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Article | 19/09/2001

Excursion d'une journée en Limagne

19/09/2001

Pierre Thomas

Laboratoire des Sciences de la Terre - ENS de Lyon

Benoît Urgelli

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Excursion permettant l'étude de la sédimentation, de la tectonique et du volcanisme associés au rifting de la Limagne.


Table des matières

But et esprit de l'excursion

Une excursion géologique peut être entreprise dans plusieurs buts.

  • Montrer des objets géologiques, parfois variés et beaux, mais sans problématique ni questions sous-jacentes ; trop d'excursions de ce type ont été proposées, et ont conduit de nombreux élèves à ne pas aimer la géologie.
  • Tenter une reconstitution de l'histoire et de la paléogéographie de la région. La Limagne, à ce point de vue, est un endroit très riche où l'on peut faire de magnifiques reconstitutions de paléoenvironnements.
  • Resituer cette reconstitution dans un problème plus vaste : dans notre exemple, celui de l'origine des événements tertiaires et quaternaires de la région (volcanisme, sédimentation, extension …). C'est dans cet esprit que sera menée cette excursion.

La problématique du Massif Central tertiaire et quaternaire

Étude préalable préparatoire en classe

Ce que nous disent géographie, géologie et géophysique sur l'état actuel du Massif Central

À partir de l'étude de la carte topographique de la France, de la carte géologique de la France au 1/1 000 000, de documents sismologiques... Pour plus de détail sur les données géophysiques consultez Le volcanisme d'Auvergne, un point chaud ?

Le Massif Central se présente actuellement comme un bombement du substratum hercynien (entre 1 000 et 1 600 m), affecté en son centre de plusieurs fossés d'effondrement remplis de roches sédimentaires oligocènes (les limagnes d'Allier et de Loire…), l'ensemble est percé et recouvert de roches magmatiques tertiaires et quaternaires. La géophysique nous montre que la croûte y est amincie (25 à 28 km au lieu de 35 habituellement), et que le manteau lithosphérique est presque absent. La tomographie sismique révèle un manteau asthénosphèrique anormalement chaud.

Le problème est alors le suivant : « comment et pourquoi en est on arrivé à la situation actuelle ? »

Un modèle simple et ses conséquences observables sur le terrain avec des élèves

Le résultat actuel de ce qu'on voit dans le Massif central ressemble beaucoup à ce que donne théoriquement un point chaud tel qu'il a été défini dans les années 1970 : bombement, extension, volcans, anomalie crustale et mantellique… Les affleurements de Limagne vont permettre de tester cette hypothèse.

En effet, un point chaud standard débute par un bombement associé à du volcanisme, suivi éventuellement par une extension avec graben, subsidence… pendant que le volcanisme continue. Les grabens sont des fossés topographiques, bordés de failles normales, et pouvant être occupés par des lacs.

Si cette hypothèse est la bonne, on devrait observer en Limagne :

  • que le bombement et le volcanisme sont antérieurs aux sédiments remplissant les grabens ;
  • que les grabens étaient des fossés morphologiques bordés de reliefs élevés (comme le lac Tanganyka) ;
  • que les sédiments, en particuliers les sédiments de bordure des grabens, sont très riches en éléments détritiques grossiers ;
  • que la subsidence ayant commencé au sommet d'un bombement, les sédiments sont déposés à une altitude relativement élevée.

Ces 4 implications-conclusions du modèle sont "faciles" à confirmer ou infirmer par des observations sur le terrain avec des élèves.

Un autre modèle aboutissant au même résultat final, mais aux conséquences observables sur le terrain bien différentes.

On pourrait aboutir à la même situation actuelle par un tout autre déroulement chronologique des événements.

  1. Un immense lac de plusieurs centaines de km de diamètre recouvre à l'Oligocène toute la région du Massif Central, très plate à l'époque.
  2. Après l'oligocène, pour cause de point chaud ou de rifting actif, ou de tout autre cause, toute la région se bombe, avec formation de grabens et de volcanisme. L'érosion enlève tous les sédiments oligocènes des zones surélevées (entre les grabens) mais les épargne dans les grabens moins relevés et moins érodés.

