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Article | 10/05/2005

Encelade, Titan, anneaux et autres satellites de Saturne : nouvelles de Cassini de février à mai 2005

10/05/2005

Pierre Thomas

ENS de Lyon - Laboratoire des Sciences de la Terre

Florence Kalfoun

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Un nouveau satellite à l'intérieur de la division de Keeler, interactions entre ce satellite et les particules de la bordure des anneaux voisins. Mise en évidence de la présence d'une atmosphère ténue et de poussières autour d'Encelade. Analyse de l'atmosphère de Titan riche en macromolécules organiques.


Que s'est-il passé dans la banlieue de Saturne depuis notre dernier article du 22 février 2005 ?

Encelade a été survolé le 9 mars 2005, Titan a été survolé deux fois, les 31 mars et 16 avril 2005, et d'autres satellites ont été photographiés, mais uniquement de loin.

Les anneaux et quelques satellites

Cassini est en orbite autour de Saturne. Il passe donc périodiquement plus ou moins loin de Saturne, au-dessus ou au-dessous du plan des anneaux, près de tel ou tel satellite…

Le 28 février 2005, il a traversé le plan des anneaux, et a pu en prendre une image par la tranche, ce qui révèle leur extrême minceur (largement moins de 1 km). On voit également, dans ce plan des anneaux (confondu avec le plan équatorial) deux satellites, Dioné et Encelade.

Figure 1. Les anneaux de Saturne vus par la tranche le 28 février 2005

Dans le plan des anneaux, Dioné est à gauche et Encelade à droite. En haut, on voit très bien l'ombre des anneaux sur le globe de Saturne.


Les 1er et 2 mai 2005, Cassini a découvert un nouveau satellite à l'intérieur de la division de Keeler (Keeler gap), une des divisions les plus externes de l'anneau A (ci-dessous). Ce nouveau satellite, qui n'a pas encore reçu de nom officiel, a un diamètre de 7 km.

Position du Keeler gap où vient d'être découvert un nouveau petit satellite de Saturne

Figure 2. Position du Keeler gap où vient d'être découvert un nouveau petit satellite de Saturne

B indique la partie externe de l'anneau B, A l'ensemble de l‘anneau A, DC et DE indiquent respectivement les divisions de Cassini et de Encke. DK indique la division de Keeler, large de 250 km et à peine visible sur cette vue générale des anneaux.


L'intérêt de cette découverte n'est pas le enième nouveau petit satellite, ni même un satellite interne à une division (on connaissait Pan à l'intérieur de la division de Encke, cf fig 12 dans l'article du 26 juillet 2004 sur les anneaux de Saturne), mais les interactions entre ce satellite et les particules de la bordure des anneaux. La figure 3 montre un gros plan sur cette division de Keeler. Le point blanc du centre représente le nouveau satellite interne. On note que le bord interne de cette division est ondulé à gauche du satellite, mais régulier à droite ; pour le bord externe, c'est l'inverse, ondulé à droite mais régulier à gauche.

Gros plan sur la division de Keeler (bande noire au milieu de l'image), son satellite (point blanc au centre) , et les ondulations de ses bordures

Figure 3. Gros plan sur la division de Keeler (bande noire au milieu de l'image), son satellite (point blanc au centre) , et les ondulations de ses bordures

La flèche rouge indique la vitesse du satellite ; les flèches bleue et verte indiquent la vitesse des particules des anneaux en limite de la division de Keeler. La longueur des flèches est proportionnelle à la vitesse.


On savait déjà que les bords de la division de Encke étaient ondulés (voir fig 16 de l'article du 26 juillet 2004 sur les anneaux de Saturne). On voit maintenant que ces ondulations sont clairement liées à la présence d'un satellite. Le nouveau satellite, comme les particules des anneaux, suivent bien sur les lois de Kepler : les particules internes (flèche bleue) vont plus vite que le satellite (flèche rouge) qui va lui même plus vite que les particules externes (flèche verte). À droite, les particules du bord externe de la division viennent de se faire doubler par le satellites, ce qui ondule la limite anneau-division. À gauche, les particules du bord externe de la division ne se sont pas encore fait doubler, et la limite anneau-division est régulière. La situation est inverse pour le bord interne : à gauche, les particule de ce bord interne viennent de doubler le satellite, et la limite anneau-division est ondulée ; à droite, les particules de ce bord interne n'ont pas encore doublé le satellite, et la limite anneau-division est régulière.

