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Galets imbriqués et autres faciès sédimentaires dans les terrains glaciaires (au sens large) de l'Est Lyonnais

26/09/2022

Auteur(s) / Autrice(s) :

  • Pierre Thomas
    Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Publié par :

  • Olivier Dequincey
    ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Affleurements péri-glaciaires ou fluvio-glaciaires le long du canal de Miribel-Jonage (Jons, Rhône).


Zoom sur des lits de galets arrondis imbriqués alternant avec des lits de sable, visibles dans des terrains glaciaires sensu lato (glaciaire sensu stricto, fluvio-glaciaire, péri-glaciaire…), Jons (Rhône)
Figure 1. Zoom sur des lits de galets arrondis imbriqués alternant avec des lits de sable, visibles dans des terrains glaciaires sensu lato (glaciaire sensu stricto, fluvio-glaciaire, péri-glaciaire…), Jons (Rhône)

Les galets sont dits “imbriqués” quand, comme ici, ils sont statistiquement orientés et disposés comme les tuiles d'un toit, chaque tuile haute chevauchant partiellement la tuile basse. Une telle orientation des galets est due à leur dépôt par un courant, ici de gauche à droite (d'Est en Ouest). Cet affleurement se situe juste au Nord de la commune de Jons (Rhône) sur les bords du canal de Miribel-Jonage (qui double le Rhône), à 20 km à l'Est du centre de Lyon et à 10 km au Nord de l'aéroport Saint-Exupéry.

Localisation par fichier kmz des affleurements de terrains glaciaires à galets imbriqués de Jons (Rhône), au bord du canal de Miribel-Jonage.

Les terrains montrés dans les photographies précédentes et dans celles qui suivent sont dits « glaciaires », en particulier sur les légendes et notices de la carte géologique de Montluel à 1/50 000(lien externe - nouvelle fenêtre) et de celle de Lyon à 1/250 000 (voir figure 11). Attention, “terrain glaciaire” ne veut pas forcément dire “moraine”. Maurice Gidon dans son site Geol-Alp(lien externe - nouvelle fenêtre) définit ainsi les dépôts morainiques : « Les caractéristiques principales des dépôts morainiques sont l'hétérométrie et le désordre des éléments que l'on y rencontre. "Hétérométrie" : les éléments sont de tout calibre, depuis les colloïdes argileux jusqu'à des gros blocs (parfois plurimétriques), en passant par les graviers et les cailloux de toutes tailles. De plus les éléments arrondis se mêlent sans distinction aux éléments anguleux. Dans le Bas Dauphiné et la région lyonnaise une partie des éléments arrondis correspond à des galets arrachés aux conglomérats du bedrock rocheux (la molasse miocène). Une autre partie, sans doute la plus importante, est due à l'incorporation des apports latéraux par les cours d'eau descendant des pentes de la vallée glaciaire. "Désordre" : les éléments sont de nature et donc de provenances très diverses ; ils ne sont pas triés ni organisés en strates mais mélangés en vrac et en proportions variables d'un point à un autre. »

À côté des moraines déposées par les glaciers, il y a tout le monde de terrains fluvio-glaciaires où des cours d'eau (souvent issus de la fonte du glacier) ont érodé, remaniés, transporté, redéposés… des éléments morainiques. Il peut alors y avoir tri granulométrique, dépôt en strates, arrondissement des galets… En toute rigueur, ce remaniement peut même avoir lieu localement sous le glacier s'il existe un important réseau de torrents sous-glaciaires.

Ce qu'on voit dans les photographies prises sur le bord du canal de Jonage ne correspond absolument pas à la description de Maurice Gidon, puisqu'on voit très bien que les sédiments sont triés, organisés en strates, sans aucun blocs anguleux…

L'interprétation se complique encore si on lit la notice de la carte géologique de Montluel à 1/50 000 qui écrit ceci :

Complexes morainiques. Sous le vocable de moraines sont rassemblés tous les terrains alluviaux liés directement aux glaciers à l'exception des alluvions fluvio-glaciaires où l'intervention des eaux courantes de fusion est prépondérante. Les deux faciès principaux sont :

  • les moraines argileuses (argile à blocaux) de caractère hétérométrique depuis l'argile jusqu'aux blocs erratiques et à galets striés fréquents ; elles tirent leur origine principale des moraines d'ablation (= de surface) du glacier vivant ; comme telles, elles sont souvent superposées au faciès ci-après mais elles correspondent aussi aux moraines de fond ;