Ce deuxième scénario entraînerait des différences observables sur le terrain avec des élèves si on le compare au premier scénario. Dans le premier scénario, le volcanisme précède les sédiments de l'Oligocène, dans ce second scénario le volcanisme succède à la sédimentation. Dans le premier scénario, les sédiments que l'on trouve maintenant près des failles de Limagne seraient des sédiments déposés en bordures de lac avec leurs faciès particuliers de sédiments côtiers. Dans ce deuxième scénario, les sédiments maintenant en bordure de Limagne se seraient déposés en milieu de lac, et n'auraient donc absolument pas les même faciès.

Conclusion sur la démarche

Ces 2 modèles extrêmes, plus tout autre modèle raisonnablement envisageable, devront être élaborés en classe avant l'excursion, ainsi que leurs conséquences observables théoriques.

Une fois sur le terrain lors de nos 7 arrêts, nous garderons en tête les différents modèles possibles et nous pourrons juger de la compatibilité (ou de l'incompatibilité) entre les modèles et les données de terrains réellement observées. En fin d'excursion ou une fois rentrés en classe, il faudra choisir le modèle compatible avec les données de terrains, ou éventuellement, en proposer d'autres auxquels on n'avait pas pensé.

Remarque. Les sédiments de Limagne ne permettent pas en général de trouver de bons fossiles stratigraphiques pendant le court laps de temps d'une journée d'excursion. On est alors obligé d'indiquer (sans le prouver) aux élèves que de tels fossiles, rares (mammifères…) ont été trouvés, et que tous les sédiments vus au cours de l'excursion datent de l'Oligocène supérieur (-28 à –23 millions d'années). La quasi totalité des fossiles trouvés sont, sauf indications contraires, lacustres ou continentaux.

Excursion

Arrêt 1 : Royat

Accès et recommandation pratique

Arrêt situé en pleine banlieue de Clermont Ferrand, en bordure d'une rue faiblement fréquentée : l'avenue Phelut.

L'affleurement étant un "mur naturel" servant au soutènement du talus au-dessus de la rue, ne pas effectuer de prélèvement. Ne pas donner de coups de marteau.

Description de l'affleurement

Observations sédimentologiques
Affleurement d'arkose, Royat

Affleurement stratifié : les strates inclinées vers l'Est en bas, horizontales en haut, à sédimentation "oblique" ou "entrecroisée". Bancs grossiers (gréso-conglomératiques) et fins (argilo-silteux ) en alternance.

Dans les bancs grossiers, on observe un très beau granoclassement vertical. Les éléments figurés des bancs grossiers sont faits de graviers anguleux de taille millimétrique à centimétrique. Les "graviers" anguleux sont quartzo-feldspatiques. Un banc contenant quelques galets arrondis (diamètre de 1 à 2 cm) en bas de coupe. Les galets ont la constitution du substratum paléozoïque environnant. On peut signaler que cet affleurement est constitué des roches les plus grossières à l'affleurement en Limagne d'Allier.

Arkose de Royat

Figure 5. Arkose de Royat


Arkose de Royat

Figure 6. Arkose de Royat


Pas d'éléments volcaniques visibles. Pas de fossiles visibles. Cette formation est connue sous le nom local d'« arkose de Royat ».

Observations tectoniques

Cet affleurement est situé à mi-pente de l'escarpement Ouest de la Limagne d'Allier. Il se situe à 200 m à l'Est du "trait noir" figurant la faille bordière de Limagne sur les cartes géologiques, faille inaccessible en cette banlieue résidentielle riche en propriétés privées. L'affleurement est affecté par quelques failles normales, d'orientation approximative NS, de rejets centimétriques à décimétriques. Certaines failles affectent toutes les couches, d'autres sont limitées aux couches inférieures. Certaines failles affectant des niveaux de grès durs montrent un comportement "souple" du matériel (qui était encore du sable non encore transformé en grès grossier). Tout cela indique un jeu synsédimentaire des failles.

