Article | 26/01/2017
Les comètes observables en 2017
26/01/2017
Résumé
Courant 2017, après les observations de janvier, au moins 4 comètes devraient atteindre une luminosité permettant de les observer aux jumelles, et peut-être à l'œil nu pour 2 d'entre elles.
Table des matières
Passons en revue l'origine, les caractéristiques ainsi que les dates et conditions d'observation optimales des 4 comètes qui "illumineront" notre ciel en 2017, de février à juillet, après avoir observé, ou tenté de le faire, les comètes de début janvier, Deux comètes à chercher aux jumelles en ce début janvier 2017.
La comète 45P/Honda-Mrkos-Pajdusakova (première quinzaine de février)
Première comète "brillante" de l'année, 45P/Honda-Mrkos-Pajdusakova (HMP) a été découverte en 1948. Avec une période d'un peu plus de 5 ans, c'est son 13ème retour près du Soleil depuis sa découverte. Son orbite est proche de l'écliptique, avec un périhélie à l'intérieur de l'orbite de Vénus et un aphélie juste au-delà de celle de Jupiter (Figure 1).
Source - © 2017 D'après cometbase.net
Ces caractéristiques orbitales, dans l'écliptique et croisant l'orbite de Jupiter, la font classer dans les comètes périodiques dites de la "famille Jupiter", comme la maintenant célèbre 67P/Churyumov-Gerasimenko, observée de près par la sonde européenne Rosetta entre 2014 et 2016 (cf., par exemple, Philae et la comète Churyumov-Gerasimenko (67P/CG) : atterrissage du 12 novembre 2014 et premiers résultats). Ces comètes ayant une orbite dans le plan de l'écliptique, on considère qu'elles proviennent de la ceinture de Kuiper, cet ensemble de petits corps de glace orbitant au-delà de Neptune, dans des plans proches de l'écliptique également. C'est l'une des rares comètes de cette famille (avec 103P/Hartley) dont la quantité d'eau lourde dans la glace, une signature de son origine, est compatible avec celle des océans terrestres (une conclusion tirée des données du télescope spatial européen Herschel). Ce minuscule morceau de glace et de poussières provenant des confins du système solaire est donc peut-être apparenté aux objets qui, il y a 4,5 milliards d'années, ont apporté l'eau sur la Terre en formation. Rien que cela mérite d'y jeter un œil.
Durant la première quinzaine de février, ayant passé son périhélie le 31 décembre 2016, elle croisera l'orbite de la Terre en "repartant" vers son aphélie, juste au-delà de l'orbite de Jupiter (Figure 2, animation).
Source - © 2017 Simulation cometbase.net
Attendue au mieux de magnitude 6, 45P/HMP ne sera pas visible à l'œil nu, mais le sera à l'aide de jumelles, avant l'aube, à l'Est, de plus en plus haut d'une nuit à la suivante. Une façon intéressante de la repérer, et de garder une trace de chaque observation, est de prendre un cliché du ciel en direction de la comète à relativement courte focale (moins de 35 mm). Pour une magnitude 6, on peut espérer distinguer la comète correctement, avec une ouverture à f/3.5, sur une pose de 6 secondes à 3200 ISO (réglages à affiner selon le résultat).
La comète 45P/HMP passera dans la constellation de l'Aigle du 1er au 6 février (Figure 3), dans le Serpentaire le 7 et 8, dans Hercule du 9 au 11 (Figure 4), dans la Couronne Boréale le 12 et 13, dans le Bouvier le 14 et 15 (Figure 5), traversant le ciel de bas en haut (Figure 6), avant de redescendre jusqu'à finir sa course dans le Lion fin février. Dans le même temps, en deuxième quinzaine, sa luminosité devrait chuter de la magnitude 6 à la magnitude 10 environ.
Source - © 2017 D'après simulations Stellarium | Source - © 2017 D'après simulations Stellarium |
Source - © 2017 D'après simulations Stellarium | Source - © 2017 D'après simulations in-the-sky.org |
Du 5 au 20 février, le mouvement journalier de 45P/HMP dépassera 5°, atteignant au maximum 8° en 24h. Le mouvement apparent maximal sera de 22" par minute au plus rapide, ce qui revient à traverser le diamètre apparent de la Lune en 1h20. Avec un télescope à suivi équatorial ce mouvement sera évident en quelques minutes, et à un grossissement de l'ordre de 150x, la comète semblera traverser le champ de vue de l'oculaire en moins d'une heure.
