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Article | 21/05/2001

Influence des variations d'insolation sur le climat global : modèles climatiques

21/05/2001

Gilles Delaygue

Université de Chicago, Département de Géosciences

Benoît Urgelli

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Présentation de deux modélisations climatiques, l'une sur le dernier le millénaire et l'autre sur le siècle dernier.


Résumé

Une première modélisation simple, utilisant un couplage entre la surface de l'océan et une atmosphère simplifiée, montre que les variations de l'activité solaire jouent un rôle non négligeable sur le dernier millénaire. Pour le dernier siècle, ce rôle reste néanmoins largement inférieur à celui des gaz à effet de serre : les rôles conjugués du volcanisme et de l'activité solaire, les deux forçages radiatifs naturels, ne participent que pour environ 25 % au réchauffement total.

Les résultats des simulations avec un modèle couplé de circulation générale, montrent, d'une part, que la variabilité interne du système climatique ne suffit pas à expliquer les variations de température sur le dernier siècle : un forçage externe est nécessaire. D'autre part, les composantes naturelles (dont l'insolation) et anthropique du forçage externe sont toutes les deux nécessaires pour expliquer les variations de température sur le dernier siècle. La partie anthropique expliquerait l'essentiel des 30 dernières années, et probablement des 100 prochaines années.

Présentation des résultats d'un modèle climatique simple sur 1000 ans

D'après Crowley T.J., Causes of climate change over the past 1000 years., Science, vol. 289, n° 5477, p. 270-277, 2000. doi : 10.1126/science.289.5477.270

Le modèle utilisé équilibre un océan de surface couplé à une atmosphère simplifiée, échangeant avec un réservoir océanique profond. De nombreux phénomènes ne sont pas explicitement décrits, mais pris en compte par une relation empirique : par exemple la sensibilité de la température globale au CO2 est fixée, et non estimée par ce modèle. Elle est fixée à + 2ºC pour un doublement de CO2, ce qui représente une estimation basse comparée à la gamme de + 1,5º à + 4,5º indiquée par le GIEC.

Si ce modèle est très simplifié, il permet d'effectuer plusieurs simulations sur 1 000 ans, afin de séparer les effets des différents forçages, ce qui n'est pas possible (encore) avec des modèles de circulation générale. Quatre types de forçage climatique sont pris en compte dans cette étude, sous forme de forçage radiatif (en W/m2) :

  • les poussières et aérosols d'origine volcanique, qui diminuent l'insolation, estimées à partir de la concentration de poussières et aérosols dans les glaces polaires,
  • les variations d'insolation, estimées à partir d'enregistrements du Carbone 14 et du Béryllium 10, deux molécules dont la production est liée à l'insolation,
  • le CO2, dont la concentration atmosphérique est mesurée dans les bulles d'air des glaces polaires et directement dans l'atmosphère depuis les années 1960,
  • les aérosols d'origine anthropique, estimés à partir de l'activité industrielle et qui font écran à l'insolation dans la troposphère.

Effet des quatre types de forçages sur l'énergie reçue par la Terre (forçage radiatif)

Différents forçages imposés au modèle, exprimés ici en terme de variation d'insolation

Figure 1. Différents forçages imposés au modèle, exprimés ici en terme de variation d'insolation

A. Effet de l'activité volcanique (3 estimations différentes) : le forçage est toujours négatif (les courbes rouge et verte ont été inversées, multipliées par -1, pour éviter leur superposition). B. Variation de l'insolation, d'après 3 estimations différentes. C. Effet des aérosols d'origine anthropique (« Aer », forçage négatif) ainsi que du CO2.


  • Le forçage lié aux éruptions volcaniques est très fort (±5 W/m2), mais de courte durée (1-2 ans) puisque les poussières sont rapidement entraînées par la pluie, sauf celles qui atteignent la stratosphère.
  • Les variations de l'activité solaire sont moins fortes (± 0,3 W/m2) mais durent plus longtemps. On reconnaît des variations décadales (minima de Maunder vers 1700, Wolf vers 1300, etc) ainsi que le cycle de 11 ans bien documenté seulement pour la période récente.
  • Enfin, si les concentrations en CO2 et aérosols d'origine anthropique sont relativement bien connues sur le dernier siècle, leur effet en terme radiatif n'est pas encore parfaitement déterminé. Notamment, les aérosols influencent la formation des nuages qui ont un effet radiatif important. Cette influence est mal connue et n'est pas prise en compte dans ce modèle.

L'utilisation de ce modèle simple permet d'estimer l'effet de chacun des forçages sur la température moyenne de l'hémisphère nord, ainsi que la combinaison de leurs effets. En effet, même si ce modèle est global, la comparaison avec une reconstruction de température est restreinte à l'hémisphère nord, parce que cette reconstruction y est plus fiable (il y a beaucoup plus de données dans cette hémisphère, notamment des études de cernes d'arbres).

Les variations de température estimées par le modèle sont indiquées par la figure 2, et comparées à des reconstructions de la température basées sur différents enregistrements (mesures de température, cernes de croissance des arbres, isotopes stables des glaces, coraux, etc).

Modélisation de la variation de température moyenne de l'hémisphère Nord due aux différents forçages

Différents forçages imposés au modèle

Figure 2. Différents forçages imposés au modèle

A. Effets de chacun des forçages (bleu : volcanisme ; mauve-vert-orange : activité solaire selon 3 estimations différentes ; rouge : CO2 ; marron : aérosols d'origine anthropique). B. Effet du volcanisme et de l'activité solaire conjugués. C. Effet de tous les forçages (en bleu) comparé à deux reconstructions de la température : à partir de mesures directes de la température (en noir) et à partir d'estimations indirectes (cernes d'arbres, coraux, etc, en rouge).


