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Article | 16/06/2003

Formation d'une dorsale et variation du niveau marin

16/06/2003

Pierre Thomas

ENS-Lyon.

Jérôme Gaillardet

IPGP, Paris.

Benoît Urgelli

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Effet de la vitesse d'expansion des dorsales et de la variation de volume des continents sur le niveau de la mer.


Question

Objet : eustatisme Date : Mar., 13 Nov 2001 13:40:45 De : K Rantesette.

« En quoi la formation d'une dorsale peut-elle entraîner une modification du niveau marin ? »

Objet : eustatisme Date : Mar., 2 Avr 2002 08:35:19 De : Catherine.Badaire.

« À propos des variations du niveau marin ainsi que ses causes, notamment l'expansion des fonds océaniques, je me suis penchée sur la période du Crétacé, connue pour sa forte activité tectonique ainsi que pour sa célèbre transgression. Comment expliquer que lorsque les bassins océaniques augmentent de surface (expansion), le niveau des mers augmente ? La première idée des élèves est que le niveau diminue et cela parait logique.... Je voudrais donc, afin de valider cette hypothèse, faire un petit calcul. Est-il possible, simplement, de quantifier les variations du niveau marin à la suite de l'expansion ? Comment peut-on connaître le volume et la surface des océans avant et après transgression, peut-on quantifier le volume des dorsales ? »

Objet : renseignements Date : Mer., 28 May 2003 17:48:56 +0200 De : Daniel.Fournier9.

« Qu'elles sont les relations entre l'activité des dorsales et les transgressions marines ? »

Réponse

Résumé

En première approximation, on peut considérer que la largeur de l'ensemble des fonds océaniques reste constante (puisque la production de croûte océanique est compensée par sa subduction). Mais c'est la morphologie des fonds océaniques qui va changer la hauteur du niveau marin. En effet, des variations du volume de la dorsale se produisent lors du refroidissement de la croûte océanique (phénomène de subsidence thermique : c'est chaud = c'est en relief, c'est froid, ça s'enfonce, comme le soufflé au fromage !). Ainsi, lorsque l'activité d'une dorsale augmente, la morphologie du fond de l'océan en question change et la dorsale prend la forme d'un triangle plus pointu. Le volume océanique disponible devient alors plus faible. Comme le volume d'eau, lui, reste constant, l'eau va nécessairement envahir les plateaux continentaux (transgression marine associée à une forte activité des dorsales). Enfin, n'oubliez pas qu'il ne faut pas raisonner au niveau d'un seul océan mais sur l'ensemble des océans qui communiquent tous entre eux.

Relation entre vitesse d'expansion océanique et niveau eustatique

Ces courbes mettent en évidence une relation entre la vitesse de l'expansion océanique et les variations du niveau marin. La vitesse moyenne de l'expansion océanique varie au cours du temps et lorsqu'elle est importante, le niveau de la mer est élevé.

Comment expliquer cette relation ?

Faisons dans un premier temps l'hypothèse simpliste suivante : la surface globale des continents est constante. Ce qui influence alors les variations du niveau marin, c'est le volume du bassin océanique.

Le volume du bassin océanique peut varier si :

  • L'activité globale des dorsales changent. C'est le cas au Crétacé supérieur où quasiment toutes les dorsales du monde s'accélèrent, donc "gonflent", et par conséquent la mer monte.
  • Une nouvelle dorsale naît dans l'océan. En effet, une dorsale ne commence pas obligatoirement par l'amincissement d'une lithosphère continentale et rien n'empêche l'apparition d'une dorsale en domaine océanique. Cela est arrivé plusieurs fois par exemple dans l'Océan Indien depuis le Jurassique.

Faisons à présent varier la surface continentale globale. Lorsque la surface continentale diminue, la surface océanique augmente, donc son volume potentiel aussi, et la mer baisse ; et c'est théoriquement l'inverse si la surface continentale augmente.

Une diminution de la surface continentale correspond soit à de la subduction continentale, soit à l'empilement de deux croûtes continentales l'une sur l'autre (collision). Dans ces cas, il y a donc baisse du niveau marin.

À l'opposé, l'ouverture océanique par étirement de la lithosphère continentale accroît la surface continentale (par génération de croûte continentale amincie), et théoriquement fait remonter le niveau de la mer. Mais cela est plus difficile à quantifier, car la croûte continentale amincie est immergée.

Comment modéliser simplement cette relation ?

Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que c'est le fond du récipient qui change de hauteur pour des questions de subsidence thermique : c'est chaud, c'est en relief, c'est froid, ça s'enfonce et l'enfoncement de la croûte océanique par refroidissement est une loi en racine du temps.

Prenons une Terre simple avec une océan unique (une bassine) et calculons le volume d'océan disponible pour deux configurations extrêmes :

  • L'activité de la dorsale est faible, le fond de la bassine à la forme d'un triangle.
  • La dorsale est très active, la hauteur du triangle reste constante, mais sa base s'élargit.

Ceci est conforme aux observations : la profondeur de l'axe des dorsales lentes aussi bien que des dorsales rapides est toujours d'environ 2 500 m, mais la pente est plus faible pour les dorsales rapides. On a donc formation d'un triangle de base plus large (et donc moins pointu), ce qui revient à une augmentation du volume de la dorsale. La largeur du fond de la bassine reste constante ainsi que la hauteur de la bassine sur les côtés (puisque la production de croûte océanique est compensée par sa subduction).

Il suffit de connaître la surface d'un triangle et on calcule le volume disponible de la bassine. On trouve naturellement que ce volume disponible est plus faible dans le cas d'une activité de la dorsale soutenue. Comme le volume d'eau, lui, reste constant, l'eau de la bassine va nécessairement envahir les bords. C'est la transgression. Et on peut connaître facilement le volume d'eau qui déborde. Connaissant la pente moyenne du plateau continental (du bord de la bassine), on peut calculer l'amplitude de la transgression. Voilà un calcul très simple(iste ?) (calcul de la surface d'un triangle) et qui peut permettre d'expliquer le lien entre activité des dorsales et variation du niveau marin.

Variations eustatiques et variations des climats et de la biodiversité

Notez que les modifications du niveau marin et de la vitesse d'expansion océanique influent sur le climat et modifient les niches écologiques.

  • Les périodes de haut niveau marin, qui correspondent à une augmentation de l'activité volcanique, s'accompagnent d'une augmentation de la pression partielle en CO2 dans l'atmosphère et donc d'une réchauffement climatique par effet de serre. Ces changements de pression de CO2 déterminent donc des modifications climatiques à long terme. Ce couplage (activité forte des dorsales - dégazage fort de CO2 fort) est vrai, mais il faut préciser que ce dégazage se fait majoritairement dans les zones de subduction, mais pas dans les rides océaniques où le CO2 qui arrive est rapidement piégé dans les carbonates de la croûte océanique. Il y a donc un petit temps de délai entre l'augmentation de l'activité des dorsales et le dégazage de CO2 par volcanisme.
  • Par ailleurs, les périodes de bas niveau marin ont des répercussions importantes sur la biodiversité qui se traduisent souvent par une crise marquée comme au Dévonien supérieur ou au Permo-Trias.