Outils personnels
Navigation

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Vous êtes ici : Accueil RessourcesUne discordance intra-anthropocène dans les environs de Fréjus (Var)

Image de la semaine | 01/04/2012

Une discordance intra-anthropocène dans les environs de Fréjus (Var)

01/04/2012

Gilbert Crevola

Univ. Michel de Montaigne, Bordeaux 3

Pierre Thomas

ENS de Lyon - Laboratoire de Géologie de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Analyse d'un affleurement à discordance intra-anthropocène et retour sur la définition du terme "discordance".


Affleurement montrant des discordances intra-anthropocènes, environs de Fréjus (Var)

Figure 1. Affleurement montrant des discordances intra-anthropocènes, environs de Fréjus (Var)

Cet affleurement montre une discordance entre une formation supérieure horizontale, de teinte claire, et une formation inférieure plus sombre, affectée par des flexurations. Les deux formations de lithologie proche présentent une stratification régulière en bancs d'épaisseur décimétrique, avec un débit en petits blocs. L'affleurement est divisé en compartiments tectoniques (numérotés de 1 à 5, de gauche à droite, comme sur la photographie interprétée présentée plus bas).

La surface de discordance est une surface d'érosion qui recoupe les flexurations de la formation inférieure. Ainsi, on observe, suivant les compartiments, un contact avec accordance ou quasi-accordance (compartiments 1, 3 et 5), les deux formations présentant des pendages identiques ou très proches, ou au contraire une discordance angulaire (compartiments 2 et 4), les deux formations présentant des pendages différents. Mais globalement, à l'échelle de tout l'affleurement, on est en présence d' une discordance angulaire.


Certains travaux d'aménagement mettent à jour des affleurements géologiquement intéressants. Certains ne sont visibles que temporairement car liés à une étape de l'aménagement, d'autres perdent en beauté (géologique) du fait de l'érosion et/ou de l'altération. L'affleurement présenté ici est aujourd'hui malheureusement recouvert d'une patine masquant stratification et accidents tectoniques.

Discordance intra-anthropocène, environs de Fréjus (Var)

Figure 2. Discordance intra-anthropocène, environs de Fréjus (Var)

Compartiment "4" de l'affleurement précédent (voir la figure interprétée ci-dessous).

La formation inférieure est structurée en un monoclinal flexuré. Ainsi, elle présente des alternances de segments à stratification horizontale et de segments à stratification à pendage moyen vers la droite, le passage se faisant par une ample torsion des strates. L'ensemble réalise un abaissement saccadé de cette formation vers la droite. La fig. 2 montre le détail de la discordance dans le compartiment 4. La présence de la flexure se traduit à droite par une discordance angulaire avec un angle de 20 à 25° entre les deux formations. Cet écart angulaire se réduit progressivement vers la gauche et l'on passe à une quasi–accordance, l'accordance étant réalisée dans le compartiment 3 adjacent. Il en est de même à droite pour le passage au compartiment 5.

Postérieurement au dépôt en discordance de la formation supérieure, les deux formations sont affectées par une tectonique cassante à caractère extensif. À gauche, une faille à jeu vertical abaisse le compartiment 2 par rapport au compartiment 1. Les autres accidents sont des grandes diaclases, sans jeu vertical apparent. L'écartement des lèvres de tous ces accidents a permis leur remplissage ultérieur par un ciment homogène.


Schématiquement, la succession des évènements géologiques locaux qui peut être déduite de l'étude de cet affleurement est la suivante :

  1. dépôt de la formation inférieure ;
  2. léger basculement et structuration de la formation inférieure en un monoclinal flexuré ;
  3. érosion de la formation inférieure, érosion qui recoupe les flexures ;
  4. dépôt en discordance de la formation supérieure : dépôt en discordance angulaire ou accordance selon le cas ;
  5. tectonique cassante affectant les deux formations : failles et diaclases et remplissage par un ciment homogène.
Interprétation géologique de l'affleurement à discordance intra-anthropocène

Figure 3. Interprétation géologique de l'affleurement à discordance intra-anthropocène

Les compartiments sont numérotés de 1 à 5, de gauche à droite. En jaune, la surface d'érosion de la formation inférieure. En rouge, les accidents tectoniques, failles et/ou diaclases. Le rejet vertical entre les compartiments 1 et 2 est bien visible, on peut soupçonner l'existence d'un rejet vertical moindre entre les compartiments 4 et 5.


Résumé schématique de l'histoire géologique de l'affleurement

Figure 4. Résumé schématique de l'histoire géologique de l'affleurement

Les couches brunes représentent la formation "inférieure" et les couches grises la formation "supérieure".