La table suivante indique la corrélation entre l'effet dû à l'activité solaire et les estimations de température pour la période pré-anthropique (1000-1850). La proportion de variation de température expliquée par l'activité solaire est indiquée entre parenthèses (« variance expliquée »). Trois estimations de l'activité solaire sont comparées avec deux estimations de la température (Mann et al. 1999 ; et CL=Crowley et Lowery, 2000)

 

Corrélation

Proportion de variation de température expliquée par l'activité solaire

Activité solaire (10Be) vs. Température selon Mann et al. 1999

0,45

20 %

Activité Solaire (14C Bard) vs. Température selon Mann et al. 1999

0,56

31 %

Activité Solaire (14C Stuiver) vs. Température selon Mann et al. 1999

0,36

14 %

   

Activité Solaire (10Be) vs. Température selon Crowley et Lowery, 2000

0,42

18 %

Activité Solaire (14C Bard) vs. Température selon Crowley et Lowery, 2000

0,67

45 %

Activité Solaire (14C Stuiver) vs. Température selon Crowley et Lowery, 2000

0,30

9 %

On constate que les variations de l'activité solaire apparaissent responsable d'une part significative de la variation de température, de l'ordre de 20 %, mais ce chiffre dépend beaucoup des estimations utilisées.

Conclusion

Ce modèle montre que les variations de l'activité solaire jouent un rôle non négligeable sur ces mille ans. Pour le dernier siècle, ce rôle reste néanmoins largement inférieur à celui des gaz à effet de serre : les rôles conjugués du volcanisme et de l'activité solaire, les deux forçages naturels, ne participent que pour environ 25 % au réchauffement total.

Présentation des résultats d'un modèle climatique complexe sur le dernier siècle

D'après P.A. Stott et al., External control of 20th century temperature by natural and anthropogenic forcings., Science, vol. 290, No 5499, p.2133-2137, 2000. doi : 10.1126/science.290.5499.2133

Le modèle utilisé dans ce cas (HadCM3) couple deux modèles de circulation générale, l'un atmosphérique l'autre océanique. À la différence du modèle simple précédent, ces modèles décrivent les phénomènes physiques (circulation, échanges d'énergie, etc) de façon réaliste à partir d'équations décrivant les mécanismes et de différentes conditions aux limites (géographie continent/océan, relief, distribution de l'énergie solaire, etc).

Le couplage permet des échanges d'énergie et d'eau à l'interface air-mer (vent, évaporation-précipitation). Ce modèle, parmi d'autres, représente l'état de l'art, en terme de connaissance du climat. Par exemple les échanges à l'interface air-mer ne sont pas corrigés, c'est-à-dire que l'atmosphère et l'océan sont totalement libres de leur variations (il y a quelques années, des corrections étaient nécessaires afin d'équilibrer ces échanges). Le revers de la médaille est la lenteur des simulations par rapport au modèle simple précédent.

Le modèle couplé est d'abord initialisé pendant 1 300 ans, avec un forçage constant, afin d'équilibrer au mieux océan et atmosphère. Puis 3 différents forçages sont appliqués pendant 100 ans.

  • Un forçage naturel, incorporant les effets des aérosols volcaniques et des variations d'activité solaire.
  • Un forçage anthropique incluant une augmentation des gaz à effet de serre, des aérosols d'origine anthropique, et une variation de l'ozone (stratosphérique et troposphérique).
  • Enfin un forçage combinant les deux précédents « all forcings ».

Pour chacun de ces forçages,4 simulations sont réalisées à partir de conditions initiales légèrement différentes, afin d'avoir une idée de la variabilité interne au système climatique, en plus de la variabilité due aux forçages.

Variations de température globale de surface simulées par le modèle couplé sous 3 différents forçages.

Figure 3. Variations de température globale de surface simulées par le modèle couplé sous 3 différents forçages.

Ces variations sont exprimées comme la déviation par rapport à la moyenne sur la période 1881-1920, échelles à gauche. La figure montre les résultats des 12 simulations, comparés à une reconstruction de la température moyenne globale. Pour chacun des forçages, les 4 simulations sont en couleurs différentes. L'une des simulations a été prolongée jusqu'en 2100 à partir d'une prévision du GIEC des émissions de gaz à effet de serre (échelle à droite). L'estimation de la variation de température globale (à partir de mesures directes de température) est portée en noir.


Les simulations comportant l'ensemble des forçages reproduisent assez bien les données de température depuis 1860.

Mais seul le forçage anthropique permet de simuler le réchauffement important des 30 dernières années (+ 0,2ºC par décade), tandis que le forçage naturel conduit à un refroidissement (peut-être dû, en partie, aux trois importantes éruptions de l'Agung, El Chichon et Pinatubo). Par contre le forçage anthropique n'explique pas, selon ces résultats, la période de réchauffement entre 1920 et 1940, dû au forçage naturel.

Un modèle de circulation générale permet également d'étudier ces variations de façon régionale. Une corrélation spatiale et temporelle sur toute la période 1900-1999 entre ces simulations et les données de température montre, là encore, que l'ensemble des forçages est nécessaire afin de représenter correctement les variations de température.

Conclusion

Les résultats des simulations du modèle HadCM3 montrent, d'une part, que la variabilité interne du système climatique ne suffit pas à expliquer les variations de température sur le dernier siècle, mais qu'un forçage externe est nécessaire. D'autre part, les composantes naturelles (dont l'insolation) et anthropique du forçage externe sont toutes les deux nécessaires pour expliquer les variations de température sur le dernier siècle, la partie anthropique expliquant l'essentiel des 30 dernières années, et probablement des 100 prochaines années.