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Article | 04/02/2015

Comète 67P/Churyumov-Gerasimenko : galerie de paysages et d'objets géologiques photographiés par Rosetta de mi-octobre 2014 à fin janvier 2015

04/02/2015

Pierre Thomas

ENS de Lyon - Laboratoire de Géologie de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Sélection d'images de la comète Chury et commentaires sur les paysages, les jets cométaires, les structures, les terrains, les litages et les curiosités révélés par Rosetta... avec un petit complément ajouté suite à un passage en rase-motte le 14/02/2015.


C'est la troisième ressource que nous consacrons à la comète 67P/Churyumov-Gerasimenmo, également appelée 67P/CG, ou Chury. Tout d'abord, une conférence (son et diapositives, seuls ou synchronisés) résumait ce qu'on savait des comètes avant août 2014 et décrivait dans l'ordre chronologique ce qu'avait découvert la sonde Rosetta jusqu'au 17 octobre 2014 (cf. La sonde Rosetta explore la comète Churyumov-Gerasimenko. Résultats communiqués au public au bout de 10 semaines d'approche, 1 mois avant l'atterrissage du module Philae ). Puis un article, Rosetta et la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko : résultats scientifiques publiés à partir des données du survol rapproché d'août et septembre 2014, a résumé les 8 premiers articles scientifiques parus dans la revue Science du 23 janvier 2015, Catching A Comet, articles basés sur des images et analyses obtenues en août et septembre 2014. Cette troisième ressource correspond à une galerie de 78 images sélectionnées et rapidement commentées. Ces images ont été prises (ou mises en ligne) à partir de mi-octobre 2014, elles n'existaient pas encore ni lors de la prépépartion de la conférence, ni lors de l'élaboration des articles scientifiques publiés par Science.

Toutes les images commentées ici viennent de la sonde de l'ESA, Rosetta, qui est en orbite autour de 67P/CG. Il y a, hélas, très peu d'images à haute résolution des caméras OSIRIS, mais surtout des images de (relativement) basse résolution de la caméra de navigation (NAVCAM). Ce sont parfois des images individuelles, parfois des mosaïques (ou des portions de mosaïques) de 4 images, le tout pouvant se trouver sur les sites de l'ESA (les images de Space in images - Rosetta et du blog Rosetta blog). L'ESA ne mettant pas en ligne toutes les mosaïques faisables, on peut en télécharger d'autres déjà faites sur le site Rosetta mission ou en réaliser soi-même. À partir de ces images en ligne, on peut également faire soi même divers traitements : changer la taille et la résolution de l'image, son orientation, sa perspective, la luminosité et les contrastes... Sur ses sites, l'ESA ne donne que très peu de commentaires scientifiques, ne donne pas systématiquement l'échelle, et ne localise pas toujours les images à haute résolution qu'elle met en ligne... Tout cela ne rend pas facile le fait de commenter, légender soi-même les images. Légendes et commentaires sont donc purement personnels, forcément provisoires et pourront être remis en cause, par exemple quand toute la couverture à haute résolution de la surface de 67P/CG sera disponible.

Vues générales de 67P/Churyumov-Gerasimenko

Chury est constitué de deux lobes, un lobe principal, encore appelé « corps », et un plus petit lobe, parfois appelé « tête ». Corps et tête sont reliés par le « cou ».

Nous vous présentons tout d'abord 12 images globales de la comète prises entre le 30 octobre 2014 et le 21 janvier 2015, parfois vue "de profil" avec les deux lobes bien visibles, parfois vue "de face" avec les deux lobes l'un derrière l'autre, avec, bien sûr, tous les intermédiaires possible. Ces 12 images sont toutes des mosaïques de 4 images NAVCAM (caméra de navigation) de Rosetta.

Figure 1. Images prises le 30 octobre 2014 d'une distance de 26,8 km du centre de la comète Chury

En haut, la tête où se posera Philae le 12 novembre 2014.


Figure 2. Images prises le 2 novembre 2014 d'une distance de 33,4 km du centre de la comète 67P/CG

En haut à droite, le corps et la plaine d'Imhotep.


Figure 3. Images prises le 17 novembre 2014 d'une distance de 42 km du centre de la comète 67P/CG

De gauche à droite, le corps, le cou et le tête. Noter la falaise Hathor de 900 m de hauteur.





Figure 7. Images prises le 10 décembre 2014 d'une distance de 20,1 km du centre de la comète 67P/CG

De gauche à droite : le corps, le cou et la tête.


