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Article | 26/04/2023

Sociétés humaines et territoires dans un climat qui change – Du réchauffement climatique global aux politiques climatiques

26/04/2023

Magali Reghezza-Zitt

Géographie et Territoires / ENS

Jean-Benoît Bouron

ENS de Lyon / DGESCO

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

État des connaissances scientifiques actuelles sur le réchauffement climatique, basé principalement sur une analyse minutieuse du 6e rapport du GIEC. Les faits sont présentés sans les noircir, mais sans occulter non plus l’ampleur du défi. Il est encore possible d’éviter des conséquences graves et irréversibles pour l’humanité à moyen terme, mais seulement avec des décisions politiques rapides, globales et systémiques, impliquant notamment une meilleure distribution des richesses.


Le climat, qu’il ne faut pas confondre avec le temps qu’il fait (la « météo »), est une description statistique de l’état du “système climatique”. Celui-ci comprend l’atmosphère, l’hydrosphère, la cryosphère, la lithosphère et la biosphère. Cette description est fondée sur les moyennes et les écarts à cette moyenne (la variabilité) d’un certain nombre de paramètres (température, hauteur des précipitations, vent), qui sont établis sur des périodes allant de quelques mois, à des milliers, voire des millions d’années.

Depuis 1850-1900, le climat de la Terre s’est réchauffé à une vitesse inédite depuis au moins 2000 ans. La montée du niveau de la mer est inédite depuis 3000 ans et le recul généralisé des glaciers depuis 2000 ans. La perte de glace du Groenland et de l’Antarctique a été multipliée par 4 depuis 30 ans. Ces chiffres indiquent tous des ruptures brutales à l’échelle des dynamiques planétaires, qui se répercutent sur l’ensemble des composantes, biotiques et abiotiques, du système Terre, avec des conséquences, et donc des risques, importants pour les sociétés humaines, quel que soit le territoire qu’elles habitent.

Le climat de la Terre se réchauffe rapidement du fait des activités humaines

Selon le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC), le changement climatique désigne « la variation de l’état du climat, qu’on peut déceler par des modifications de la moyenne et/ou de la variabilité de ses propriétés, et qui persiste pendant une longue période, généralement des décennies ou plus. ». Depuis la fin de la période dite « pré-industrielle » (après 1850), on observe un réchauffement rapide et important du climat de la Terre. Le climat de la Planète change rapidement : c’est un fait scientifiquement observé et démontré.

Pourquoi le climat se réchauffe-t-il ?

Le changement climatique actuel est lié à une modification de la composition de l’atmosphère qui se traduit par un réchauffement global. Il correspond à un “déséquilibre” du bilan radiatif de la Terre (figure 1).

Bilan radiatif de la Terre et effet de serre

Figure 1. Bilan radiatif de la Terre et effet de serre

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Image à retrouver, avec des compléments, dans Effet de serre, une illustration remise dans son contexte.


Le bilan radiatif désigne l’ensemble des rayonnements (avec les énergies associées) qui partent et qui arrivent sur la Terre. On parle aussi d’effet de serre. Celui-ci joue un rôle essentiel pour l’équilibre thermique de la planète, puisque, sans lui, la température moyenne du globe serait d’environ −18 °C, au lieu de 15 °C actuellement. L’effet de serre est produit par des gaz présents dans l’atmosphère (les gaz à effets de serre ou GES), qui absorbent une partie du rayonnement infrarouge et le réémettent en direction de la Terre, en la réchauffant à nouveau avant de repartir vers l'espace.

Les GES qui pèsent le plus dans le réchauffement actuel sont le CO2 (dioxyde de carbone) et le méthane. Ils créent un forçage radiatif positif (réchauffement). S’ajoutent des gaz à courte durée de vie, considérés comme des polluants (monoxyde de carbone – CO, oxydes d’azote – NOx, etc.) issus de la combustion d’énergies fossiles ou de certains procédés industriels (fabrication d’engrais, raffinage), qui, sans être des GES, forment ou détruisent des composants atmosphériques et accentuent le forçage positif.

À l’inverse, les aérosols, qui sont de fines particules en suspension dans l’atmosphère, ont un effet refroidissant qui masque la tendance structurelle au réchauffement. Ils peuvent être d’origine humaine (pollution) ou naturelle (volcanisme, sables, poussières, etc.). En Europe et en Méditerranée, la mise en œuvre de politiques d’amélioration de la qualité de l’air ont significativement réduit la présence de ces aérosols dans l’atmosphère. En revanche, lorsque les particules se déposent sur la neige ou la glace et la noircissent, elles réduisent le potentiel de réflexion de la surface (albédo), ce qui renforce l’absorption solaire. Le changement d’albédo provoque donc non seulement une accélération de la fonte des glaces, mais contribue au réchauffement. C’est ce qui explique en partie que les régions froides sont celles qui se réchauffent le plus vite.