Faille normale dans les grès

Conclusions locales

Cet arrêt se situe en bordure d'un bassin sédimentaire. Un sable grossier anguleux venant de collines granitiques proches s'y dépose après un très faible transport. L'absence d'éléments grossiers supérieur à 2 cm (absence générale dans la région) montre l'absence de reliefs importants bordant le bassin. À l'époque, Royat se situait donc en bordure de lac, près d'une côte assez basse formée de petites collines granitiques. Après chaque orage, une décharge de sables et de graviers (arène granitique) peu transportés envahissait les berges. Cette sédimentation avait lieu en même temps que la région subissait une extension Est-Ouest.

Arrêt 2 : Saulzet le Chaud

Accès et recommandation pratique

Arrêts situés au bord de la route nationale 89, avec circulation importante. Il y a en fait 2 arrêts situés à 500 m l'un de l'autre. Le premier est situé juste au Sud de Saulzet le Chaud, au croisement d'une petite route se dirigeant vers Saulzet ; une croix permet de repérer l'arrêt. Le talus Sud de la route permet de voir le sous-sol marno-calcaire. Un panorama vers le Nord permet de se situer dans le contexte régional. Le deuxième arrêt, 500 m à l'Ouest, se trouve au niveau d'une ancienne carrière abandonnée, en bord de route.

Description du premier arrêt

L'affleurement
Bancs calcaires à ondulations

Affleurement argileux à la base (les argiles sont recouvertes par des micro-éboulements/glissements et pas toujours faciles à voir), puis marneux vers le tiers supérieur, et calcaire (légèrement gréseux) dans sa partie sommitale. Un banc de cette partie sommitale montre des ondulations sédimentaires, du genre ripple marks.

Les strates de la partie marneuse sont extrêmement fines et régulières, absolument parallèles les unes aux autres, souvent de teinte brune car riches en matière organique, sans aucun élément détritique visible à l'œil nu. On peut y trouver des ostracodes lacustres, ainsi que de rares petits poissons (genre perche). On voit parfois des empruntes de racines et des fentes de dessiccation fossiles dans les calcaires sommitaux. On ne voit aucun élément volcanique dans les sédiments.

Partie calcaire sommitale

Ripple marks

Figure 10. Ripple marks


Marnes

Figure 11. Marnes


Conclusion partielle. La géométrie et la nature de ces dépôts marneux indiquent un milieu extrêmement calme, loin de tout apport détritique, sans aucun mouvement tectonique synsédimentaire. Ce dépôt a vraisemblablement eu lieu loin de la côte du lac. Quand ce sont déposés les calcaires, il n'y avait toujours pas d'apport détritique, et la sédimentation s'est faite sous une faible épaisseur d'eau. La présence de ripple marks symétriques indique l'influence de vagues sur le fond.

Le panorama de l'escarpement de faille

Cet affleurement est à mi-pente entre le bas de la plaine de Limagne et le plateau granitique. L'escarpement de faille se voit très bien 500 m à l'Ouest. On est ici a l'altitude de 672 m, alors que la plaine de Limagne est à 350 m. La présence de sédiments oligocènes à l'affleurement à 300 m au-dessus du niveau de base montre qu'il y a eu au moins 300 m d'érosion en Limagne, et que l'allure en fossé de cette Limagne est due pour une bonne part à cette érosion, plus importante dans les marno-calcaires que dans le substratum granitique voisin. Des reliefs volcaniques inversés (buttes ou plateau) visibles dans le paysage confirment l'importance de cette érosion.

Panorama sur l'escarpement de faille de LImagne


Description du deuxième arrêt

Nous sommes ici dans une ancienne carrière de granite très altéré (magnifique arène). Ce granite est parcouru de filons d'un granite moins altérable. Ces granites sont datés d'environ 300 millions d'années (substratum hercynien).

