Image de la semaine | 22/02/2021
Variations sur le coup de sirocco qui a affecté la France le matin du 6 février 2021
22/02/2021
Résumé
Ciel rouge, diffusion de la lumière, et tempêtes de sable et poussière… sur Terre et sur Mars.
Le matin du 6 février 2021, cette lumière orangée qui a affecté la région lyonnaise a été bien observée sur un tiers de la France, de la moitié Est des Pyrénées à l'Alsace. En ouvrant leurs volets, de nombreux Lyonnais, ceux qui ne connaissaient pas ce phénomène et qui n'étaient pas “imprégnés” de pensées apocalyptiques ou survivalistes, ont pensé à un accident industriel venant d'arriver dans le « couloir de la chimie » au Sud de l'agglomération lyonnaise. Ce phénomène est pourtant classique mais rarement si intense et se produit rarement aussi tôt dans l'année ; il est dû à la présence dans le ciel de poussières apportées du Sahara et d'Afrique du Nord par un violent vent du Sud soufflant en altitude. Pour voir ce phénomène dans d'autres quartiers de Lyon et dans le reste de la France, il suffisait de naviguer sur le web ce 6 ou 7 février 2021 pour trouver d'innombrables photos. En voici trois prises dans la ville de Lyon, et une dans la Chaine des Puys.
Source - © 2021 @prefetrhone / francetvinfo | Source - © 2021 Ninoversalphotography / francetvinfo |
Source - © 2021 Ninoversalphotography / francetvinfo | Source - © 2021 Nicolas Hugot / France 3 Auvergne |
Cette poussière va lentement se diluer et retomber au sol sans donner de traces très visibles, sauf si ces nuages poussiéreux sont affectés par des précipitations. S'il pleut beaucoup, la poussière retombe au sol mais est “lavée” par la pluie abondante ; là encore, il n'y aura que peu de traces visibles, sauf si l'eau de pluie s'accumule par exemple dans des creux où l'on verra du sable et des poussières au fond du trou. Les cas intermédiaires ont, eux, des effets très visibles. À Lyon, juste avant le lever du jours alors que les nuages de poussières étaient déjà présents, il a légèrement plu. Dans certains secteurs de l'agglomération, il a suffisamment plu pour que les voitures soient salies par de la poussière, mais pas assez pour que la pluie nettoie ces voitures. On voyait passer dans les rues des voitures semblant revenir d'un rallye sur chemin boueux. Dans mon quartier (le 7e arrondissement), il n'est tombé que quatre gouttes qui ont vite séché. Vers 9h30, les voitures étaient parsemées de mini-taches jaunâtres.
Source - © 2021 LADEPECHE.fr |
En altitude, les précipitations de ce 6 février au matin ont eu lieu sous forme de neige ou de pluie tombant sur une couche de neige déjà présente car tombée avant le redoux. La “vieille” neige d'un blanc immaculé a été alors recouverte de quelques millimètres à centimètres de neige rosâtre ou orangeâtre, qu'il ne faut pas confondre avec une neige riche en Chlamydomonas nivalis (cf. Les extrémophiles dans leurs environnements géologiques - Un nouveau regard sur la biodiversité et sur la vie terrestre et extraterrestre, figures 26 et 27). La couleur rouge des sables et poussières désertiques est due à une très fine couche d'oxyde ferrique qui recouvre les grains de quartz.
Source - © 2021 Météo Centre-Isère | Source - © 2021 Météo Centre-Isère |
Un ami et voisin (Lyon 7e) a une terrasse couverte d'un auvent. Il récupère l'eau de pluie dans un récipient pour arroser ses plantes en pot. Par hasard, il avait vidé et nettoyé son récipient la semaine précédent ce coup de sirocco. Durant la nuit de vendredi 5 à samedi 6, puis surtout de samedi 6 à dimanche 7, il a un peu plu sur Lyon. Et il y avait de l'eau un peu trouble (et un trouble rougeâtre) dans son récipient ce dimanche 7 février 2021. De la poussière saharienne ? Il a pris de cette eau et l'a filtrée avec un sopalin. Ce sopalin est effectivement rougeâtre.
