Image de la semaine | 23/06/2025
Planisphère en calcaire crétacé supérieur à rudistes, Belem, quartier de Lisbonne (Portugal)
23/06/2025
Résumé
Un planisphère géant en calcaires variés : calcaire rose à rudistes, calcaire blanc azoïque et marbre noir.
Les dates en noir indiquent l'année de la première exploration par des navigateurs portugais. Les jambes d'un visiteur marchant sur ce planisphère donnent l'échelle. Ce planisphère est constitué d'un puzzle de dalles de calcaire poli. Les continents sont en calcaire rose contenant de très nombreux rudistes datant de la base du Crétacé supérieur (Cénomanien, ≈ 95 Ma). Les océans sont constitués de calcaire blanc apparemment azoïque à l'œil nu (et donc d'un âge indéterminable pour un “promeneur” même “averti”). Les dalles sombres qui limitent la carte sont en marbre (calcaire métamorphique) noir.
Localisation par fichier kmz du planisphère en calcaire à rudistes du quartier de Belem à Lisbonne (Portugal).
Le Padrão dos Descobrimentos (en français , le Monument aux Découvertes) est un monument érigé à la mémoire des navigateurs portugais des XVe et XVIe siècles et du prince Henri le Navigateur (1394-1460). Ce roi du Portugal est à l'origine de l'entreprise d'exploration des côtes de l'Afrique par les marins portugais, qui commença en 1415 et aboutit en 1488 à la découverte du Cap de Bonne-Espérance par Bartolomeo Diaz, puis, en 1498, au premier voyage par voie maritime directe de l'Europe à l'Inde par Vasco de Gama qui a doublé ce cap du Sud de l'Afrique.
Au Nord du monument se trouve une rose des vents de 50 mètres de diamètre dessinée au sol. Son centre est occupé par un planisphère (12 × 7 m) qui montre les destinations des navigateurs portugais des XVe et XVIe siècles et les dates de leurs découvertes. Monument et planisphère ont été construits en 1960. Les continents de ce planisphère sont constitués en calcaire rose contenant de très nombreux rudistes datant du Crétacé supérieur (Cénomanien, ≈ 95 Ma). Les océans sont constitués de calcaire blanc apparemment azoïque (et donc d'un âge indéterminable). Les dalles sombres qui entourent la carte sont en marbre (calcaire métamorphique) noir.
Nous vous montrons (figures 1 à 5 et 7 à 9) des photographies prises sur place le 15 avril 2025, ce qui était difficile vu le nombre de visiteurs se promenant sur la rose des vents et la carte. Puis, pour la plupart des figures entre 9 et 16, nous utiliserons Google Earth pour voir ce planisphère sans visiteur depuis le sol, puis en vue aérienne. Nous terminerons par des photographies prises dans les rues de Lisbonne montrant que l'utilisation de ces calcaires à rudistes est courante dans l'aménagement des places, des escaliers et des trottoirs de cette ville.
Figure 2. Zoom sur l'Est de l'Europe du planisphère de Belem (Lisbonne, Portugal) Les sections de rudistes sont bien reconnaissables. D'après la littérature (Silva et Pereira, 2023), les plus fréquents de ces rudistes appartiennent aux familles des Caprinulidés et des Sauvagesidés. |
Nouvelle-Guinée et Timor ont été explorés en 1512 par les navigateurs portugais arrivant de l'océan Indien, et non du Pacifique traversé pour la première fois par Magellan seulement 9 ans plus tard, en 1521. De belles sections de rudistes sont visibles sur la Nouvelle-Guinée. |
Zoom sur les côtes de l'actuel Ghana, à gauche, à l'actuel Cameroun. On peut comparer ces calcaires à rudistes cénomaniens (95 Ma) d'après la littérature (figures 6 et 20) à ceux à peine plus vieux (120 Ma) qu'on trouve au Pays basque (cf. Découvrir les rudistes en parcourant les rues de Saint-Sébastien (Pays basque espagnol) et en visitant le musée d'Orgon (Bouches du Rhône), article qui détaille ce qu'est le groupe des rudistes, bivalves bien particuliers). Passer “un certain temps” sur cette carte un jour où il n'y a que peu de visiteurs devrait permettre, avec toutes les sections visibles, de reconstituer ces rudistes en 3D et de les identifier formellement (voir la figure 6). |
On peut comparer ces calcaires à rudistes cénomaniens (95 Ma) d'après la littérature (figures 6 et 20) à ceux à peine plus vieux (120 Ma) qu'on trouve au Pays basque (cf. Découvrir les rudistes en parcourant les rues de Saint-Sébastien (Pays basque espagnol) et en visitant le musée d'Orgon (Bouches du Rhône), article qui détaille ce qu'est le groupe des rudistes, bivalves bien particuliers). Passer “un certain temps” sur cette carte un jour où il n'y a que peu de visiteurs devrait permettre, avec toutes les sections visibles, de reconstituer ces rudistes en 3D et de les identifier formellement (voir la figure 6). |
Source - © 2025 D’après Silva et Pereira, 2023 (fig. 14), traduit et modifié
Figure 6. Les différents types de coupes dans des coquilles des rudistes caprinulidés
A) Coupe transversale de la valve droite “fixe” (VF), ou gauche (“libre”, VL) à section subcirculaire.