Affleurement de granite altéré à filons

Filon de granite peu altéré dans du granite altéré

En redescendant la route vers l'Ouest (sur moins de 100 m), on passe de l'affleurement de granite à une rupture de pente, puis à des prairies (occupées par un enclos à chevaux depuis 1998). Au niveau de la rupture de pente, le granite est très dégradé. Dès que l'on passe la rupture de pente, on se trouve dans des marnes, absolument identiques à celles vues 500 m à l'Est. La visibilité de ces marnes dépend de l'état du fossé de bord de route et des travaux effectués dans l'enclos à chevaux. En septembre 2000, ces marnes n'étaient plus visibles, le propriétaire de l'enclos les ayant recouvertes de sable, et le fossé bordant la route n'ayant pas été curé depuis des années. Le trait noir des cartes géologiques, la "faille de Limagne" est donc localisable à 10 m près, au niveau de la rupture de pente.

Conclusions

Le premier arrêt nous situe loin de la côte du lac. Les marnes que l'on voit (parfois) au deuxième arrêt, parfaitement identiques, permettent de tirer la même conclusion. Or, Saulzet est situé exactement sur l'escarpement de la "faille de Limagne". Cela indique que quand ces marnes se sont déposées, cet escarpement n'existait pas, que l'emplacement de Saulzet était loin des bords du lac, et qu'à l'époque du dépôt des marnes, le lac débordait largement les limites actuelles de la Limagne. À l'époque du dépôt de nos marnes, rien ne distinguait la future Limagne du futur plateau granitique, tous deux recouverts par notre lac. Le pays était plat. Comme il y a maintenant juxtaposition entre marnes et granite de part et d'autre de la faille, c'est qu'un mouvement tectonique post-sédimentaire a fait remonter le granite (ou descendre les marnes).

L'Auvergne était donc un pays plat envahi par un lac dont l'emplacement des côtes variait en fonction du niveau du lac, justement parce que le pays était plat. À Royat, pendant le dépôt des arkoses, on était prêt de la côte. À Saulzet, pendant le dépôt des marnes, on en était loin. À Royat on a vu un mouvement de faille synsédimentaire ; à Saulzet on voit un mouvement de faille postérieur à la sédimentation. On peut vérifier cette interprétation en regardant la carte géologique : à 15 km à l'Ouest, sur le plateau, il y a des sédiments oligocènes. Mais alors qu'il y en a 2 000 m en Limagne, il y en a moins de 100 m sur le plateau, ce qui impose au moins 1800 m de mouvement relatif syn-dépôt. Les sédiments situés sur le plateau étant à 800 m (contre 672 m au niveau de la faille), il y a eu environ 800 - 672 = 128 m de mouvement post-dépôt.

Arrêt 3 : Chadrat

Accès et recommandation pratique

Arrêt situé à 100 m d'une petite route départementale, au niveau d'une petite falaise séparée de la route par un champ. Attention : l'accès n'est possible que si le champ n'est pas en culture, c'est-à-dire après les moissons et avant les semailles. Prévoir donc l'excursion en automne plutôt qu'au printemps. Si l'affleurement n'est pas accessible à cause de la mise en culture du champ, on peut tirer les mêmes conclusions avec l'arrêt 4.

L'affleurement est somptueux, et il est évident qu'il ne faut pas y faire de prélèvements ou y donner des coups de marteau pour ne pas le défigurer. On peut échantillonner dans les champs aux alentours et les tas de cailloux des environs.

Description de l'affleurement

Cet arrêt de Chadrat est situé à 2 km à l'Est de la « faille de Limagne ». La petite falaise est entièrement constituée de stromatolithes. Ils ne sont pas en boules, mais sous forme de couches continues. Les cyanobactéries devaient constituer un tapis recouvrant tout le fond du lac. Parfois les lamines individuelles sont concentriques, et entourent un "trou". Dans ce cas, on peut imaginer que les cyanobactéries entouraient un arbre mort posé au fond du lac.

NIveau à lamines stromatolithiques

Lamines stromatolithiques entourant un "trou"

Lamines stromatolithiques concentriques

On trouve aussi (surtout en haut de l'affleurement) des roseaux couchés et « stromatolithisés ». Ici ou là, au sein des lamines, on trouve des Hydrobia sp., petits gastéropodes lacustres. Le calcaire des stromatolithes est très pur, et ne contient aucun élément détritique (argile ou sable).