Le réchauffement actuel est à 100 % d’origine humaine

La science est aujourd’hui capable de démontrer que le réchauffement actuel est à 100 % d’origine humaine.

Le système climatique est un système complexe, qui évolue dans le temps, sous l’effet de sa propre dynamique interne (les interactions et rétroactions entre les cinq composantes) et de « forçages externes » (éruptions volcaniques, variations de l’activité solaire ou de l’orbite terrestre). Il existe donc une variabilité naturelle du climat, qui fait intervenir différentes échelles temporelles et spatiales. Ainsi, en 1991, suite à l’éruption du Mont Pinatubo, la présence des aérosols s'est traduite par un refroidissement de l'atmosphère d'environ 0,2 à 0,7 °C dans l’hémisphère Nord. Lors du Crétacé supérieur (il y a environ 80 millions d'années), la température était par exemple de 6 °C supérieure à l’actuelle. On parle souvent du Petit Âge Glaciaire qu'a connu l'Europe entre les XVe et XIXe siècles.

Le réchauffement actuel est différent, tant par sa vitesse que son amplitude thermique et spatiale. Les évolutions observées (et non simplement modélisées) par les scientifiques sont sans équivalent depuis des milliers d'années, voire pour certaines, jamais mesurées auparavant (y compris dans des paléo-climats).

Pour comprendre les causes du réchauffement actuel, les scientifiques comparent les niveaux effectivement observés depuis 1850-1900 et ceux simulés en faisant uniquement intervenir des facteurs naturels (solaires et volcaniques), comme sur la figure 2 ci-dessous. Le changement climatique actuel dépasse les seuils de variabilité naturelle. On peut ainsi démontrer l’influence humaine sur le climat.

Changements de la température de surface globale par rapport à 1850-1900

La science peut aujourd’hui montrer que c’est le cumul de CO2 qui détermine le niveau de réchauffement. Le méthane, GES puissant mais à durée de vie plus courte (une dizaine d'années), joue aussi un rôle important. L’effet cumulatif du CO2 signifie que plus on continue à ajouter du CO2 dans l’atmosphère, plus le climat de la Terre se réchauffe. Par conséquent, pour stopper le réchauffement, il faut, non pas arrêter totalement d’en émettre (c’est impossible), mais viser un « net zéro émission », c’est-à-dire un bilan nul entre ce qui est émis et ce qui est recapté. L’atteinte du « net zéro » conduira à une stabilisation rapide de la température globale. Pour revenir en arrière, il faudra ensuite « retirer » le CO2 excédentaire accumulé.

Les impacts actuels du changement climatique d’origine anthropique

Le climat de la Terre s’est déjà réchauffé de +1,1°C par rapport à l’ère pré-industrielle (1850-1900). Ce chiffre signifie que la température annuelle moyenne, à l’échelle mondiale, enregistrée entre 2011 et 2020 a été supérieure de 1,1 °C à celle enregistrée entre 1850 et 1900. L'augmentation apparait après les années 1975 avec un taux de 0,15 à 0,20 °C par décennie. Selon le rapport, « les changements sont désormais généralisés, rapides » » et surtout, « s'intensifient ». Le niveau de la mer s'est ainsi élevé à un rythme plus rapide en cent ans qu’au cours des derniers 3 000 ans. Les quatre dernières décennies ont été successivement « décennie la plus chaude » depuis la fin des années 1800.

Des conséquences déjà irréversibles à l’échelle mondiale

Le changement climatique affecte déjà toutes les régions de la Terre avec, certes, des différences régionales. Le réchauffement est intensifié au-dessus des continents et les extrêmes chauds sont exacerbés par l'effet d'ilot de chaleur dans les villes (ICU). Il entraine des effets chroniques (remontée du niveau marin, pression sur la ressource en eau, atteintes à la biodiversité) et des stress aigus (extrêmes hydro-climatiques). On observe aussi des records de température partout dans le monde, en particulier au niveau des pôles. Certains extrêmes chauds de la dernière décennie auraient été extrêmement improbables sans l'influence humaine sur le système climatique. Enfin, la proportion de cyclones tropicaux les plus intenses (catégories 3 à 5) a augmenté (aR61 ; Cassou et Masson-Delmotte, 2022).

Ampleur des changements par type et degré de fiabilité de la connaissance

Certaines conséquences sont déjà irréversibles, c’est-à-dire sans retour en arrière possible à moyen ou long terme. L’irréversibilité se compte en décennies pour les glaciers, en siècles pour l'océan profond, en millénaires pour le Groenland et l'Antarctique. La montée du niveau des mers se poursuivra à l'échelle de siècles, voire de millénaires.