La comète 45P/HMP sera au plus près de la Terre le 11 février au matin, à environ 12 millions de kilomètres, soit 0,08 UA (UA pour Unité Astronomique – la distance moyenne Terre-Soleil – ~150 millions de km). Lors de sa précédente orbite, en 2011, elle avait effectué un passage encore plus proche, à 0,06 UA. C'est d'ailleurs lors de ce précédent passage qu'elle fut observée par le télescope Herschel.
Au moment où elle croisera la Terre, qui orbite autour du Soleil à 30 km/s, 45P/HMP aura une vitesse orbitale autour du Soleil de 40 km/s. Elle parcourra alors environ 3,5 millions de km en 24h, alors que la Terre sera à seulement 3 à 4 fois cette distance. C'est cette proximité relative, couplée avec des directions de déplacement différentes, qui explique la rapidité du mouvement apparent qu'aura alors la comète dans le ciel terrestre.
La comète 2P/Encke (fin février, début mars)
La deuxième comète périodique à passer près de la Terre en 2017, 2P/Encke, est une vieille connaissance. Observée pour la première fois en 1786 par Pierre Méchain, astronome et cartographe français découvreur, entre autres, de nombreuses nébuleuses, la périodicité de cette comète fut reconnue en 1819 par Johann Franz Encke. Cet astronome allemand réalisa le premier que 4 des comètes observées entre 1786 et 1818 pouvaient avoir la même orbite, et pu calculer celle-ci. La comète 2P/Encke est nommée en son honneur, sur le modèle de 1P/Halley nommée en l'honneur d'Edmund Halley, premier calculateur d'une orbite cométaire. La dénomination « 2P/Encke » est celle recommandée par l'UAI (Union Astronomique Internationale –IAU en anglais) : le "P" indique qu'il s'agit d'une comète périodique, dont l'orbite est connue, et le premier nombre indique la position de la comète dans l'ordre historique des orbites périodiques calculées (et à titre d'exemple, 45P/HMP, présentée plus haut, est la 45ème comète périodique dont l'orbite a été calculée). La comète 2P/Encke a une périodicité de seulement 3,3 ans. Son orbite (Figure 7), faiblement inclinée, à 12° de l'écliptique, l'amène au périhélie plus près du Soleil que Mercure (à 0,33 UA), et à 1 UA de l'orbite de Jupiter à l'aphélie (à 4,1 UA du Soleil). Avec une orbite à première vue similaire à celles des comètes de la "famille Jupiter", 2P/Encke est pourtant dynamiquement différente car elle ne croise pas l'orbite de Jupiter. Elle ne fait donc pas partie de cette famille. Elle est en fait le type d'une autre catégorie de comètes confinées à l'intérieur de l'orbite de Jupiter : les comètes de "type Encke".
Source - © 2017 D'après cometbase.net
Le passage au périhélie de 2P/Encke en 2017 n'est hélas pas particulièrement favorable à l'observation pour nous, observateurs terrestres. 2P/Encke passe au périhélie (à l'intérieur de l'orbite de la Terre) et au plus près de la Terre en conjonction avec le Soleil (Figure 8) : noyée dans la lumière du jour, elle ne sera donc pas observable lorsqu'elle atteindra sa luminosité maximale, a priori le 10 mars. Il faudra donc la chercher quelques jours avant.
Source - © 2017 Simulation cometbase.net
Approximativement du 28 février (Figure 9) au 5 mars (Figure 10), 2P/Encke sera probablement décelable aux jumelles au-dessus de l'horizon Ouest au crépuscule, pendant une brève fenêtre temporelle, vers 19h20-19h30. Sa magnitude est incertaine : elle pourrait ne pas dépasser 6, et sera alors très difficile à déceler, mais pourrait atteindre 4. Dans ce cas favorable, pendant quelques jours, son augmentation de luminosité apparente (de magnitude 6 à 4) alors qu'elle se rapproche du Soleil pourrait compenser le fait que la lumière crépusculaire la rendra de plus en plus difficile à séparer du ciel. Le 28 février, dans un ciel déjà relativement sombre, la Lune sera à la même hauteur que la comète (Figure 9).