À une centaine de mètres à l'Ouest, l'érosion permet de voir sous la couche de stromatolithes mise en relief par l'érosion différentielle. De bas en haut, on trouve des sables plus ou moins gréseux (avec quelques galets centimétriques), recouverts d'argiles, de moins en moins sableuses vers le haut, qui passent brutalement au calcaire stromatolithique. L'ensemble calcaire/argile/sable gréseux est affecté par 2 failles normales de rejet métrique à centimétrique. Les sédiments de cet affleurement ne contiennent aucun élément volcanique.

Hydrobies

Figure 18. Hydrobies


Failles normales

Figure 19. Failles normales


Conclusions locales

La profondeur du lac devait être faible car les stromatolithes ont besoin de lumière. La base de l'affleurement indique un contexte paléogéographique similaire à celui de Royat. Le passage des sables aux argiles, puis aux calcaires indique une diminution, puis un arrêt des apports détritiques. On peut imaginer un déplacement de la côte du lac, avec dépôt de sables lorsque la côte était près du site, dépôt de plus en plus fin au fur et a mesure de l'éloignement de la côte, et dépôt de calcaire stromatolithique lorsque l'éloignement de la côte était tel que plus aucun apport détritique n'arrivait. Un tel mouvement de la côte (par exemple dû a des variations de hauteur du niveau du lac) n'est possible que parce que le pays était plat. Pays plat, lac très peu profond : on retrouve les conclusions de l'arrêt de Saulzet.

Arrêt 4 : Jussat

Accès et recommandation pratique

Affleurement qui n'apporte rien de plus dans la problématique « Limagne » mais qui montre de superbes faciès sédimentaires et qui permet de bien reconstituer le paléoenvironnement local. Il peut suffire si l'arrêt 3 (Chadrat) est inaccessible.

Gagner la partie sommitale des falaises dominant le village de Jussat au NE (un quart d'heure de marche depuis le village).

Affleurement somptueux, qu'il faut à tout prix préserver des coups de marteau et autres prélèvements pour ne pas le défigurer. On peut échantillonner dans les éboulis et les champs aux alentours.

Description de l'affleurement

La majorité de la falaise est constituée d'alternance de calcaires et de sables gréso-calcaires, avec plusieurs niveaux à stromatolithes en boules. Les plus belles sont près du sommet de la falaise. Chaque boule a un diamètre d'environ 1 à 2 m. On trouve aussi des mini-stromatolithes de moins d'1 cm de diamètre, également appelé pisolithes.

Stromatolithe en boule

Niveau à stromatolithes en boules

Une des particularité de cet affleurement, c'est que la majorité des boules sont remplies de tubes de larves de phryganes fossilisées, chaque tube étant constitué d'un agglomérat d'hydrobies.

Détail de stromatolithe en boule

Surface de stromatolithe en boule à tubes de larves de phrygane

Il faut imaginer que les phryganes venaient muer en se posant sur les boules stromatolithiques en croissance, boules sub-affleurant à la surface du lac. Pas d'éléments volcaniques visibles.

Tube fossile de larve de phrygane

Tube fossile de larve de phrygane

Tube fossile de larve de phrygane

Tube fossile de larve de phrygane

Un environnement analogue actuel (Australie)

Les conclusions sont les mêmes qu'à Chadrat.

Arrêt 5 : Cournon

Accès et recommandation pratique

Grande carrière abandonnée située au-dessus de la ville de Cournon. Accès possible en véhicule, sous réserve des plans de circulations urbains qui changent (sinon, un quart d'heure à pied du centre ville).

Description de l'affleurement

L'affleurement domine la plaine de Limagne d'une centaine de mètres, et est situé au centre de la Limagne. De nombreux reliefs volcaniques parsèment la Limagne de l'Est à l'Ouest. Carrière avec deux parties bien différentes : une partie haute, et une partie basse.

Carrière de Cournon

Strates et diaclases bitumées

Diaclase bitumée

Figure 31. Diaclase bitumée


La partie basse est essentiellement calcaire, très bien stratifiée. Dans le calcaire, on peut voir des niveaux riches en silex et autres accidents siliceux, des fossiles d'escargots terrestres (Helix ramondi), des niveaux à fentes de dessiccation et empreintes de trace de racines, des niveaux à petits stromatolithes centimétriques, des niveaux à oolites (micro stromatolithes). Il n'y a aucun apport détritique et pas d'élément volcanique visible.