De haut en bas et de gauche à droite, 5 étapes successives : (1) dépôt de la formation inférieure ; (2) léger basculement et structuration de la formation inférieure en un monoclinal flexuré ; (3) érosion de la formation inférieure, érosion qui recoupe les flexures ; (4) dépôt en discordance de la formation supérieure, dépôt en discordance angulaire ou accordance selon la position relative des deux formations ; (5) tectonique cassante affectant les deux formations (failles et/ou diaclases), et remplissage des fractures par un ciment homogène.


Cet affleurement est l'occasion de revenir rapidement sur divers types de contact entre formations géologiques sédimentaires et sur leurs définitions.

Une discordance sensu stricto ou discordance stratigraphique (stratigraphic unconformity), définit un contact entre deux séries déposées séparées par une structuration tectonique (basculement, plissement) et une érosion.

Une discordance angulaire (angular unconformity) décrit la relation entre deux séries montrant des pendages différents de part et d'autre d'une surface de discordance. C'est une simple définition géométrique.

On parle de concordance lorsque deux séries montrent des strates parallèles à l'échelle régionale. On parle plus précisément d'accordance lorsque ce parallélisme existe localement entre deux séries discordantes à l'échelle régionale.

Un contact entre deux séries est dit anormal lorsqu'il y a eu mouvement relatif entre les deux séries (faille, chevauchement...), qu'il y ait ou non discordance angulaire entre les deux séries.

Un contact est dit normal lorsqu'une série se dépose sur une autre sans mouvement relatif par la suite, qu'il y ait eu ou non une phase tectonique, érosive ou de non-dépôt (lacune) entre les deux séries.

Discordance angulaire, contact normal

Figure 5. Discordance angulaire, contact normal

Canyon de Briant, en amont de Minerve (Hérault).

Le contact est normal il n'y a pas de mouvement relatif entre les deux formations et le "récent", ici l'Éocène, repose sur le "vieux", ici le Cambrien. La discordance angulaire est bien visible, les calcaires éocènes sub-horizontaux reposent sur les grès pélitiques cambriens inclinés.


Discordance angulaire, contact anormal

Figure 6. Discordance angulaire, contact anormal

Chevauchement décamétrique à la base de la nappe des Corbière, Padern (Aude).

Le contact est anormal, le (plus) "vieux" repose sur le (plus) "récent", via une surface de chevauchement, ici au sein du Trias de la nappe des Corbières. La discordance angulaire est bien visible, les dolomies sub-horizontales reposent sur les alternances marno-pélitiques rouges quasi-verticales.


Discordance angulaire syn-sédimentaire

Figure 7. Discordance angulaire syn-sédimentaire

Stratifications éoliennes dans le canyon de Chelly, Nouveau Mexique (États Unis d'Amérique).

Les différentes strates éoliennes sont constituées de fines couches plus ou moins inclinées (progression de dune) et sont séparées par des surfaces d'érosion sub-horizontales.


Lacune sédimentaire avec concordance locale

Figure 8. Lacune sédimentaire avec concordance locale

Clues de Verdaches, vallée du Bès (Alpes de Haute Provence).

Les grès (grisâtres à la base) et calcaires (gris plus clair) du Trias reposent sur les pélites grises du Houiller (Carbonifère)... Il manque tout le Permien (lacune sédimentaire). Sur cet affleurement on observe un quasi parallélisme entre Carbonifère et Trias, un petit tour dans la région permettrait de parler plutôt d'accordance.


On ne doit donc pas utiliser le terme "discordance" seul dès qu'il y a un contact qui semble "atypique", "non usuel". Pour éviter toute ambiguïté, il est préférable d'utiliser l'expression "discordance stratigraphique" en cas de discordance sensu stricto.

En cas de chevauchement, il est préférable de parler de contact anormal et, le cas échéant, de préciser qu'il y a discordance angulaire. Ce n'est pas une discordance sensu stricto puisque la phase tectonique est postérieure au dépôt des deux séries.

Dans le cas de dépôts sédimentaires non-horizontaux (par exemple, dunes éoliennes ou hydrauliques), on précisera bien qu'il s'agit de discordance angulaire syn-sédimentaire. Là encore, aucune phase tectonique, donc le terme de "discordance", seul, est à proscrire.

Dans le cas d'une lacune sédimentaire, plusieurs cas sont possibles. Il peut y avoir une phase tectonique pendant la période de non-dépôt, on a bien alors lacune, discordance angulaire et discordance stratigraphique. Mais, en cas de concordance à l'affleurement, on ne peut pas parler du tout de discordance sensu stricto... sauf si on précise qu'il y a une vraie discordance à l'échelle régionale et qu'on qualifie alors d'accordance le parallélisme observé localement.

Utiliser le bon terme ou la bonne expression est toujours important... même un 1er avril.