Source - © 2017 D'après simulations Stellarium | Source - © 2017 D'après simulations Stellarium |
La distance minimale entre 2P/Encke et la Terre sera atteinte le 12 mars, avec 98 millions de km, 2 jours après son passage au périhélie. Après son périhélie, 2P/Encke sera "sous" le plan de l'écliptique, c'est-à-dire en direction du Sud. En couplant cela avec sa position apparente relativement proche du Soleil, il découle que depuis l'hémisphère Nord 2P/Encke ne sera au-dessus de l'horizon que de jour ! Donc inobservable. En revanche elle sera observable brièvement depuis l'hémisphère Sud : lecteurs de la Réunion, de Nouvelle-Calédonie ou de Polynésie, vous pouvez essayer de la repérer plein Est, 30 à 45 minutes avant le lever du Soleil entre le 15 et le 20 mars.
La comète 41P/Tuttle-Giacobini-Kresák (mi-mars à début mai)
Alors même que la comète 45P/HMP disparaîtra en direction de la constellation du Lion fin février, c'est de cette même constellation qu'une autre comète, 41P/Tuttle-Giacobini-Kresák (TGK) semblera commencer à se rapprocher de la Terre.
L'orbite de 41P/TGK n'a pu être calculée qu'à sa troisième apparition connue, observée par Lubos Kresák, en 1951. On réalisa alors qu'elle avait été observée brièvement (trop peu de temps pour que sa trajectoire permette le calcul d'une orbite précise) pour la première fois en 1858 par Horace Parnell Tuttle, et en 1907 par Michel Giacobini. C'est aussi une comète de la "famille Jupiter" avec une période de 5,4 années, une faible inclinaison de 9°, un périhélie juste à l'extérieur de l'orbite terrestre, à 1,05 UA, et un aphélie au niveau de celle de Jupiter, à 5,1 UA (Figure 11).
Source - © 2017 D'après cometbase.net
Généralement peu spectaculaire, restant invisible à l'œil nu, 41P/TGK pourrait cependant réserver une bonne surprise. En effet, lors de son passage au périhélie en 1973 elle a subi deux éruptions de poussières qui ont augmenté sa luminosité d'environ 10 unités de magnitude (10000 fois !) pendant plusieurs jours. Alors relativement loin de la Terre (plus de 0,85 UA), avec une magnitude de base autour de 14, elle avait atteint la magnitude 4 à deux reprises pendant quelques jours. Ce comportement ne s'est pas reproduit lors des passages ultérieurs, mais on sait qu'il n'est pas impossible…
En 2017, 41P/TGK approche la Terre au plus près depuis au moins 1907 et avant au moins la moitié du XXIème siècle. Le rapprochement maximal de 41P/TGK à la Terre aura lieu la nuit du 31 mars au 1er avril, à une distance relativement faible de 21,2 millions de km (0,14 UA seulement ! –Figure 14). La comète 41P/TGK sera à son périhélie le 12 avril à 1,04 UA du Soleil (Figures 12 et 15).
Source - © 2017 Simulation cometbase.net
La comète 41P/TGK devrait atteindre une magnitude de 8 à la mi-mars et inférieure à 7 début avril, ce qui reste invisible à l'œil nu, mais qui en fera un objet "facile" aux jumelles, à la lunette, ou sur une photo à longue pose. Sa luminosité redescendra jusqu'à la magnitude 8 début mai. Si jamais 41P/TGK subi une éruption semblable à celles de 1973, on peut imaginer pendant quelques jours une magnitude de l'ordre de 0 ou négative, c'est à dire une comète plus lumineuse que les étoiles les plus brillantes du ciel, donc facilement visible à l'œil nu…
La trajectoire de 41P/TGK dans le ciel est favorable puisqu'elle reste visible tout au long de la nuit, passant de la constellation du Lion en février à la Grande Ourse en mars (Figure 13) puis au Dragon en avril (Figures 14 et 15), avant de passer entre Hercule et la Lyre, à 4° seulement de Vega, le 2 mai (Figure 16). En l'absence de Lune dans le ciel, on pourra l'observer en soirée la deuxième moitié de mars. La première semaine d'avril on préférera l'observer en fin de nuit, une fois la Lune en premier quartier couchée. La Lune sera inévitable la deuxième semaine d'avril, puis on retrouvera un ciel sombre en soirée la deuxième quinzaine d'avril.