De plus, le changement climatique a des effets très importants sur l’érosion de la biodiversité, qui est également menacée par des facteurs non climatiques. Pour un réchauffement à 3 °C additionnel, on estime à 20 % la perte de biodiversité à l’échelle planétaire. Par ailleurs, les milieux ont d’ores et déjà commencé à se modifier, de l’échelle des écosystèmes à celle des biomes. La moitié des espèces marines et terrestres étudiées (plantes et animaux) migrent déjà pour préserver leurs conditions de survie, avec, par exemple, une baisse du potentiel de prises de pêches dans les océans tropicaux.

Ces évolutions ont des conséquences directes et indirectes sur les sociétés humaines. Les stress thermiques et hydriques menacent la sécurité en eau, la sécurité alimentaire, affectent la santé (santé au travail, mortalité associée aux vagues de chaleur, certaines maladies, santé mentale) et, au-delà, toutes les dimensions de la vie sociale (emploi, éducation, mobilités, logement, culture, égalité homme-femme, etc.). Tous les secteurs économiques sont concernés.

De 3,3 à 3,6 milliards de personnes sont déjà très vulnérables aux conséquences du changement climatique. Elles habitent majoritairement dans les petites iles, les régions de montagne, l'Arctique, le pourtour de la Méditerranée, et les pays les moins avancés – où se conjuguent des impacts[1] majeurs et une forte vulnérabilité liée à la précarité des conditions de vie. Même dans les pays développés, individus, entreprises et territoires, sont extrêmement sensibles au climat qui change.

Des risques composites et systémiques

Les perturbations provoquées par le réchauffement climatique interagissent, ce qui en amplifie les effets. Elles peuvent se produire simultanément, de manière successive ou se combiner avec d’autres aléas climatiques ou non-climatiques (figure 4). Par exemple, des températures élevées, ajoutées au vent et à une faible humidité créent des « sécheresses éclairs ». Contrairement à la sécheresse agricole qui met plusieurs semaines à s’installer, ce type de sécheresse est courte, mais très violente, à cause de l’évapotranspiration accélérée par la température élevée et l’aridité de l’air. Il n’existe pour l’heure aucun système d’alerte adapté.

On peut aussi évoquer le radoucissement des températures hivernales, qui provoque un débourrage précoce des bourgeons, qui deviennent alors sensibles aux gelées tardives, entrainant des pertes massives pour l’arboriculture et la viticulture.

Les effets en cascade

Le GIEC met l’accent sur les interdépendances, les rétroactions, les processus d’amplification et les effets de seuil qui créent des risques systémiques. L’agriculture est un bon exemple de ces effets « cascade ». Les risques de calamité agricole sont accrus par la multiplication et l’intensification des extrêmes chauds, secs et humides, qui affectent la production, diminuant le rendement et donc, le revenu agricole. Cela peut pousser les producteurs soit à intensifier, soit à augmenter les surfaces, avec de nouvelles pressions sur le milieu et des boucles de rétroaction négatives sur le climat. La baisse de la production conduit à une augmentation des prix, rendant difficile l’accès à l’alimentation pour les plus pauvres. Parallèlement, la forte teneur en CO2 réduit la valeur nutritive des aliments. Le risque de malnutrition s’accroit.

Une inégale vulnérabilité

L’ampleur des impacts du réchauffement climatique est corrélée aux vulnérabilités, actuelles et héritées, qui limitent les capacités d’adaptation. La vulnérabilité est « exacerbée » par des inégalités de différente nature, qui interagissent (figure 5).

Intersectionnalité et vulnérabilité multidimensionnelle face aux risques

Le problème est que les politiques climatiques entrainent à leur tour des couts de transition qui pèsent généralement plus fortement sur les plus vulnérables aux effets du réchauffement. Sans répartition équitable de l’effort et prise en compte des inégalités, sans redéfinition de la solidarité, sans accompagnement des effets possiblement régressifs, autrement dit sans transition juste, aucune « acceptabilité » sociale n’est possible et l’efficacité des mesures est compromise.

Dans les textes du GIEC et de l’ONU, la « transition juste » désigne la garantie des moyens de subsistance et la lutte contre les inégalités, tout en s'orientant vers un avenir à faible émission de carbone. Elle est « essentielle pour réduire les risques climatiques et répondre aux priorités du développement durable. »

Une transition juste exige « l'élimination des facteurs sous-jacents de vulnérabilité et d'émissions élevées » et la prise en compte des intérêts des différentes communautés et cultures. Les politiques climatiques ne doivent pas « perpétuer les asymétries entre les États et les populations plus riches et plus pauvres », ni « remplacer les anciennes formes d'injustice par de nouvelles ».