B) Coupe oblique de la valve libre gauche (VL). Parce que la valve libre est en spirale, la coupe présente un contour en forme de rein.
C) Coupe longitudinale de la valve libre en spirale. Les fossiles de caprinulides présentent des parois à structure alvéolaire (EA) et sinueuse disjointe (ED).
D) Coupe tangentielle de la valve libre, exposant les canaux palléaux piriformes plus minces, à la périphérie, et plus grossiers, au centre.
La commissure est la ligne (ou le plan) d'union entre les valves. Toutes les photos ont été prises dans l'agglomération de Lisbonne, sur des façades et des trottoirs.
Source : C.M. Silva, S. Pereira, 2023. Breve guia de Paleontologia urbana, Revista de Ciência Elementar, 11, 4, 043.
Figure 7. Vue générale des Amériques sur le planisphère en calcaire à rudistes de Belem (Lisbonne, Portugal) Les rudistes sont bien visibles au premier plan (en Argentine). Les deux photos suivantes montrent des détails des dalles de calcaire blanc (les océans) et de marbre noir qui entoure le planisphère et qu'on voit sous les pieds des deux touristes. |
La dalle centrale est affectée par un joint stylolitique, seule structure visible à l'œil nu quand on parcourt ces dalles de calcaire blanc au milieu d'autres visiteurs. |
Figure 9. Bordure du planisphère de Belem (Lisbonne, Portugal) montrant les 3 types de calcaires utilisés Ce zoom sur l'extrême Nord de la Sibérie montre, de gauche à droite, le calcaire rose à rudistes, le calcaire blanc, et le « marbre » noir qui entoure tout le planisphère. |
Figure 10. Vue en direction du Nord sur l'ensemble du planisphère de Belem (Lisbonne, Portugal) Au fond, le monastère de Saint-Jérôme (Mosteiro dos Jerónimos). |
Figure 11. Vue en direction du Sud sur l'ensemble du planisphère de Belem (Lisbonne, Portugal) Ce planisphère est dominé par le Monument aux Découvertes bâti au bord du Tage, fleuve qu'on voit en arrière-plan. |
Source - © 2007 Tiago Fioreze - CC BY-SA 3.0, modifié La figure suivant montre la rose des vents au centre de laquelle se situe le planisphère. | |
L'échelle est donnée par les autobus. |
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On peut noter l'absence de Magellan (1480-1521). Mais si Magellan est né portugais, il a quitté le Portugal en 1517 pour se mettre au service de l'Espagne. Et c'est pour l'Espagne qu'il a entrepris son tour du monde qu'il n'a pu achever (il est mort en 1521 aux Philippines). |
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Les dalles de calcaire à rudistes sont omniprésentes à Lisbonne. On les trouve “partout”, des escaliers du Lycée français de Lisbonne, aux trottoirs devant le très célèbre monastère de Saint-Jérôme (Mosteiro dos Jerónimos) en passant par d'autres lieux… Quant aux innombrables pavés dont est constituée la majorité des trottoirs de Lisbonne, ils sont en calcaire blanc (le même que celui des océans du planisphère ?). Pour illustrer cette omniprésence, nous vous montrons trois images du parvis de l'église Saint-Roch (Sao Roque), église située quelques centaines de mètre au Sud du musée de minéralogie.
Au premier plan, le trottoir de la rue est constitué de pavés de calcaire blanc. | |
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L'utilisation abondante de calcaires crétacés dans les bâtiments de Lisbonne, outre les bonnes propriétés mécaniques de ces calcaires, vient du fait qu'ils sont abondants dans cette partie du Portugal. Il y avait même des carrières de calcaires à rudistes dans l'agglomération de Lisbonne. Existent-elles encore ? Mon trop court séjour à Lisbonne ne m'a pas permis d'étudier ces calcaires crétacés “en place”. Les dernières figures montrent un article parlant de ces calcaires crétacés à rudistes qu'on exploitait dans l'agglomération de Lisbonne ainsi qu’une carte géologique simplifiée du Sud du Portugal.
Source - © 1981 F. Lapierre |
Source - © 2010 ENGEO Web, modifié Figure 21. Extrait de la carte géologique simplifiée du Portugal On voit que la région de Lisbonne est majoritairement constituée de terrains méso-cénozoïques. Tout l'Ouest de Lisbonne (Lisboa) est constitué de Crétacé. |