Image de la semaine | 01/09/2025

Le grand séisme de Tohoku du 11 mars 2011, les traces du tsunami 2 et près de 15 ans après

01/09/2025

Auteur(s) / Autrice(s) :

  • Samuel Angiboust
    Laboratoire de Géologie de Lyon / ENS de Lyon

Publié par :

  • Olivier Dequincey
    ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Mémoire des séismes et tsunamis au Japon. Risques, dégâts et réoccupation des sites.


La stèle de Hiyoriyama, érigée après le tsunami de Showa Sanriku en 1933 et remise en place après le tsunami de 2011 au Japon
Figure 1. La stèle de Hiyoriyama, érigée après le tsunami de Showa Sanriku en 1933 et remise en place après le tsunami de 2011 au Japon — ouvrir l’image en grand

Cette stèle met en garde les occupants de lieux contre « le risque de tsunami si un tremblement de terre a lieu ».

Elle est située dans une zone très densément occupée en 2011 et quasiment totalement détruite par le tsunami (figures 3 à 9).

Localisation de la stèle de Hiyoriyama (quartier Yuriage, ville de Natori, préfecture de Miyagi), érigée en mémoire du tsunami de Showa Sanriku de 1933.

La stèle de Hiyoriyama érigée après le tsunami de Showa Sanriku en 1933 (Natori - Miyagi, Japon)
Figure 2. La stèle de Hiyoriyama érigée après le tsunami de Showa Sanriku en 1933 (Natori - Miyagi, Japon) — ouvrir l’image en grand

Cette stèle met en garde les occupants de lieux contre « le risque de tsunami si un tremblement de terre a lieu ».

Ici visible dans son état original, elle a été emportée par le tsunami de 2011 avant d’être remise en place (figure 1) accompagnée d’autres monuments mémoriels.

Après l'événement de 1933 à Showa Sanriku, l'administration de Miyagi a imposé des restrictions sur l'utilisation des terrains détruits par le tsunami. La stèle de Hiyoriyama a été érigée pour informer les habitants du risque. Cette stèle, emportée par le tsunami de 2011 à plusieurs kilomètres, a été remise à sa position d'origine (figures 1 et 2). Malgré tout, en l'espace de quelques dizaines d'années, les terrains à risque ont été à nouveau graduellement réoccupés, ignorant les recommandations gravées sur la stèle de Hiyoriyama à Natori-Miyagi.

La rupture de l'interface de subduction à l'Est du Japon dans la zone de Tohoku le 11 mars 2011 à 14h46 a généré l'un des plus grands séismes jamais enregistrés (magnitude 9,0). S'en est suivi un tsunami qui a affecté l'ensemble des côtes une vingtaine de minutes plus tard, en particulier à la hauteur de la région de Miyagi, mais aussi sur une distance de plus de 2 000 km le long des côtes japonaises. Un article avait alors été publié sur Planet-Terre (Dequincey et Thomas, 2011[1]) pour revenir sur cet évènement hors du commun, qui a causé la mort de plus de 20 000 personnes, principalement à cause du tsunami, et un profond traumatisme chez les Japonais. Une vague d'une hauteur de plusieurs dizaines de mètres a déferlé sur la côte (figure 3), et le niveau de l'eau est rapidement monté dans les zones inondables (plaine côtière, notamment dans la baie de Funakoshi), noyant et emportant au passage toute construction de moins de 5 m de hauteur. Cette vague a également profondément remodelé le paysage côtier sur son passage, détruisant la dune côtière, qui a mis plusieurs années à se régénérer naturellement.

Cartes des côtes affectées par le tsunami faisant suite au séisme de mars 2011 au large du Japon, et des dommages dans la zone de Natori (préfecture de Miyagi)
Figure 3. Cartes des côtes affectées par le tsunami faisant suite au séisme de mars 2011 au large du Japon, et des dommages dans la zone de Natori (préfecture de Miyagi) — ouvrir l’image en grand

L'épicentre du séisme est situé à environ 130 km des côtes à 38,32° de latitude Nord. La zone rouge sur la carte de la zone de Natori est située à environ 37,173° de latitude Nord.

