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Article | 23/09/2003

Des cycles glaciaires-interglaciaires avant le Quaternaire ?

23/09/2003

Gilles Delaygue

CEREGE Aix-en-Provence

Pierre Thomas

ENS de Lyon

Emmanuelle Cecchi

Benoît Urgelli

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Enregistrement des cycles glaciaires anté-quaternaires dans les sédiments océaniques, difficultés de la résolution spatio-temporelle.


Les questions

« Existait-il avant le quaternaire des cycles glaciaire-interglaciaire ? »

« Comment les connaît-on ? Est-ce principalement l'étude des pollens ; des ossements d'animaux continentaux et des terrasses fluviatiles ?  »

« Dans ce cas, comment connaître avec finesse les variations de climats des périodes pour lesquelles ces témoins ne sont pas nombreux ? »

Les réponses

Comment connaît-on l'existence de cycles glaciaires avant le Quaternaire ?

De façon générale, l'ère Quaternaire est caractérisée par ces cycles glaciaires rapides, pendant lesquels le climat de la Terre a changé.

S'il y a donc des cycles glaciaires à l'échelle des ères géologiques (dizaines voire centaines de millions d'années), la cyclicité de périodes glaciaires (à l'échelle des dizaines et centaines de milliers d'années) est très difficile à montrer pour des ères plus anciennes, à cause de l'ambiguïté des archives et de l'incertitude sur leur datation.

On dispose cependant des traces de glaciations, jusqu'à l'ère primaire (tillites du Permo-carbonifère), et des traces de variations "rapides" du niveau de la mer sont connues, au Crétacé, par exemple.

Les marqueurs utilisés sont essentiellement continentaux, et s'il est vrai qu'ils sont à l'origine de la découverte des glaciations, d'autres marqueurs (notamment la composition isotopique des sédiments océaniques) permettent de définir de façon plus synthétique ces glaciations.

En effet, les marqueurs océaniques ont enregistré les variations globales du niveau de la mer, ainsi que la température de surface. Alors que les enregistrements continentaux sont très discontinus, ces marqueurs océaniques offrent un enregistrement à peu près continu.

Dans l'exemple du Crétacé (vers 125 Ma, au Berriasien/Valanginien), l'étude de Stoll et Schrag (Science 1996, vol. 272, p.1771) sur des sédiments marins du Berriasien, associe les variations isotopiques de l'oxygène, liées à la température et/ou à une glaciation, aux variations du strontium pour avancer l'existence de cycles glaciaires à l'échelle de quelques centaines de milliers d'années.

La combinaison de fossiles, marins et continentaux, de la nature des roches sédimentaires (évaporite, détritique,etc), des traces directes (restes de moraines, figures de sédimentation), des variations isotopiques (de l'oxygène par exemple), permet donc de montrer l'existence de glaciations dans le passé.

On connaît ainsi d'autres ères glaciaires, éventuellement beaucoup plus importantes, comme celle associée à la théorie de la snow-ball Earth, qui présente une Terre entièrement gelée juste avant le Cambrien. Les quatre dernières ères glaciaires sont :

  • la glaciation panafricaine (vers -600 Ma) ;
  • la petite glaciation ordovicienne ;
  • la glaciation permo-carbonifère ;
  • la glaciation mio-plio-quaternaire dans laquelle nous sommes.

La plus vieille de toutes ces ères glaciaires est datée de -3 Ga.

L'origine des cycles glaciaires-interglaciaires

Trois facteurs sont généralement invoqués pour expliquer les variations climatiques passées : les variations d'insolation, les variations du taux de dioxyde de carbone, et la position des continents (contrôle tectonique).

À l'échelle de l'ère géologique (plusieurs centaines de millions d'années)

Au Secondaire, plus exactement au Crétacé, de nombreux marqueurs pointent vers un climat globalement plus chaud de 5°C, expliqué par une teneur en CO2 de 4 à 10 fois plus élevée que l'actuel...

Comment expliquer cette forte teneur en CO2 atmosphérique ? L'insolation ne semble pas jouer un rôle primordiale dans ce réchauffement mais plutôt l'activité tectonique globale qui s'intensifie.

Voir Dossier Boucles de régulation climatique.

On peut imaginer, via l'érosion continentale, une cyclicité du cycle du carbone (altération des silicates calciques) liée aux cycles de Wilson (formation de super-continents, puis dislocation) de l'ordre de plusieurs centaines de millions d'années.

Au cours du Tertiaire, le déplacement des continents a ouvert le passage de Drake dans l'Océan Austral. On pense que ceci a permis au Miocène la mise en place du courant océanique circumpolaire ainsi que de la calotte glaciaire antarctique qui a refroidi le climat par son altitude et son albédo élevé. C'est un exemple de contrôle tectonique du climat.


À l'échelle de la période glaciaire (dizaines à centaines de milliers d'années)

À cette échelle, les paramètres de Milankovitch jouent probablement un rôle prépondérant : on sait qu'ils constituent un forçage du climat de la Terre depuis toujours, à l'origine de "cycles de Milankovitch", mais le caractère glaciaire de ces cycles n'est pas vraiment attesté.

De plus, le calcul du forçage climatique de Milankovitch n'est pas possible au-delà de quelques millions d'années, par manque de précision sur les paramètres orbitaux de la Terre.

Même si le signal climatique enregistré dans les sédiments plus anciens que le Quaternaire est souvent de plus faible amplitude, plus difficilement interprétable, sous-échantillonné, ceci n'est pas un argument pour dire que les cycles climatiques de Milankovitch n'existaient pas dans le passé, même le plus lointain.

Plus généralement, c'est une erreur de croire que le climat était plus stable "avant". Par ailleurs, les cycles de Milankovitch n'ont pas toujours été liés à des glaciations.