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Un site exceptionnel de fossiles dans l’Hérault commence à livrer ses secrets

Découvert par deux paléontologues amateurs, le site fossilifère de Cabrières, dans l'Hérault, offre un formidable aperçu de la biodiversité de l'Ordovicien inférieur.

Cabrières, un village de l’Hérault, situés sur les contreforts Sud de la Montagne Noire va peut-être devenir l’un des sites mondialement connus en paléontologie, tout comme les fameux schistes de Burgess du Canada. Les fossiles découverts sur le site offrent une vision inédite de la biodiversité du Floien, un étage de l’Ordovicien inférieur allant de 478 à 470 millions d’années. Ce site a été découvert par deux paléontologues amateurs en 2018 et fait maintenant l’objet d’une publication dans Nature Ecology & Evolution [Saleh et al., 2024].

 

Figure 1 - Contexte géologique du site de Cabrières. Le site fossilifère de Cabrières est situé dans le Sud de la Montagne Noire, au niveau de terrains ordoviciens. Il s’agit d’un Lagerstätte, c’est-à-dire d’un dépôt sédimentaire riche en fossiles. Saleh et al., 2024 – CC-BY – Nature Ecology & Evolution

 

La présence concomitante de fossiles de tissus durs (coquilles, carapaces) et de tissus mous représente le principal atout du site. Cette caractéristique s’explique par des conditions de fossilisation particulièrement rapides, ce qui a pu être déduit de l’observation des minéraux par microscopie électronique à balayage et d’une analyse en profondeur des fossiles par le synchrotron Soleil sur le plateau de Saclay. Ces fossiles livrent ainsi une vision d’ensemble d’une communauté d’espèces, ce qui est exceptionnel pour l’Ordovicien inférieur.

 

Figure 2 - Vision d’artiste de la faune du site de Cabrières. Au premier plan, une rangée d’Ampyx (trilobites) et divers organismes coquilliers, dont des brachiopodes et un hyolithe (organisme à coquille conique dont on ne sait pas si ce sont des Mollusques ou des Brachiopodes, coin inférieur gauche). Derrière les trilobites, un lobopodien (famille de Panarthropodes à laquelle appartient aussi le fameux Hallucigenia de la faune des schistes de Burgess), un chélicerate, des cnidaires (bleus), des éponges (vertes), des algues fines ramifiées (rouges et vertes) et des tubes hémichordés (violets), ainsi que quelques mollusques. Des arthropodes avec des carapaces à deux valves sont également présents. Christian McCall (Prehistorica Art) – CC-BY – Nature Ecology & Evolution

 

À l’époque, le site de Cabrières se trouvait en marge du continent Gondwana, tout près du pôle Sud. La planète traversait alors une époque particulièrement chaude entamée à la fin de la période précédente, le Cambrien. Les mers des zones tropicales et tempérées étaient particulièrement chaudes (jusqu’à 15 °C au-dessus de nos températures actuelles !) et de nombreuses extinctions ont été enregistrées dans les sites de fossiles correspondant. Ce n’est pas le cas à Cabrières, ce qui montre que les zones polaires ont sans doute fait office de refuge, évitant une extinction de masse plus généralisée.

 

Figure 3 - La Terre à l’Ordovicien inférieur et position du site de Cabrières. A. Vue de l’hémisphère sud à l’Ordovicien inférieur. Le pôle Sud est au centre, le site de Cabrières est indiqué en orange. Modifié d’après Cocks et Torsvik, 2021, Gondwana Research, CC BY / B. Position du site de Cabrières et d’autres sites fossilifères de l’Ordovicien. Saleh et al., 2024 – CC BY – Nature Ecology & Evolution

 

Comme certains écosystèmes polaires actuels, le site de Cabrières présente une importante quantité d’éponges de grande taille et d’algues ramifiées (représentant 26 % des fossiles observés). Le site va continuer à être exploité et une nouvelle campagne de fouilles est prévue en avril.

 

L’article :

F. Saleh, L. Lustri, P. Gueriau, G.J.-M Potin, F. Pérez-Peris, L. Laibl, V. Jamart, A. Vite, J.B. Antcliffe, A.C. Daley, M. Nohejlová, C. Dupichaud, S. Schöder, É. Bérard, S. Lynch, H.B. Drage, R. Vaucher, M. Vidal, É. Monceret, S. Monceret, B. Lefebvre, 2024. The Cabrières Biota (France) provides insights into Ordovician polar ecosystems, Nature Ecology & Evolution,  ISSN 2397-334X

(article en Open Access avec des données complémentaires – Extended data)

 

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Ce texte a été initialement publié le 19 mars 2024 sur Actualités scientifiques Prépas, le blog d'actualités de Patrick Pla, maître de conférences à l’Institut NeuroPSI de l'Université Paris Saclay et a été proposé à Planet-Vie. La version présentée ici a été adaptée pour Planet-Vie et Planet-Terre avec l’aimable participation de Bertrand Lefebvre (LGLTPE, Univ. Lyon 1 - ENS de Lyon - CNRS), co-auteur de l’article dont les résultats sont présentés.

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D’après le texte de Patrick Pla – 27/03/2024