La carte de gauche localise les zones affectées par le tsunami de mars 2011 (Mori et al., 2011[3]) et la hauteur relative de vague (plus faible en bleu, plus élevée en rouge).

La carte de droite localise les dommages dans la zone de Natori (Miyagi) (Nihei et Maekawa, 2012[3]) avec en rouge les bâtiments totalement détruits, en jaune et vert ceux détruits partiellement et en bleu ceux peu ou pas affectés par le tsunami.

La stèle des figures 1 et 2 se situe dans le quartier Yuriagehigashi, la partie “rouge” la plus à l'Est de la carte.

Presque deux ans après le tsunami de 2011, comme le montrent les 6 figures suivantes prises en février 2013 dans les quartiers très affectés de Natori, les séquelles sont encore visibles, même si beaucoup de gravats ont déjà été déblayés et exportés.

Les dégâts ont été colossaux : environ 400 000 bâtiments ont été détruits ou endommagés, dont des voies ferrées, des ports, des routes, des écoles et des hôpitaux. La centrale nucléaire de Fukushima Daiichi a subi une triple fusion, causant une crise nucléaire majeure. Le Japon a lancé un plan de reconstruction national chiffré à plus de 250 milliards de dollars. D'importantes digues de protection (parfois controversées) ont été construites le long des côtes. De nouveaux logements antisismiques et des infrastructures résilientes aux tsunamis ont été construits. En particulier, les autorités ont installé dans les zones les plus sensibles une digue côtière, parfois accompagnée de forêts côtières qui permettent ensemble de réduire l'énergie de la vague au moment de l'impact. Ces infrastructures permettent également de fournir davantage de temps (une trentaine de secondes supplémentaires) pour permettre l'évacuation au moment de l'arrivée de la vague. Un réseau de canaux avec des systèmes de portes de plus de 7 m de hauteur a également été mis en place dans les quartiers de Yuriage afin de minimiser la propagation de l'inondation dans les secteurs côtiers les plus exposés (figure 10).

Porte hydraulique protégeant les canaux en arrière de la digue côtière, Natori - Miyagi (Japon)
Figure 10. Porte hydraulique protégeant les canaux en arrière de la digue côtière, Natori - Miyagi (Japon) — ouvrir l’image en grand

Dans la région de Fukushima, il existe encore, en 2025, des zones d'exclusion, tandis que d'autres secteurs sont rouverts sous surveillance constante. Des villages entiers ont été déplacés sur les hauteurs pour éviter de futures catastrophes. Bien que certaines communautés soient restées dépeuplées (impact du tsunami ou contamination radioactive à Fukushima), il est clair que la pression démographique forte au Japon pousse les Japonais à occuper à nouveau les secteurs dévastés par le tsunami. Les autorités ont mis sur pied un certain nombre de mesures (procédures d'évacuation, construction de tours, de collines artificielles ou d'escaliers) pour permettre aux habitants de se réfugier en hauteur en cas de nouveau tsunami. En effet, l'expérience de 2011 a clairement montré que la meilleure protection consiste à se mettre en hauteur sur une structure suffisamment solide pour résister à la force de la vague. Ce fut en particulier le cas pour l'école élémentaire de Arahama (figure 11), qui a résisté au passage de la vague et dont le toit du bâtiment a servi de refuge pour 320 écoliers et personnels enseignants (ils ont été évacués dans la soirée du 11 mars par un hélicoptère de la sécurité civile).

L'école élémentaire d'Arahama (Sendai, Miyagi, Japon) en 2011 et 2025, devenue musée du tsunami
Figure 11. L'école élémentaire d'Arahama (Sendai, Miyagi, Japon) en 2011 et 2025, devenue musée du tsunami — ouvrir l’image en grand

Un musée a été créé dans l'ancienne école élémentaire d'Arahama, pour servir de lieu de mémoire de la tragédie.

