Image de la semaine | 03/10/2011
Les galets de pyrite de l'Archéen du Witwatersrand (Afrique du Sud) et la teneur en dioxygène de l'atmosphère
03/10/2011
Résumé
Pyrite, sédimentation, oxydation et teneur en oxygène de l'atmosphère.
Les conglomérats à galets arrondis (poudingue) se déposent à relative proximité d'un relief en proie à une érosion importante, mais suffisamment loin pour que le transport ait pu « arrondir » les angles des bords des blocs transportés. Ces galets se déposent quand la vitesse du courant qui les transporte (classiquement un torrent ou une rivière de montagne) ralentit fortement, en arrivant dans la mer par exemple. Les éléments les plus denses que sont des galets de pyrite vont se concentrer là où la puissance de transport des courants est la plus faible (rive convexe de méandre, fond de baie abritée…). Ces zones de concentration de minéraux lourds sont appelées « placers ». Ce sont eux que recherchent les chercheurs d'or des bords de rivière, car c'est là que se concentrent aussi les pépites d'or.
Le conglomérat à galets de pyrite (FeS2) présenté ici provient du Witwatersrand, en Afrique du Sud. Le Witwatersrand correspond à un bassin sédimentaire intracontinental d'environ 400 x 160 km (dimensions deux à trois fois inférieures à celles du bassin parisien). Il est rempli de sédiments essentiellement détritiques déposés en eaux peu profondes, ainsi que de quelques niveaux volcaniques. Là où la série est complète, ces sédiments ont une épaisseur de 7000 m (2 fois plus que le bassin parisien). Cette sédimentation a eu lieu à l'Archéen, entre -2,980 et -2,714 Ga (milliard d'années), soit pendant une durée de 266 Ma, une durée voisine de celle du fonctionnement du bassin parisien entre le Trias et l'Oligo-Miocène. Ce bassin sédimentaire n'est pas « intact » ; il a été intrudé par du magmatisme, affecté par des déformations, un hydrothermalisme et un métamorphisme « faible à moyen », choqué par un impact de 200 km de diamètre (Vredefort), et recouvert de sédiments plus récents. Les conglomérats à galets de pyrite se trouvent près de la base de la série sédimentaire, déposés vers -2,910 Ga. Ces couches à galets de pyrite contiennent aussi d'autres minéraux lourds « économiquement intéressants », sous forme graviers et sables (pechblende ~ uraninite ~ UO2) et de tout petits grains d'or natif, en général trop petits pour être visibles à l'œil nu et même au microscope.
L'échantillon de la figure 1 est particulièrement riche en galets de pyrite (de taille centimétrique), sans galets d'autre nature. Les échantillons hétérogènes sont plus fréquents ; hétérogènes en nature de galets (pyrite et quartz) et en granulométrie, comme l'atteste l'échantillon suivant, de l'Université de Stellenbosch (Afrique du Sud).
L'échantillon présenté ici provient de l'une des mines du Witwatersrand. De tels échantillons riches en pyrite « fraiche » et non oxydée ne peuvent se récolter qu'en profondeur. En effet, ils s'oxydent très rapidement quand ils sont en surface en présence de l'oxygène atmosphérique et des bactéries ferroxydantes (voir Retrait glaciaire et oxydation de la pyrite, et la figure ci-après).
Cette instabilité de la pyrite en présence d'une atmosphère (ou d'une hydrosphère) oxydante pose le problème de l'existence de ces galets de pyrite. De tels galets arrondis ont été transportés par des eaux à haute énergie, c'est-à-dire rapides et donc certainement « aérées » par l'agitation et la vitesse du courant (torrent de montagne, vagues déferlantes…). De telles eaux sont en équilibre avec l'atmosphère ; elles sont donc oxydantes et contiennent de l'O2 dissout quand l'atmosphère contient de l'O2 comme actuellement. Les eaux qui ont transporté ces galets de pyrite à l'Archéen n'étaient donc pas oxydantes, et ne contenaient pas d'O2 en solution. L'atmosphère de cette époque (-2,9 Ga) ne contenait donc (quasiment) pas d'O2. C'est avec des données de ce type que les géologues ont pu reconstituer l'évolution de la teneur de l'atmosphère en O2 au cours du temps.
Si la teneur de l'atmosphère en O2 est sujette à débats, il en est de même de l'origine de l'or du Witwatersrand. Pour la majorité des géologues, cet or, abondant dans les conglomérats à pyrite, est lui aussi détritique. Pour une importante minorité, cet or est d'origine hydrothermale. L'échantillon et la lame mince présentés ici prouvent la réalité de cet hydrothermalisme, mais ne permet pas de favoriser telle ou telle origine.