Image de la semaine | 19/09/2011
Farine glaciaire et recul des glaciers, massif des Grandes Rousses (Isère)
19/09/2011
Résumé
Lait des glaciers et farine glaciaire dans les Alpes.
La glace des glaciers et les sables et blocs qu'elle contient rayent, abrasent et polissent les roches du fond et des bords de la vallée où elle progresse. Cette abrasion génère une fine poudre de roche broyée (< 50 μm), poudre qui peut localement rester collée sur la roche, entre le substratum et la glace, là où la roche est légèrement en creux. Dans ces endroits présentant une légère dépression, non seulement la glace frotte moins qu'ailleurs, mais elle a tendance à y accumuler la poudre résultant de l'abrasion en amont. . Cette roche broyée est appelée « farine glaciaire ». Cette farine est rarement connue en place, puisqu'elle se trouve sous le glacier. On ne la connaît le plus souvent qu'en suspension dans les eaux de fonte glaciaires, en particuliers des torrents qui s'échappent du front. Cette farine en suspension dans ces eaux de fonte donne le « lait des glaciers », eaux blanchâtres si caractéristiques des torrents et lacs glaciaires (cfPolis, stries glaciaires et blocs erratiques à Central Park, New York (USA), Fig. 14, et cet article, Fig. 11 à 15). Ce lait des glaciers est d'ailleurs un problème pour les exploitants d'énergie hydroélectrique, car cette suspension est particulièrement abrasive pour les turbines.
Des placages de farine glaciaire peuvent être découverts par le recul des glaciers, particulièrement rapide depuis quelques années car le recul des glaciers va en s'accélérant. Ces placages de poudre cohérente mais non consolidée sont éphémères, et les gros orages et tempêtes les feront disparaître en quelques années ou décennies. On pouvait en observer en été 2007, près du front du glacier des Quirlies dans les Grandes Rousses (près de l'Alpe d'Huez, Isère). Les glaciers des Grandes Rousses, comme tous ceux de (relativement) basse altitude (les Grandes Rousses ne culminent qu'à 3468 m au Pic de l'Étendard) étant particulièrement sensibles au réchauffement climatique actuel.
Le retrait généralisé de tous les glaciers des Alpes permet, hélas, de trouver de plus en plus d'affleurements où l'on voit cette farine en place. Les trois images suivantes montrent 3 zooms différents sur un affleurement au pied du glacier de Largentière dans le massif du Mont Blanc.
On peut apprécier et mesurer ce recul récent des glaciers des Alpes en restant chez soi, grâce en particulier à certaines fonctions de Google Earth. Avec Google Earth, on peut avoir image et carte géologique avec exactement le même mode de projection. On peut donc comparer la position du front d'un glacier entre la date de la prise de vue de l'image et celle de l'élaboration de la carte géologique, ou plus précisément l'élaboration du fond topographique IGN utilisé par les géologues. Le glacier des Quirlies est sur la carte BRGM de La Grave, publiée en 1976 et utilisant un fond topographique de 1972.
De plus, depuis qu'il existe, Google Earth commence à changer ses images pour en mettre de plus récentes, ou avec une meilleure résolution. D'autre part, avec la fonction « images historiques » qu'on trouve en passant par « Affichage », on peut avoir accès aux différentes images prises à différentes dates, quand elles existent. Un certain pourcentage de la France peut donc être vu avec Google Earth à plusieurs dates successives. Le glacier des Quirlies est géographiquement « à cheval » sur 2 images qui le traverse longitudinalement. Pour le Sud du glacier, Google Earth ne fournit qu'une image, qui date de 2003 (a priori du début de l'été). Par contre, le Nord du glacier est imagé par 2 images, une de 2003 et une de 2006 (a priori datant de la fin de l'été). Cela rend la comparaison des positions du front du glacier délicate, d'autant plus ce front est encombré de moraines qui le rendent assez difficile à distinguer avec précision. Mais, à quelques kilomètres de là s'étend le glacier de Saint Sorlin. Ce dernier se trouve en entier et sur les photos de 2003 et sur celles de 2006. On peut donc, avec Google Earth, connaître l'extension du glacier de Saint Sorlin en 1972 (fond topographique de la carte géologique), en 2003 et en 2006 (images Google Earth).