Article | 28/02/2007
La comète Wild 2 : premiers résultats des analyses des grains ramenés par la mission Stardust
28/02/2007
Résumé
Analyses de la fraction minérale, analyses isotopiques des grains et de la matière organique.
Table des matières
Il y a un an, nous avons publié un article faisant un état des connaissance sur les comètes au début de 2006. Cet article avait été publié juste avant le retour (réussi) des poussières cométaires de la comète Wild 2 ramenées par la mission Stardust.
Un an après ce retour d'échantillons, les premiers résultats préliminaires sont publiés par la revue Science du 15 décembre 2006. On peut aussi suivre l'histoire de la mission Stardust sur le site dédié de la NASA.
Faisons un rapide résumé de ces résultats.
La comète Wild 2
Il s'agit d'une comète à très courte période. La figure ci-dessous résume les différents types d'orbites cométaires. La majorité des comètes ont leur aphélie dans la ceinture de Kuiper ou dans le nuage de Oort, largement en dehors du schéma. Leur période orbitale est très largement supérieure au siècle (exemple : Hyakutake). Si l'une de ces comètes passe très près de Saturne ou de Jupiter, elle peut être déviée et avoir une orbite moins elliptique et une période plus courte (quelques dizaines d'années, comme la comète de Halley), voire beaucoup plus courte (période de révolution de quelques années) comme les comètes Tempel 1 (visitée par Deep Impact) et Wild 2.
Source - © 2007 Science
Pour l'instant, seuls quatre noyaux cométaires ont été survolés et ces quatre noyaux sont assez peu ressemblants. Il est donc assez difficile de faire le portrait robot d'une comète. Wild 2, comme Halley, Borrely et Tempel 1, est donc une comète dont on n'est pas sûr de la représentativité. Il faut avoir cette réserve en tête lors de l'étude des résultats de Stardust.
Pour plus de détails sur le noyau de la comète Wild 2, voir l'article cité en introduction à propos des comètes (fig 12 à 16 et texte associé).
La mission Stardust et le prélèvement des poussières
La sonde Stardust a été lancée en février 1999. Elle a survolé la comète Wild 2 en traversant sa chevelure le 2 janvier 2004. C'est lors de ce survol qu'elle a sorti une "raquette" comprenant des panneaux d'aérogel dans lesquels sont venus se fixer des poussières cométaires.
Source - © 2007 NASA/JPL
La sonde est revenue sur Terre le 15 janvier 2006. Des poussières cométaires ont effectivement été captées par l'aérogel.
La vitesse relative de la sonde et des poussières était de 6,1 km/s, ce qui a formé de nombreux micro-cratères dans l'aérogel. Les poussières ont été décélérées très fortement en quelques millimètres, se sont brisées et ont chauffé en ralentissant et s'arrêtant dans l'aérogel. Les plus grosses particules ont le plus chauffé, et ont pu atteindre 2000 K ; les plus petites ont beaucoup moins chauffé. Chaque particule a creusé un sillon tubulaire dans l'aérogel, appelé "trace". Si les plus grosses particules sont situées au fond de la trace, de nombreux petits fragments se sont étalés le long de la trace. La tailles des plus gros grains recueillis est d'environ 20 μm. La majorité des grains sont beaucoup plus petits.
Les résultats concernant la fraction minérale non volatile
Analyser des grains de poussières, si possible en les détruisant le moins possible, de tailles inférieures à 20 μm et dont la masse totale est très largement inférieure au μg est un challenge expérimental. Les résultats présentés ici ne sont que des résultats préliminaires.
Les figures suivantes montrent la vue, et son interprétation, d'un grain "standard" et les analyses du rapport Fe/Mg des olivines et pyroxènes de 9 grains de poussières.
Les poussières interplanétaires (IDP, Interplanetary Dust Particules)
Tout le système solaire baigne dans des micro-poussières, particulièrement abondantes dans le plan de l'écliptique. Ces poussières sont à l'origine du phénomène de la lumière zodiacale. On récupère ces micro-poussières (qui ne chauffent pas lors de leur rentrée dans l'atmosphère ) soit en fondant des mètres cube de glace antarctique prélevée à des centaines de kilomètres de toute montagne émergeant de la calotte et de toute source de pollution, soit avec des avions stratosphériques équipés de panneaux recouverts de gel adhésif.
