Article | 25/09/2000
Aérosols, volcans et climat
25/09/2000
Résumé
Relecture et commentaires scientifiques de l'article de Reid A. Bryson, « Volcan et Climat », paru dans La Recherche de juillet-août 1982.
Table des matières
- Extrait de l'article de Reid A. Bryson « Volcan et Climat », La Recherche, juillet-août 1982
- Commentaire de l'article de Bryson
- Manque de précisions sur les données
- Aérosols atmosphériques et profondeur optique
- Des assertions fausses sur la dynamique de l'atmosphère
- Aérosols volcaniques et refroidissement climatique
- Corrélations ou coïncidences ?
- Relation augmentation du CO2 - élévation de température
- Aérosols anthropiques et forçage radiatif
- Bilan
- Bibliographie
Voir aussi la question sur les aérosols et le réchauffement climatique.
Extrait de l'article de Reid A. Bryson « Volcan et Climat », La Recherche, juillet-août 1982
Source - © 1982 La Recherche, 1982, p.852
Commentaire de l'article de Bryson
La figure 8 de l'article pose un problème d'autant que l'auteur en profite pour mettre en doute le rôle du CO2 dans l'effet de serre additionnel... Les corrélations sont fondées sur des mesures effectuées dans des stations sol au cours du 20e siècle. L'attribution de la totalité de l'effet de variation de température aux aérosols volcaniques est certainement abusive, car on sait que dans certaines régions, l'atténuation du rayonnement solaire au sol est liée aux aérosols troposphériques d'origine anthropique (pollution, etc...).
La lecture détaillée de l'article révèle plusieurs autres problèmes :
Manque de précisions sur les données
A la lecture de l'article, on ne sait pas où sont situées les stations utilisées dans l'étude, ni quelle peut être l'influence des émissions anthropiques. De plus, nous n'avons pas d'indication sur la façon dont l'auteur fait ses calculs. Lorsqu'il s'agit de relier profondeur optique et éruption volcanique, un élément important est la relation temporelle entre les deux évènements (principe de causalité, l'augmentation de profondeur optique ne pouvant précéder l'éruption volcanique). L'auteur ne donne aucune indication à ce sujet.
Aérosols atmosphériques et profondeur optique
Les effets des aérosols formés par injection de SO2 dans la stratosphère et ceux des éruptions purement troposphériques sont totalement différents en termes d'échelle spatiale. Dans le premier cas, la durée de vie du nuage stratosphériques est effectivement de l'ordre de l'année et peut donc affecter tout l'hémisphère. Dans le second cas, le SO2 troposphérique ne restera dans l'atmosphère que quelques jours (lavage par les pluies) et les phénomènes sont d'échelle au plus régionale ou continentale. La mesure de la profondeur optique moyenne de la troposphère pour l'hémisphère nord n'a donc guère de sens.
Des assertions fausses sur la dynamique de l'atmosphère
Prétendre que la masse d'aérosols atteignant la stratosphère est deux fois plus importante en cas d'éruption volcanique dans les régions arctiques, simplement parce que la tropopause est plus basse, est une contre-vérité démentie par les observations.
En effet, ce n'est pas l'altitude qui compte mais la barrière thermodynamique liée au gradient de température. On sait depuis les années 1930 (Dobson-Brewer) que les transferts entre la troposphère et la stratosphère se font de façon privilégiée dans les régions équatoriales du fait de l'activité convective. C'est ce que montrent d'ailleurs les données consécutives aux éruptions des volcans El Chichon et Pinatubo (les aérosols ont atteint pratiquement 30 km d'altitude pour la seconde éruption avant d'être répartis sur toute la surface du globe).
Aérosols volcaniques et refroidissement climatique
La théorie et l'expérience montrent que l'effet des aérosols peu absorbants (type aérosols volcaniques) correspond à un refroidissement de la température de surface (diminution évaluée à -0,7°C en moyenne globale pour le cas du Mont Pinatubo en 1991-1992). Localement, dans la stratosphère, l'absorption par les aérosols domine et l'effet est alors un réchauffement qui peut atteindre quelques degrés au plus fort de la couche. De plus, ces phénomènes sont transitoires et ont une durée de l'ordre de 1 à 2 ans.
Corrélations ou coïncidences ?
En référence aux corrélations précédemment mise en avant, il faut également se méfier des coïncidences : les principales éruptions de la deuxième partie du 20e siècle sont celles du Mont Agun (1963), du Fuegog (1974), de El Chichon (1982), du Pinatubo (1991).
On remarque que la périodicité est proche de 10-11 ans (cycle solaire - je ne prétends pas pour autant qu'il y ait une relation entre cycle solaire et éruptions volcaniques !). De même, les éruptions de 1982 et 1991 coïncident avec des phénomènes El Nino de grande ampleur. Il est donc difficile de séparer les signaux sans une analyse précise et une simple étude de corrélation ne peut suffire.
Relation augmentation du CO2 - élévation de température
La relation est loin de correspondre à l'affirmation de l'auteur dans la légende de la figure 8 : « association théorique d'une croissance exponentielle de la température à une croissance exponentielle observée du dioxyde de carbone » (heureusement pour nous !!). Il est d'ailleurs abusif de chercher dans le résidu d'une différence un signal dû au CO2 dans la mesure où la relation température-CO2 est tout sauf linéaire ! Cela était déjà connu en 1982. En revanche, à cette date, les relevés de température sur le dernier siècle ne permettait pas de conclure à une augmentation de température. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Le dernier rapport du GIEC (Groupe d'experts Intergouvernemental sur L'Évolution du Climat) met en évidence une augmentation rapide du CO2 au cours de deux dernières décennies qui conduit à une augmentation moyenne de température de 0,6°C (à +/- 0,2°C) supérieure à la variabilité observée au cours du dernier millénaire.
voir aussi le lien entre augmentation du CO2 et élévation de température ?
Source - © 1998 Mann et al., Nature |
Aérosols anthropiques et forçage radiatif
En ce qui concerne l'effet des aérosols d'origine anthropique, celui ci est double :
- l'effet direct lié à la diffusion vers l'espace de la lumière solaire incidente par les particules d'aérosols. Cette diffusion conduit à un « forçage radiatif » négatif et donc à une diminution de l'effet de serre additionnel (un forçage radiatif positif correspond à une augmentation d'énergie par unité de surface (W/m2) du système surface-atmosphère à l'altitude de la tropopause).
- l'effet indirect lié à la formation accrue de nuages du fait de la présence de concentrations plus élevées de noyaux de condensation. Dans la mesure où il s'agirait de nuages bas, là encore l'effet de diffusion domine et le forçage radiatif serait à nouveau négatif (ce ne serait pas le cas si les nuages formés étaient des cirrus car alors l'effet d'absorption infra-rouge est dominant et le forçage radiatif positif).
Bilan
La quantification de ces effets reste largement incertaine. Toutefois, lorsqu'on prend en compte, dans les modèles, l'ensemble des gaz à effet de serre et l'effet indirect des aérosols, on rend assez bien compte des tendances observées au cours des dernières décennies.
Bibliographie
M.E.Mann et al., 1998. Global-scale temperature patterns and climate forcing over the past six centuries, Nature, vol. 392, p. 779-787, doi: 10.1038/33859