Figure 8. Images prises le 1er janvier 2015 d'une distance de 28,4 km du centre de la comète Chury

De gauche à droite : le corps, le cou et la tête


Figure 9. Images prises le 10 janvier 2015 d'une distance de 27,5 km du centre de la comète Chury

De gauche à droite : la tête, le cou et le corps




Figure 12. Images prises le 21 janvier 2015 d'une distance de 27,9 km du centre de la comète Chury

Au premier plan, le petit lobe ; au fond, le lobe principal.


Jets cométaires de gaz, aérosols et poussières

Ce qui, au moins historiquement, définit une comète, c'est l'émission de jets de gaz, d'aérosols et de poussières quand la comète passe près du Soleil. Ces gaz sont issus de la sublimation des glaces, les aérosols sont dus à la condensation de certains de ces gaz, et les poussières sont des micro-particules solides entraînées par les jets gazeux. L'intensité des jets augmente lorsque la distance au Soleil diminue. Actuellement, 67P/CG se rapproche du soleil ; elle atteindra son périhélie en août 2015, puis commencera à s'en éloigner. Pendant la première année de sa mission effective (d'août 2014 à août 2015), Rosetta devrait donc voir l'importance des jets augmenter. C'est ce qu'elle a effectivement observé pendant ces six premiers mois. En août 2014, l'essentiel des jets sortaient du cou. Progressivement, de plus en plus de jets s'échappaient d'autres régions des petits et grand lobes. Quand on peut voir d'où sortent les jets, on voit assez souvent qu'ils sortent de dépressions plus ou moins circulaires, mais qui n'ont pas la morphologie de cratères d'impacts. Les photographies à haute résolution et l'accroissement de l'activité d'ici août 2015 nous en apprendront sans doute beaucoup sur la genèse et le fonctionnement de ces dépressions à l'origine des jets.

Voici 6 figures illustrant ces jets cométaires émis par 67P/Churyunmov-Gerasimenko.

Figure 13. Comparaison de 2 mosaïques d'images NAVCAM prises les 19 septembre et 20 novembre 2014 depuis approximativement la même distance (29 km) du centre de 67P/CG

Les 2 vues ont quasiment le même angle de prise de vue et le même éclairage.

Aux possibles problèmes de réglages de la caméra près, on voit l'accroissement de l'intensité des jets, en particulier sur le lobe principal.




Gros plan sur le jet sortant du lobe principal de Chury le 30 novembre 2014

Figure 16. Gros plan sur le jet sortant du lobe principal de Chury le 30 novembre 2014

Il semble que ce jet sorte de la dépression située au sommet de l'image, et non de derrière l'"horizon". En effet, le rempart arrière de la dépression semble moins contrasté que les environs, car vu à travers la brume du jet.

https://www.flickr.com/photos/lunexit/15746724949/in/set-72157640456168396 (contraste renforcé)


Comparaison de 2 fragments de mosaïques du même secteur du lobe principal semaines d'intervalle

Figure 17. Comparaison de 2 fragments de mosaïques du même secteur du lobe principal semaines d'intervalle

Ce secteur (voir image précédente) est vu sous deux angles de vue et deux conditions d'éclairage pas trop différents. On observe la présence d'un jet le 30 novembre 2014 alors qu'il n'y en avait pas le 20 octobre 2014. Un effet de l'accroissement de l'activité de la comète (qui se rapproche petit à petit du Soleil) ?


Deux traitements différents d'une même mosaïque NAVCAM du 21 janvier 2015 montrant un détail du lobe principal de Chury

Figure 18. Deux traitements différents d'une même mosaïque NAVCAM du 21 janvier 2015 montrant un détail du lobe principal de Chury

L'image du haut correspond au traitement de l'ESA. Au pied et devant l'ombre d'un monticule à sommet plat situé presque au centre de l'image, on devine une ligne claire : sans doute un jet étroit. Dans l'image du bas, j'ai considérablement renforcé les contrastes. Le jet à peine visible sur l'image normale apparaît alors nettement. Des jets larges mais à peine visibles sur l'image "normale" apparaissent nettement sur l'image aux contrastes renforcés.


Figure 19. Puits actif photographié par OSIRIS (caméra à champ étroit) le 28 août 2014

Alors qu'une image "normale" ne révèle rien, l'ESA a aussi publié une image aux contrastes renforcés mettant en évidence des jets sortants du puits au centre de l'image.