La partie supérieure est faite de pyroclastites consolidées, grossièrement stratifiées, et faite d'un mélange de "granules basaltiques" liées par un ciment calcaire (cette "roche mélange" est appelée pépérite). Il s'agit en fait de dépôts phréato-magmatiques d'un volcan situé quelques centaines de mètres plus au Nord. Ce volcan, le plus vieux de la région, est datée du Miocène inférieur (16 à 20 Ma).

Le contact entre les deux unités est constitués d'une surface d'érosion qui biseaute légèrement les strates du niveau inférieur. Il est souligné par un liseré marron (un ancien sol ?).

L'ensemble de la carrière est parcourue de failles et diaclases, dont la particularité est d'être imprégnées de bitume naturel. Ce bitume est constitué d'hydrocarbures remontant spontanément par les cassures, et s'oxydant en arrivant près de la surface...

Pépérite de Cournon

Conclusions locales

Les conclusions sédimentologiques sont voisines de celles de Jussat et Chadrat ; on peut insister sur l'absence quasi totale d'apport détritique, et sur la présence de "roche mère d'hydrocarbure" en profondeur, sous Cournon. L'intérêt principal de cet arrêt est dû à la nature du contact entre le niveau volcanique et les niveaux sédimentaires : une surface d'érosion, faite évidemment à l'air libre. Ce volcanisme, l'un des plus vieux de la région, a eu lieu après la fin de l'épisode lacustre (après la fin de la subsidence), et après même un début d'érosion de ces niveaux lacustres. Le volcanisme est donc pour l'essentiel postérieur à la subsidence (donc à l'extension majeure).

Arrêt 6 : Sainte Marguerite

Accès et recommandation pratique

Arrêt situé en bordure de départementale. Le talus Est de la route est entièrement fait de marno-calcaires sur plus de 700 m de long. On peut s'arrêter où l'on veut, car les 700 m d'affleurements se ressemblent, mais les affleurement décrits ici sont au voisinage d'une place de parking située juste après le sommet de la côte, avec une table en pierre ressemblant à un dolmen. Trois sous-affleurements sont dignes d'intérêt : à 150 m au Sud, à 75 m au Sud et à 100 m au Nord de ce pseudo-dolmen.

Description de l'affleurement

L'affleurement Sud (à 150 m du « dolmen »)

Talus de bord de route, essentiellement fait de marno-calcaires, avec quelques bancs gréseux. Les marnes sont tellement finement stratifiées qu'elles ressemblent parfois à du carton ou du papier. On ne trouve jamais d'éléments volcaniques.

On trouve parfois poissons lacustres ou insectes fossiles en clivant ces marnes. Certaines couches de marnes sont très noires, et particulièrement riches en matière organique (kérogène). Il s'agit sans doute de l'équivalent de la roche mère des hydrocarbures situées sous Cournon (arrêt 5). Les restes d'une ancienne galerie de mine (abandonnée depuis plusieurs siècles et exploitant ces marnes riches en matière organique pour en extraire, après chauffage et distillation une « huile » destinée à des usages mécaniques (lubrifiant, imperméabilisant…) se voit au-dessus de la route.

L'affleurement central (à 75 m du « dolmen »)

À mi-chemin entre le « dolmen » et la galerie de mine, une mini combe permet de voir en détail les marnes (très finement stratifiées, noires, parfois recouvertes d'efflorescences de sulfates) et une couche de grès-calcaire sus-jacente. Cette couche de grès-calcaire fait un surplomb, et montre à sa bas de superbes contre-empreintes de fentes de dessiccation. L'affleurement de Sainte-Marguerite (entre le sommet du Puy Saint-Romain et l'Allier) fait plus de 200 m d'épaisseur, et des dizaines de niveaux à fentes de dessiccation ont pu être trouvés sur toute l'épaisseur de la série. Les forages ont retrouvé de tels niveaux sur toutes l'épaisseur (2 500 m au maximum) des sédiments de Limagne. Attention aux éboulements possibles.