Les effets projetés du changement climatique en fonction du niveau de réchauffement

Le réchauffement de l’atmosphère entrainera des perturbations majeures sur les paramètres hydro-climatiques : températures moyennes, précipitations, humidité des sols, extrêmes chauds, secs et humides. L’intensification du cycle de l’eau conduira à des pluies plus intenses et une intensification des saisons sèches et des sécheresses. Si l’on s’attend à une augmentation, à l’échelle mondiale, des précipitations annuelles moyennes sur les terres émergées, la variabilité au cours de chaque saison et d'une année à l'autre augmentera (figure 6). Le recul, voire la disparition, des glaciers et de la banquise arctique se poursuivra pendant au moins plusieurs décennies, et l’arrêt ou le ralentissement dépendront des trajectoires d’émissions.

Les multiples conséquences deviendront de de plus en plus difficiles à gérer du fait des risques composites et des effets cascades (voir partie Impacts actuels ci-dessus). Des extrêmes simultanés à la surface du globe pourront interagir avec des pandémies ou des conflits. Les conséquences économiques pourraient se propager très rapidement du fait de la mondialisation.


Chaque dixième de degré compte

Les perturbations à venir sont étroitement corrélées au niveau de réchauffement. Chaque +0,5 °C supplémentaire augmentera d'un tiers le risque climatique mondial. Toujours à l'échelle mondiale, les épisodes de précipitations quotidiennes extrêmes s'intensifieront d'environ 7 % pour chaque degré Celsius supplémentaire de réchauffement climatique (figure 7).

À +2 °C, les régions dépendant de la fonte de la neige pourraient faire face à une diminution de 20 % de la disponibilité en eau pour l'agriculture. Les extrêmes chauds dépasseraient fréquemment les seuils de tolérance connus pour les activités agricoles et la santé humaine. Une canicule comme celle que la France a connu en juin 2019 a actuellement une “chance” sur 50 par an de se produire. À +1,5 °C, ce sera 1 chance sur 10. À +2 °C une chance sur 4.

Augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes extrêmes

Des écosystèmes poussés à la limite de leurs capacités d’adaptation

Le risque d'extinctions dans les points chauds de biodiversité est multiplié par 10 entre 1,5 °C et 3 °C de réchauffement. Au-delà de +2 °C, les écosystèmes seront poussés au-delà de leurs capacités d’adaptation naturelles. L’érosion de la biodiversité va plus généralement s’accroitre, avec la disparition des coraux d'eau chaude dès +1,5 °C, et des atteintes majeures aux autres écosystèmes côtiers et aux forêts. Les conditions propices aux incendies vont augmenter, y compris dans des territoires jusque-là pas ou peu exposés, comme c’est déjà le cas dans les forêts boréales.

Les températures influencent la répartition des biomes. En France, des espèces méditerranéennes comme le chêne vert ou le chêne liège pourront s’acclimater dans la partie septentrionale de l’hexagone (Bretagne, région parisienne), tandis que le hêtre vert devrait disparaitre progressivement pour migrer vers le Nord de l’Europe. Sapins collinéens des Vosges ou du Jura devraient également disparaitre. La garrigue pourrait s’étendre vers Lyon et Toulouse (INRAE, projet Carbofor). La moitié des régions viticoles actuelles pourraient cesser d’être aptes à la culture de la vigne.

La perte de biodiversité signifie aussi une perte d'efficacité des solutions d'adaptation fondée sur les écosystèmes. Les risques de déstockage de carbone (forêts, tourbières, zones humides ou sols gelés) sont importants et leurs effets aggraveront le réchauffement. Environ la moitié des émissions de CO2 sont absorbées et stockées par les océans, les sols, les plantes. Plus le cumul de CO2 augmente, moins ces puits de carbone naturels auront la capacité d’absorber les émissions futures.

Un risque d’atteinte des points de bascule sociaux : effondrement, déplacements, conflits

D'ici 2050, 1 milliard de personnes subiront les conséquences de la montée du niveau des mers. D’ici 2100, entre 50 et 75 % de la population mondiale pourrait être exposée à des périodes de « conditions climatiques potentiellement mortelles ».

L’ampleur du réchauffement peut conduire à l’atteinte de « social tipping points » ou « points de bascule sociaux ». Il s’agit de seuils critiques à partir desquels les effets de déstabilisation sur les sociétés humaines sont tels que le groupe social dans son ensemble ne peut plus faire face. La dégradation des moyens de subsistance et des conditions de vie conduirait alors à des crises humanitaires sévères, des déplacements forcés, des conflits violents.