Dépressions irrégulières et variées

Les images globales de 67P/Churyumov-Gerasimenko montrent de très nombreuses dépressions plus ou moins circulaires, mais parfois de formes irrégulières. À une exception près, aucune n'a les caractéristiques morphologiques des cratères d'impact. Même pour les dépressions circulaires, la relation diamètre/nombre de dépressions n'est pas comparable à celle des cratères d'impact que l'on voit des plus gros corps telluriques (sans atmosphère) aux petits astéroïdes. Tout laisse à penser que ces dépressions sont soit des évents d'éjection de jets de gaz et de poussières, soit des structures obtenues par collapse de vides obtenus par sublimation de couches profondes. Espérons que les prochains mois pendant lesquels l'activité de la comète va augmenter nous feront comprendre le(s) lent(s) ou rapide(s) mécanisme(s) de formation de ces dépressions.

Voici 5 figures illustrant différentes morphologie de ces dépressions.

Mosaïque de 4 images NAVCAM (30 octobre 2014) montrant le petit lobe et ses multiples dépressions irrégulières

Figure 20. Mosaïque de 4 images NAVCAM (30 octobre 2014) montrant le petit lobe et ses multiples dépressions irrégulières

Ces dépressions sont vraisemblablement dues à des phénomènes complexes de dégazage.


Mosaïque de 4 NAVCAM (prises le 6 novembre 2014) montrant une autre face du petit lobe et ses multiples dépressions

Figure 21. Mosaïque de 4 NAVCAM (prises le 6 novembre 2014) montrant une autre face du petit lobe et ses multiples dépressions

La plus grande des dépressions visibles est nommée Hatmehit. C'est sur le bord chaotique (en bas à gauche) d'Hatmehit que se trouve sans doute Philae, coincé dans une crevasse.


Image NAVCAM prise le 25 octobre 2014 depuis seulement 7,7 km de la surface du petit lobe de 67P/CG

Figure 22. Image NAVCAM prise le 25 octobre 2014 depuis seulement 7,7 km de la surface du petit lobe de 67P/CG

Cette image couvre environ 800x800 m. Elle montre de gros plans sur ces dépressions dont le fond est souvent parsemé de blocs et d'éboulis.


Exemple de dépression isolée à la surface de la comète Chury, dépression qui mériterait le nom de puits

Figure 23. Exemple de dépression isolée à la surface de la comète Chury, dépression qui mériterait le nom de puits

Cette photo NAVCAM a été prise depuis 7,7 km au-dessus de la surface le 15 octobre 2014. L'image couvre une surface d'à peu près 850x850 m.


Figure 24. Image OSIRIS prise le 10 septembre 2014 d'un cratère qui ressemble à un cratère d'impact sur Chury

On peut localiser ce cratère de 35 m de diamètre (sur le lobe principal) sur la figure 65, dans la partie sur les effets visibles de la gravité.


Paysages et principaux types de terrains

Les 13 figures suivantes montrent des paysages caractéristiques de 67P/CG et permettent de retrouver les différents types de terrains identifiés sur Chury. Certaines sont prises d'assez loin, et montrent de vastes secteurs d'un lobe. D'autres sont prises avec la caméra NAVCAM lors d'orbites à très basse altitude, ou par la caméra à petit angle d'OSIRIS. La résolution y est alors extraordinaire et montre de tous petits détails. On voit en particulier très bien la différence entre (1) les CCM (Cometary Consolided Materials, également appelés ECS, Exposed Consolidated Surfaces) qui correspondent à des affleurements de la matière qui constitue l'intérieur de la comète, (2) les DCT (Dust Covered Terrains) qui correspondraient à des retombées de poussières issues des jets, et (3) les BM (Brittle Materials) qui correspondraient à des amoncellements d'éboulis provenant de pentes.


Vue NAVCAM d'un détail du lobe principal du Chury depuis une altitude de 7,7 km, le 21 octobre 2014

Figure 30. Vue NAVCAM d'un détail du lobe principal du Chury depuis une altitude de 7,7 km, le 21 octobre 2014

La masse "rocheuse" montre des litages internes : réseaux de fractures se recoupant, ou fractures recoupant des "couches" ?


Vue NAVCAM en rase-motte (à 7,8 km de la surface de la comète) prise le 24 octobre 2014

Figure 31. Vue NAVCAM en rase-motte (à 7,8 km de la surface de la comète) prise le 24 octobre 2014

On voit que la masse du lobe principal est très structurée et est affectée par un "litage" formant des crêtes et des sillons parallèles. Fractures, couches... ?


Les Alpes ou les falaises surplombant le cou de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko ?

Figure 32. Les Alpes ou les falaises surplombant le cou de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko ?