Pour voir un petit film illustrant cela cliquez ici.

Une belle preuve de l'interaction gravitationnelle complexe entre satellite et anneaux !

Les mois qui viennent seront très pauvres en survols de satellites. En effet, cette période est une des trois périodes principalement dévolues à l'étude des anneaux. Ces anneaux seront étudiés pendant plusieurs révolutions de Cassini dont l'actuel plan orbital fait un angle de 23° avec le plan des anneaux. Une deuxième tranche d'étude des anneaux est prévue en hiver 2006-2007, avec des orbites inclinées de 53° par rapport aux anneaux. Une troisième tranche aura lieu en été 2008, avec un angle de 80° ; les anneaux seront alors observés presque perpendiculairement.

Une moisson d'images et de résultats en perspective !

En orbitant ainsi autour de Saturne, Cassini assiste à des rapprochements apparents étonnants. Ainsi, le 20 février 2005, Rhéa, Dioné et Cassini se sont trouvés parfaitement alignés pendant quelques minutes. Cassini a donc pu photographier une "éclipse" de Rhéa par Dioné (figure 4).


Le 30 mars 2005, Cassini s'est approché à 74.600 km d'un "petit satellite", Épiméthée, de 116 km dans sa plus grande dimension, et orbitant entre les anneaux F et G. Épiméthée est assez sombre, avec deS couleurs allant du rougeâtre au bleuté (figure 5). Variation de la composition chimique, ou effet photométrique dû à la variation de l'angle d'éclairement ?


Encelade

Depuis février, Cassini ne s'est approché significativement que d'un seul des six satellites de taille moyenne, Encelade, survolé le 9 mars 2005.

Les images prises confirment l'extrême complexité de ce satellite de 500 km de diamètre (voir l'article du 24 février 2005 sur Titan et Encelade), mais ne permettent pas plus de comprendre dans le détail cette géologie "délirante" ni la cause de cette activité "débordante".

Voici une sélection de quelques images, et leur commentaire "à chaud".

Figure 6. Vue des ¾ du globe d'Encelade, en "couleurs naturelles"

Même à cette échelle, on devine la complexité de la géologie "enceladienne".


Les trois figures suivantes montrent trois vues obliques et rasantes de l'horizon enceladien. La première (figure 7) montre des terrains affectés de rides et sillons ; la deuxième (figure 8) montre des failles et structures ressemblant à de l'écoulement visqueux ; la troisième (figure 9) montre un cratère qui semble s'être fait sur un terrain "mou" et semble avoir entraîné des phénomènes de rebond, rappelant ce que fait un objet tombant dans un liquide.

Les trois figures suivantes illustrent, en vue verticale, la complexité de cette géologie enceladienne.



Figure 12. Détail de cratères d'impact sur Encelade

Cette image montre un bombement central au cratère, ainsi qu'un curieux réseau de fractures qui semble cantonné aux cratères. Les "rayures" horizontales en bas à droite sont dues à un problème de transmission des données entre la sonde et la Terre


Si les images du 9 mars n'apportent pas de "révolutions" sur les mystères géologiques d'Encelade, ce survol a apporté une donnée nouvelle fondamentale : Encelade a une atmosphère ténue, et est entouré de "poussières".

Cette atmosphère n'a pas été détectée directement, mais par la déviation que sa présence occasionne sur le champ magnétique de Saturne, ainsi que par des oscillations de l'intensité de ce champ. Ces oscillations du champ magnétique seraient dues à la présence d'ions progressant en spiralant le long des lignes de champ. Il est probable que ces ions détectés soit constitués de vapeur d'H2O ionisée.

Pour écouter le son tiré du magnétomètre de Cassini cliquez ici puis sur le graphique de la page obtenue.

La présence d'une atmosphère, même très ténue, autour d'un si petit corps à la gravité extrêmement faible pose un problème majeur : cette gravité est tout à fait incapable de maintenir une atmosphère autour d'Encelade. Il y a donc sur Encelade une source importante et actuellement active de vapeur d'H2O pour "entretenir" cette atmosphère. En s'échappant, cette atmosphère alimenterait d'ailleurs l'anneau E qui serait fait de fines particules de glace (voir la partie sur Encelade dans l'article du 24 février 2005).

