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Article | 25/03/2002

Les discontinuités dans le manteau terrestre

25/03/2002

Frédéric Chambat

Laboratoire des Sciences de la Terre, ENS de Lyon

Jan Matas

Laboratoire des Sciences de la Terre, ENS de Lyon

Pierre Thomas

Laboratoire des Sciences de la Terre, ENS de Lyon

Benoît Urgelli

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Identification, mise en évidence et définitions des différentes discontinuités du manteau terrestre.


Question

Objet : asthénosphère Date : Sam, 23 Mar 2002 21:30:30 De : Alexis.

« J'ai trouvé dans des ouvrages une certaine confusion entre le terme asthénosphère et la LVZ. Actuellement, l'asthénosphère est associée à la zone 100-700 km de profondeur, soit la LVZ plus le reste du manteau supérieur sous-jacent. Historiquement, comment a évolué cette notion et y a-t-il maintenant consensus sur ses limites ? »

Objet : asthénosphère Date : Ven, 15 Fév 2002 15:01:36 De : d.c.

« À propos de la structure interne du globe, les définitions ne sont pas les mêmes dans tous les livres pour les termes suivants : LVZ, asthénosphère, manteau supérieur, zone de transition... Pouvez-vous m'indiquer les définitions admises actuellement par les géologues ? »

Réponse

Résumé : Les discontinuités dans la Terre sont définies par la sismique et leur interprétation est donnée par la physique des minéraux.

  • On appelle LVZ, la zone entre 5-100 et 200 km de profondeur, dans laquelle on note une diminution de la vitesse des ondes sismiques (par rapport au zones situées au-dessus).
  • On appelle asthénosphère la zone située entre 5-100 et 670 km : il s'agit du manteau supérieur non lithosphérique (cette définition ne fait pas l'unanimité, certains arrêtant cette zone à la base de la LVZ, d'autres à 410 km...).
  • On appelle manteau supérieur la zone comprise entre 5 km (base de la croûte océanique) ou 50 km (base de la croûte continentale) et 670 km de profondeur.
  • Enfin, la zone de transition, située entre 410 et 670 km est une zone bordée par deux transitions de phase majeures de l'olivine.

Il y a plusieurs définitions, qui varient suivant les écoles de pensée, et qui évoluent en fonction du temps. Essayons de présenter celles qui sont communément admises et enseignées en lycée et en premier et second cycle universitaire.

Limite manteau supérieur-manteau inférieur

Il y a un saut de vitesse sismique assez brusque vers 670 km de profondeur, saut qui correspond à un changement de phase de l'olivine, avec passage de minéraux silicatés à structure tétraédrique (olivine gamma de formule générale (Fe,Mg)2SiO4 ou Mg2SiO4 pour le pôle magnésien qui est dominant dans le manteau) à un mélange de 2 minéraux silicatés sans structure tétraédrique : la pérovskite (Pv, MgSiO3) et la magnésiowustite (Mw, MgO), soit :

Mg2SiO4⇄ MgSiO3 + MgO

Au-dessus de cette limite de 670 km, c'est le manteau supérieur ; en dessous, c'est le manteau inférieur.


Discontinuités du manteau supérieur et zone de transition

Dans le manteau supérieur, il y a deux autres changements de phase pour l'olivine : au-dessus de 410 km, c'est l'olivine dite alpha (Mg2SiO4), qui correspond à l'olivine banale présente dans toutes les collections de péridotites, basaltes...

Diagramme de phase de l'olivine

Figure 2. Diagramme de phase de l'olivine

Ol : olivine alpha, Wa : olivine bêta Sp : olivine gamma (encore couramment appelé spinelle dans de très nombreux ouvrages).


À 410 km, cette olivine change de structure cristalline et devient olivine bêta (de même formule), qui a son tour change encore de structure à 520 km et devient olivine gamma (même formule).

Ces 3 olivines sont formées de tétraèdres silicatés, contrairement à la pérovskite. La zone comprise entre 410 et 670 km est souvent appelée « zone de transition ».


Définition de la lithosphère par rapport à l'asthénosphère

Les définitions de la lithosphère et de l'asthénosphère sont beaucoup plus débattues.