En haut à gauche, vue des personnes réfugiées sur le toit pendant le tsunami de 2011. En haut à droite, vue de l'empilement d'objets (voiture, piano, bois…) encastrés dans une salle de classe du premier étage.

En bas à gauche, vue actuelle du bâtiment avec la flèche indiquant la hauteur de l'eau atteinte pendant le tsunami de mars 2011. En bas à droite, les rambardes pliées par la force du courant et l'impact d'objets ont été laissées telles quelles afin de montrer la violence du phénomène.

Localisation par fichier kmz du musée du tsunami de l'école élémentaire d'Arahama (Sendai, Japon).

D'un point de vue scientifique, cet évènement dramatique a beaucoup contribué à améliorer la compréhension de la dynamique et de la propagation d'un tsunami, et des moyens de s'en prémunir. Des nombreuses études scientifiques se sont également penchées sur l'historique de la zone et l'enregistrement des tsunamis passés, dans le but notamment d'estimer la fréquence de récurrence. Les données historiques permettent de savoir qu'au moins deux tsunamis majeurs ont affecté la côte Est de Tohoku depuis le XIXe siècle : le séisme de Showa en 1933 et le séisme de Meiji en 1886. Les estimations de hauteur de vague pour ces évènements sont respectivement comprises entre 10 et 25 m, c'est-à-dire bien moins que pour le séisme de 2011 (jusqu'à 35 m localement).

Dans les dernières années, des forages ont été effectués dans le secteur, car ils permettent des observations sur une période de temps beaucoup plus longue (plusieurs milliers d'années) que ce que l'enregistrement sismologique peut nous offrir (de l'ordre d'une centaine d'années). Le forage réalisé à Koyadori (plaine de la région d'Iwate) a permis d'extraire un enregistrement de 6 000 ans de sédiments, y compris un niveau de cendres volcaniques à la base de la séquence (figure 12). L'étude de cette séquence a révélé la présence d'une dizaine de tsunamites (dépôts caractéristiques grossiers causés par un tsunami) (Ishimura et Yamada, 2021[2]). L'enregistrement sédimentaire suggère une récurrence de tsunami tous les 300 à 400 ans (figure 13), même si, de mémoire d'homme, trois tsunamis ont eu lieu dans les derniers 150 ans, ce qui pourrait laisser penser que tous les événements ne sont pas enregistrés dans les carottes récupérées.

Carotte sédimentaire prélevée dans la plaine côtière de Koyadori mettant en avant les différents dépôts de tsunamites identifiables (flèche violettes)
Figure 12. Carotte sédimentaire prélevée dans la plaine côtière de Koyadori mettant en avant les différents dépôts de tsunamites identifiables (flèche violettes) — ouvrir l’image en grand

À la base, se trouve un niveau épais de cendres daté de 6 000 ans, montrant que la région est aussi sujette au risque volcanique.

Âges (datation au 14C) des différentes tsunamites observées dans le forage de Koyadori
Figure 13. Âges (datation au 14C) des différentes tsunamites observées dans le forage de Koyadori — ouvrir l’image en grand

Au-delà du drame humain, le séisme de 2011 et le tsunami qui s'en est suivi a permis des avancées majeures en termes d'amélioration des systèmes d'alerte précoce au tsunami (avec des capteurs plus nombreux et plus précis) et en terme de prévention des tsunamis à venir. Il s'agit d'une source d'inspiration pour de nombreux pays à risque (Indonésie, Chili, etc.) pour améliorer leurs propres systèmes d'alerte et de préparation, et ainsi protéger leurs populations contre ce danger permanent.

Bibliographie

Remerciements

Naoya et Naoko Takahashi (Université de Tohoku) sont vivement remerciés pour leurs explications sur le terrain et au musée de l'Université de Tohoku, ainsi que pour le partage de certains des documents présentés dans cet article.