Image de la semaine | 11/12/2017
Les pierres de rêves de Dali (Chine), des marbres bien polis
2017
Résumé
Découpe particulière de marbres impurs (micas noirs) et foliés à contrastes de couleurs permettant d'obtenir des figures d'interférence ornementales dites « pierres de rêve », Dali, province du Yunnan, Chine.
Les pierres de rêves proviennent de la ville de Dali dans la province du Yunnan, en Chine. En mandarin, le marbre se dit « pierre de Dali ». Le marbre est une roche calcaire métamorphisée. Dans le cas du marbre de Dali, on le trouve principalement au sein de gneiss [1] (figure 4), dont le métamorphisme est associé à la déformation ductile de la zone de cisaillement de l'Ailao Shan - Fleuve Rouge [2]. Les protolithes possibles du marbre de Dali sont des calcaires du Trias et surtout du Dévonien. La faille du Fleuve rouge, qui résulte de la collision Inde-Asie, s'étend sur 1000 km et sépare les blocs continentaux de l'Indochine et de la Chine du Sud. La déformation dans la zone de cisaillement de l'Ailo Shan - Fleuve Rouge a d'abord été un décrochement senestre entre 34 et 17 Ma, qui a provoque un décalage de 500 km avec extrusion du bloc indochinois, ainsi que le métamorphisme et la formation des gneiss, dont les protolithes possibles sont nombreux et d'âges très variés, et des marbres, avec une foliation raide (figures 4 et 5) et une linéation horizontale (figures 5 et 6). Depuis 5 Ma, la faille (toujours active) est dextre avec une composante normale au niveau de Dali, ce qui a permis l'exhumation finale des roches des monts Diancang et la formation du bassin de Dali (figure 3).
Lorsque le marbre (clair) contient certains minéraux comme des micas (noirs), le contraste de couleur fait apparaître dans certains plans de la roche des formes étranges qui peuvent évoquer des montagnes, des nuages, des silhouettes humaines ou animales… d'où le nom de « pierre de rêve ». Les pierres de rêves sont collectionnées depuis plusieurs siècles en Chine. Des dalles de marbre de Dali de plusieurs tonnes ont même été transportées jusqu'à Pékin pour construire les escaliers monumentaux de la Cité interdite.
Le marbre est découpé à la scie simultanément en plusieurs tranches, l'ensemble étant continuellement arrosé d'eau pour le refroidir la scie. La découpe est réalisée selon un plan presque parallèle à la foliation du marbre ce qui accentue l'effet visuel des plis et permet de faire apparaître les formes sombres typiques des pierres de rêve. À noter que les géologues, pour faire des lames minces, ont l'habitude de faire exactement l'inverse : on découpe des lames perpendiculairement à la foliation pour bien observer les structures de déformation.
Les plaques résultantes seront ensuite redécoupées et polies pour donner les pierres de rêves des figures 10 à 12. Seuls les blocs présentant des variations de couleur sont ainsi découpés ; le marbre ayant une couleur uniforme, comme les blocs en bas à droite de la figure 7, est utilisé dans la construction.
Références
[1] P.H. Leloup, T.Mark Harrison, F. J. Ryerson, Chen Wenji, Li Qi, P. Tapponnier, R. Lacassin, 1993. Structural, petrological and thermal evolution of a Tertiary ductile strike-slip shear zone, Diancang Shan, Yunnan, Journal of Geophysical Research, 98, B4, 6715-6743, doi:10.1029/92JB02791
[2] P. Tapponnier, R. Lacassin, P.H. Leloup, U. Schärer, Zhong Dalai, Wu Haiwei, Liu Xiaohan, Ji Shaocheng, Zhang Lianshang, Zhong Jiayou, 1990. The Ailao Shan/Red River metamorphic belt: Tertiary left-lateral shear between Indochina and South China, Nature, 343, 431-437, doi:10.1038/343431a0