Image de la semaine | 05/05/2025
Les poissons et amphibiens fossiles de l'Autunien (Permien inférieur, −299 à −293 Ma) de Bourbon-l'Archambault (Allier) et de Muse (bassin d'Autun, Saône-et-Loire)
05/05/2025
Auteur(s) / Autrice(s) :
Publié par :
- Olivier DequinceyENS de Lyon / DGESCO
Résumé
Fossiles permiens (poissons, amphibiens, végétaux) des bassins d’extension tardi-hercyniens du Massif Central. Conditions anciennes et actuelles de récolte.

Source - © 2025 — Pierre Thomas
En bas, un poisson entier et, en haut, la queue d'un autre poisson. Cet échantillon vient du Permien inférieur (Autunien) de Bourbon-l'Archambault (Allier).
![]() Source - © 2025 — Pierre Thomas Il s'agit probablement d'un exemplaire de Bourbonnella guilloti. Les écailles et les rayons des nageoires sont parfaitement visibles. |
![]() Source - © 2025 — Pierre Thomas |
![]() Source - © 2005 — C. Poplin et D.B. Dutheil (libre accès) Il est probable que le fossile des figures précédentes corresponde à Bourbonnella guilloti (B), à cause de la ressemblance… et parce qu'il vient de Bourbon-l'Archambault. Barres d'échelle = 2 cm. | |
Les fossiles des figures 1 à 14 sont des aeduellidés ; ils font partie de la classe des actinoptérygiens, c'est-à-dire des poissons osseux (= ostéichtyens) à nageoires rayonnées. La classe des actinoptérygiens (mot dérivé du grec ancien “aktis” = rayon et “pteryx” = aile, nageoire) comprend notamment l'infraclasse des téléostéens, qui représentent environ la moitié des espèces de vertébrés actuels et à laquelle appartiennent la quasi-totalité des poissons communs. Les téléostéens ne sont apparus qu'au Mésozoïque, bien après la disparition des aeduellidés, strictement cantonnés au Paléozoïque supérieur.
En 1972, jeune étudiant de 20 ans (en “L2” à Clermont-Ferrand pour parler avec la terminologie actuelle), j'ai passé des vacances dans la région d'Autun (Saône-et-Loire) à rechercher des minéraux (voir par exemple, Pyrite et fluorine) et des fossiles du Permien inférieur (anciennement Autunien, et maintenant Assélien, −299 à −293 Ma). Nous avons vu des bois silicifiés il y a 4 semaines (cf. Les Psaronius sp. et autres bois silicifiés du Permien inférieur de la région d'Autun (Saône-et-Loire)) et nous verrons cette semaine d'autres fossiles du même secteur d'Autun, à savoir des fossiles de poissons (figures 10 à 14) trouvés dans le gisement de Muse ainsi que des végétaux provenant du terril de Margenne (figure 24 à 26).
Ces fossiles de poissons permiens de la région d'Autun m'ont donné envie d'aller en chercher d'autres en 1974 ou 1975 (je ne me rappelle plus) dans le bassin permien de Bourbon-l'Archambault (Allier). Nous vous montrons maintenant, 50 ans après, les résultats de ces échantillonnages dans les gisements de vertébrés de ces deux bassins permiens. J'étais un jeune géologue amateur à l'époque et mes “rangements” manquaient de professionnalisme. J'avais rangé ces fossiles dans une même boite appelée « fossiles autuniens », et, erreur de jeunesse, je n'avais pas assez bien séparé physiquement les échantillons d'Autun de ceux de Bourbon-l'Archambault. Cinquante ans plus tard, je ne suis pas sûr à 100 % de la provenance des échantillons des figures 8 et 9.
Le terril de Margenne (végétaux fossiles) n'existe plus ; les gisements de poissons d'Autun comme de Bourbon-l'Archambault sont maintenant protégés, et les fouilles (hors fouilles “officielles”, voir figures 28 à 30) sont interdites. Mais, il y a cinquante ans, ces gisements étaient en pleine nature, et les fouilles par des amateurs étaient totalement libres sur les bords des chemins creux et des ruisseaux.
![]() Source - © 2006 — D’après BRGM, modifié Ces bassins, d'où proviennent tous les échantillons présentés cette semaine, sont des bassins d'extension tardi-hercynienne. Localisation par fichier kmz Bourbon-l'Archambault (Allier) et de d'Autun (Saône-et-Loire). |
![]() Source - © 2025 — D’après BRGM / Google Earth, modifié |
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![]() Source - © 2025 — Pierre Thomas Un doute subsiste concernant la provenance ; il pourrait provenir de Muse (bassin d'Autun), voir plus bas. |
![]() Source - © 2025 — Pierre Thomas Un doute subsiste concernant la provenance ; il pourrait provenir de Muse (bassin d'Autun), voir plus bas. |
Il n'y a pas que des actinoptérygiens dans l'Autunien d'Autun et de Bourbon-l'Archambault, on y trouve aussi des acanthodiens (poissons, figures 15 à 19) et des amphibiens (figures 20 à 23).