On peut résumer les principaux résultats de la façon suivante : les grains de poussières de Wild 2 ont, en gros, la composition chimique des chondrites vis à vis des silicates et sulfures métalliques. Il y a une abondance de silicates formés à haute température (olivine). La grande variabilité du rapport Mg/Fe dans ces silicates reflète une grande variété de conditions de formation, qui proviendraient donc d'une grande variété de régions de la nébuleuse pré-solaire où ces silicates ont pris naissance. On n'a pas encore identifié de silicates hydratés (genre serpentine ou argile), ce qui est très différent des chondrites carbonées, et très étonnant dans un corps majoritairement composé de glace d'H2O.
Tout ceci suggère qu'une comète est faite d'un mélange de particules condensées loin du Soleil (glace) et près du Soleil (olivine). Le mélange de particules de provenances différentes lors de l'accrétion des comètes (ou de leurs corps parents) semble beaucoup plus important qu'on ne le pensait auparavant.
Les résultats concernant les analyses isotopiques
La composition isotopique en hydrogène (H), oxygène (O), carbone (C) et azote (N) est relativement homogène dans les échantillons de Stardust. La gamme des (petites) variations observées est compatible avec tout ce qu'on a mesuré à ce jour dans le système solaire. L'essentiel du matériel analysé a donc pour origine des condensats de la nébuleuse solaire, et non pas des grains interstellaires antérieurs à notre nébuleuse. La contribution des molécules organiques interstellaires (dont le rapport D/H peut atteindre 10-1 soit 1000 fois le SMOW) semble minoritaire.
Source - © 2007 Science
Il y a une exception : un micro-grain, lui même inclus dans un grain standard. Ce micro-grain montre un très fort enrichissement en 17O. Jusqu'à présent on n'avait retrouvé de telles compositions isotopiques que dans les « grains pré-solaires ».
Les grains pré-solaires
On appelle grains pré-solaires des micro-grains, inclus dans les chondrites les plus primitives, et dont la composition isotopique indique une origine extérieure à notre système solaire. Ces grains pré-solaires ont dû arriver sous forme de poussières "toutes faites" qui se sont mélangées à notre nébuleuse en train de se condenser et où se déroulaient les processus d'accrétion.
La présence d'un seul micro-grain d'origine extérieure à notre système solaire monte bien que l'essentiel du matériel cométaire a pour origine la condensation et l'accrétion de notre nébuleuse et que le matériel extra-système solaire y est tout à fait marginal.
Source - © 2007 Science
Les résultats concernant la matière organique
Il y a de la matière organique dans les poussières de Wild 2. Ses rapports isotopiques montrent qu'il ne s'agit en aucun cas de contamination terrestre.
L'analyse moléculaire de cette matière organique est très difficile (1) à cause des faibles quantités présentes, (2) à cause du chauffage et de la dégradation qu'ont subis les grains lors de leur capture par l'aérogel.
Les trois figures suivantes montrent quelques exemples de résultats et leurs interprétations brutes.
Ces quelques exemples d'analyses, et toutes les autres non citées ici, permettent les conclusions suivantes :
- de la matière organique existe dans les échantillons Stardust ;
- sa distribution est hétérogène et non équilibrée ;
- cette matière organique est voisine, mais non identique à celle des chondrites carbonées et des poussières interplanétaires ;
- ses composés organiques sont plus riches en O et N que ceux des météorites ;
- les composés aromatiques sont présents, mais plus rares que dans les chondrites carbonées ;
- plusieurs groupements et fonctions ont été identifiés : alcool, cétone, aldéhyde, acide carboxylique, amides, nitrile, etc ;
- les enrichissements en 15N suggèrent que certaines de ces molécules pourraient avoir une origine interstellaire.
Conclusion générale
On peut tirer quelques conclusions provisoires de ces résultats préliminaires.
- Les poussières cométaires de Wild 2 sont principalement originaires de notre nébuleuse. La contribution de grains pré-solaires et de molécules organiques interstellaires est faible, mais non nulle.
- Les comètes semblent constituées de matériels provenant de diverses régions de notre nébuleuse : des régions éloignées du Soleil (glace) comme des régions proches (olivine). Des mécanismes de transferts radiaux vont devoir être trouvés.
- La matière organique des grains cométaires est variée, et différente de celle des météorites. Les processus d'organo-synthèse dans le système solaire primitif sont donc très complexes.
Tous ces résultats devront être intégrés dans nos scénarios sur l'origine du système solaire, son histoire primitive, son évolution… Attendons maintenant une deuxième "fournée" de résultats, plus poussés que ces analyses préliminaires.