  • les moraines caillouteuses (= moraines à éléments calibrés) ont une structure en lits réguliers dont les éléments sont calibrés et orientés ; ce caractère leur confère un faciès pseudo-fluviatile, source de confusion, mais la structure n'est pas entrecroisée ; elles proviennent des moraines feuilletées (internes). On a jadis souvent désigné ce faciès caillouteux sous les termes locaux de « Préglaciaire » ou « alluvions grises » en le confondant avec des alluvions véritablement fluvio-glaciaires. Bien sûr existent aussi des formations sous-glaciaires, des kames (terrasses adventives), des dépôts glacio-Iacustres, etc. qui font partie du complexe morainique non différencié sur la carte.

Une monographie de Louis David (datant de 1967) sur les Formations glaciaires et fluvio-glaciaires de la région lyonnaise(lien externe - nouvelle fenêtre) montre la complexité du problème.

Les conditions locales d'affleurement, qui, sur la commune de Jons, ne sont que des affleurements ponctuels et limités (voir figure 8), ne permettent pas localement de trancher entre les diverses hypothèses proposées. Nous vous montrons maintenant des images d'un autre affleurement situé à 150 m du précédent sur le bord du même canal de Miribel-Jonage (figures 9 à 14) et qui permet de tirer les mêmes conclusions que le premier affleurement. Ces deux affleurements appartiennent à la formation légendé FGx5 (nappe alluviale fluvio-glaciaire wurmienne, stade de Grenay) sur la carte au à 1/50 000 et Gx (dépôt glaciaire rissien) sur la carte à 1/250 000. Nous ne chercherons pas à replacer ces terrains dans le complexe glaciaire risso-wurmien. Nous allons donc simplement étudier ces deux affleurements pour en tirer des conclusions locales, puis nous regarderons quelques photographies aériennes et cartes géologiques du secteur (carte géologiques vieilles de plus de 40 ans) pour replacer ces affleurements dans leur contexte.

Extrait de la carte géologique à 1/250 000 de Lyon au niveau des affleurements de Jons, localisés par l'astérisque rouge
Figure 18. Extrait de la carte géologique à 1/250 000 de Lyon au niveau des affleurements de Jons, localisés par l'astérisque rouge

D'après cette carte géologique, ces affleurements sont constitués de « glaciaire rissien », noté Gx, bien que ressemblant beaucoup à des terrains fluvio-glaciaires. Toujours d'après cette carte, ces terrains rissiens Gx sont surmontés de terrains fluvio-glaciaires wurmiens FGy. La ligne en pointillé bleu clair correspond à la limite occidentale d'extension des glaciers wurmiens (limite notée sur la carte mais renforcée ici pour en accroitre la visibilité). À l'Est de cette limite, la carte indique des terrains noté Gy, terrain appelé « glaciaire wurmien ». Les observations de terrains et les interprétations qui en ont découlé lors de l'établissement de cette carte vieille de plus de 40 ans (carte publiée en 1980) nécessiteraient peut-être d'être reprises.

Zoom arrière sur la carte géologique de Lyon à 1/250 000
Figure 19. Zoom arrière sur la carte géologique de Lyon à 1/250 000

Les affleurements de Jons sont localisés par l'astérisque rouge. La ligne en pointillé bleu clair correspond à la limite occidentale d'extension des glaciers wurmiens. La ligne en pointillé bleu foncé correspond à la limite occidentale d'extension des glaciers rissiens. Le trait noir épais correspond aux limites de la prolongation orientale du bassin carbonifère de Saint-Étienne, bassin houiller masqué sous des terrains méso-cénozoïques.

Pic noir (Dryocopus martius) “picorant” juste à coté de l'affleurement de la figure 9, Jons (Rhône)
Figure 20. Pic noir (Dryocopus martius) “picorant” juste à coté de l'affleurement de la figure 9, Jons (Rhône)

Se promener le long du canal de Miribel-Jonage permet de faire de belles observations non seulement géologiques mais aussi ornithologiques.

Localisation de Jons et du canal de Miribel-Jonage sur la carte géologique de France à 1/1 000 000
Figure 21. Localisation de Jons et du canal de Miribel-Jonage sur la carte géologique de France à 1/1 000 000