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Article | 11/07/2000

L'eau dans le système solaire

11/07/2000

Pierre Thomas

ENS de Lyon - Laboratoire des Sciences de la Terre

Benoît Urgelli

ENS de Lyon / DGESCO

Emmanuelle Cecchi

Résumé

Cet article fait le point sur la présence d'eau dans l'univers, en particulier dans le système solaire, en abordant les cas, successivement, de l'univers, des nébuleuses, du système solaire interne puis du système solaire externe.


L'eau et les molécules dans l'Univers

Les 3 éléments chimiques les plus abondants de l'univers sont, dans l'ordre, l'Hydrogène, l'Hélium et l'Oxygène. Comme l'Hélium est chimiquement inerte, rien d'étonnant que les deux molécules théoriquement les plus abondantes de l'univers soient H2 et H2O. C'est ce que confirment toutes les observations astronomiques. Les molécules qui suivent H2O en abondance sont fonctions des atomes "réactifs" les plus fréquents qui arrivent après l'hydrogène (H), l'hélium (He) et l'oxygène (O), à savoir dans l'ordre le carbone (C), l'azote (N), le magnésium (Mg), le silicium (Si) et le fer (Fe). Tous ces atomes s'associent avec l'hydrogène et l'oxygène pour former CH4, NH3, HCN, SiO4Mg2 et SiO3Mg (olivine et pyroxène), du Fe (libre ou oxydé)... Ces composés, théoriquement présents, sont réellement observées dans l'Univers.

L'eau dans les nébuleuses

Les nébuleuses sont des nuages de gaz, où la pression est partout très faible, mais où règne un gradient de température et de pression entre le centre (chaud et à pression faible) et la périphérie (froide et à pression extrêmement basse). L'hydrogène et l'hélium sont toujours gazeux quelques soient la pression et la température dans cette nébuleuse, mais les autres molécules peuvent être solides.

Au centre de la nébuleuse (température élevée), ne sont solides que les molécules réfractaires (silicates, fer). Ces molécules s'agrègent en poussières. Plus vers la périphérie, ces molécules peuvent s'hydrater (olivine --> serpentine, fer --> Fe(OH)2 ...). Encore plus vers la périphérie, ces poussières silicatées et oxydées se recouvrent d'un épais manchon de glaces, glace d'H2O prédominante, associée là où il fait le plus froid à de la glace d'NH3, de CH4...

Le système solaire, qui dérive de la condensation et de l'accrétion au sein d'une nébuleuse, la nébuleuse pré-solaire, s'est donc formé dans un milieu riche en H20.

L'eau dans le système solaire interne

Le système solaire interne (de Mercure aux Astéroïdes) a été formé par l'accrétion des poussières présentes dans les régions centrales de la nébuleuse pré-solaire. Il est donc majoritairement constitué de silicates et de fer, et l'eau y est minoritaire. Cette eau peut avoir 2 origines:

  1. L'eau contenue dans les poussières initiales faites de silicates ferreux plus ou moins hydratés. Lors de l'accrétion, la chaleur (chaleur d'accrétion, + chaleur radioactive) a provoqué la fusion des silicates et du fer, et l'eau a quitté les silicates pour migrer vers la surface. Il s'agit de l'eau de dégazage.
  2. Après l'accrétion, le système solaire interne a été bombardé par des corps à orbite elliptique, dont beaucoup venaient du système solaire externe et étaient riches en eau. (comètes...).

Cette eau de 2ième génération s'est ajoutée à l'eau du dégazage, et il y a actuellement un grand débat (non clos) pour chiffrer la part relative de ces deux origines. L'eau de dégazage semble quand même majoritaire.

Sur Mercure et sur la Lune, la température élevée qui communique aux molécules une grande vitesse d'agitation (450°C et 150°C respectivement pendant la journée), et la gravité faible n'ont pas permis la retenue de l'eau. Ces corps se sont donc entièrement déshydratés. Sur la Lune par exemple, aucune molécule d'eau ni aucun minéral hydroxylé (comme un mica ou une amphibole) n'a été trouvée lors des missions Apollo.

