion volant pendant 10 heures, on peut déterminer la probabilité qu'il a d'être impacté par une météorite de cette taille ou plus grosse puisqu'on sait qu'il en arrive à peu près 10 000 par an sur la surface de toute la Terre (d'après la figure 6). Pour notre avion qui fait environ 50 m de long et 10 m de large, il a une probabilité d'être touché par une météorite pendant ces 10 h de vol de 1 chance sur un million de milliards (10-15). Vous avez donc 100 000 fois plus de chance de gagner au Loto "6 chiffres" (cf. note ci-dessous) que de risque d'être touché par une météorite pendant un vol de 10 h. Ouf !
Pour un Loto avec grille de 6 "chiffres" parmi 49, la probabilité, en jouant pour un seul tirage, de gain maximal est de 1/49x48x47x46x45x44 ~ 10-10, soit une chance sur 10 milliards. Le nouveau Loto avec 5 "chiffres" parmi 49 et 1 supplémentaire parmi 10 fait monter la probabilité de gain maximal à 1/49x48x47x46x45x10 ~ 4,4.10-10 !... ce qui, bien que peu probable, reste 23 000 fois plus probable que d'être atteint par une météorite d'un kilogramme pendant un vol de 10 heures.