Article | 24/01/2019
« Plastic Bay » en Norvège, comment la géologie d'une ile et les courants alentours en font un piège naturel à déchets anthropiques
24/01/2019
Résumé
Le piégeage à terre de déchets apportés par la mer et poussés par les vents dans des structures géologiques “bien” orientées.
Les côtes de l'Ouest de la Norvège sont connues pour leur découpage en fjords profonds et en nombreux archipels de petite taille. Les photographies présentées ici ont été prises sur l'ile de Lyngøyna (figures 1 à 7), située à une vingtaine de kilomètres au Nord-Ouest de la ville de Bergen, et sur l'ile de Sotra (figures 8 à 11) située sur la côte à l'Ouest de Bergen (voir figure 12).
Les déchets trouvés ici, principalement du plastique et du bois travaillé (palettes industrielles), n'ont pas été déposés par des promeneurs ou des locaux mal avisés, mais ont été apportés par le vent depuis la mer. Ils ne proviennent pas tous de Norvège : on peut reconnaitre de nombreux emballages venant du Royaume Uni, des Pays Bas, d'Islande, voire de France. On voit bien ici que le problème des plastiques dans l'océan est international.
Comment une telle accumulation de déchets anthropiques se dépose-t-elle ? Le phénomène serait lié à une combinaison de facteurs géologiques et océanographiques. Tout d'abord, l'ile correspond à du socle issu de l'orogenèse calédonienne et présente une direction préférentielle de fracturation de direction Sud-Sud-Ouest. De plus, comme le montre la figure 13, un courant remonte du Sud vers le Nord le long de la côte norvégienne, depuis la mer du Nord. Ce courant norvégien est alimenté en eaux saumâtres par la mer Baltique (courants en vert sur la figure 13) et les fjords norvégiens, et en eau salée par une branche du courant Nord Atlantique (courants en rouge sur la figure 13). Il tend à rassembler les déchets provenant de la mer du Nord, de l'Islande et des iles Féroé vers les côtes norvégiennes. La forme de ces côtes, ciselées de fjords et de fractures de petite dimension, en fait un véritable tamis à déchets flottants. Dès que le vent les pousse vers les terres, les déchets sont pris dans les fractures, ou petites baies, d'où ils ne peuvent plus ressortir. Les vents atteignant assez régulièrement 110 km/h, surtout en automne et en hiver, peuvent entrainer les déchets jusqu'à une cinquantaine de mètres dans les terres,
La présence de plastique permet alors à du sol de se maintenir à cet endroit, causant une transformation rapide du paysage au fil des années. On peut observer par endroits un sol de plusieurs dizaines de centimètres sur la roche, sur lequel peut pousser de l'herbe, traversé par de multiples couches de bouteilles, cordes, et autres boites en plastique (figures 10-11). Ce sol crisse et se déforme sous la semelle, du fait de couches superposées de plastique.
Si le problème est ici décrit localement, il est probablement assez répandu le long des côtes norvégiennes. Les figures 8 à 11 proviennent de l'ile Sotra, une longue ile ciselée au Sud de Lyngøyna, où des plastiques ont été observés dans pratiquement toutes les baies tournées vers le Sud.
La figure 14 montre un modèle d'évolution des plastiques à la surface de l'océan Nord Atlantique, et suggère une forte accumulation de particules sur l'ensemble des côtes norvégiennes. Des études sont actuellement en cours pour cartographier l'ensemble des sites pollués sur la côte, un travail complexe étant donné l'étendue de cette côte.
En plus de travaux scientifiques, des mesures sont actuellement prises par des habitants de la région. C'est le cas notamment de Kenneth Bruvik, qui organise très régulièrement des sessions de nettoyage de baies avec des élèves de collège, sur l'ile Sotra.
Source - © 2012 D'après Bagøien et al. [2], modifié
Bibliographie
Ivar B. Ramberg, Inge Bryhni, Arvid Nøttevedt, 2006. Landet Blir til – Norges geologi, Norsk Geologisk forening, 608p
Espen Bagøien, Webjørn Melle, Stein Kaartvedt, 2012. Seasonal development of mixed layer depths, nutrients, chlorophyll and Calanus finmarchicus in the Norwegian Sea – A basin-scale habitat comparison, Progress in Oceanography, 103, 58–79
Raymond A. Edwards, 2018. Pushing stuck particles used in Lagrangian ocean analysis, from land back to the ocean using PARCELS, Bachelor thesis, Univ. Utrecht