Image NAVCAM prise le 23 octobre 2014 à 7,8 km de la surface.


Image NAVCAM d'un bord escarpé du lobe principal de Chury immédiatement au-dessus du cou

Figure 33. Image NAVCAM d'un bord escarpé du lobe principal de Chury immédiatement au-dessus du cou

Noter un aspect "stratifié" en haut à droite. Une possible loupe d'arrachement est visible dans le quart supérieur droit de cette image prise le 26 octobre depuis une altitude de 7,7 km.


Le mur d'escalade de Chury, situé dans le cou et adossé au lobe principal, à gauche

Figure 34. Le mur d'escalade de Chury, situé dans le cou et adossé au lobe principal, à gauche

Image NAVCAM du 28 octobre 2014, prise de 7,7 km au-dessus de la surface.


Fragment d'une mosaïque NAVCAM prise le 10 décembre 2014 montrant le cou, bordé à droite par la falaise Hathor (800m de haut) qui limite la tête

Figure 35. Fragment d'une mosaïque NAVCAM prise le 10 décembre 2014 montrant le cou, bordé à droite par la falaise Hathor (800m de haut) qui limite la tête

À gauche, le lobe principal. Les terrais lisses tapissant cette portion du cou se nomment Hapi.



Figure 37. Image OSIRIS montrant un détail des parois du cou de la comète Chury

L'image couvre 1,1 km de large, elle a été prise le 30 octobre 2014.


Fracture traversant le cou de la comète

Dès les mois d'août et septembre 2014, une fracture affectant le cou apparaissait sur les images mises en ligne (voir p 127 à 129 dans https://planet-terre.ens-lyon.fr/planetterre/objets/Images/Rosetta-Chury/Rosetta-Chury.pdf et 1 à 4 dans https://planet-terre.ens-lyon.fr/planetterre/objets/Images/Rosetta-Chury/complement-Chury.pdf) .

Les 4 images suivantes, prises et/ou publiées après mi-octobre, permettent de voir cette fracture avec une bonne résolution.


Image NAVCAM du 24 octobre 2014 montrant la fracture du cou, au niveau d'Anuket

Figure 39. Image NAVCAM du 24 octobre 2014 montrant la fracture du cou, au niveau d'Anuket

La fracture disparaît de notre vue au niveau d'un "col".


Figure 40. Partie d'une image OSIRIS mise en ligne le 22 janvier 2015 montrant un détail de la fracture au niveau d'Anuket

La figure suivante montre une vue "dessus" permettant de voir les deux côtés du "col".


Figure 41. Partie d'une image OSIRIS mise en ligne le 22 janvier 2015 montrant la fracture au niveau du cou De 67P/Churyumov-Gerasimenko

La fracture au niveau du cou de Chury est visible dans les terrains (relativement) consolidés d'Anuket (flèche verte, figure précédente vue en oblique) et se poursuit de l'autre côté du "col" dans les terrains lisses d'Hapi (flèche rouge).


Terrains lisses, Imhotep

L'une des régions la plus remarquable de la comète 67P/CG se trouve au toit du lobe principal. Il s'agit d'un vaste affleurement de terrains lisses (Smooth Terrains = SP), parsemé d'énorme blocs (jusqu'à 45 m de côté pour le plus grand nommé Chéops), parcouru par un sillon flexueux bien énigmatique, et entouré de terrains parfois "classiques", d'autres fois très "étranges", dessinant des couronnes, parfois vides mais parfois remplies. La nature de ces sillons flexueux et de ces couronnes reste parfaitement conjoncturelle avec les images rendue publique à ce jour. Cette région a été nommée Imhotep. La plaine domine la région à couronnes par une "cuesta" laissant deviner une structure en couche. Nous vous montrons, ci-dessous, 9 vues d'Imhotep.


Imhotep, "plaine" de terrains lisses, au "sommet" du lobe principal de 67P/CG

Vue générale de la plaine lisse Imhotep, plaine mesurant environ 1 km dans sa plus grande dimension

Figure 44. Vue générale de la plaine lisse Imhotep, plaine mesurant environ 1 km dans sa plus grande dimension

Bien que largement connue lors de la rédaction des articles du numéro spécial de Science du 23 janvier 2015, les équipes de scientifiques ne se sont pas attardés sur Imhotep. Ils attendaient sans doute des images de plus haute résolution. Sur cette image, on voit que les terrains entourant la plaine à gauche, en haut et à en haut à droite sont "normaux". En bas à gauche, la plaine est dominée par une "galette" presque aussi grande que la plaine, disque à bords surélevés et à cœur déprimé. En bas à droite, la région est parsemée de ces petites couronnes pleines (petits disques) ou creuses. Dans la plaine, on observe des gros blocs (45 m de côté pour le plus grand), et des sillons flexueux, dont un particulièrement net au centre de la plaine.