Affleurement central de Sainte Marguerite

Grès calcaire à contre-empreintes de fentes de dessiccation

L'affleurement Nord (à 100 m du « dolmen »)

À 100 mètres du dolmen, à 3 mètres au-dessus et à 10 mètres au NE d'un conduit d'évacuation des eaux passant sous la route, on peut étudier en détail les marnes, qui contiennent ici un niveau de 5 mm d'épaisseur, particulièrement blanc, et fait de craie (accumulation de coccolithes, tests calcaires d'algues planctoniques marines).

Affleurement Nord de Sainte Marguerite

Niveau à coccolithes

Niveau à coccolithes

Nota bene

0n trouve des niveaux à coccolites par dizaines dans la coupe de Sainte-Marguerite. Pour les trouver, il faut mettre le nez sur l'affleurement et bien chercher, car ces niveaux n'ont que quelques millimètres d'épaisseur.

Conclusions locales

On vérifie une fois de plus les conclusions paléogéographiques déjà tirées des arrêts précédents : sédimentation marno-calcaire dominante, sédimentation parfois riche en matière organique, sédimentation dans un milieu calme, sédimentation sous très faible tranche d'eau avec assèchement fréquent, absence d'indice d'un volcanisme contemporain de la sédimentation… L'existence de dizaines de niveaux à fentes de dessiccation sur les 200 m d'épaisseur de la série locale, et sur les 2 500 m de toute la Limagne montre que le lac n'a jamais été profond, et qu'il y a eu subsidence régulière : 2 500 m de sédiments déposés sous très faible tranche d'eau. Le lac se remplissait de sédiments au fur et à mesure que son fond s'enfonçait. La présence de minces niveaux à coccolithes (il en existent d'autres) suggère fortement de très courtes incursions marines en Limagne (d'autres données sur des ostracodes, sur les isotopes du strontium, sur des fossiles d'échinodermes dans un bassin voisin – celui du Puy- confirment cette conclusions).

La présence de ces niveaux marins montrent que notre lac était à une altitude voisine du niveau de la mer (0 m), et que la mer (venant du Sud et/ou de l'Est) pouvait arriver dans la région, donc que les hauts reliefs des Cévennes, Forez, Mont du Lyonnais… n'existaient pas à cette époque, puisque la mer pouvait arriver jusqu'en Limagne. Cela confirme ce que l'on savait déjà : à l'Oligocène, le pays était plat, et l'altitude du socle granitique était à peine plus élevée que celles des lacs en voie de comblement par la sédimentation.

Arrêt 7 : Saint Maurice

Accès et recommandation pratique

Petite carrière abandonnée située au SE de Saint Maurice. Cette carrière a eu tendance à servir de dépotoir, mais depuis quelques temps, le dépôt d'ordure y est interdit et la carrière redevient "présentable". On y accède à pied depuis l'entrée du village en prenant la "rue de la combe" qui monte à droite de la rue d'entrée au village. Monter cette rue sur 150 m (elle n'est plus goudronnée sur ses derniers mètres) ; on arrive à une autre rue perpendiculaire que l'on prend sur la droite. 150 à 200 m plus loin, on voit la carrière sur la gauche.

Description de l'affleurement

L'intérêt de cette carrière est un peu en dehors de la reconstitution paléogéographique de la Limagne, puisqu'il s'agit d'une carrière entaillant une cheminée basaltique mio-pliocène intrusive dans les marno-calcaires oligocènes. Mais c'est le seul affleurement volcanique typique de l'excursion (les roches volcaniques de Cournon étant un peu particulières) et il n'est qu'à 4 km de l'arrêt 6.

On voit, à droite à l'entrée de la carrière, les marno-calcaires oligocènes très altérés et hydrothermalisés. Tout le fond de la carrière, hélas lui aussi altéré, est fait d'une roche noire (basalte) particulièrement riche en inclusions jaunâtres et/ou verdâtres, qui sont des nodules de péridotite (altérée). On reconnaît bien la péridotite dans les rares zones moins altérées, et surtout dans le tas de cailloux laissé dans la carrière (à gauche en entrant au printemps 2001) où l'échantillonnage est très facile.