La première définition a d'abord été une définition sismologique, puis mécanique. La plus communément admise actuellement est une définition "thermique".

Dans la lithosphère, la chaleur se propage par conduction, alors que dans l'asthénosphère la chaleur est transmise par conduction mais aussi par convection.

La lithosphère est donc ce que les physiciens appellent la « couche limite thermique » supérieure du système convectif mantellique.


Pour simplifier, on peut dire que la lithosphère, c'est ce qui est suffisamment rigide et "cassant" parce que froid, alors que l'asthénosphère correspond à la part du manteau supérieur sous-jacent, moins rigide et plus ductile parce que plus chaud.

La limite lithosphère/asthénosphère correspond approximativement à l'isotherme 1300°C. La lithosphère comprend évidemment dans la plupart des cas une part mantellique et une part crustale.

La limite inférieure de l'asthénosphère est à 670 km de profondeur.

Définition de la Low Velocity Zone (LVZ) ou Zone à Moindre Vitesse (ZMV)

Au sommet de l'asthénosphère (entre -100 et -200 km sous les plaines abyssales et les parties non cratoniques des continents), on observe souvent un net ralentissement de la vitesse des ondes sismiques.


Cette partie supérieure de l'asthénosphère où les vitesses sont plus lentes (4,5 km/s au lieu de 5 km/s pour les ondes S) est appelée Low Velocity Zone (LVZ).

Les vitesses sismiques sont plus lentes dans cette couche (relativement fine) car les conditions de température et de pression sont voisines de celles nécessaires à la fusion de la péridotite mantellique. Il s'agit donc d'un manteau « presque fondu », et c'est pour cela que les ondes sismiques sont légèrement ralenties.

Le somment de cette LVZ correspond à peu près à l'isotherme 1300°C.

La LVZ fait donc partie de l'asthénosphère, qui fait partie du manteau supérieur.

Épaisseur variable de la lithosphère

La lithosphère océanique est très mince au niveau des dorsales (réduite au 5 à 7 km de la croûte océanique), et s'épaissit quand on s'éloigne de la dorsale (jusqu'à une centaine de kilomètres d'épaisseur sous les vieilles plaines abyssales).

Variation d'épaisseur de la lithosphère océanique en fonction de son âge

Avec l'éloignement à la dorsale, il y a refroidissement du manteau et donc approfondissement de l'isotherme 1300°C (limite lithosphère/asthénosphère), ce qui entraîne un épaississement de cette lithosphère.

La lithosphère continentale est plus épaisse et peut atteindre 200 km sous les vieux boucliers.

À propos de la viscosité de l'asthénosphère

La viscosité de l'asthénosphère est d'environ 1018 à 1019 Pa.s. Celle de la lithosphère est de trois ordres de grandeur plus élevée : 1021 à 1022 Pa.s. Celle du manteau inférieur, mal connue, est d'environ 1023 à 1024 Pa.s, d'après les modèles les plus récents. Le manteau inférieur est donc plus visqueux que le manteau supérieur.

Rappelons enfin, pour comparer, que la viscosité de l'eau est de 10-2 Pa.s, celle de l'huile d'olive à 20°C est de 1 Pa.s, celle d'une lave basaltique (hawaïenne) est de 400 Pa.s, celle de la glace à 0°C (glacier alpin) est de 1011 Pa.s, et celle de la glace à -20°C (calotte antarctique) est de 1013 Pa.s.

Image par interférométrie montrant les vitesses d'écoulement d'un glacier en Antarctique

Figure 7. Image par interférométrie montrant les vitesses d'écoulement d'un glacier en Antarctique

La vitesse d'écoulement est faible en amont de ce glacier (en bas de l'image). C'est le bord de la calotte sensu-stricto. Cette calotte s'engage dans une vallée ; il y a canalisation de la glace et augmentation de la vitesse d'écoulement. On constate également que la glace avance plus vite au centre que sur les bords. Les fortes vitesses d'écoulement (couleur rouge) sont probablement liées à une rupture de pente avec chute de séracs.