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Image de la semaine | 08/09/2008

Dislocation estivale et réduction annuelle de la banquise arctique

08/09/2008

Pierre Thomas

Laboratoire de Sciences de la Terre / ENS de Lyon

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Variations saisonnières et pluri-annuelles de la banquise arctique.


Mise à jour le 26 septembre 2008, après la date effective du minimum d'englacement (12/09) pour 2008.

Mise à jour 21 septembre 2009.

Limite entre la banquise de juin en cours de dislocation et la mer libre au-dessus du détroit de Davis, entre le Groenland et l'île de Baffin (Canada)

Figure 1. Limite entre la banquise de juin en cours de dislocation et la mer libre au-dessus du détroit de Davis, entre le Groenland et l'île de Baffin (Canada)

L'hiver, les mers polaires sont complètement recouvertes de glace, la banquise faite d'eau de mer gelée. Cette banquise est peu épaisse (10 m maximum, en général beaucoup moins), et en mouvement perpétuel à cause des vents, des courants… Ces mouvements créent de multiples fractures ouvertes qui séparent de vastes plaques de glaces (ou radeaux). Mais l'eau liquide remplissant ces fractures regèle très rapidement et ressoude les radeaux. Il se crée aussi des zones de chevauchement d'un radeau sur l'autre, des zones de coulissage entre deux radeaux… La banquise en fin d'hiver est donc très hétérogène.

Quand viennent printemps et été, les mouvements continuent, mais l'augmentation de la température fait que l'eau des fissures entre radeaux ne regèle pas ; les mouvement des radeaux les uns par rapport aux autres libèrent alors de vastes zones d'eaux libres. En bordure de banquise, ces radeaux partent à la dérivent et fondent.

Photo prise depuis un avion de ligne à 10 000 m d'altitude en juin 2007.


Pourquoi parler de la banquise en cette rentrée de septembre ? Septembre, c'est le mois de l'année où la banquise Nord est la plus réduite. L'évolution de la taille de la banquise de fin d'été est l'une des manifestations les plus spectaculaires du réchauffement climatique actuel.

Tout d'abord, les images 1 à 5 montrent des vues de cette banquise et de sa limite avec la mer libre. On était en juin (2007), et la banquise se disloquait progressivement comme tous les ans en ce début d'été.

Limite entre la banquise de juin en cours de dislocation (à gauche) et la mer libre (à droite) au-dessus du détroit de Davis, entre le Groenland et l'île de Baffin (Canada)

Figure 2. Limite entre la banquise de juin en cours de dislocation (à gauche) et la mer libre (à droite) au-dessus du détroit de Davis, entre le Groenland et l'île de Baffin (Canada)

Angle de vue légèrement différent de celui de l'image 1.

Photo prise depuis un avion de ligne à 10 000 m d'altitude en juin 2007.


Détail de la banquise en cours de dislocation, détroit de Davis, entre le Groenland et l'île de Baffin (Canada)

Figure 3. Détail de la banquise en cours de dislocation, détroit de Davis, entre le Groenland et l'île de Baffin (Canada)

On peut rechercher dans ce puzzle de radeaux des analogies avec des fentes ouvertes, des mini océans, des failles décrochantes (voire transformantes)…

Photo prise depuis un avion de ligne à 10 000 m d'altitude en juin 2007.


Détail de la banquise en cours de dislocation, détroit de Davis, entre le Groenland et l'île de Baffin (Canada)

Figure 4. Détail de la banquise en cours de dislocation, détroit de Davis, entre le Groenland et l'île de Baffin (Canada)

On peut rechercher dans ce puzzle de radeaux des analogies avec des fentes ouvertes, des mini océans, des failles décrochantes (voire transformantes)…

Photo prise depuis un avion de ligne à 10 000 m d'altitude en juin 2007.


Zoom sur la banquise en cours de dislocation, détroit de Davis, entre le Groenland et l'île de Baffin (Canada)

Figure 5. Zoom sur la banquise en cours de dislocation, détroit de Davis, entre le Groenland et l'île de Baffin (Canada)

Zoom sur le coin en haut à gauche de l'image 4, montrant qu'un radeau présente lui aussi des discontinuités internes, ce qui permettra la future dislocation du grand radeau en une multitude de plus petits.

Photo prise depuis un avion de ligne à 10 000 m d'altitude en juin 2007.