Ces points de bascule peuvent se produire à de multiples échelles et ne sont pas fixes. Ils varient dans le temps, en fonction des contextes politiques, socio-économiques, culturels. Autrement dit, les crises, les migrations ou les conflits n’ont jamais une cause unique et sont évitables. Ils s’enracinent dans des causes structurelles profondes et systémiques, en parties héritées. Le changement climatique n’est à cet égard qu’un déclencheur, un facteur aggravant ou un accélérateur : il augmente la pression sur des socio-écosystèmes déjà fortement perturbés et en révèle les vulnérabilités, tout en les renforçant.


Quelles politiques climatiques ?

Depuis 1850, la concentration de CO2 atmosphérique a augmenté de 42 %. Le cumul d’émissions résulte de plus d'un siècle de recours à des énergies fossiles, mais aussi de l'utilisation des terres et de l’urbanisation, des structures de production et consommation, des modes d’organisation sociale et spatiale.

Face au changement climatique, il faut à la fois agir sur les causes en réduisant les émissions – c’est l’atténuation – et sur les impacts en limitant l’exposition, la sensibilité physique et en développant les capacités de réponse – c’est l’adaptation (figure 9).


Les conclusions du GIEC indiquent qu’à moins d'une réduction immédiate, rapide et mondiale des émissions de GES, il sera impossible de limiter le réchauffement à un niveau proche de +1,5 °C, ou même, sous +2 °C (objectifs de l'Accord de Paris). Si les émissions stagnaient au niveau actuel, nous dépasserions +2 °C d'ici 2050 et pourrions atteindre +3 °C en 2100.

Des trajectoires d’atténuation actuellement très insuffisantes

Pour rester autour de +1,5 °C, les émissions de GES doivent diminuer de 43 % d'ici 2030 (34 % pour le méthane) et 84 % en 2050, le zéro CO2 net devant être atteint d'ici 2050. Pour +2 °C, c'est –27 % d'émissions de GES d'ici 2030, et zéro CO2 net d'ici 2070 (figure 10).

Les climats futurs, par trajectoire d’émissions

Malgré des progrès, la trajectoire actuelle n’est pas bonne. Les émissions mondiales nettes de GES ont été plus élevées au cours de la dernière décennie (2010-2019) qu'à n'importe quel moment de l'histoire humaine. En dix ans, elles ont continué à augmenter en valeur absolue, certes à un rythme plus lent. Le CO2 ajouté dans l’atmosphère par les activités humaines a été à peu près égal au budget carbone, c’est-à-dire le plafond maximal d'émissions qui restent pour limiter le réchauffement autour de +1,5 °C : une décennie similaire épuisera ce budget. Les engagements déposés par les États avant la COP26 pourraient engager une baisse pour 2030, mais trop lente, même pour +2 °C.

Le ralentissement de la croissance des émissions mondiales « a été principalement déclenché par des réductions substantielles » de la croissance des émissions en Chine. Les émissions dues aux combustibles fossiles dans les trois « régions en développement » d'Asie et du Pacifique, d'Afrique et d'Amérique latine ont augmenté de 26 % au cours de la dernière décennie, contre une croissance de 260 % au cours des deux décennies précédentes. Dans les pays développés, elles ont diminué d'environ 10 % au cours de ces deux périodes.

Il est important de souligner l’inégale répartition géographique. 41 % de la population mondiale vit déjà dans des pays où les émissions moyennes par habitant sont inférieures à 3 tonnes CO2-éq/an. Les pays « développés » ont des niveaux par habitant de plus du double de ceux d'Asie, du Pacifique, de l'Afrique et de l'Amérique latine. Cela vaut également pour les émissions du passé.

Le clivage Nord-Sud est cependant réducteur, a fortiori quand on prend en compte les émissions importées (on parle aussi d’empreinte), et pas simplement les émissions dites territoriales (produites sur un territoire donné). Les 10 % des ménages les plus riches à l'échelle mondiale, c’est-à-dire répartis sur tous les continents, causent 34 à 45 % des émissions des ménages. Mais le revenu n'est pas le « principal, voire unique facteur expliquant l’impact écologique ». À revenu fixé, la variabilité des émissions est très forte, par exemple à cause du type de chauffage ou du lieu de résidence.

En France, à l’échelle nationale, deux tiers des émissions territoriales viennent des espaces urbains. Les ménages urbains ont en moyenne des émissions légèrement supérieures aux ménages ruraux, lesquelles ont pourtant des émissions contraintes liées au transport et à l'alimentation.

Les modes de consommation et les émissions qui en découlent sont finalement influencés par de nombreux facteurs : statut socio-économique, accès aux services publics et privés, choix individuels, valeurs. Dans les « pays occidentaux », les transports, le logement et la consommation alimentaire combinés apportent la « plus grande contribution à l'empreinte carbone des ménages ». Aux États-Unis, la consommation de viande représente à elle seule 5,2 % de l'empreinte des ménages.

Enfin, il ne faut pas raisonner uniquement à l’échelle individuelle. Les émissions proviennent également des secteurs productifs et des entreprises.