Cette lumière orangée spectaculaire et inquiétante (pour ceux qui ne la connaissent pas déjà) est due à la conjonction de deux phénomènes : la diffusion de la lumière par des particules fines, et la couleur rougeâtre de ces particules sahariennes.
Ce phénomène de rougissement de la lumière par de la poussière (même si celle-ci n'est pas rouge) est observable dans les régions où l'atmosphère est enfumée par des feux de forêts importants, comme cela a été le cas ces dernières années en Californie (en septembre 2020) et en Australie (en décembre 2019).
Source - © 2020 AFP / Courrier picard | Source - © 2019 John Mair - Archives Reuters / Ouest-France |
Les images satellites permettent de suivre la progression de ces masses d'air chargées de poussières et/ou de sables venus des déserts. Et non seulement les satellites montrent des images de ces nuages, mais différents instruments embarqués à leur bord permettent de mesurer la quantité totale de poussière intégrée sur toute la colonne atmosphérique (quantité souvent exprimée en mg/m2). Dès le dimanche 7 février, on trouvait sur internet (surtout via Twitter et Facebook relayant le sites météo) photos satellites et cartes interprétatives de l'évènement du 6 février 2021.
Source - © 2021 NASA Worldview / Forbes, modifié | Source - © 2021 Univ. of Athens – SKIRON forecast / @InfosFrancaises |
Les vents de sables et de poussières sahariennes les plus fréquents, abondants et visibles par satellite soufflent de l'Afrique vers l'Atlantique, entrainant en mer d'énormes quantités de sable et de poussière. Le sable retombe “pas trop loin” des côtes mais peut atteindre sans problème les Canaries, où un tel vent de sable et de poussière est appelé “calima”. Les poussières les plus fines peuvent aller beaucoup plus loin et atteindre les Antilles et le Golfe du Mexique. Ces vents de poussières ont des conséquences écologiques variées. Les poussières, en retombant sur les côtes antillaises, mexicaines… nuisent à la croissance des récifs coralliens. Par contre, les poussières retombant en plein océan apportent du fer dans la couche océanique superficielle. Or le manque de fer est un facteur limitant de la croissance du phytoplancton. De tels vents de poussières sont un agent “fertilisant” majeur des océans.
Source - © 2004 NASA MODIS / commons.wikimedia | Source - © 2000 NASA/JPL/MSSS |
Source - © 2020 NOAA/NESDIS/STAR GOES-Eest GEOCOLOR / The Philadelphia Inquirer | Source - © 2020 NASA/NOAA, Colin Seftor / kcrg.com |
Les tempêtes de sable et vents de poussières ne sont pas exclusifs de la Terre. Les tempêtes sont très abondantes et beaucoup plus importantes sur Mars. D'ailleurs, si les tempêtes de sable terrestres ont abondamment été utilisées par le cinéma, de telles tempêtes interviennent deux fois dans le film Seul sur Mars de Ridley Scott (cf., par exemple, Seul sur mars, deux en scène !). Il y a deux types de tempêtes sur Mars. Il y a certes des tempêtes locales, mais aussi des tempêtes globales qui soulèvent de la poussière qui va recouvrir l'ensemble du globe martien pendant au moins un mois. Ces tempêtes globales arrivent presque à chaque printemps de l'hémisphère Sud, lors de la sublimation de la neige carbonique de la calotte polaire Sud.
Source - © 1999 Malin Space Science Systems, MGS, JPL, NASA | Source - © 2000 NASA/JPL/MSSS |
Source - © 2007 NASA/JPL-Caltech/Cornell | Source - © 2018 NASA/JPL-Caltech/MSSS |