Mosaïque d'images NAVCAM prises le 14 décembre 2014. La région photographiée mesure 3 km de côté.

http://www.esa.int/spaceinimages/Images/2014/12/Comet_on_14_December_2014_NavCam


Vue verticale plus détaillée de la plaine Imhotep, sur la tête de Chury

Figure 45. Vue verticale plus détaillée de la plaine Imhotep, sur la tête de Chury

Mosaïque d'images NAVCAM du 26 octobre 2014 etcouvrant une surface d'environ 1,5x1,5 km.


Vue oblique d'Imhotep, plaine de terrains lisses de la comète 67P/CG

Figure 46. Vue oblique d'Imhotep, plaine de terrains lisses de la comète 67P/CG

Vu sous cet angle, le sillon flexueux ressemble plutôt à un escarpement flexueux. Mosaïque d'images NAVCAM du 8 octobre 2014.

La "galette", dont on voit un fragment au centre à gauche de l'image, semble avoir une falaise bordière stratifiée.


Figure 47. Comparaison entre vues verticale oblique d'Imhotep

Mosaïques d'images NAVCAM des 26 et 8 octobres 2014. L'allure en "couches" de la pente entre la plaine et la région au-dessous, ainsi qu'entre la "galette" et Imhotep, se devinent.


Zoom sur le sillon ou escarpement flexueux d'Imhotep sur la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko

Figure 48. Zoom sur le sillon ou escarpement flexueux d'Imhotep sur la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko

Parfois, le "sillon" fait penser à une fente ouverte, ou bien à un alignement de puits. Cela fait penser à une fissure ouverte sinueuse dans laquelle serait tombé le matériel constituant la plaine. Cette fissure ouverte pourrait être due au glissement du compartiment droit du sillon vers la droite, qui est "plus bas". Ce possible glissement pourrait avoir une origine gravitaire.

Photo NAVCAM du 23 octobre 2014, prise de 7,7 km au-dessus de la surface. Le gros bloc "rocheux" de gauche, Chéops, mesure 45 m de côté et 25 m de haut. L'allure en "couches" de la pente entre la plaine et la région au-dessous (en bas à droite) se voit bien.


Zoom sur les structures en couronnes vides et/ou pleines situées en contrebas de la plaine de terrains lisses Imhotep

Figure 49. Zoom sur les structures en couronnes vides et/ou pleines situées en contrebas de la plaine de terrains lisses Imhotep

L'origine de ces structures qui mesurent une cinquantaine de mètres de diamètre reste à déterminer. Extrait d'une mosaïque d'images NAVCAM du 18 octobre 2014.


Autre zoom sur les structures en couronnes vides et/ou pleines situées en contrebas de la plaine d'Imhotep

Figure 50. Autre zoom sur les structures en couronnes vides et/ou pleines situées en contrebas de la plaine d'Imhotep

L'origine de ces structures qui mesurent une cinquantaine de mètres de diamètre reste à déterminer. Extrait d'une mosaïque d'images NAVCAM du 26 octobre 2014.


Litage, stratification ?

Plusieurs fois dans les figures qui précèdent, on voit des terrains qui semblent avoir une nature litée. Dans le Science du 23 janvier, les auteurs parlent de layered terrains. Outre cet aspect stratifié visible dans le détail des affleurements, c'est un des côtés du petit lobe qui fait le plus penser à des strates (sur une comète !). Nous vous montrons deux vues de ces quasi-strates cométaires, ainsi que de possibles équivalents terrestres, avec ici-bas de vraies strates terrestres bien sédimentaires.

Vue d'ensemble sur la morphologie apparemment stratifiée de l'un des côté du petit lobe de Chury

Figure 51. Vue d'ensemble sur la morphologie apparemment stratifiée de l'un des côté du petit lobe de Chury

Quelle est l'origine de ce litage, de cette apparente stratification ?

Mosaïque d'images NAVCAM du 4 novembre 2014.


Zoom sur la morphologie apparemment stratifiée d'un des côté du petit lobe de la comète 67P/CG

Figure 52. Zoom sur la morphologie apparemment stratifiée d'un des côté du petit lobe de la comète 67P/CG

Quelle est l'origine de ce litage, de cette apparente stratification ?