Cette source d'H2O serait due à un volcanisme "actif", volcanisme crachant de l'eau sur ce satellite de glace. L'origine de l'énergie, cause de ce volcanisme, est bien énigmatique. Seules des interactions gravitaires entre les différents satellites pourraient en être à l'origine, mais rien n'est sûr. Voici ce qu'en dit la NASA avec sa légitime prudence habituelle « It's possible, the scientists say, that tidal interactions between Enceladus and Mimas, one other moon of Saturn, have heated Enceladus' interior causing water volcanism ». Encelade serait donc un 'petit Io saturnien'.


En plus d'avoir découvert une atmosphère, Cassini a trouvé qu'il y avait beaucoup de poussières dans la banlieue d'Encelade (voir le communiqué de presse du 26 avril 2005). Pendant quelques dizaines de minutes lors des deux survols (le 17 février 2005 à 1167 km et le 9 mars 2005 à 500 km), Cassini a détecté un flux de poussières (de glace probablement, ou de matière organique, la NASA ne le dit pas encore). On ne sait pas encore si ces poussières sont directement reliées à Encelade ou si elles appartiennent à l'anneau F.

Deux prochains survol d'Encelade sont programmés, le 14 juillet 2005 et le 12 mars 2008. Le 14 juillet 2005, le survol est normalement prévu à 1000 km d'altitude. Pour en savoir plus sur Encelade en général, cette atmosphère et ses poussières en particulier, la NASA envisage de dévier la sonde pour qu'elle ne survole Encelade qu'à 175 km d'altitude. Affaire à suivre, donc.

Titan en infra-rouge

Lors des trois premiers survols rapprochés (26 octobre 2004, 13 décembre 2004 et 15 février 2005), Titan avait été observé en infra-rouge les trois fois. Mais lors de ces trois passages, c'était la même zone éclairée par le Soleil qui avait été survolée (en rouge sur la figure ci-dessous).

Il vient d'y avoir deux nouveaux passages rapprochés, les passages des 31 mars et 16 avril 2005, qui ont eux survolé deux fois de suite une zone différente (en jaune sur la figure ci-dessous).

Position approximative des couvertures IR de 5 passages rapprochés au-dessus de Titan

Figure 14. Position approximative des couvertures IR de 5 passages rapprochés au-dessus de Titan

Zones couvertes par les survols du 26 octobre 2004 au 16 avril 2005.


De plus, la NASA vient également de publier des résultats obtenus par "traitement poussé" des images prises lors du premier survol (lointain) de juillet 2004 (voir PIA06203 et PIA06202) et lors du 1er passage rapproché d'octobre 2004 (voir PIA06204). Ces interprétations poussées d'anciens survols, si elles n'apportent pas grand chose de révolutionnaire par rapport à ce qu'a déjà communiqué la NASA, précisent et complètent les données préliminaires. Nous exposerons un de ces traitements poussés à la figure 22.

Qu'ont révélé ces deux derniers passages et les études poussées des deux premiers ?

La figure 15 (gauche) montre une vue générale prise d'environ 140.000 km le 31 mars-1er avril 2005 avec une longueur d'onde de 939 nm. On reconnaît en particulier une espèce de "H" sombre couché, "H" qui avait déjà été vu "de loin" lors du 1er passage en juillet 2004, mais avec une bien mauvaise résolution (figure 15, droite). Rappelons que "sombre" signifie "absorbant les infra-rouges", et que "clair" signifie "réfléchissant les infra-rouges".

Figure 15. Comparaison des vues de Titan de juillet 2004 et avril 2005 du même secteur

Noter l'espèce de "H" sombre couché, au milieu de l'image d'avril 2005 et en haut de l'image de juillet 2004.


La comparaison de ces deux images, et surtout la comparaison des deux commentaires de la NASA pose un problème. Le 3 juillet, la NASA écrivait : « The darker areas are possibly regions of relatively pure water ice, while the brighter regions likely have a much higher amount of non-ice materials such as simple hydrocarbons » . Notre H foncé serait donc riche en glace d'H2O.

Le 8 avril, la NASA écrit :« … consistent with the hypothesis the dark material consists of complex hydrocarbons ». Notre H serait donc riche en hydrocarbures complexes.