Les acanthodiens (du grec “akantha”, épine), sont une classe de poissons aujourd'hui disparue possédant à la fois des caractères des poissons osseux (ostéichtyens) et des poissons cartilagineux (chondrichtyens). Ils sont souvent (et improprement) appelés « requins à épines ». Ils sont apparus à la fin de l'Ordovicien (≈ −445 Ma) et se sont éteints à la fin du Permien inférieur (−270 Ma). Ils représentent plusieurs branches phylogénétiques indépendantes des poissons menant aux poissons cartilagineux encore existants (requins, raies…). C'était des espèces marines au début de leur existence mais les espèces d'eau douce sont devenues majoritaires à partir du Dévonien. Ils se caractérisent, entre autres, par des épines ventrales et dorsales qui soutiennent ailerons et nageoires (une épine par nageoire), ce qui permet de bien les identifier. Comme chez les requins actuels, leur queue est épicerque (lobe dorsal plus développée que le lobe ventral). Les acanthodiens pourraient bien être les plus vieux gnathostomes (poissons à mâchoires) connus du registre fossile.
![]() Source - © 2025 — Pierre Thomas On reconnait néanmoins une grosse épine à droite, et la queue épicerque à gauche. |
![]() Source - © 2025 — Pierre Thomas |
![]() Source - © 2025 — Pierre Thomas Imparfaitement dégagé et encore recouvert d'une fine pellicule pélitique, ce fossile permet cependant de bien voir (à gauche) les grandes épines qui ont donné son nom à ce groupe. |
![]() Source - © 2025 — Pierre Thomas |
![]() Source - © 2006 — New Brunswick Museum / Artefacts Canada Les épines se voient très bien sur le devant des deux ailerons dorsaux et des 2 nageoires ventrales postérieures. | |
En plus des poissons, et plus difficiles à trouver, que ce soit à Autun ou à Bourbon-l'Archambault, il y a des petits amphibiens, connus sous le nom de « protritons » et dont le plus commun a pour nom scientifique Branchiosaurus petrolei (ils étaient “abondants” dans les schistes bitumineux extraits pour le pétrole dans les mines des Télots – cf. Les terrils des Télots, témoins d'anciennes exploitations de schistes bitumineux dans le bassin permien d'Autun (Saône-et-Loire). Nous vous montrons un magnifique spécimen presque entier trouvé à Bourbon-l'Archambault, et ce qui ressemble à des ossements dispersés (restes d'excréments rejetés par un prédateur ?).
![]() Source - © 2025 — Pierre Thomas |
![]() Source - © 2025 // 2012 — Pierre Thomas // d’après Gand et al. La reconstitution date de 1888, et a été republiée récemment par Gand et al., 2012(lien externe - nouvelle fenêtre). |
![]() Source - © 2025 — Pierre Thomas |
![]() Source - © 2025 — Pierre Thomas Restes du repas d'un prédateur ? |
À côté des fossiles d'animaux, les schistes bitumineux de Bourbon-l'Archambault, comme ceux d'Autun, sont riches en restes végétaux. Nous vous montrons trois échantillons récoltés dans l'ancien terril de Margenne (bassin d'Autun), terril qui n'existe plus aujourd'hui, nivelé et remplacé par des hangars agricoles et/ou artisanaux
![]() Source - © 2025 — Pierre Thomas | |
![]() Source - © 2025 — Pierre Thomas |
![]() Source - © 2025 — Pierre Thomas |
En 1972-1975, tous les sites d'où proviennent les échantillons présentés ci-dessus étaient en pleine nature et totalement libres d'accès. Le chemin creux de la figure 27 est une photographie “moderne” (je n'avais pas d'appareil photographique à l'époque) assez représentative de ce à quoi ressemblait le gisement de Muse en 1972. Pour trouver des fossiles, il suffisait d'extraire des plaques de “schistes bitumineux” dans la paroi du chemin ou de ramasser celles tombées par terre, et de les cliver. Ces schistes bitumineux étant assez fragiles, il est probable que les échantillons que j'ai récoltés en 1972 auraient été perdus ou ramassés par d'autres amateurs (venus parfois par cars entiers, et souvent plus animés de buts mercantiles – comme des ventes ou échanges dans des bourses – que par des buts naturalistes) si je ne les avais pas ramassés et conservés. Il est à noter que la ligne TGV Paris-Lyon, dont les travaux ont été menés entre 1975 et 1980, passe (en tranchée) à 320 m du site de Muse. Combien de fossiles auront été irrémédiablement détruits pendant ces travaux (je n'ai jamais entendu parler de fouilles de sauvegarde faite à Muse dans les années 1975-1980 par un organisme comme l'INRAP qui, hélas, ne s'occupe que d'archéologie et bien peu de géologie-paléontologie non humaine) ? Le site de Muse, comme ceux de Bourbon-l'Archambault, sont maintenant protégés à la suite de démarches privées locales (et maintenant soutenues par le CNRS) et les fouilles non “officielles” sont interdites. À Muse, il y a eu deux campagnes de fouilles en 1985 et en 2010-2015. Et il y en aura peut-être d'autres.





