Zoom extrait d'une mosaïque d'images NAVCAM du 4 novembre 2014.


Quelque part en Namibie, un paysage de strates sédimentaires horizontales

Figure 53. Quelque part en Namibie, un paysage de strates sédimentaires horizontales

Dans cette image, l'arrière-plan et le ciel ont été colorés en noir pour que la convergence morphologique avec l'image précédente soit plus saisissante.



Effets gravitaires

La gravité est extrêmement faible à la surface de 67P/CG. Elle est certainement variable d'un point à un autre, mais elle vaut, en ordre de grandeur, 1/50 000 de la gravité terrestre. Et pourtant la gravité est un agent morphologique important, causant éboulements, entonnoirs de soutirage, avalanches de type avalanche de poudreuse. Les éboulements et fissures ouvertes dans du matériel cométaire consolidé (CCM) montrent que ce matériel est extrêmement fragile puisqu'il est susceptible d'effondrement avec fractures malgré la très faible gravité. La très forte porosité (80%) pourrait en partie expliquer cette fragilité. Nous vous montrons 11 images illustrant les effets de cette gravité pourtant extrêmement faible.



Exemple terrestre de fissures ouvertes en bord de falaise

Figure 57. Exemple terrestre de fissures ouvertes en bord de falaise

Il s'agit d'une vue du bord du cratère Dolomieu, sur l'île de la Réunion.


Grosse "encoche" dans le lobe principal de Chury dominant le cou ("vallée" en bas, au centre de la photo)

Figure 58. Grosse "encoche" dans le lobe principal de Chury dominant le cou ("vallée" en bas, au centre de la photo)

La "base" de cette encoche ressemble aux Dust Cover Terrains (DCT). Ces terrains montrent plusieurs très nets entonnoirs d'effondrement en bord de la falaise dominant le cou. À la "verticale" de ces entonnoirs, on devine des ondulations qui correspondraient à l'accumulation de ce matériel effondré.

Fragment d'une mosaïque d'images NAVCAM du 8 janvier 2015.





Gros plan sur les entonnoirs d'effondrement des figures précédentes, comète 67P/Churyumov-Gerasimenko

Figure 62. Gros plan sur les entonnoirs d'effondrement des figures précédentes, comète 67P/Churyumov-Gerasimenko

Une fissure ouverte annonce un prochain effondrement.

Image NAVCAM du 20 octobre 2014.


Apparition et évolution de sillons dans le cou de la comète

Outre les jets qui augmentent en nombre / intensité depuis l'arrivée de Rosetta (on s'approche du Soleil), un autre changement a été identifié dans le cou de Chury par Rosetta et signalé dans le Rosetta blog » du 11 décembre 2014. Nous vous montrons une vue d'ensemble du secteur où a été remarqué le changement et une vue de détail, toutes deux datant du 9 décembre 2014. Nous vous montrons aussi deux autres figures qui juxtaposent, deux à deux, le même secteur photographié le 9 décembre 2014, le 2 octobre 2014 et le22 janvier 2015. Nous avons "traité" les images pour qu'échelles et projections des images soient le moins dissemblables possible afin de faciliter les comparaisons. Quelque chose est apparu dans le cou entre octobre et décembre 2014. Ce quelque chose ressemble au sillon flexueux d'Imhotep. Des départs de loupes de glissements ou d'arrachement ?

Zoom du du 9 décembre 2014 sur les quasi-sillons flexueux (à gauche) affectant la formation Hapi dans le cou au pied du lobe principal de la comète Chury

Figure 66. Zoom du du 9 décembre 2014 sur les quasi-sillons flexueux (à gauche) affectant la formation Hapi dans le cou au pied du lobe principal de la comète Chury

Ces sillons flexueux ressemblent à ceux d'Imhotep (cf. figure 45). Ces sillons flexueux ne semblaient pas exister en octobre 2014.

Image NAVCAM du 9 décembre 2014.



Figure 68. Deux images (2 octobre - 9 décembre 2014) du même secteur du cou, au pied du lobe principal de Chury, où sont apparus des sillons flexueux qui ressemblent à ceux d'Imhotep

Ces structures (des fissures amont de loupe de glissement ?) sont apparues entre le 2 octobre 2014 (à gauche) et le 9 décembre 2014 (à droite). Des images du même secteur prises le 20 octobre 2014, avec, il est vrai, un tout autre éclairage et un tout autre angle de prise de vue, ne semblent pas monter ces structures (cf. sources de la figure 21, dans la partie "dépressions"). Cela réduit d'autant la fourchette de formation de ces structures.