Dans les deux interprétations, la NASA est très prudente, avec l'emploi des mots « possibly » ou « hypothesis » ; mais les deux interprétations semblent se contredire. Quand on lit en détail les commentaires NASA, la contradiction n'est pas totale, puisqu'en juillet 2004, ce qui était clair était qualifié de « simple hydrocarbons » et qu'en avril 2005, ce qui est sombre est qualifié de « complex hydrocarbons ». Dans ses commentaires d'avril, la NASA, en s'aidant sans doute de données et spectres non encore publiés, et en s'aidant des données de Huygens, propose que : « that the dark material consists of complex hydrocarbons that have precipitated from the atmosphere and collected in areas of low elevation ». Selon la NASA donc, les parties sombres seraient donc recouvertes d'une couche d'hydrocarbures complexes très absorbants en IR, que les précipitations et les rivières (de méthane) auraient accumulés dans les zones basses, actuellement "sèches". Ce qui est sombre en IR correspondrait à ce qui est sombre sur les clichés des vues aériennes Huygens.

Dans tous nos dossiers précédents, nous indiquions (avec les réserves, conditionnels et "? " d'usage) l'interprétation "NASA" de juillet 2004 (sombre = glace d'H2O). À l'avenir, nous privilégierons (toujours avec les réserves, conditionnels et "? " d'usage) l'interprétation d'avril 2005 (sombre = riche en hydrocarbures complexes). Quant à la composition dominante des terrains clairs (glaces d'H2O et/ou glaces d'hydrocarbures simples ?), nous ne pouvons qu'attendre la suite des interprétations de la NASA.

Nous pouvons alors faire, à titre purement esthétique et indicatif, ce que nous avions fait en février, c'est-à-dire colorer cette image (en s'aidant des couleurs observées sur le site d'atterrissage de Huygens, voir la figure 10 de l'article du 21 janvier 2005) , mais cette fois-ci en attribuant une couleur foncée aux régions riches en hydrocarbures complexes, et une couleur plus claire aux régions riches en hydrocarbures simples et/ou glace d'H2O (figure 16).

Les deux secteurs actuellement connus de Titan

Figure 16. Les deux secteurs actuellement connus de Titan

Ces images ont été obtenues grâce aux mosaïques d'images IR prises en février et en avril 2005, assemblées et traitées (contrastes renforcés) par la NASA, et colorées en brun-jaune pour rendre compte de la richesse en hydrocarbures complexes (brun foncé = riche en hydrocarbures complexes ; jaune clair = riche en glace et/ou hydrocarbures simples).


La NASA a publié quelques images "détaillées" (et leur interprétation préliminaire) des deux passages d'avril 2005. La figure 17 montre une mosaïque d'images détaillées, et les figures 18 à 19 montrent des agrandissements de quelques zones intéressantes. Et pour la première fois, ce survol permet de comparer images radar et IR (figure 18).

Emplacement des images détaillées du survol de Titan du 31 mars -1er avril 2005

Figure 17. Emplacement des images détaillées du survol de Titan du 31 mars -1er avril 2005

Les rectangles situent les zones détaillées par la suite (rouge = fig.18, bleu = fig.19, jaune = fig.20 et vert = fig. 21).


La figure 18 montre une comparaison entre la vue IR d'avril (à gauche) et la vue radar de février (à droite) du même cratère de météorite (80 km de diamètre). Rappelons qu'en radar, clair signifie "rugueux" ou "pente dirigée vers la sonde" et sombre signifie "lisse" ou "pente dirigée à l'opposé de la sonde". Les bords du cratère, et les éjectas entourant le cratère sont clairs dans les deux images : ils sont rugueux et riches en glace et/ou hydrocarbures simples. Au radar, la plaine centrale du cratère est claire (rugueuse) à l'exception d'une tache sombre (lisse) ; elle est sombre en IR. Elle serait donc constituée d'une couche d'hydrocarbures complexes, comme tous les points bas de Titan, couche d'hydrocarbures complexes suffisamment épaisse pour être lisse en certains endroits. La plaine entourant cratère et éjectas serait de rugosité et de relief variables, mais relativement riche en hydrocarbures complexes.