Il existe cependant un site particulier où de la glace d'H2O semble exister sur ces corps: les cratères situés aux pôles, et dont le fond n'est jamais éclairé par le soleil et soumis à une température constante de -200°C. De la glace y a été détectée indirectement, et serait principalement d'origine cométaire.

Pour La Terre et Mars, c'est le cas opposé de la Lune et de Mercure: l'eau superficielle est restée. La pression et la température lui permettent d'exister en surface sous ces 3 états.

Il ne faut pas oublier cependant qu'à coté de l'eau superficielle (océan principalement) existe aussi une eau profonde: le manteau terrestre contient environ 0,1% d'H2O (dispersée dans les réseaux cristallins), ce qui constitue une masse équivalente à celle des océans. Le volcanisme dégaze (et déshydrate) en permanence le manteau. Mais celui-ci se réhydrate grâce à la subduction qui injecte environ 80m3/s d'H2O dans le manteau.

Pour Mars, voir le dossier "L'eau sur Mars", de Pierre THOMAS (juillet 2000).

La gravité de Vénus est assez forte pour retenir l'intégralité de l'eau, comme sur Terre. Vue la température forte (+ 450°C), cette eau devrait se retrouver sous forme de vapeur dans l'atmosphère. Ce n'est pas le cas, l'atmosphère de Vénus ne contient que quelques dizaines de ppm d'H2O.

Où est passé cette eau?

L'eau initiale de Vénus est probablement restée sous forme de vapeur (forte température), contrairement à celle de la Terre qui a très rapidement été condensée en eau liquide. Cette vapeur d'eau initiale, en grande quantité dans l'atmosphère, a probablement été intégralement photolysée par les U.V. solaires, ce qui n'a pas pu se produire sur Terre à cause de l'état liquide de l'eau. L'eau est donc devenue H2 et O2. Le dihydrogène, molécule légère, a quitté la planète malgré la gravité importante. Cette fuite importante de dihydrogène est confirmée par le rapport isotopique 1H/2H de l'eau résiduel. Mais le dioxygène, molécule lourde n'aurait pas dû partir. Or elle n'est pas présente dans l'atmosphère. On est donc amené à supposer (sans preuve) que cet O2 a complètement oxydé la lithosphère de Vénus. Il "suffit" en effet d'oxyder l'intégralité du Fe++ des silicates en Fe+++ sur quelques dizaines de km d'épaisseur pour absorber tout le dioxygène théorique de Vénus.

L'eau dans le système solaire externe

Le système solaire externe, où la température en plein jour ne dépasse pas -150°C, résulte de l'accrétion de poussières condensées en périphérie de la nébuleuse pré-solaire théoriquement très riche en H2O (avec en plus des silicates et du fer). De fait, des 22 corps de diamètre important (>500 km), 16 ont une faible masse volumique (entre 1 et 2 g/cm3) et montrent des spectres superficiels indiquant la présence majoritaire de glace: une planète (Pluton), et 15 satellites, dits satellites de glace. Ces corps sont donc tout à fait compatibles avec une composition d'au moins 50% de glace, le reste étant de chimie chondritique (silicates + fer).

Suivant les sources d'énergie qui ont chauffé (et chauffent encore) ces corps, certains ne sont pas différenciés (glaces, silicates et fer intimement mélangés), et d'autres le sont (fer au centre, recouvert de silicates, recouverts de glaces). Pour ces corps différenciés, il n'est pas exclu que certains niveaux de la couche d'H2O soient liquides, à quelques centaines de km de profondeur sous la surface.

Des données indirectes le suggèrent (champ magnétique dont l'intensité peut s'expliquer par la conductivité de couches d'eau salée liquide), sans en apporter la preuve.