Carrière de Saint Maurice

Basalte à nodules

Figure 39. Basalte à nodules


Nodule de péridotite

Conclusions locales

Cet affleurement sera l'occasion de rappeler que le volcanisme est postérieur à a sédimentation-subsidence, de rappeler la nature péridotitique du manteau et d'expliquer la présence d'enclaves de péridotite dans les basaltes : le basalte naît par fusion très partielle du manteau vers –100 à -60 km de profondeur, fusion due à une décompression, elle même due à une remontée du manteau. Sur son trajet vers la surface, la lave peut arracher en passant des morceaux de sa "cheminée", morceaux de manteau si l'arrachement a lieu entre –100 à -60 km et le Moho, ce qui est le cas ici, morceaux de croûte dans d'autres volcans quand l'arrachement a lieu entre le Moho et la surface, ou morceaux des 2 à la fois dans les cas les plus favorables.

Interprétation des données

Reconstitution des évènements tertiaires et quaternaire du Massif Central

  • Au début de l'Oligocène, le Massif Central était un plat pays, à une altitude faible. Une extension à l'Oligocène supérieur entraîne la formation de bassins subsidents lacustres. Ces bassins subsidents, au milieu d'un pays plat ne sont pas des fossés topographiques bordés de hauts reliefs, mais des zones basses et marécageuses à peine plus basses que leur environnement. Une sédimentation, parfois sableuse mais surtout marneuse et marno-calcaire comble les zones subsidentes au fur et a mesure de leur enfoncement. Cette subsidence se fait par le jeu de failles normales. La subsidence, en général d'un millier de mètres, atteint au maximum 2 500 m dans la partie Ouest du bassin. Mais le pays est tellement plat que souvent les lacs et marécages qui occupent les zones subsidentes débordent et envahissent les terres environnantes. Quelques incursions marines très limitées (venues de l'Est et/ou du Sud) envahissent périodiquement les zones basses. Cela montre que le Massif Central à l'Oligocène était un pays non seulement plat, mais à une altitude voisine du niveau de la mer.
  • L'extension et la subsidence/sédimentation cessent à l'extrême fin de l'Oligocène ; les derniers lacs se comblent au tout début du Miocène. Il n'y a quasiment pas de volcanisme durant cette période oligocène (il y a tout de même quelques venues volcaniques contemporaines de la fin de la sédimentation, non vues au cours de cette excursion).
  • À partir du début du Miocène, le volcanisme commence "sérieusement", augmente jusqu'à atteindre son maximum entre 10 et 5 Ma. Depuis cette date, il a tendance à diminuer d'intensité, avec des hauts et des bas.
  • Le Massif Central qui était un pays plat et bas jusqu'au Miocène moyen subit un soulèvement dont le maximum est daté du Miocène supérieur/Pliocène inférieur. Toute la région monte, mais inégalement, avec un rejeu limité des anciennes failles normales oligocènes. Les régions qui avaient beaucoup subsidé remontent de 400 à 700 m (les limagnes actuelles). Les régions qui n'avaient pas (ou peu) subsidé remontent de 1 000 à 1 600 m (les hauts plateaux actuels). La morphologie en "fossés topographiques" des limagnes date de cette époque, et est donc due à un moindre relèvement (ce qui n'est pas banal pour des fossés dit d'effondrement). L'érosion, plus importante dans les terrains marneux que dans les terrains granitiques érode 250 à 300 m dans les limagnes, et accentue encore la morphologie de fossés, en mettant en reliefs les plus anciens édifices volcaniques.

Propositions de modèles explicatifs

Ce déroulement phénoménologique et chronologique des observations est totalement incompatible avec le modèle classique du point chaud. Il est également incompatible avec le deuxième scénario imaginé en première partie. Il va donc falloir proposer un ou plusieurs nouveaux modèles explicatifs qui soient compatibles avec les données observées sur le terrain et leur interprétation. Plusieurs modèles sont possibles et proposés, et il y a actuellement un débat scientifique à ce sujet. Voir Le volcanisme d'Auvergne, un point chaud ?