Des émissions réparties par secteurs productifs

Les émissions mondiales annuelles sont de l'ordre de 40 milliards de tonnes. En comparaison, les 1 500 volcans terrestres et sous-marins émettent 360 millions de tonnes par an (111 fois moins). Le budget carbone résiduel est de 500 milliards de tonnes à partir de 2020. Si les infrastructures fossiles actuelles fonctionnaient selon leur durée de vie attendue, leurs seules émissions totales dépasseraient le budget carbone résiduel pour 1,5 °C.

En 2019, les principaux secteurs d’activité qui émettaient des GES étaient (figure 11) :

  • l’énergie : 34 %,
  • l’industrie : 24 % (34 % si on compte la production d’électricité et de chaleur),
  • l’agriculture (dont bétail et engrais), la forêt et l’utilisation des terres : 22 %,
  • le transport : 15 %,
  • les bâtiments : 6 % (16 % avec électricité et chaleur).
Tendances des émissions globales de GES par secteur économique

L'approvisionnement en énergie étant la plus grande source mondiale d'émissions, on assimile souvent les politiques d’atténuation à une transition énergétique. Les émissions sont effectivement liées à l'utilisation des énergies fossiles, mais aussi à la déforestation, et à la production alimentaire (en particulier l'élevage mondial de ruminants). Autrement dit, la transition énergétique seule ne permet pas l’atteinte des objectifs, même si elle est essentielle.

Le secteur de l'agriculture, de l'élevage et de la foresterie pourrait fournir 20 à 30 % des réductions mondiales de GES nécessaires pour une trajectoire de +1,5 °C ou +2 °C d'ici 2050. D'ici 2050, les plus gros potentiels résident dans la protection et la restauration des forêts, tourbières, zones humides côtières, savanes et prairies ; la gestion du carbone dans les sols et l’amélioration de l'élevage ; l’adoption de régimes alimentaires à base de plantes et la baisse du gaspillage.

Les villes sont aussi des points d’attention, car elles produisent environ 70 % des émissions mondiales avec 50 % de la population. La croissance urbaine a « des conséquences fortes sur le verrouillage futur du carbone », surtout si l’étalement et la périurbanisation s’opèrent au détriment des terres agricoles et des forêts, qui détiennent d'importants stocks de carbone. En outre, construire de nouvelles infrastructures pour répondre à la croissance urbaine et mettre à niveau les systèmes actuels produira des émissions fortes.

De nombreuses solutions existent et permettent d’atteindre les objectifs climatiques

Les émissions ont des causes structurelles : organisation sociale et territoriale, stratégies des entreprises, politiques des États. Ni l’innovation technologique, ni les changements de comportement ne suffiront. Pour atteindre les objectifs climatiques, il faut agir conjointement selon trois directions : développer les alternatives décarbonées, augmenter l’efficacité (on émet moins de GES pour la faire même chose) et diminuer la demande.

Les leviers d’atténuation et leur cout

La première nécessité est de se passer des énergies fossiles, qu’il s’agisse de sources d’énergie primaires, secondaires (vecteurs énergétiques) ou finales. Outre l’extraction, la part la plus importante des émissions provient de la production d'électricité et de chaleur.

Le bouquet énergétique repose majoritairement sur les énergies tirées du pétrole, du charbon et du gaz. L’atténuation passe par une transition énergétique complète (et pas juste un nouveau bouquet électrique). Tout le système énergétique doit être décarboné, ce qui implique le déploiement d’alternatives aux fossiles faiblement émettrices. Éolien et solaire sont la meilleure option pour décarboner rapidement le système à l’échelle mondiale. Elles représentent environ 60 % du potentiel de réduction des émissions mondiales à 2030. Ces énergies carbonées deviennent même « plus coûteuses » que les alternatives décarbonées. Pourtant, dans le monde, les subventions aux énergies fossiles sont environ 2 fois supérieures à celles accordées aux renouvelables.

En outre, tous les scénarios qui conduisent un réchauffement inférieur à +2 °C impliquant une électrification des bâtiments, des transports et de l’industrie, la part de l'électricité dans l'énergie finale passerait du 20 % actuel à minimum 42 % en 2050 (60 % en 2100 pour un scénario à +2 °C). Il faut par conséquent décarboner aussi le bouquet électrique.

L’atteinte du « net zéro émissions » n’est pas un simple changement de comportement individuel, mais une transformation systémique des modes de vie, qui combine des changements socioculturels, infrastructurels et technologiques. Elle implique une action sur la demande, qui combine l’efficacité (améliorer et optimiser l’utilisation des ressources) et la sobriété (éviter d’utiliser les ressources – énergie, eau, sol, minéraux, etc. – pour des besoins non essentiels). Les scénarios de faible demande impliquent par exemple une offre alternative accessible socialement et économiquement.