Figure 69. Deux images (9 décembre 2014 - 22 janvier 2015) du même secteur du cou, au pied du lobe principal de Chury, où sont apparus des sillons flexueux qui ressemblent à ceux d'Imhotep

Une image du 22 janvier 2015, mise en ligne le 2 février, permet de voir que cela bouge encore. Des points de repère sont indiqués par 7 flèches colorées pour faciliter la comparaison.

Les principaux changements entre le 9 décembre 2014 (à gauche) et le 22 janvier 2015 (à droite) sont (1) l'apparition de nouvelles structures (flèche rouge, à gauche de la flèche jaune), la modification de sillons (à doirte de la flèche jaune, flèche bleue), la disparition des sillons (entre les flèches verte et violette).

Les changements sont clairement observables malgré les conditions de prise de vue et d'éclairage un peu différentes.


Structures improbables mais vraies

Pour terminer cette galerie d'images et couronner le tout, quelques structures "impossible", mais qui pourtant existent et dont l'interprétation semble assez fiable, au moins pour certaines, et qui montrent que la nature a plus d'imagination que les scientifiques. Des manifestations d'écoulement, des dunes, des traînées éoliennes... toutes structures qui ne devraient pas pouvoir exister sur un astre sans atmosphère. Et pourtant !

Figure 70. Écoulement visqueux figé s'écoulant d'un cratère de la région Maftet sur la comète Chury

Cette structure suggère que des phénomènes de fluidisation sont possibles à la surface des comètes et qu'à défaut de liquide (la pression est nulle) des suspensions gaz-solide peuvent exister et couler comme des coulées pyroclastiques (des coulées "sublimocryoclastiques" !).

Image OSIRIS du 19 septembre 2014.


Figure 71. Zoom sur ce qui ressemble à un spatter cone à la surface de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko

En cette fin d'article fleuve (78 figures !), on peut se faire plaisir en fantasmant un peu. Sur une mosaïque de deux images OSIRIS prise le 13 décembre 2014 et mise en ligne le 30 janvier 2015, on découvre une structure étrange : un monticule dont le sommet semble affecté d'une fracture ouverte qui se termine sur la droite avec la morphologie d'un cratère ! Les parois de ce monticule semblent constituées d'un empilement de sphères, ce qui rappelle la structure en chair de poule (cf. figures 23 et 24 de Rosetta et la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko...) et ouvre des pistes de réflexion quant à l'origine de cette structure.

Une comparaison avec les spatter cones terrestres (cf. Les spatter cones et les hornitos, des édifices volcaniques à pentes raides mais pourtant engendrés par des laves très fluides) vient tout de suite à l'esprit, malgré le proverbe qui dit que « comparaison n'est pas raison ». Mais s'il y a des analogues de coulées pyroclastiques, pourquoi pas de spatter cones ? Sur Terre, les spatter cones sont constitués par des empilements de retombées de paquets de lave encore molle. Sur une comète, les "paquets de lave encore molle" pourraient être remplacés par des paquets d'un mélange broyé glaces + macro-molécules organiques. Et c'est dans ce secteur que s'est coincé Philae. Pas étonnant qu'il soit difficile à trouver !

Images OSIRIS du 13 décembre 2014.




Vue du cou de la comète 67P/CG où l'on peut distinguer ce qui ressemble à un champ de dunes

Figure 74. Vue du cou de la comète 67P/CG où l'on peut distinguer ce qui ressemble à un champ de dunes

Les dunes sont visibles un peu en bas et à gauche du centre de l'image.

Des dunes sont dues "normalement" à des vents. La seule solution, sur ce corps sans atmosphère pérenne, c'est de supposer qu'il existe (ou a existé) régulièrement des jets plus ou moins horizontaux assez puissants pour déplacer des grains de poussière (la faible gravité facilite les choses).

Mosaïque d'images NAVCAM du 18 octobre 2014.


Vue du cou de la comète 67P/CG et de son champ de dunes

Figure 75. Vue du cou de la comète 67P/CG et de son champ de dunes

Des dunes sont dues "normalement" à des vents. La seule solution, sur ce corps sans atmosphère pérenne, c'est de supposer qu'il existe (ou a existé) régulièrement des jets plus ou moins horizontaux assez puissants pour déplacer des grains de poussière (la faible gravité facilite les choses).

ON retrouve sur cette image la fracture traversant le cou de la comète.

Mosaïque d'images NAVCAM du 18 octobre 2014.