La figure 19 montre un détail ressemblant à une "côte", séparant une zone basse ("mer" actuellement sèche semble-t-il) riche en hydrocarbures complexes, d'un "continent" riche en glace et/ou hydrocarbures simples. De telles côtes avaient déjà été vues lors des survols d'octobre 2004, décembre2004 et février 2005.


La figure 20 montre une imbrication complexe entre terrains clairs et sombres. Des "marécages" (asséchés ?) recouverts d'une couche d'hydrocarbures ?

Figure 20. Imbrication complexe de terrains clairs et sombres sur Titan

En haut à gauche, le cratère de la figure 18.


La figure 21 montre un réseau linéaire de terrains sombres communiquant (vallées et "lacs" tapissés d'hydrocarbures complexes ?). Le tracé rectiligne de ces bandes sombres suggère un contrôle tectonique (faille ?) de ces vallées.


La figure 22, qui vient d'un traitement poussé des images d'octobre 2004, montre des traînées Est-Ouest de forme "aérodynamique", ressemblant à des figures d'érosion et/ou dépôts dues à un courant de fluide (vraisemblablement du vent, encore qu'il ne soit pas exclu qu'il s'agisse d'un écoulement liquide laminaire). L'image de la semaine du 2 février 2004 montre un équivalent terrestre miniature de structure produite par un écoulement fluide.

Structure "éolienne" sur Titan

Figure 22. Structure "éolienne" sur Titan

L'image du haut couvre 700 x 300 km. En bas, situation de l'image de détail reportée sur la mosaïque des images d'octobre 2004.


L'atmosphère de Titan

La NASA a publié un autre résultat extrêmement intéressant, il s'agit de l'analyse massique des ions de l'ionosphère. En passant entre 1000 et 1300 km au-dessus de la surface ce 16 avril 2005, le spectromètre de masse de Cassini a pu analyser la densité (nombre d'ions/cm3) des ions présents dans l'ionosphère de Titan, et les classer en fonction de leur rapport masse/charge. On voit que la très haute atmosphère est pleine de macromolécules, très vraisemblablement organiques, montrant une distribution par "paquets", centrés autour des rapports masse/charge 15, 28, 40, 55… correspondant à des molécules de 1, 2, 3, 4… carbones (ou carbones + azotes) une fois ionisées. Une particule de 40 daltons peut être une molécule en C3 (ou C2N) une fois ionisée, ou une molécule en C6 (ou C5N ou C4N2) 2 fois ionisée… Il n'est pas possible par contre d'identifier les molécules avec les données actuellement fournies par la NASA. On ne peut que faire des propositions. Par exemple l'ion de 92 daltons pourrait correspondre au toluène (C6H5-CH3) une fois ionisé, et l'ion de 93 daltons pourrait correspondre à la phényl-amine, ou aniline (C6H5-NH2) une fois ionisée. Sans qu'elle ait communiqué de résultats précis jusqu'à présent, la NASA doit avoir une idée de ces composés moléculaires, puisqu'elle dit : « the identified compounds include multiple carbon molecules and carbon-nitrogen bearing species as well ».

La NASA a donné comme titre à cette image « Titan's Upper Atmosphere: A « factory » of hydrocarbons », ce qui indique bien que ces hydrocarbures analysés sont en cours de synthèse, et non pas présents depuis "toujours". En effet, la présence de molécules lourdes (qui à cette température sont majoritairement solides ou liquides, et qui devraient donc "tomber" en pluie ou "neige" vers le sol) et d'ions de masse 1 et 2 (ions hydrogènes) qui devraient s'échapper dans l'espace, montre que ces molécules sont en cours de production, grâce à l'action des photons UV ou du vent solaire. Il pourrait se produire (par exemple) une suite de réactions de photodissociation-recombinaison dont le résultat final serait :

10 CH4 + N2 + photons UV ↦ 2 C6H5-NH2 + 9 H2


On n'attend les résultats des analyses que Huygens a effectuées pendant ses 3 heures de traversée de l'atmosphère qu'avec plus d'impatience.

La suite du programme

Avec l'orbite telle que la NASA l'a programmée, la sonde Cassini ne survolera pas de près d'autres satellites avant le 14 juillet 2005. Nous avons donc plus de deux mois de "tranquillité" devant nous, sauf si NASA ou ESA publient données et/ou interprétations nouvelles d'ici là.