Le GIEC met en avant le triptyque « éviter, substituer, améliorer » pour explorer les options de réduction de la demande, tout en rappelant que ces mesures s'accompagnent généralement de multiples co-bénéfices, en matière de nutrition, de santé ou de qualité de vie. L’évitement consiste par exemple à ne pas utiliser de voiture et à réduire les trajets en avion, la substitution à adopter un régime alimentaire à base de plantes et à utiliser les transports publics, l’amélioration à acheter une voiture électrique ou une pompe à chaleur.

L’aménagement, à toutes les échelles, apparait comme un instrument transversal essentiel. Il permet, en effet, d’agir sur la répartition des populations, infrastructures, activités, donc, l’offre alternative, les incitations, les compensations.

L’adaptation : de l’ajustement réactionnel à la bifurcation systémique

L’adaptation désigne à la fois un processus et le résultat d’une transformation permettant à un système de répondre à un stimulus et à ses conséquences. Dans le cas du climat, elle est forcément palliative. Il y a adaptation parce que l’atténuation a en partie échoué, mais qu’elle a quand même suffisamment réussi pour ne pas dépasser des limites au-delà desquelles les dommages deviennent insoutenables.

Il existe de nombreuses synergies entre adaptation et atténuation. Moins le réchauffement est contenu, plus les options d’adaptation se réduisent. Ces synergies ne sont cependant pas systématiques, quels que soient l’action et l’horizon temporel. Il existe en effet des antagonismes possibles : par exemple, la climatisation est une réponse aux vagues de chaleur, mais elle augmente la température extérieure tout en émettant des GES par un surcroit de production d’électricité.

Les différentes formes d’adaptation

Face à un risque, on peut d’abord répondre de façon ponctuelle, souvent réactive. C’est un ajustement. La somme des ajustements permet des transformations incrémentales. Mais si on veut vraiment résoudre le problème, il faut s’attaquer à la racine, aux causes profondes. L’adaptation devient alors transformationnelle : elle change la nature du système dans sa globalité (Reghezza et Rufat, 2019). C’est une bifurcation, au sens systémique du terme (figure 13).

Les ajustements ponctuels, essentiels fondés sur des solutions technologiques, peuvent éventuellement permettre de gagner du temps pour atténuer les couts de transition, mais repoussent les transformations structurelles et conduisent à des mal-adaptations couteuses. L’adaptation incrémentale découle des retours d’expériences et des processus d’apprentissage, mais elle peut se révéler rapidement insuffisante au regard de la vitesse des perturbations en cours.

L’adaptation, de l’ajustement au changement structurel

L’adaptation a pour objectif la résilience du système considéré. Pourtant, la résilience n’est pas toujours synonyme d’amélioration : le système peut perdurer au prix de la détérioration (figure 13), voire la disparition, d’une partie de ses composantes. L’adaptation devient alors une question « fondamentalement éthique, car son but est de protéger ce à quoi nous accordons de la valeur » (Hartzell-Nichols, 2011, p. 690).

Enfin, l’adaptation ne peut pas reposer sur une solution unique. Il est nécessaire de combiner un ensemble de leviers. Ces combinaisons vont varier dans le temps et en fonction des territoires, des besoins, des ressources, du niveau de menace.

Limites faibles et limites dures

Le potentiel d'adaptation des sociétés humaines est important, mais reste conditionné par la faisabilité des solutions, le risque de mal-adaptation et des limites dites « dures ».

Les conditions de faisabilité peuvent être de différente nature : technologiques, économiques, juridiques, financières, culturelles, politiques, environnementales, etc. Une partie de ces obstacles sont sous-tendus par des inégalités sociales et territoriales, qui entravent l’accès à l’innovation, aux financements, à l’opérationnalisation. Le GIEC parle ici de « limite faible » : les difficultés d’accès et de mise en œuvre sont surmontables à condition de pallier les déficits de moyens humains, techniques, financiers et juridiques. La question de l’« acceptabilité sociale » est souvent mise en avant. La faible acceptabilité reflète souvent l’insupportabilité des couts de transition. L’augmentation de l’« acceptabilité sociale » repose ainsi sur la capacité à conduire une transition perçue comme juste et à répartir équitablement les efforts, l’accompagnement et les compensations.

Le GIEC insiste sur la mal-adaptation, qui accroit les risques à moyen ou long terme, au lieu de les réduire. La mal-adaptation découle souvent des diagnostics en silo, monosectoriels, de mesures purement réactives et incrémentales, ou de solutions uniquement fondées sur l’innovation technique. Celles-ci retardent les changements structurels et ignorent les effets rétroactifs négatifs sur d’autres composantes du milieu (sols, eau, biodiversité) ou le creusement des inégalités sociales et territoriales. La mal-adaptation affecte particulièrement les groupes et individus marginalisés et augmente la résistance au changement.