L'image 6 montre 5 images satellitales (mosaïque synthétique) qui retracent l'évolution de la banquise Nord en 2007-2008, de la fin de l'hiver 2007 (taille maximale) à la fin de l'hiver suivant, en passant par juin 2007 et septembre 2007 (taille minimale), juin 2007 correspondant à l'époque à laquelle ont été prises les photographies aériennes ci-dessus.

Évolution annuelle de la banquise Nord en 2007-2008, entre la fin des hivers 2007 et 2008

Figure 6. Évolution annuelle de la banquise Nord en 2007-2008, entre la fin des hivers 2007 et 2008

De février-mars à septembre (cartes 1 à 4), la banquise se disloque et diminue fortement de surface. À partir d'octobre-novembre, la banquise se reconstitue pour ré-atteindre son maximum en février-mars (carte 4 et 5). Le code de couleur va de violet pourpre (100% de couverture glacée) à bleu sombre (0% de couverture glacée = mer libre). La couleur rose dans le détroit de Davis en juin 2007 indique environ 70% de couverture glacée, ce que montrent bien les photos 1 à 5.

La carte n°2 représente la situation en juin 2007, quand les images aériennes 1 à 5 ont été prises. Sur cette carte, le trait jaune indique approximativement le trajet aérien Paris - Californie. La flèche bleue indique la localisation approximative des photos 1 à 5, entre le Groenland et les îles canadiennes.


À côté de ces oscillations saisonnières et régulières de la taille de la banquise, il existe aussi une évolution de sa taille minimale estivale au cours des années. Les images 7 et 8 montrent l'évolution de la banquise de septembre (taille minimale) de 1991 à 2008. On voit alors très bien une tendance générale à la réduction de taille, malgré des variations irrégulières. On voit aussi que l'année 2007 a été l'année où la banquise de fin d'été a été la plus réduite depuis le début des images satellitales systématiques (janvier 1979). La banquise de fin d'été 2008, par rapport à 2007, montre un taille comparable mais de forme différente qui constitue le deuxième minimum (+9% pa rapport à 2007), devant 2005 (-15%)) . En 2008, en plus du passage du Nord Ouest, les côtes Est du Groenland sont dépourvues de glaces et le passage de l'Atlantique au Pacifique est ouvert via les côtes russes. Cette réduction de la taille de la banquise estivale au cours des 20 dernières années est une des manifestations les plus spectaculaires du réchauffement climatique mondial, réchauffement qui affecte particulièrement les hautes latitudes.

Évolution de la banquise de septembre (taille minimale en fin d'été) entre 1991 et 2008

Figure 7. Évolution de la banquise de septembre (taille minimale en fin d'été) entre 1991 et 2008

La tendance à la réduction globale se voit bien, malgré des oscillations irrégulières. Cette réduction est particulièrement visible depuis 2003, et c'est en 2007 qu'elle est la plus importante. Pour la première fois depuis longtemps, la mer a été totalement libre entre l'Amérique du nord (et ses îles) et la banquise permanente, libérant ainsi le fameux « passage du Nord Ouest », ce qui autoriserait la navigation dans ces eaux pendant l'été si la tendance se poursuit. En 2008, non seulment le « passage du Nord Ouest » est ouvert mais aussi le « passage du Nord Est » longeant les côtes russes.

D'après : Univesrity of Illinois - The Cryosphere Today


Figure 8. Évolution de la surface de la banquise de fin d'été (en million de km2) entre 1979 et 2007

La tendance globale (flèche bleu et rouge) montre une diminution moyenne de 1.500.000 km2 (3 fois la surface de la France) en 30 ans.


Grâce à un site de l'University of Illinois, vous pouvez d'ailleurs suivre l'évolution jour après jour de la banquise arctique depuis janvier 1979 jusqu'à la veille du jour présent. Vous pourrez ainsi « surveiller » la banquise pour voir si elle se réduit un peu entre le 4 septembre (image utilisée pour 2008) et la fin du mois.

La fonte de la banquise pose aussi des questions sur les frontières maritimes dans cette région. États-Unis, Canada, Danemark (Groenland), Norvège et Russie comprennent l'importance de l'ouverture peut-être plus régulière des voies maritimes du Nord-Ouest et du Nord-Est et de l'exploitation plus aisée des ressources pétrolières, gazières et métallifères des plateaux continentaux aujourd'hui trop difficilement exploitables. Retrouvez ces aspects dans le dossier Océan Arctique : des frontières maritimes à l'épreuve d'une nouvelle donne climatique, Sylviane Tabarly, site Géoconfluences.