Zoom sur le champ de dunes du cou de la comète Chury

Figure 76. Zoom sur le champ de dunes du cou de la comète Chury

Des dunes sont dues "normalement" à des vents. La seule solution, sur ce corps sans atmosphère pérenne, c'est de supposer qu'il existe (ou a existé) régulièrement des jets plus ou moins horizontaux assez puissants pour déplacer des grains de poussière (la faible gravité facilite les choses).

Mosaïque d'images NAVCAM du 18 octobre 2014.


Figure 77. Gros plan sur le champ de dune du cou de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko

Des dunes sont dues "normalement" à des vents. La seule solution, sur ce corps sans atmosphère pérenne, c'est de supposer qu'il existe (ou a existé) régulièrement des jets plus ou moins horizontaux assez puissants pour déplacer des grains de poussière (la faible gravité facilite les choses).

Image OSIRIS du 18 septembre 2014.


Figure 78. "Traînées de sable" (wind streak, en anglais) disposées à l'abri derrière des "rochers" à la surface de Chury

Sur Terre ou sur Mars, des structures de ce type sont dues à la moindre vitesse du vent derrière un obstacle (rocher ou touffe d'herbe) ce qui entraîne un dépôt des grains de sable en suspension ou une moindre érosion des terrains environnants. Et sur une comète ?

Image OSIRIS du 18 septembre 2014.


Prêts pour la suite

Ces 78 vues diverses et variées vous permettront d'apprécier et d'interpréter par vous-même les (nombreuses) images (très détaillées) que ne manquera pas de mettre en ligne l'ESA juste après le survol en rase-motte de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko prévu le 14 février 2015.

Complément du 24 février 2015 suite au survol en rase-motte du 14 février 2015

Fidèle à sa politique de rétention de l'information (le public et les scientifiques non directement impliqués n'ont pas le droit de savoir), l'équipe Osiris n'a toujours pas communiqué une seule image à haute résolution du survol rapproché du 14 février 2015. Heureusement, l'équipe NAVCAM a diffusé quelques images, la proximité compensant (partiellement) la résolution limitée des caméras de navigation. Un point particulièrement intéressant a été révélé / confirmé. La plaine d'Imhotep surmonte par un escarpement des terrains étranges parsemés de petits "disques". L'escarpement séparant ces deux unités semblait constitué de couches. Plaine d'Imhotep et terrains à petits disques sont eux-mêmes surmontés par une "galette", disque d'environ 700 m de diamètre, semblant lui-même constitué de couches (cf. figures 44, 46, 47, partie Terrains lisses, Imhotep). Les photos rapprochées du 14 février confirment cette impression, et épaississent le mystère : que sont ces couches ? Peut-être la réponse est-elle contenue dans les images à haute résolution d'Osiris ?

Mosaïque artisanale de 4 images NAVCAM du 14 février 2015 centrées sur Imhotep

Figure 79. Mosaïque artisanale de 4 images NAVCAM du 14 février 2015 centrées sur Imhotep

En haut à droite, la plaine et ses rochers qui dominent ces terrains à petits disques et couronnes par un escarpement stratifié (layered selon la terminologie de l'ESA). L'ensemble est dominé (en haut à gauche) par une "galette", disque surélevé d'environ 700 m de diamètre dont on ne voit qu'une moitié. La falaise bordant cette galette semble elle aussi composée de couches.


Extrait de mosaïque artisanale de 4 images NAVCAM du 14 février 2015 centrées sur Imhotep

Figure 80. Extrait de mosaïque artisanale de 4 images NAVCAM du 14 février 2015 centrées sur Imhotep

Extrait de la mosaïque artisanale montrant l'allure stratifiée (1) de l'escarpement entre plaine d'Imhotep et terrain à petits disques et couronnes, et (2) de la "galette" qui domine le secteur. Les strates constituant la galette semblent surmonter les strates constituant l'escarpement. La gauche de la plaine domine légèrement son niveau moyen, comme si l'une des couches de la "galette" se prolongeait sur la plaine.


Zoom de la mosaïque artisanale de 4 images NAVCAM du 14 février 2015 centrées sur la "galette" surplombant Imhotep

Figure 81. Zoom de la mosaïque artisanale de 4 images NAVCAM du 14 février 2015 centrées sur la "galette" surplombant Imhotep

Cette vue est un zoom sur le bord de la "galette" et sur l'extrême gauche de l'escarpement séparant plaine Imhotep et terrains à petits disques et couronnes. Comprendre comment une telle géométrie "stratifiée" est possible sur 67P/CG ne va pas être facile. Espérons qu'avec les images à haute résolution...