Six corps font exception: les quatre planètes géantes dites gazeuses (Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune), et deux satellites de Jupiter (Io et Europe).

En surface, les quatre planètes géantes ne sont constituées que des gaz H2 et He. Mais leur masse volumique (entre 0,7 et 1,7g/cm3) et leur moment d'inertie montrent qu'elles ne peuvent pas être constituées que de dihydrogène et d'He comprimés. Il doit y avoir au centre un noyau plus dense, mais qui ne représente qu'une faible proportion de la masse totale. Sur Jupiter, la masse de ce noyau est estimée entre 1 et 5% de la masse totale. Comment expliquer une telle structure?

Il faut supposer qu'à l'origine, ces quatre planètes géantes n'étaient pas différentes des autres corps de la région (corps principalement constitués de glace, avec en plus silicates et fer), si ce n'est qu'elles étaient les quatre plus gros corps. Leur gravité, plus forte que celles des 18 autres corps, leur a permis d'attirer à eux et de garder les gaz H2 et He de la nébuleuse. Cette capture de dihydrogène et d'hélium, et l'augmentation de masse qui en résulte, a perduré jusqu'à ce que le Solei s'allume et le vent solaire résultant chasse tous les gaz de la nébuleuse (sauf ceux maintenus par la forte gravité de ces planètes).

Io et Europe, accrétés dans le système solaire externe, auraient du être majoritairement constitués de glace, comme les autres satellites de Jupiter par exemple. Or Io a une masse volumique de 3,55 g/cm3, et Europe de 3,05 g/cm3. Ces masses volumiques montrent que Io ne contient pas de glace et a une chimie globale chondritique et suggère qu'Europe est constitué d'une majorité de matériel chondritique, additionnée d'une proportion faible mais non négligeable d'H2O.

Un simple calcul où l'on suppose que Europe est constitué de x% de matériel chondritique (masse volumique de 3,55) et de (100-x)% d'eau (de masse volumique de 1) montre qu'Europe est constitué d'une sphère de silicates (+ fer) de 3040 km de diamètre, surmonté d'une couche d'H2O d'environ 100 km d'épaisseur.

Pourquoi ces compositions atypiques pour le système solaire externe ?

L'hypothèse la plus simple est la suivante : initialement Io et Europe étaient principalement faits de glaces comme tous les corps de la région. Mais Europe et Io sont très près de Jupiter, et les particularité orbitale du système jovien entraînent de très fortes marées sur Io, importantes bien que plus faibles sur Europe. Ces marées entraînent des déformations périodiques de ces deux corps, sources de frictions et de chaleurs.

Sur les satellites lointains de Jupiter (Ganymède et Callisto), l'échauffement par les marées a été insuffisant pour vaporiser (et laisser "fuir") l'H2O. Ces deux corps ont encore plus de 50% de glace.

Io a tellement chauffé (et est encore tellement chaud) que toute l'eau a été vaporisée malgré la faible température externe, et qu'elle a quitté Io du fait de la faible gravité. Le volcanisme actuel, qui porte localement la température superficielle à +1300°C (dans le vide), empêche encore de nos jours toute présence d'H2O sous quelques forme que ce soit sur Io..

Europe, situé à une distance intermédiaire, est moins chauffé que Io, mais plus que Ganymède et Callisto. La majorité de l'eau a été vaporisée et a quitté Europe, mais il en reste une proportion non négligeable. Les observations et les calculs théoriques suggèrent fortement que la couche de 100 km d'eau est chauffée par la base (volcanisme, degré géothermique ...), mais refroidie par la surface (température externe <-150°C). La compétition entre le réchauffement basal et le refroidissement superficiel fait que, sur les 100 km d'H2O d'Europe, seul les 10 km du haut seraient en glace, et que les 90 km de base seraient en eau liquide.

Deux corps du système solaire posséderaient donc de vrais océans d'eau liquides relativement superficiels : la Terre et Europe. La Terre est peuplée de "terriens". Y a-t-il des Européens?