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La comète C2015 V2 Johnson (mai à juillet)
Dernière comète potentiellement proche de la visibilité à l'œil nu cette année 2017, une découverte récente : C/2015 V2 Johnson, découverte par l'astronome Jess Johnson, avec le télescope du programme Catalina Sky Survey (CSS) installé dans les montagnes de Catalina, au Nord de Tucson (Arizona).
La trajectoire calculée pour C/2015 V2 Johnson est hyperbolique : ce n'est pas une ellipse fermée autour du Soleil mais une hyperbole ouverte (Figure 17). Cela signifie qu'après son passage au périhélie, C/2015 V2 Johnson sera sur une trajectoire quittant le système solaire. Sa trajectoire d'arrivée était cependant elliptique, avec un demi-grand-axe de près de 60 000 UA (quasiment une année-lumière, et le quart de la distance entre le Soleil et l'étoile la plus proche !), une inclinaison d'environ 50° par rapport à l'écliptique et une période correspondante de 14 millions d'années ! En passant près du Soleil, la comète profitera de ce que l'on appelle l'effet de fronde gravitationnelle, gagnant de la vitesse au détriment du Soleil, et repartant avec une vitesse supérieure à la vitesse de libération du système solaire.
Source - © 2017 D'après cometbase.net | Source - © 2017 D'après cometbase.net |
L'orbite immense d'arrivée de C/2015 V2 Johnson place son origine aux confins de la région que l'on appelle le nuage d'Oort, une zone sphérique centrée sur le Soleil (cf. Figure 2 de ... 2003 UB 313,...), peuplée de milliards de petits corps entre quelques centaines d'UA et 60000 UA. Cela implique aussi que cette comète a quitté le nuage d'Oort il y a environ 7 millions d'années, c'est-à-dire à peu près lorsque vivait l'ancêtre commun aux Hommes et aux Chimpanzés.
C/2015 V2 Johnson passera à son périhélie le 12 juin, à 1,64 UA du Soleil, soit un peu au-delà de l'orbite de Mars. Le rapprochement maximal à la Terre, relativement lointain, aura lieu le 5 juin à 0,81 UA (121,3 millions de km) (Figure 19). La première quinzaine de juin sera donc a priori la période la plus favorable à l'observation de cette comète, même si elle sera déjà repérable dès fin avril.
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Le comportement de C/2015 V2 Johnson au périhélie est totalement inconnu, puisque c'est la première fois qu'elle nous rend visite. C'est d'ailleurs le cas pour toutes les comètes à la trajectoire similaire, relativement fréquentes. Il existe tout de même des modèles de prédiction de luminosité, mais qui sont notoirement imprécis. Les estimations données ci-dessous sont probablement conservatrices. Même si elle ne semble pour l'instant pas dévier des tendances modélisées, dans l'éventualité d'une éruption d'activité au périhélie, la luminosité de C/2015 V2 Johnson pourrait être supérieure...
La comète C/2015 V2 Johnson devrait être plus brillante que la magnitude 8 entre fin avril et fin juillet. Ce devrait alors être, comme 41P/TGK, un objet "facile" à observer avec des jumelles, une lunette, ou un appareil photo. Passant la magnitude 7 à la mi-mai, elle sera alors observable en soirée dans un ciel sans Lune, vers le Sud-Est, quasiment au zénith, dans la constellation du Bouvier (Figure 20). Entre le 30 mai et le 4 juin on préférera observer en fin de nuit, avant 4h30 (le début de l'aube), pour éviter la Lune (Figure 21). Le maximum de luminosité de "Johnson" devrait approcher la magnitude 6, autour du 6 juin, quand elle passera à 5° à gauche de l'étoile Arcturus, dans la constellation du Bouvier. Malheureusement la Lune se mêlera inévitablement à la partie ! Il faudra attendre le 13 juin, après la pleine Lune, pour retrouver un ciel noir, en soirée, après 23h (Figure 22). Entre les deux l'observation sera moins profitable, même si on peut surveiller le déclenchement d'une improbable éruption.
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C/2015 V2 Johnson devrait dans l'absolu rester visible jusqu'à fin août, mais dans des conditions de plus en plus défavorables pour l'hémisphère Nord car elle se dirige vers le Sud et sera donc de plus en plus basse dans le ciel, quelle que soit l'heure. Elle franchit l'écliptique le 6 juillet, pour finalement devenir inobservable depuis l'hémisphère Nord après le 14 juillet (Figure 23).