Le GIEC conclut enfin à l’existence de limites fortes à l’adaptation. Ces limites surviennent dans des situations où la contrainte est telle, qu'elle empêche de rester sous des niveaux de risque acceptable. Le niveau de réchauffement, l’effondrement de la biodiversité, mais aussi le niveau des inégalités sociales sont des limites « dures ».


Conclusion

La science montre qu’il sera impossible de rester bien en dessous de +2 °C sans une action climatique plus forte au cours de la décennie qui vient. Si nous réduisons rapidement les émissions de gaz à effet de serre, il est extrêmement probable que le réchauffement climatique se maintienne en deçà de +2 °C. Si nous y parvenons, il est probable que la température baisse progressivement, pour atteindre +1,5 °C ou moins d'ici la fin du siècle, avec un dépassement temporaire de +0,1 °C au maximum.

Au-delà de +2 °C, les écosystèmes, mais aussi les sociétés humaines seront poussées aux limites de leur capacité d’adaptation. La poursuite du développement humain dépend par conséquent de notre capacité à atténuer le réchauffement climatique et à préserver la biodiversité.

Pour l’ONU, « les politiques et une planification intersectorielles coordonnées peuvent jouer un rôle majeur pour catalyser les synergies, réduire les compromis, et assurer une transition juste qui améliore la vie de milliards de gens et ne laisse personne de côté . » Pour le GIEC, le financement du climat par les pays les plus riches « sera probablement la clé de la réussite d'une transition à faible émission de carbone au niveau mondial. » Le 6e rapport du GIEC appelle à se concentrer sur le financement climatique à tous les niveaux : pour remédier aux inégalités mondiales, pour cibler les politiques nationales et pour soutenir les communautés locales.

Dans un climat qui change au-delà des limites de l’accord de Paris, l’atteinte des 17 objectifs de développement durable (ODD) est impossible. Il n’est ainsi pas de développement durable qui ne soit aussi résilient au climat. Inversement, la protection de la biodiversité et la réduction des inégalités socio-économiques sont des conditions sine qua non à l’atteinte des objectifs climatiques et d’une résilience des sociétés humaines qui ne s’accompagne pas d’une dégradation sévère du bien-être des individus.

Article initialement écrit pour et publié par le site Géoconfluences. Merci à l’autrice (MRZ) d’avoir accepté cette copublication proposée par le responsable du site (JBB).

Bibliographie

Références citées

(AR6) GIEC, 6e rapport d’évaluation, 2021-2023

Stefan C. Aykut, Lucile Maertens, 2021. The climatization of global politics: introduction to the special issue, International Politics, 58, 4, 501-518 [pdf]

Magali Reghezza-Zitt, Samuel Rufat, 2019. Disentangling the range of responses to threats, hazards and disasters. Vulnerability, resilience and adaptation in question” [Démêler l'éventail des solutions contre les menaces et catastrophes. Vulnérabilité, résilience et adaptation en question], Cybergeo: European Journal of Geography (Open Access)

Christophe Cassou, Valérie Masson-Delmotte, 2022. Parlons climat en 30 questions, La documentation française, 110p.

Alex Cornelius, Christophe Béné, Fanny Howland, 2018. Is my social protection programme ‘shock-responsive’ or ‘adaptive’?, ITAD

Lauren Hartzell‐Nichols, 2011. Responsibility for meeting the costs of adaptation, Wiley Interdisciplinary Reviews: Climate Change, 2, 5, 687-700

Pour aller plus loin

Une sélection de ressources scientifiquement rigoureuses mais accessibles, pour enseigner le changement climatique et se documenter. Rapports, ouvrages généraux, sites et podcast.

Sur la France, les rapports du Haut Conseil au Climat : https://www.hautconseilclimat.fr/publications/

Rapports du GIEC : https://www.ipcc.ch/assessment-report/ar6/ (regarder les FAQ)

Bonpote, Anne Bres, Claire Marc, 2022. Tout comprendre (ou presque) sur le climat, CNRS Éditions, 136p.

Romain Felli, 2016. La grande adaptation. Climat, capitalisme et catastrophe, Éditions du Seuil, 240p.

Le podcast Chaleur humaine est l’un des plus complets pour tout savoir sur le réchauffement et les politiques climatiques, aux échelles internationales et nationales (voir la présentation sur le site du quotidien Le Monde)



[1] Impact, dans le sens de « conséquence, effet » », est un anglicisme. Toutefois, c’est le terme utilisé dans les traductions officielles des textes du GIEC en français. Le terme est aujourd’hui stabilisé dans la littérature scientifique sur le réchauffement climatique.